• Le Bon, la Brute et le Militant : un hommage à Toni Negri
    https://lundi.am/Le-Bon-la-Brute-et-le-Militant-un-hommage-a-Toni-Negri

    Trop jeunes pour en avoir été directement témoin, les années soixante-dix italiennes constituent l’un de nos derniers mythes. Consciemment ou non, la plupart de nos expériences de lutte, des squats aux places, se sont coulées dans les vestiges de ses répertoires fragmentaires, seule véritable collectivité que nous ayons connue.

    Le Negri que nous aimions était celui qui avait renoncé à une carrière universitaire prometteuse et confortable pour se changer en agitateur. Celui qui nous avait appris que la rage, la colère, le désespoir, la haine et l’aliénation que nous ressentions n’étaient rien d’autre que le désir fiévreux d’une vie et d’un monde différents, rien d’autre qu’une passion étrange et profonde pour nos camarades, rien d’autre qu’un dévouement total et obsessionnel au service de l’abolition des tyrannies du capital. C’est le Negri qui affirmait que ricominciare da capo non significa andare indietro (recommencer ne signifie pas reculer), transformant Potere Operaio en Autonomia, établissant une méthode de rupture qui célébrait le refus prolétarien de la mémoire mélancolique et institutionnelle de la gauche. C’est le Negri qui a vu dans chaque concept de l’économie vulgaire une catégorie de l’antagonisme. C’est le Negri qui nous a montré la dignité, l’ardeur et la joie inhérentes à la lutte, échappant au cynisme critique. C’est le Negri qui a pris au pied de la lettre l’affirmation de Marx selon laquelle le communisme est « mouvement réel d’abolition [de l’état actuel] », en saisissant comment les moments de lutte étaient aussi des moments de communion et, par conséquent, des exemples de quelque chose à venir.

    Le Negri que nous avons rejeté, avec un empressement réservé à ceux que l’on aime, était le Negri de la chasse sisyphéenne au prochain sujet collectif, chaque nouvelle hypothèse se dissolvant en fumée, l’une après l’autre. C’est le Negri qui affirmait que chaque nouvelle tendance sociale était une nouvelle expression de « résistance », sans jamais vraiment expliquer pourquoi ni comment. C’est le Negri qui a transformé le post-opéraïsme en une sociologie insipide. C’est le Negri de l’Union européenne, le Negri du revenu de base universel, le Negri constituant, le Negri démocratique, le Negri accélérationniste, etc.

    Mais il n’y a, en réalité, pas d’opposition entre le Negri cagoulé et le Negri citoyen. Après sa mort, nous devons admettre, en toute honnêteté, qu’une telle distinction était notre propre invention. Negri était parfaitement cohérent. La continuité de sa pensée résidait dans la manière dont son optimisme beckettien était intrinsèquement tissé dans son travail philosophique et politique.

    https://seenthis.net/messages/1032920
    https://seenthis.net/messages/1032212

    #Toni_Negri #antagonisme

    • avec une note de la rédaction de Lundi matin qui va bien...

      Le Spectacle et le Biopouvoir auront atteint un degré d’intégration inégalé dans nos vies – dont le confinement est le signe et l’accélération synthétique (santé et distantiel)

      pour un texte tout à fait contemporain, croyant discerner dans

      une passion étrange et profonde pour nos camarades

      le marqueur ’indubitable du communisme.

      #bouffons

  • 25,000 deaths in Gaza: Why the destruction of this war exceeds that of other major conflicts | International | EL PAÍS English
    https://english.elpais.com/international/2024-01-22/25000-deaths-in-gaza-why-the-destruction-of-this-war-exceeds-that-of
    https://images.english.elpais.com/resizer/g54kIQzkI37BZMCURCtQDMdjOtM=/1200x0/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/prisa/4FFDVL6IZZBL7PZ4ZE64F26EYE.JPG

    During the month with the highest number of fatalities in Ukraine, there were 38 a day

    In Syria (2014-2023) there were 45 deaths a day

    Between 2003 and 2011 in Iraq there were 38 daily victims

    During the first month, there were 238 deaths a day

    In Gaza, in 105 days there have been over 239 fatalities each day

    During the first month, there were 330 deaths a day

    Those conflicts lasted longer (the first invasion of Iraq, eight years) and resulted in hundreds of thousands of deaths. The one in Gaza is still at the beginning and there are no signs of it ending in the near future.

    [..,]

    At the start of the war, military spokesman Daniel Hagari admitted that the “emphasis” of bombing was on damage, not precision. U.S. intelligence services estimate that about half of the munitions Israel has dropped from the air are unguided.

    Another difference with previous conflicts lies in the use of artificial intelligence. The previous Chief of the General Staff, Aviv Kojavi, pointed out last year that the new data system generates 100 potential targets daily, when before there were 50 in a year.

    No safe zones

    Among those killed in Gaza, there is no way to distinguish between Hamas militiamen and civilians, but the death toll has been contrasted and verified in several international scientific studies (such as this one from The Lancet). In addition, there is a very high percentage of women and children, who are unlikely to be militiamen, among the victims.

    The figures are partly explained by the demographics of Gaza, where one in two people is underage: it is sadly logical that in an indiscriminate bombing one in two victims would be a child.

    • Le Hamas donne sa version des faits sur l’attaque du 7 octobre et estime que « des erreurs ont peut-être été commises »

      https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/21/le-hamas-affirme-que-l-attaque-du-7-octobre-etait-une-etape-necessaire-et-re

      Selon le Hamas, l’opération « déluge d’Al-Aqsa » était « une étape nécessaire » et une « réponse normale » face à « tous les complots israéliens contre le peuple palestinien ». « Des erreurs ont peut-être été commises lors de la mise en œuvre de l’opération, en raison de l’effondrement soudain de l’appareil sécuritaire et militaire le long de la frontière entre Israël et la bande de Gaza », assure l’organisation considérée comme terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël.

      « Eviter de porter atteinte aux civils, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées est une obligation religieuse et morale des combattants des Brigades Al-Qassam », poursuit le Hamas, en mentionnant sa branche armée, et insiste « avoir fait de son mieux pour éviter de toucher des civils », malgré le bilan de 1 140 morts.

      [...]

      Dans son rapport, le mouvement islamiste demande également « l’arrêt immédiat de l’agression israélienne de Gaza, des meurtres et du nettoyage ethnique commis contre l’ensemble de la population de Gaza ».

      Aussi, il déclare rejeter « catégoriquement tout projet international ou israélien visant à décider de l’avenir de la bande de Gaza », affirmant que le « peuple palestinien » peut « décider de son avenir et organiser ses affaires internes » en insistant sur le fait que « personne au monde » n’a le droit de décider pour lui.

    • 1. Operation Al-Aqsa Flood on Oct. 7 targeted the Israeli military sites, and sought to arrest the enemy’s soldiers to pressure on the Israeli authorities to release the thousands of Palestinians held in Israeli jails through a prisoners exchange deal. Therefore, the operation focused on destroying the Israeli army’s Gaza Division, the Israeli military sites stationed near the Israeli settlements around Gaza.

      2. Avoiding harm to civilians, especially children, women and elderly people is a religious and moral commitment by all the Al-Qassam Brigades’ fighters. We reiterate that the Palestinian resistance was fully disciplined and committed to the Islamic values during the operation and that the Palestinian fighters only targeted the occupation soldiers and those who carried weapons against our people. In the meantime, the Palestinian fighters were keen to avoid harming civilians despite the fact that the resistance does not possess precise weapons. In addition, if there was any case of targeting civilians; it happened accidently and in the course of the confrontation with the occupation forces.

    • 3. Maybe some faults happened during Operation A-Aga Flo’s implementation due to the rapid collapse of the Israeli security and military system, and the chaos caused along the border areas with Gaza.
      As attested by many, the Hamas Movement dealt in a positive and kind manner with all civilians who have been held in Gaza, and sought from the earliest days of the aggression to release them, and that’s what happened during the week-long humanitarian truce where those civilians were released in exchange of releasing Palestinian women and children from Israeli jails.

      4. What the Israeli occupation promoted of allegations that the Al-Qassam Brigades on Oct.7 were targeting Israeli civilians are nothing but complete lies and fabrications. The source of these allegations is the Israeli official narrative and no independent source proved any of them. It is a well-known fact that the Israeli official narrative had always sought to demonize the Palestinian resistance, while also legalizing its brutal aggression on Gaza. Here are some details that go against the Israeli allegations:
      • Video clips taken on that day - Oct. 7 - along with the testimonies by Israelis themselves that were released later showed that the Al-Qassam Brigades’ fighters didn’t target civilians, and many Israelis were killed by the Israeli army and police due to their confusion.
      • It has also been firmly refuted the lie of the “40 beheaded babies” by the Palestinian fighters, and even Israeli sources denied this lie. Many of the western media agencies unfortunately adopted this allegation and promoted it.
      • The suggestion that the Palestinian fighters committed rape against Israeli women was fully denied including by the Hamas Movement. A report by the Mondoweiss news website on Dec. 1, 2023, among others, said there is lack of any evidence of “mass rape” allegedly perpetrated by Hamas members on Oct. 7 and that Israel used such allegation to fuel the genocide in Gazai

    • I According to two reports by the Israel Yedloth Ahronoth newspaper on Oct 10 and the Haaretz newspaper on Nov. 18, many Israeli civilians were killed by an Israeli military helicopter especially those who were in the Nova music festival near Gaza where 364 Israeli civilians were killed. The two reports said the Hamas fighters reached the area of the festival without any prior knowledge of the festival, where the Israeli helicopter opened fire on both the Hamas fighters and the participants in the festival. The Yedioth Ahronoth also said the Israeli army, to prevent further infiltrations from Gaza and to prevent any Israelis being arrested by the Palestinian fighters, struck over 300 targets in areas surrounding the Gaza Strip.

      • Other Israeli testimonies confirmed that the Israeli army raids and soldiers’ operations killed many Israeli captives and their captors. The Israeli occupation army bombed the houses in the Israeli settlements where Palestinian fighters and Israelis were inside in a clear application of the Israeli army notorious “Hannibal Directive” which clearly says that “better a dead civilian hostage or soldier than taken alive” to avoid engaging in a prisoners swap with the Palestinian resistance.

      • Furthermore, the occupation authorities revised the number of their killed soldiers and civilians from 1,400 to 1,200, after finding that 200-burnt corpses had belonged to the Palestinian fighters who were killed and mixed with Israeli corpses. This means that the one who killed the fighters is the one who killed the Israelis, knowing that only the Israeli army possesses military planes that killed, burned and destroyed Israeli areas on Oct. 7.

      • The Israeli heavy aerial raids across Gaza that led to the death of nearly 60 Israeli captives also prove that the Israeli occupation does not care about the life of their captives in Gaza.

      5. It is also a matter of fact that a number of Israeli settlers in settlements around Gaza were armed, and clashed with Palestinian fighters on Oct. 7. Those settlers were registered as civilians while the fact is they were armed men fighting alongside the Israeli army.

      6. When speaking about Israeli civilians, it must be known that conscription applies to all Israelis above the age of 18 - males who served 32 months of military service and females who served 24 months - where all can carry and use arms. This is based on the Israeli security theory of an “armed people” which turned the Israeli entity into "an army with a country attached.*

    • Hamas : les raisons de l’offensive du 7 octobre
      22 janvier 2024 | Par Al-Mayadeen
      https://www.chroniquepalestine.com/hamas-raisons-offensive-7-octobre

      L’opération « Déluge d’al-Aqsa » était une étape nécessaire et une réponse attendue pour faire face à tous les complots israéliens contre le peuple palestinien et sa cause ; c’était une action défensive dans le cadre de l’élimination de l’occupation israélienne de la Palestine, de la récupération des droits palestiniens et de la voie vers la libération et l’indépendance comme tous les peuples du monde, a déclaré le mouvement de résistance palestinien Hamas.

      Téléchargez le document complet, version anglaise .pdf

      Le Hamas a publié dimanche 21 janvier un mémorandum intitulé : « Notre récit… L’Opération Déluge d’Al-Aqsa », dans lequel le mouvement de la Résistance explique les raisons de l’opération du 7 octobre et les motifs qui la sous-tendent, ainsi que son contexte général concernant la cause palestinienne, tout en démystifiant le récit israélien et les accusations portées contre la Résistance palestinienne.

      Le mouvement de la Résistance a expliqué qu’il y avait une multitude de raisons qui l’ont poussé à mener cette opération, notamment :

      Les plans israéliens de juadisation de la mosquée al-Aqsa et les tentatives de la diviser.
      Les actions du gouvernement israélien extrémiste et de droite, qui prend des mesures concrètes pour usurper la totalité de la Cisjordanie et d’Al-Qods occupée, tout en prévoyant d’expulser les Palestiniens de leurs maisons.
      Les milliers de Palestiniens injustement détenus par l’occupation israélienne et privés de leurs droits les plus élémentaires dans un contexte d’agressions et d’humiliations extrêmes.
      L’injuste blocus aérien, maritime et terrestre imposé à la bande de Gaza depuis 17 ans.
      L’expansion sans précédent des colonies israéliennes en Cisjordanie.
      Les escalades et les violences quotidiennes perpétrées par les colons contre les Palestiniens.
      Les sept millions de Palestiniens déplacés qui vivent dans des conditions horribles dans des camps de réfugiés et qui souhaitent retourner sur leurs terres.
      L’incapacité de la communauté internationale à créer un État palestinien et la complicité des grandes puissances pour empêcher la création d’un tel État. (...)

    • Bien avant Septembre noir, ou Sabra et Chatila, on savait que l’une des principales difficultés palestinienne est de ne pas oser se décider à contraindre les états arabes de manière à ce que l’idée d’un état israélien encerclé par des masses arabes devienne une réalité tangible, ne laissant que le choix de négocier réellement avec les palestiniens. Le coche a été loupé dès les années 70 avec le choix de sacrifier toute révolution sociale au nom d’une révolution nationale dans un seul pays (ornière du panarabisme), la Palestine, alors même que la diaspora palestinienne était en mesure de bloquer une part de la production de pétrole arabe.

      On a mendié le soutien sous couvert d’une fallacieuse idéologie.

      De ce choix de la faiblesse a découlé le fait que le seul soutien actuel à la cause palestinienne soit non seulement perse (!) mais mu par le fondamentalisme religieux le plus réactionnaire, instrument de pouvoir de la néo bourgeoisie fasciste des mollahs en Iran.

      #Hamas #propagande

    • Récit du Hamas sur le 7-Octobre : « Un mélange de justifications assez honnêtes et de mauvaise foi »
      Publié le : 22/01/2024 - RFI
      https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20240122-r%C3%A9cit-du-hamas-sur-le-7-octobre-un-m%C3%A9lange-de-justifications-

      « Déluge d’al-Aqsa : notre récit ». Tel est le titre du document diffusé par le Hamas palestinien dimanche 21 janvier. Sur une quinzaine de pages, le mouvement islamiste reconnait des « erreurs » ayant provoqué la mort de civils lors des attaques du 7 octobre 2023, dans des localités israéliennes proches de la bande de Gaza. L’opération était « une étape nécessaire », affirme-t-il, en appelant à la justice internationale et rejetant toute formule politique qui serait élaborée sans les Palestiniens eux-mêmes. Spécialiste de la Palestine au centre de recherche Noria, Xavier Guignard analyse ce document pour RFI. (...)

  • Un long article de synthèse sur un débat en cours : jusqu’à quel point la société française actuelle est-elle marquée par des legs coloniaux ? A retenir, notamment, les noms et analyses des philosophes Souleymane Bachir Diagne et Nadia Yala Kisukidi.
    (la suite de l’article est à lire en vous connectant au site du Monde)

    Comment la question coloniale trouble les sociétés occidentales
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/comment-la-question-coloniale-trouble-les-societes-occidentales_6211842_3232

    Comment la question coloniale trouble les sociétés occidentales
    Par Nicolas Truong, le 19 janvier 2024

    Si l’histoire des colonisations se renouvelle en France, ses approches théoriques restent déconsidérées par une frange de l’opinion qui en refuse les conclusions et les réduit à leurs aspects les plus controversés.

    C’est une histoire qui travaille les mémoires. Un passé qui pèse sur le présent. La question coloniale ne cesse de hanter la politique nationale. A croire que chaque fracture française réveille ce passé qui a encore du mal à passer. Dans certaines de ses anciennes colonies, notamment africaines, où la France est conspuée et même chassée de pays longtemps considérés comme des prés carrés. Dans ses banlieues paupérisées au sein desquelles les émeutes contre les violences policières ravivent le sentiment du maintien d’une ségrégation sociale, spatiale et raciale héritée de la période coloniale. Dans des stades où La Marseillaise est parfois sifflée.

    Une histoire qui s’invite jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale, où l’usage du terme « métropole » pour désigner la France continentale sans les territoires d’outre-mer est désormais rejeté, car considéré comme colonialiste. Et jusqu’à l’Elysée : après avoir affirmé, lors de la campagne présidentielle de 2017, que la colonisation était un « crime contre l’humanité » qui appartient à un « passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », Emmanuel Macron a finalement estimé, en 2023, qu’il n’avait « pas à demander pardon ». Un ravisement contemporain d’un ressassement idéologique et médiatique permanent contre la « repentance », la « haine de soi » et l’« autoflagellation ».

    Cependant, il semble difficile pour une société d’éviter les sujets qui finissent inexorablement par s’imposer. Il en va de la colonisation comme de la collaboration. La génération Mitterrand et les années Chirac ont été ponctuées par des révélations, débats et discours marquants liés à la période du gouvernement de Vichy. La France d’Emmanuel Macron n’échappe pas à l’actualité de l’histoire de ses anciennes colonies. Car « le passé colonial est partout », résume l’historien Guillaume Blanc, l’un des quatre coordinateurs de Colonisations. Notre histoire, ouvrage collectif dirigé par Pierre Singaravélou (Seuil, 2023).

    (...).

    #colonisation #colonialité #racisme #antiracisme #émancipation #universalisme

    • Suite de l’article :

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/comment-la-question-coloniale-trouble-les-societes-occidentales_6211842_3232

      « Le colonialisme n’est pas achevé »

      Au Sahel, la présence de la France est devenue indésirable. Bien sûr, la stratégie africaine de la Chine comme l’emprise de la Russie, à travers les milices privées du Groupe Wagner, n’y sont pas étrangères. Mais « il faut souligner l’épaisseur historique de ce sentiment », insiste Guillaume Blanc. L’histoire de cette réprobation est « à la fois récente et ancienne », ajoute-t-il, en référence aux analyses d’Ousmane Aly Diallo, chercheur à Amnesty International, selon qui les interventions militaires de la France dans ses anciennes colonies en Afrique – près de cinquante depuis 1960 – ont pérennisé « l’hégémonie française dans ces espaces ». Ainsi, à partir de 2022, lorsque l’armée française quitte le Mali et le Burkina Faso et se replie au Niger, « elle a beau dire y lutter contre le djihadisme, les populations y voient une ingérence française de plus », constate Guillaume Blanc.

      Cette histoire est également plus ancienne et « nous ramène notamment aux années 1950 », explique-t-il, à la lumière des apports de l’historienne Gabrielle Hecht : c’est à cette époque, selon elle, que la France a construit sa prétendue « indépendance énergétique » en exploitant l’uranium du Gabon et du Niger. En échange de prix avantageux, la France soutenait les dirigeants gabonais et nigériens au pouvoir.
      Lire aussi la tribune | Article réservé à nos abonnés « La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles »

      C’est pourquoi « les sociétés africaines sont des sociétés postcoloniales, tout simplement au sens où le passé colonial pèse encore sur le présent », observe Guillaume Blanc, qui estime que « la France est, elle aussi, une société postcoloniale ». En effet, rappelle le philosophe Souleymane Bachir Diagne, l’Organisation des Nations unies (ONU) considère toujours que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont des territoires « non autonomes », ce qui signifie que leurs populations « ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes ». Pour le professeur d’études francophones à l’université Columbia (New York), « cela veut dire que la majorité des nations qui composent l’ONU, et qui pour la plupart ont conquis leur souveraineté contre le colonialisme, estime que le mouvement des décolonisations, qui a défini l’histoire du XXe siècle, n’est pas achevé ».

      Souleymane Bachir Diagne rappelle une situation encore assez méconnue. Car si les recherches sur les colonisations et décolonisations sont nombreuses, novatrices et fécondes, la diffusion de ces savoirs reste parcellaire. Afin d’enseigner l’histoire de la colonisation et aussi « combattre les clichés », Guillaume Blanc, maître de conférences à l’université Rennes-II, trouve « assez utile » de partir des chansons, des bandes dessinées ou des films lors de ses cours sur les sociétés africaines et asiatiques du XIXe au XXIe siècle. Dans les amphithéâtres, l’auteur de Décolonisations (Seuil, 2022) n’hésite pas à diffuser le tube de Michel Sardou Le Temps des colonies (1976), où l’on entend : « Y a pas d’café, pas de coton, pas d’essence en France, mais des idées, ça on en a. Nous on pense », ou à évoquer certains albums d’Astérix « qui parlent de “nègres” aux lèvres protubérantes et ne sachant ni lire ni écrire ».

      La popularité du couscous

      D’autres contributeurs de Colonisations, comme la linguiste et sémiologue Marie Treps, s’attachent à l’actualité des « mots de l’insulte », comme « bougnoul », emprunté à la langue wolof où il signifie « noir », apparu au Sénégal à la fin du XIXe siècle, terme vernaculaire transformé en sobriquet « lourdement chargé de mépris » qui désigne désormais « un étranger de l’intérieur ». Les experts du fait colonial mobilisent l’analyse des objets ou de la cuisine – avec la popularité du couscous ou du banh mi – mais aussi du paysage urbain, comme le géographe Stéphane Valognes, qui montre la façon dont les rues de Cherbourg (Manche) portent encore les traces de la conquête coloniale, avec ses maisons de style néomauresque et ses rues estampillées du nom d’anciens généraux coloniaux. Sans oublier le palais de l’Elysée, à Paris, ancien hôtel particulier financé pour la monarchie par Antoine Crozat (1655-1738), qui bâtit sa fortune, dans les années 1720, grâce à la traite transatlantique, après avoir obtenu le monopole de la fourniture en esclaves de toutes les colonies espagnoles.

      « Si l’histoire de la colonisation est bien connue des spécialistes, en revanche, en France, il y a encore un refus de voir ce que fut la colonisation », estime Guillaume Blanc, qui trouve « aberrant » d’entendre encore des hommes politiques et certains médias évoquer les routes et les écoles que la France aurait « amenées » dans ses colonies : « Sans le travail forcé, la mort et la sueur des Congolais, des Malgaches ou des Vietnamiens, il n’y aurait jamais eu de routes. Quant à l’école, les petits garçons et les petites filles colonisés n’y allaient tout simplement pas : l’enseignement était réservé à une élite restreinte, et la France n’a jamais eu l’intention de scolariser les millions d’enfants qu’elle colonisait. »

      Nous vivons un moment postcolonial parce que notre époque est postérieure à l’ère des grandes colonisations – d’où le préfixe « post » – mais aussi, selon certains chercheurs, parce qu’il convient d’analyser ce passé qui pèse sur le présent en dépassant les anciennes dichotomies forgées aux temps des colonies. Notamment celles entre Orient et Occident, centre et périphérie ou civilisation et barbarie. « Postcolonial » est ainsi à la fois le marqueur d’une période historique et la désignation d’un mouvement théorique : après la critique du « néocolonialisme » des années 1960-1970, à savoir de l’emprise occidentale encore manifeste au cœur des nouvelles nations indépendantes, les études postcoloniales – postcolonial studies – émergent à la fin des années 1970. Elles prennent leur essor dans les années 1980 sur les campus américains et s’attachent à montrer comment les représentations et les discours coloniaux, en particulier ceux de la culture, ont établi une différence radicale entre les colonisés et le monde occidental, notamment forgé sur le préjugé racial.

      Publié en 1978, L’Orientalisme, ouvrage de l’écrivain palestino-américain Edward Said (1935-2003) consacré à la façon dont un Orient fantasmé a été « créé » par l’Occident (Seuil, 1980), est considéré comme l’un des premiers jalons du courant postcolonial, même s’il n’en revendique pas le terme. Au cours d’une déconstruction des représentations et clichés véhiculés sur l’Orient depuis le siècle des Lumières, ce défenseur lettré de la cause palestinienne assure que « le trait essentiel de la culture européenne est précisément ce qui l’a rendue hégémonique en Europe et hors de l’Europe : l’idée d’une identité européenne supérieure à tous les peuples et à toutes les cultures qui ne sont pas européens ». Se réclamant d’un « humanisme » qui ne se tient pas « à l’écart du monde », cet ancien professeur de littérature comparée à l’université Columbia estimait dans une nouvelle préface publiée en 2003, en pleine guerre en Irak à laquelle il était opposé, que « nos leaders et leurs valets intellectuels semblent incapables de comprendre que l’histoire ne peut être effacée comme un tableau noir, afin que “nous” puissions y écrire notre propre avenir et imposer notre mode de vie aux peuples “inférieurs” ».
      « La continuation du rapport de domination »

      La pensée postcoloniale fut largement inspirée par les subaltern studies, courant né en Inde dans les années 1970, autour de l’historien Ranajit Guha (1923-2023), études consacrées aux populations à la fois minorées par la recherche et infériorisées dans les sociétés récemment décolonisées. Une volonté de faire « l’histoire par le bas », selon les termes de l’universitaire britannique Edward Palmer Thompson (1924-1993), une façon de rompre avec l’idée d’un progrès historique linéaire qui culminerait dans l’Etat-nation, une manière de réhabiliter des pratiques et des savoirs populaires mais aussi d’exercer une critique des élites indiennes souvent constituées en mimétisme avec l’ancienne bourgeoisie coloniale.

      L’ambition des intellectuels postcoloniaux est assez bien résumée par l’Indien Dipesh Chakrabarty, professeur d’histoire, de civilisations et de langues sud-asiatiques à l’université de Chicago : il s’agit de désoccidentaliser le regard et de Provincialiser l’Europe (Amsterdam, 2009). L’Europe n’est ni le centre du monde ni le berceau de l’universel. Incarnée par des intellectuels comme la théoricienne de la littérature Gayatri Chakravorty Spivak ou l’historien camerounais Achille Mbembe, cette approche intellectuelle « vise non seulement à penser les effets de la colonisation dans les colonies, mais aussi à évaluer leur répercussion sur les sociétés colonisatrices », résume l’historien Nicolas Bancel (Le Postcolonialisme, PUF, 2019).
      Lire aussi l’enquête (2020) : Article réservé à nos abonnés « Racisé », « racisme d’Etat », « décolonial », « privilège blanc » : les mots neufs de l’antiracisme

      L’empreinte de l’époque coloniale n’est pas seulement encore présente à travers des monuments ou les noms des rues, elle l’est aussi dans les rapports sociaux, les échanges économiques, les arts ou les relations de pouvoir. Car une partie de ses structures mentales se serait maintenue. « La fin du colonialisme n’est pas la fin de ce que l’on appelle la “colonialité” », explique Souleymane Bachir Diagne. Forgé au début des années 1990 par le sociologue péruvien Anibal Quijano (1928-2018), ce terme désigne un régime de pouvoir économique, culturel et épistémologique apparu à l’époque moderne avec la colonisation et l’essor du capitalisme mercantile mais qui ne s’achève pas avec la décolonisation.

      La colonialité, c’est « la continuation du rapport de domination auquel les décolonisations sont censées mettre fin », poursuit Souleymane Bachir Diagne. « Et les jeunes ont une sensibilité à fleur de peau à ces aspects », relève-t-il, en pensant notamment aux altercations entre policiers et adolescents des « quartiers ». Pour le philosophe, une définition « assez éclairante de cette colonialité structurelle » a été donnée par le poète et homme d’Etat sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001), selon qui « l’ordre de l’injustice qui régit les rapports entre le Nord et le Sud » est un ordre fondé sur « le mépris culturel ». Ainsi, poursuit l’auteur du Fagot de ma mémoire (Philippe Rey, 2021), « on peut se demander si les populations “issues de l’immigration” dans les pays du “Nord” ne constituent pas une sorte de “Sud” dans ces pays ».

      « Le concept de colonialité ouvre des réflexions fécondes », renchérit la philosophe Nadia Yala Kisukidi, maîtresse de conférences à l’université Paris-VIII. Loin du terme « néocolonialisme » qui réduit la domination à une cause unique, la colonialité permet « d’articuler les formes de la domination politico-économique, ethnoraciale, de genre, culturelle et psychosociale, issues du monde colonial et de déceler leur continuation dans un monde qu’on prétend décolonisé. Ce qui permet de dire que, dans un grand nombre de cas, les décolonisations apparaissent comme des processus inachevés », poursuit l’autrice de La Dissociation (Seuil, 2022).

      Souleymane Bachir Diagne insiste sur le fait que Léopold Sédar Senghor, en « grand lecteur de Jean Jaurès », croyait comme le fondateur du journal L’Humanité en un monde où « chaque nation enfin réconciliée avec elle-même » se verrait comme « une parcelle » de cette humanité solidaire qu’il faut continûment travailler à réaliser. « Mais pour cela il faut combattre la colonialité, le mépris culturel, l’ordre de l’injustice. D’un mot : il faut décoloniser. L’impensé colonial existe : il consiste à ignorer la colonialité. »
      Universalisme eurocentré

      C’est ainsi que l’approche décoloniale, nouveau paradigme apparu dans les années 1990, est venue s’ajouter aux études postcoloniales autour de cette invitation à « décoloniser ». Née en Amérique du Sud au sein d’un groupe de recherche intitulé Modernité/Colonialité, la pensée décoloniale se donne notamment comme ambition de décoloniser les savoirs. Et de revisiter l’histoire. C’est pourquoi, selon ce courant théorique, la date capitale de la domination occidentale est 1492, le moment où Christophe Colomb ne « découvre » pas l’Amérique, mais l’« envahit ». C’est la période lors de laquelle naît la modernité par « l’occultation de l’autre », explique le philosophe et théologien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023). Un moment où la « reconquête » menée par la chrétienté expulsa les musulmans de la péninsule Ibérique et les juifs d’Espagne. Ainsi, une « désobéissance épistémique » s’impose, enjoint le sémiologue argentin Walter Mignolo, afin de faire éclore des savoirs alternatifs à une conception de l’universalisme jugée eurocentrée.

      Tous les domaines politiques, sociaux, économiques et artistiques peuvent être analysés, réinvestis et repolitisés à l’aide de cette approche décoloniale, à la fois savante et militante. L’écologie est notamment l’un des nombreux thèmes investis, car « la double fracture coloniale et environnementale de la modernité » permet de comprendre « l’absence criante de Noirs et de personnes racisées » dans les discours sur la crise écologique, assure l’ingénieur en environnement caribéen Malcom Ferdinand dans Une écologie décoloniale (Seuil, 2019). « Faire face à la tempête écologique, retrouver un rapport matriciel à la Terre requiert de restaurer les dignités des asservis du navire négrier tout autant que celles du continent africain », écrit Malcom Ferdinand.

      Partis d’Amérique latine, « ces travaux ont essaimé dans le monde entier », explique Philippe Colin, coauteur avec Lissell Quiroz de Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine (Zones, 2023). Dans les années 1990, les lectures partisanes des théories postcoloniales ont suscité des controverses dans l’espace public, notamment autour de la notion de « discrimination positive » et du « politiquement correct ». Une discorde qui se rejoue aujourd’hui, notamment avec les attaques menées par les néoconservateurs américains contre ce qu’ils appellent, de manière péjorative, la « cancel culture », cette culture dite « de l’annulation » censée être portée par un « maccarthysme de gauche » et même un « fascisme d’extrême gauche », résume d’un trait Donald Trump.
      Pensées « victimaires »

      Aux Etats-Unis, les études postcoloniales et décoloniales, « forgées dans une matrice marxiste au sein d’une diaspora d’intellectuels indiens, africains ou sud-américains enseignant dans les campus américains, se sont déployées d’abord dans le champ académique », précise Philippe Colin. Alors qu’en France, la réception de ces travaux s’est faite immédiatement de façon polémique. « Le concept a été revendiqué par le Parti des indigènes de la République à partir de 2015 de manière explicite, et cela a changé beaucoup les choses en France », analyse l’historien Pascal Blanchard. « Il est alors devenu une cible idéale pour ceux qui cherchaient un terme global pour vouer aux gémonies les chercheurs travaillant sur la colonisation », poursuit-il dans le livre collectif Les Mots qui fâchent. Contre le maccarthysme intellectuel (L’Aube, 2022).

      Dans L’Imposture décoloniale (L’Observatoire, 2020), l’historien des idées Pierre-André Taguieff se livre à une critique radicale de « l’idéologie postcoloniale et décoloniale, centrée sur la dénonciation criminalisante de la civilisation occidentale ». Une position que l’on retrouve également au sein de L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, un site Web dont les contributeurs alimentent régulièrement les dossiers à charge des médias en guerre contre le « wokisme ».
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le « wokisme », déconstruction d’une obsession française

      Les critiques ne viennent toutefois pas uniquement de la galaxie conservatrice, des sites de veille idéologique ou des sphères réactionnaires. Auteur d’un ouvrage critique sur Les Etudes postcoloniales. Un carnaval académique (Karthala, 2010), le politologue Jean-François Bayart leur reproche de « réifier le colonialisme » car, affirme-t-il, aujourd’hui, « le colonial n’est pas une essence mais un événement ». Par ailleurs, rappelle-t-il, « le colonialisme n’a pas été l’apanage des seuls Etats occidentaux ». Des chercheurs insistent également sur le fait que la colonisation est un fait historique pluriel et qu’il convient de tenir compte de la diversité des sociétés où elle s’est exercée. Or, la prise en compte des formes de pouvoir propres à chaque société anciennement colonisée serait parfois omise par les approches décoloniales.

      Auteur de L’Occident décroché (Fayard, 2008), l’anthropologue Jean-Loup Amselle estime que ce courant de pensée a « détrôné l’Occident de sa position de surplomb, ce qui est une bonne chose, mais a entraîné des effets pervers », puisque, selon lui, elle reprend parfois à son compte « les stigmates coloniaux en tentant d’en inverser le sens ». Sur le site Lundimatin, l’essayiste Pierre Madelin critique, lui, les travers du « campisme décolonial » notamment apparu après le déclenchement de la guerre en Ukraine, à l’occasion de laquelle, dit-il, « plusieurs figures de proue des études décoloniales » ont convergé vers la rhétorique anti-occidentale de Vladimir Poutine.

      Procès en relativisme

      Comme toute théorie, ces approches postcoloniales et décoloniales sont critiquables, estime Nicolas Bancel, « mais à partir de textes, de positions théoriques et épistémologiques, et non à partir de tribunes maniant l’invective, la désinformation, la dénonciation ad hominem, sans que leurs auteurs sachent rien de la réalité et de l’importance de ce champ intellectuel », juge-t-il. D’ailleurs, prolonge Nadia Yala Kisukidi, au-delà de l’université, les termes « décolonial » ou « postcolonial », dans le débat public français, « fonctionnent comme des stigmates sociaux, pour ne pas dire des marqueurs raciaux. Loin de renvoyer à des contenus de connaissance ou, parfois, à des formes de pratiques politiques spécifiques, ils sont mobilisés pour cibler un type d’intellectuel critique, souvent non blanc, dont les positionnements théoriques et/ou politiques contribueraient à briser la cohésion nationale et à achever le déclassement de l’université française. Comme si le mythe de la “cinquième colonne” avait intégré le champ du savoir ». D’autant que « décoloniser n’est pas un mot diabolique », relève le sociologue Stéphane Dufoix (Décolonial, Anamosa, 2023)

      Un reproche résume tous les autres : celui du procès en relativisme. Une critique qui est le point de discorde de tous les débats qui opposent de façon binaire l’universalisme au communautarisme. Or, cette querelle a presque déjà été dépassée par deux inspirateurs historiques de ces mouvements postcoloniaux et décoloniaux : Aimé Césaire (1913-2008) et Frantz Fanon (1925-1961). Dans sa Lettre à Maurice Thorez, publiée en 1956, dans laquelle il explique les raisons de sa démission du Parti communiste français, à qui il reproche le « chauvinisme inconscient » et l’« assimilationnisme invétéré », le poète martiniquais Aimé Césaire expliquait qu’« il y a deux manières de se perdre : par la ségrégation murée dans le particulier ou par la dilution dans l’“universel” ».

      Aimé Césaire a dénoncé « un universalisme impérial », commente Souleymane Bachir Diagne, auteur de De langue à langue (Albin Michel, 2022). Mais, dans le même temps, « il a refusé avec force de s’enfermer dans le particularisme ». Au contraire, poursuit le philosophe, Césaire « a indiqué que s’il a revendiqué la “négritude”, c’était pour “contribuer à l’édification d’un véritable humanisme”, l’“humanisme universel”, précise-t-il, “car enfin il n’y a pas d’humanisme s’il n’est pas universel” ». Des propos que le Frantz Fanon des dernières pages de Peau noire, masques blancs (Seuil, 1952) « pourrait s’approprier », estime Souleymane Bachir Diagne.

      Ces exemples remettent en cause l’idée selon laquelle les études, réflexions et théories actuelles sur le fait colonial, postcolonial ou décolonial seraient des importations venues des campus américains et issues du seul frottement des études subalternes avec la French Theory, du tiers-monde et de la déconstruction. « Il n’est donc tout simplement pas vrai que les penseurs du décolonial soient unanimement contre l’universel », déclare Souleymane Bachir Diagne, qui, loin de tous les impérialismes et réductionnismes, appelle à « universaliser l’universel ».

      Nicolas Truong

    • « La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles », Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, historiens

      L’#histoire_coloniale est désormais à l’agenda des débats publics. Et si les débats sont très polarisés – entre les tenants d’une vision nostalgique du passé et les apôtres du déclin (de plus en plus entendus, comme le montre la onzième vague de l’enquête « Fractures françaises ») et les décoloniaux les plus radicaux qui assurent que notre contemporanéité est tout entière issue de la période coloniale –, plus personne en vérité ne met aujourd’hui en doute l’importance de cette histoire longue, en France, de cinq siècles.

      Loin des conflits mémoriaux des extrémistes, l’opinion semble partagée entre regarder en face ce passé ou maintenir une politique d’amnésie, dont les débats qui accompagnèrent les deux décrets de la loi de 2005 sur les « aspects positifs de la #colonisation » furent le dernier moment d’acmé. Vingt ans après, les politiques publiques sur le sujet sont marquées par… l’absence de traitement collectif de ce passé, dont l’impossible édification d’un musée colonial en France est le symptôme, au moment même où va s’ouvrir la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

      Si l’histoire coloniale n’est pas à l’origine de l’entièreté de notre présent, ses conséquences contemporaines sont pourtant évidentes. De fait, les récents événements au Niger, au Mali et au Burkina Faso signent, selon Achille Mbembe, la « seconde décolonisation », et sont marqués par les manifestations hostiles à la #France qui témoignent bien d’un désir de tourner la page des relations asymétriques avec l’ancienne métropole. En vérité, malgré les assurances répétées de la volonté des autorités françaises d’en finir avec la « Françafrique », les actes ont peu suivi les mots, et la page coloniale n’a pas véritablement été tournée.

      Relation toxique

      La France souffre aussi d’une relation toxique avec les #immigrations postcoloniales et les #quartiers_populaires, devenus des enjeux politiques centraux. Or, comment comprendre la configuration historique de ces flux migratoires sans revenir à l’histoire coloniale ? Comment comprendre la stigmatisation dont ces populations souffrent sans déconstruire les représentations construites à leur encontre durant la colonisation ?

      Nous pourrions multiplier les exemples – comme la volonté de déboulonner les statues symboles du passé colonial, le souhait de changer certains noms de nos rues, les débats autour des manuels scolaires… – et rappeler qu’à chaque élection présidentielle la question du passé colonial revient à la surface. C’est très clairement le dernier « tabou » de l’histoire de France des XIXe et XXe siècles.

      Ces questions, la France n’est pas seule nation à se les poser. La plupart des anciennes métropoles coloniales européennes sont engagées dans une réflexion et dans une réelle dynamique. En Belgique, le poussiéreux Musée de Tervuren, autrefois mémoire d’une histoire coloniale chloroformée, a fait peau neuve en devenant l’AfricaMuseum. Complètement rénové, il accueille aujourd’hui une programmation ambitieuse sur la période coloniale et ses conséquences. Une commission d’enquête nationale (transpartisane) a par ailleurs questionné le passé colonial.

      En France, le silence

      En Allemagne, outre le fait que les études coloniales connaissent un développement remarquable, plusieurs expositions ont mis en exergue l’histoire coloniale du pays. Ainsi le Münchner Stadtmuseum a-t-il proposé une exposition intitulée « Decolonize München » et le Musée national de l’histoire allemande de Berlin consacré une exposition temporaire au colonialisme allemand en 2017. Et, si le Humboldt Forum, au cœur de Berlin, fait débat pour son traitement du passé colonial et la présentation des collections provenant du Musée ethnologique de Berlin, la question coloniale est à l’agenda des débats publics de la société allemande, comme en témoigne la reconnaissance officielle du génocide colonial en Namibie.

      En Angleterre, le British Museum consacre une partie de son exposition permanente à cette histoire, alors que l’#esclavage colonial est présenté à l’International Slavery Museum à Liverpool. Aux Pays-Bas, le Tropenmuseum, après avoir envisagé de fermer ses portes en 2014, est devenu un lieu de réflexion sur le passé colonial et un musée en première ligne sur la restitution des biens culturels. Au Danemark, en Suisse (où l’exposition « Helvécia. Une histoire coloniale oubliée » a ouvert ses portes voici un an au Musée d’ethnologie de Genève, et où le Musée national suisse a programmé en 2024 une exposition consacrée au passé colonial suisse), au Portugal ou en Italie, le débat s’installe autour de l’hypothèse d’une telle institution et, s’il est vif, il existe. Et en France ? Rien. Le silence…

      Pourtant, le mandat d’Emmanuel Macron faisait espérer à beaucoup d’observateurs un changement de posture. Quoi que l’on pense de cette déclaration, le futur président de la République avait déclaré le 15 février 2017 à propos de la colonisation : « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face. »

      Notre pays est à la traîne

      Puis, durant son mandat, se sont succédé les commissions d’historiens sur des aspects de la colonisation – avec deux commissions pilotées par Benjamin Stora entre 2021 et 2023, l’une sur les relations France-Algérie durant la colonisation, l’autre sur la guerre d’#Algérie ; et une autre commission sur la guerre au #Cameroun, présidée par Karine Ramondy et lancée en 2023 – qui faisaient suite au travail engagé en 2016 autour des « événements » aux #Antilles et en #Guyane (1959, 1962 et 1967) ou la commission sur les zoos humains (« La mémoire des expositions ethnographiques et coloniales ») en 2011 ; alors qu’était interrogée parallèlement la relation de la France à l’#Afrique avec la programmation Africa 2020 et la création de la Fondation de l’innovation pour la démocratie confiée à Achille Mbembe en 2022. En outre, le retour des biens culturels pillés lors de la colonisation faisait également l’objet en 2018 d’un rapport détaillé, piloté par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.

      Mais aucun projet de musée d’envergure – à l’exception de ceux d’un institut sur les relations de la France et de l’Algérie à Montpellier redonnant vie à un vieux serpent de mer et d’une maison des mondes africains à Paris – n’est venu concrétiser l’ambition de regarder en face le passé colonial de France, aux côtés du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre (#Guadeloupe) qui s’attache à l’histoire de l’esclavage, des traites et des abolitions… mais se trouve actuellement en crise en matière de dynamique et de programmation.

      Situation extraordinaire : en France, le débat sur l’opportunité d’un musée colonial n’existe tout simplement pas, alors que la production scientifique, littéraire et cinématographique s’attache de manière croissante à ce passé. Notre pays est ainsi désormais à la traîne des initiatives des autres ex-métropoles coloniales en ce domaine. Comme si, malgré les déclarations et bonnes intentions, le tabou persistait.

      Repenser le #roman_national

      Pourtant, des millions de nos concitoyens ont un rapport direct avec ce passé : rapatriés, harkis, ultramarins, soldats du contingent – et les descendants de ces groupes. De même, ne l’oublions pas, les Français issus des immigrations postcoloniales, flux migratoires qui deviennent majoritaires au cours des années 1970. On nous répondra : mais ces groupes n’ont pas la même expérience ni la même mémoire de la colonisation !

      C’est précisément pour cela qu’il faut prendre à bras-le-corps la création d’un musée des colonisations, qui sera un lieu de savoir mais aussi d’échanges, de débats, de socialisation de cette #histoire. Un lieu majeur qui permettra de relativiser les mémoires antagonistes des uns et des autres, d’éviter la polarisation mortifère actuelle entre les nostalgiques fanatiques et les décoloniaux radicaux, mais aussi d’intégrer à l’histoire les millions de personnes qui s’en sentent exclues. Une manière de mettre les choses à plat, pour tourner véritablement la page.

      De toute évidence, l’histoire coloniale est une page majeure de notre histoire, et l’on doit désormais repenser notre roman national à l’aune de la complexité du passé et d’un récit qui touche dans leur mémoire familiale des millions de familles françaises. Ce n’est pas là la lubie de « sachants » voulant valoriser les connaissances accumulées. Les enjeux sont, on le voit, bien plus amples.

      Mais comment concevoir ce musée ? Ce n’est pas à nous d’en décrire ici les contours… Mais on peut l’imaginer comme un carrefour de l’histoire de France et de l’histoire du monde, ouvert aux comparaisons transnationales, à tous les récits sur cinq siècles d’histoire, ouvert à toutes les mémoires et à inventer en collaboration avec la quarantaine de pays et de régions ultramarines qui en sont parties prenantes. Un musée qui mettrait la France à l’avant-garde de la réflexion mondiale sur le sujet, dans une optique résolument moderne, et permettrait de mettre en perspective et en récit les politiques actuelles de retour des biens coloniaux pillés et des restes humains encore présents dans nos musées.

      Allons-nous, à nouveau, manquer ce rendez-vous avec l’histoire, alors que dans le même temps s’ouvre la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, installée dans le château de François Ier avec « 1 600 m² d’expositions permanentes et temporaires ouvertes au public, un auditorium de 250 places, douze ateliers de résidence pour des artistes… », dotée de plus de 200 millions d’investissements ? Si nous sommes capables d’édifier cette cité, nous devons imaginer ce musée. Sinon, la page coloniale ne pourra être tournée.
      Nicolas Bancel et Pascal Blanchard sont historiens (université de Lausanne), et ils ont codirigé Histoire globale de la France coloniale (Philippe Rey, 2022). Pascal Blanchard est également codirecteur de l’agence de communication et de conseil Les bâtisseurs de mémoire.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/30/la-question-du-passe-colonial-est-le-dernier-tabou-de-l-histoire-de-france-d

      (candidature d’intellectuel éclairé)

      #1492 #Indochine (omise) #colonialité

    • La « cancel culture » avec les historiens Henry Laurens et Pierre Vesperini
      Publié le : 17/06/2022

      https://www.rfi.fr/fr/podcasts/id%C3%A9es/20220617-la-cancel-culture-avec-les-historiens-henry-laurens-et-pierre-vesperini

      Pierre-Édouard Deldique reçoit dans le magazine Idées, pour le thème la « cancel culture » ou « culture de l’annulation » en français : Henry Laurens, historien, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, qui vient d’écrire Le passé imposé (Fayard) et Pierre Vesperini, historien, spécialiste de l’Antiquité grecque et latine, auteur de Que faire du passé ? Réflexions sur la cancel culture (Fayard).

  • « Règles plus sévères » pour les chômeurs : Macron accusé de « stigmatisation »


    Conférence de presse d’Emmanuel Macron à Paris, le 16 janvier 2024. LAURENCE GEAI / MYOP POUR « LE MONDE »
    (ni De Gaulle, ni Pétain, n’aurait employé ce langage gestuel typique de l’engagement managérial)

    Lors de sa conférence de presse, mardi, le chef de l’Etat a annoncé, pour « le printemps prochain », une réforme du marché du travail.
    Par Bertrand Bissuel, 18 janvier 2024.

    Pour la quatrième fois depuis son arrivée à l’Elysée, en 2017, Emmanuel Macron veut modifier les droits et #devoirs des #chômeurs. Lors de la conférence de presse qu’il a donnée, mardi 16 janvier, le président de la République a annoncé, pour « le printemps prochain », une réforme du #marché_du_travail. Elle s’inscrira dans deux axes : d’un côté, « des règles plus sévères quand des offres d’emploi sont refusées » ; de l’autre, « un meilleur accompagnement » [au fouet ?] des personnes privées d’activité. Les syndicats redoutent que cette initiative se traduise, une fois de plus, par un tour de vis au détriment des femmes et des hommes en quête d’un poste.

    Le plus souvent, les conditions d’indemnisation applicables aux #demandeurs_d’emploi sont fixées dans des « conventions » issues d’accords entre les partenaires sociaux, ceux-ci étant les gestionnaires de l’assurance-chômage. Mais si les organisations de salariés et d’employeurs n’arrivent pas à s’entendre, le gouvernement reprend la main : c’est ce qui s’est produit en 2019, avec une série de #décrets, étalés sur deux ans, ayant pour effet de durcir les règles (allongement de la durée de cotisation pour être éligible à une allocation, etc.). Un gouvernement peut également, de sa propre initiative, remodeler les normes imposées aux chômeurs. Ce fut le cas, avec la loi de septembre 2018 (refonte du barème de #sanctions infligées aux demandeurs d’emploi manquant à leurs obligations) et avec la loi de décembre 2022 (fermeture de l’assurance-chômage pour les salariés en CDD repoussant, à deux reprises, une offre en CDI).

    En faisant part de sa volonté d’engager une nouvelle #réforme, M. Macron a suscité des réactions de diverse nature chez les partenaires sociaux. La perplexité, tout d’abord : « Nous aimerions avoir davantage d’explications car les propos du chef de l’Etat peuvent signifier plusieurs choses », souligne Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Le but est-il de renforcer les sanctions à l’encontre des chômeurs qui s’affranchissent de leurs devoirs ? S’agit-il de changer les paramètres de l’indemnisation ?

    Si c’est la deuxième option qui tient la corde, elle est susceptible de créer des difficultés car les organisations d’employeurs et de #salariés (à l’exception de la CGT et de la CFE-CGC) ont récemment signé un accord qui révise les critères d’attribution d’une allocation. Ficelé en novembre 2023, ce compromis a débouché sur une « convention » qui n’attend plus que le feu vert du gouvernement pour entrer en vigueur. Mais l’intention affichée, mardi soir, par M. Macron risque de tout remettre en cause, selon Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO : « L’accord que les acteurs sociaux ont conclu à l’automne 2023 vient d’être enterré par le président de la République, puisqu’il a annoncé à peu près tout le contraire de ce qui avait été décidé par les syndicats et le patronat », déplore-t-il.

    « Toujours les mêmes rengaines »

    Le locataire de l’Elysée déclenche aussi des critiques, parmi les représentants des travailleurs, quand il évoque l’idée de « règles plus sévères ». Sa position est teintée d’« idéologie », estime Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT : « Le #chômage n’est pas lié à l’attitude d’une armée de demandeurs d’emploi qui se détourneraient des postes qu’on leur propose. » Pour Jean-François Foucard, secrétaire confédéral de la CFE-CGC, les déclarations de M. Macron montrent qu’« il ne connaît pas le marché du travail ». « On n’est plus au temps du servage », lance, provocateur, le syndicaliste. « Le chef de l’Etat sort toujours les mêmes rengaines, enchaîne Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT. On se demande s’il ne fait pas une fixation. En tout cas, c’est inadmissible. » Eric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC, est sur la même longueur d’onde : « Le président reste encore dans la #stigmatisation. Pour lui, le demandeur d’emploi est un fainéant qui ne veut pas travailler. »

    Sans surprise, le ton est plus bienveillant du côté du patronat. Le discours de M. Macron « va dans notre sens », confie M. Chevée [il peut utiliser un pronom possessif : pas besoin d’arguer d’un semblant d’intérêt général en disant "dans le bon sens"] « Sur le principe, nous pouvons difficilement contester cette annonce », complète Michel Picon, vice-président de l’Union des entreprises de proximité. Cependant, il juge nécessaire d’« apprécier les raisons » pour lesquelles des chômeurs refusent des postes, en mentionnant les « freins périphériques »_ auxquels ces derniers peuvent être confrontés (logement, garde d’enfants…).

    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/18/regles-plus-severes-pour-les-chomeurs-macron-accuse-de-stigmatisation_621156

    #idéologie_du_travail

    • Nouvelles menaces contre les chômeurs : Emmanuel Macron en remet une couche
      https://www.liberation.fr/economie/social/nouvelles-menaces-contre-les-chomeurs-emmanuel-macron-en-remet-une-couche

      .... il ne passe quasiment plus une année sans que les règles de l’#assurance_chômage changent, en général au détriment des travailleurs. Récapitulons rapidement : en 2019, la durée de travail nécessaire pour ouvrir des droits passe de quatre à six mois. Cette mesure, qui contribuera fortement à réduire de 20 % les ouvertures de droits entre juin 2019 et juin 2022, est suspendue au plus fort de la crise sanitaire du Covid-19, mais revient en avril 2021. Puis, quelques mois plus tard, un nouveau mode de calcul de l’allocation entre en vigueur, qui réduira de 16 % l’indemnisation versée à près d’un nouvel allocataire sur deux. Enfin, en février 2023, la durée d’indemnisation est raccourcie de 25 %, au nom de la conjoncture positive (le taux de chômage apparaît alors en baisse continue et s’approche des 7 %) : elle passe de 24 à 18 mois pour la plupart des inscrits, et de 36 à 27 mois pour les « seniors » de plus de 55 ans. Le tout au nom de la marche macroniste vers le « #plein-emploi »… qui pourtant semble désormais s’éloigner, puisque le chômage est reparti à la hausse sur les deux derniers trimestres.

      Faut-il donc en remettre une couche ? C’est ce que suggère Emmanuel Macron, sans rien dire de ce qu’il a dans la tête. Ni s’agissant des éventuelles mesures qui seraient prises ni s’agissant de la méthode, qui n’est pourtant pas un enjeu secondaire. Car pour l’heure, les règles de l’assurance chômage sont revenues aux mains des acteurs sociaux, qui ont conclu (à l’exception de la CGT et la CFE-CGC) en novembre un accord prévoyant des ajustements – modestes – des dernières réformes, plutôt en faveur des indemnisés. Difficile pour eux de faire davantage, puisque le gouvernement leur avait imposé, dans sa #lettre_de_cadrage, de préserver les mesures qu’il avait précédemment imposées. La convention qui en a résulté a été soumise pour agrément à Matignon, qui était encore occupé par Elisabeth Borne. Cette dernière a souhaité attendre les résultats d’une négociation interprofessionnelle sur l’#emploi_des_seniors qui a débuté fin décembre et doit aboutir d’ici à la fin mars, au sein d’une discussion plus globale autour d’un « nouveau pacte de la vie au travail ». Mais elle a aussi promis de transposer fidèlement le contenu d’un éventuel accord, dès lors qu’il n’alourdit pas la dépense publique.

      La schlague de Macron et « l’écoute » d’Attal

      Or, pendant qu’Emmanuel Macron promet de nouveau la schlague, son nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, fait défiler les syndicats à Matignon. Et sa ligne de conduite consiste avant tout, pour l’heure, à les écouter. L’objet de ces rencontres ? « Dire à un nouveau Premier ministre tout ce qu’on avait dit à son prédécesseur, pour qu’il sache bien que certes le Premier ministre a changé, mais que nous n’avons pas changé », résume Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT. Mardi, la numéro 1 de son syndicat, Marylise Léon, a ainsi voulu pointer l’importance du « pacte de la vie au travail » évoqué plus haut, du « pouvoir d’achat » et de « l’index égalité femmes-hommes », a-t-elle expliqué à l’AFP. Reçue mercredi soir, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a déroulé pendant une heure trente la liste des sujets qui comptent pour son syndicat : augmentation du smic, échelle mobile des salaires, conditionnalité des aides publiques aux entreprises, médecins étrangers en demande de régularisation, répression syndicale, loi immigration… En face, très peu de réponses, mais un Premier ministre qui « a souhaité montrer qu’il était à l’écoute, disponible, ouvert, direct », constatait-elle à la sortie. Bref, un « contact agréable », même si elle « jugera sur pièces ».

      Il faudra aussi compter avec la nouvelle ministre du Travail, la conservatrice Catherine Vautrin, issue de l’UMP période Chirac-Sarkozy, qui a également hérité de la Santé et des Solidarités. L’ampleur du portefeuille laisse les syndicats dubitatifs, à l’image de Cyril Chabanier, le président de la CFTC, qui estime que « si ça reste comme ça, on pourrait se poser des questions sur l’efficacité » [elle va être vite répondue la question]. Pour l’heure, Catherine Vautrin, qui s’apprête à recevoir l’ensemble des organisations syndicales et patronales dans le courant de la semaine prochaine, s’est gardée de toute sortie remarquable. [le compte sur X de cette dame, qui est aussi ministre de la santé, a pour icono une pub pour le champagne, ou sévit la surexploitation de saisonniers agricoles souvent sans papiers]_

      « Recul des droits pour les salariés »

      Dans ce contexte, les déclarations d’Emmanuel Macron posent question. Que faut-il comprendre quand, évoquant mardi soir une future loi de simplification, il assure vouloir relever « tous les seuils de déclenchement des obligations » s’imposant aux entreprises ? Et quand, à Davos, il dit vouloir « favoriser tout ce qu’on peut transférer au niveau de l’#entreprise dans les négociations », suggérant d’aller plus loin dans le bouleversement de la #hiérarchie_des_normes qui était au cœur de la loi Travail de 2016 ? A défaut de précisions, Sophie Binet « comprend [ces propos] comme un recul des droits pour les salariés ».

      Or, si les syndicats demandent unanimement une révision des ordonnances de 2017, qui ont réformé le dialogue social dans les entreprises, c’est parce qu’elles compliquent bien davantage la vie des représentants du personnel que celle des employeurs. Pour François Hommeril, le président de la CFE-CGC, ce devrait être un chantier prioritaire de Gabriel Attal : « Est-il décidé à reconstruire un peu de ce qu’Emmanuel Macron a détruit dans l’équilibre de la sphère sociale ? » s’interroge le syndicaliste, qui juge que « la fusion des instances est une catastrophe totale. Or ça, personne ne le conteste, mais pour Emmanuel Macron, c’est le Saint-Graal, il ne faut pas y toucher. » Sans attendre que son secrétaire général, Frédéric Souillot, ait été reçu vendredi à Matignon, la commission exécutive de FO a quant à elle « condamné » ce jeudi « les annonces faites par le président de la République », en annonçant « un grand meeting national dans les prochaines semaines ». Un an exactement après le début de la crise des retraites, le fil fragile du « dialogue social » tant vanté par l’exécutif se tend de nouveau.

      .... pendant que l’on annonce que faute de hausse des salaires, les agents de la fonction publique seront payés au mérite.

      #travail #salaire #État

  • Occupied
    https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021466/occupied

    La #Russie occupe la #Norvège avec l’assentiment de l’UE [les E-U ont quitté l’Otan, ndc] pour s’approprier son #pétrole. Face à cette occupation “douce”, citoyens et politiques norvégiens doivent faire un choix : résister ou collaborer ? Série scandinave captivante, Occupied est un #thriller #géopolitique imaginé par le maître du polar Jo Nesbø.

    Une suggestion chronophage, avec manipulations et cliffhanger partout, toutes mes excuses. Une longue liste d’ingrédients, entre technocratie européenne et héritiers de l’okhrana et du KGB, le Kompromat comme si on y était ! avec espionnage et opérations spéciales, anti-terrorisme et campagnes en ligne, love affair et fermes à trolls, oligarques russes et coups d’état militaires, « conflits d’intérêt » (comme on dit pudiquement) et écologie sous l’angle exclusif du climat et des énergies fossiles (à la manière de Sabotage, ce film inspiré par la thèse de Malm), manifs (ridicules) et politique institutionnelle façon marigot mortel. De quoi stimuler notre passion pour des décideurs, tantôt marionnettistes, tantôt marionnettes.

    #série #énergies_fossiles #écologie #impuissance

  • Hamas-Israël : « On va aller au bout de l’horreur et tout le monde sera perdant », Peter Harling

    [...]

    Mais comment en sortir ?

    Il n’y a aujourd’hui que quatre options possibles. Un, la solution à deux Etats. Deux, la solution à un Etat dans lequel tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans un système juridique unifié. Trois, ce qu’on appelle aujourd’hui un système d’apartheid, donc plus exactement un système juridique qui discrimine explicitement une partie de la société. Et enfin, des solutions à caractère génocidaire, donc la destruction de l’autre, qui n’est pas une destruction intégrale. Aux Etats-Unis par exemple, il reste des populations autochtones, comme en Australie, en Afrique du Sud, en Argentine et ailleurs, mais la #dynamique_génocidaire constitue une forme de solution au sens où on détruit le tissu social, les institutions, les traditions, l’identité d’une partie de la population au point de pouvoir la soumettre indéfiniment. Ce qui est effrayant, c’est que moins on soutient la première et la deuxième options, plus on accepte, implicitement, la troisième et la quatrième. Ce virage est en train de se produire sous nos yeux.

    La retenue du monde extérieur n’est-elle pas liée aussi au fait qu’il n’y a pas d’interlocuteur valable ?

    Je pense qu’il y a un certain nombre de conflits où des interventions extérieures sont nécessaires, ne serait-ce que pour faciliter des solutions ou pour éviter le pire, pour ériger des garde-fous. Les interlocuteurs, ça se construit d’un côté comme de l’autre. Ce conflit a pu pourrir pendant des décennies, à mesure qu’on abandonnait tout effort pour faire aboutir des négociations constructives qui sont extraordinairement difficiles mais incontournables. La société israélienne est très composite, très complexe, très dynamique. Le gouvernement qui est en partie représentatif est aussi dénoncé par une partie importante de sa société, mais il est constitué de figures qui représentent certaines évolutions de fond au sein de la société israélienne qui sont très difficiles à ignorer. Encore une fois, c’est une responsabilité qu’on doit assumer et on doit travailler dur pour progressivement reconstruire le type de partenaire dont on a besoin pour, à terme, trouver une solution.

    Vous semblez faire porter toute la responsabilité sur les pays occidentaux ?

    D’abord, c’est le monde dont je fais partie et il est plus naturel pour moi de porter un jugement sur mes propres représentants au pouvoir. C’est effectivement un monde qui prétend incarner une certaine règle du jeu à l’échelle internationale mais qui aujourd’hui atteint un seuil où il abandonne toute prétention à soutenir quelque chose comme le droit de la guerre, à savoir le droit international humanitaire. On a aussi des raisons d’être un peu désabusé, par le gouvernement israélien, mais aussi les acteurs palestiniens. Le Hamas est un mouvement qui a beaucoup progressé sur le plan tactique et militaire. Mais sur le plan politique, il est complètement enkysté. Il n’a rien à offrir d’autre que ce qu’il répète depuis des années : les sacrifices. Il n’offre aucun avenir, aucune solution, aucune base de négociation. Mais il y a toutes sortes de mesures qu’on peut utiliser pour poser des limites. Ça peut être par exemple de diminuer les livraisons d’armes à Israël dans le cas des Etats-Unis, sans nécessairement y mettre fin.

    Comment comprendre l’effacement des pays arabes aujourd’hui ?

    Je pense qu’il y a une indifférence profonde à la cause palestinienne au sein de nombreux régimes arabes. Le vrai problème, c’est cette notion d’une cause palestinienne qui n’existe que dans le martyr et la souffrance. C’est ce qui fait d’ailleurs que le Hamas, d’une manière empirique, remporte une forme de victoire aujourd’hui en remettant cette souffrance sur le devant de la scène, et une souffrance encore plus intense que tout ce qu’on a pu voir par le passé. Mais on a aussi la certitude, malheureusement, que ce conflit retombera dans l’oubli. Le paradoxe, c’est que ce qui porte le plus la cause palestinienne, entre deux conflits, c’est la société civile israélienne qui, sans relâche, dénonce les abus commis par les forces d’occupation en Cisjordanie par exemple.

    Quelle est la solution pour arrêter le massacre à Gaza ?

    Aujourd’hui, tout fonctionne sur la base des règles du jeu définies par Israël, y compris l’entrée de l’#aide_humanitaire. Ça donne lieu à des formes de propagande comme celle qu’on a vue de la part de la #France, sur le largage de quelques tonnes d’aide avec des drapeaux français, diffusé dans un clip vidéo par le Président lui-même. C’est choquant du point de vue des besoins sur le terrain. L’argument israélien au niveau de l’aide humanitaire, c’est cette sensation de citadelle assiégée qui est liée au 7 octobre, l’idée que par l’aide humanitaire pourraient rentrer des vagues de nouveaux terroristes du Hamas qui se cacheraient.

    Quel peut être le moment de prise de conscience qu’on ne peut plus continuer ?

    Je crois que pour l’instant, on va aller jusqu’au bout de l’horreur. Ce qui est important de garder à l’esprit, c’est que tout le monde sera perdant. La population de Gaza évidemment, qui ne se remettra pas de ce conflit, qu’elle soit forcée au départ ou non. Israël pourra clamer une victoire superficielle, mais son image est extrêmement dégradée dans différentes parties du monde, y compris par exemple auprès de la jeunesse juive aux Etats-Unis. Je pense qu’Israël est de plus en plus en train de s’enfermer dans une impasse, de s’isoler sur la scène internationale. Et je pense que nos propres gouvernements seront perdants. En ayant abandonné toute référence crédible à un système international un tant soit peu organisé par le droit.

    https://www.liberation.fr/international/hamas-israel-on-va-aller-au-bout-de-lhorreur-et-tout-le-monde-sera-perdan

    #Israël #Gaza #Palestine

    • « Le vrai problème, c’est cette notion d’une cause palestinienne qui n’existe que dans le martyr et la souffrance. C’est ce qui fait d’ailleurs que le Hamas, d’une manière empirique, remporte une forme de victoire aujourd’hui en remettant cette souffrance sur le devant de la scène, et une souffrance encore plus intense que tout ce qu’on a pu voir par le passé. »

      Aaah ces Arabes, toujours ce goût de la souffrance !...

    • Voilà un article qui suscite des réactions de haute volée. Sa première partie pourra elle-aussi servir de hochet pour qui le souhaite.

      Ancien conseiller spécial pour le Moyen-Orient de l’International Crisis Group et du médiateur pour la Syrie Lakhdar Brahimi, fondateur et directeur du centre d’analyses et de recherches Synaps, Peter Harling estime que le 7 octobre et ses suites ont entraîné « un niveau d’engagement émotionnel » comparable à celui provoqué par l’invasion américaine de l’Irak en 2003.

      Trois mois après le 7 octobre, la situation est-elle celle que l’on pouvait prévoir ?

      Pour peu qu’on suive l’évolution de ce conflit, de la société israélienne, celle de la société palestinienne et de leurs leaderships respectifs, on ne pouvait que s’attendre à un désastre d’une telle nature. Et c’est ce qui m’a beaucoup dérangé au début du conflit, de la part des responsables politiques extérieurs qui avaient toutes les raisons, eux aussi, de savoir qu’on était face à une impasse historique dangereuse, et que l’attaque du 7 octobre était un événement particulièrement explosif.

      Vous pensez à qui ?

      A tous ceux qui ont réagi à cette nouvelle étape dans un conflit particulièrement ancien et bien documenté, comme s’il s’agissait seulement d’un attentat terroriste. En projetant sur ce conflit le paradigme de la guerre contre le terrorisme, le réflexe dominant a été une solidarité inconditionnelle immédiate avec Israël agressé. Nos prises de position rappelaient quelque chose comme Charlie Hebdo. Or, le gouvernement israélien est un gouvernement d’une extrême droite qui fait pâlir celles qu’on connaît en Europe. Cette évolution pouvait au moins inviter à la prudence, à la mesure. On peut évidemment exprimer son soutien, sa solidarité, son empathie. Mais on ne peut pas se passer de toute politique, de toute compréhension de l’ensemble des enjeux.

      Mais n’est-ce pas en même temps un conflit qui était marginalisé depuis plusieurs années ?

      Il est révélateur d’une fatigue généralisée par rapport au monde arabe et à la région dans son ensemble. On ne veut plus entendre parler du conflit israélo-palestinien, tout comme on ne veut plus entendre parler de la Syrie, de l’Irak, d’un Liban éternellement au bord de la banqueroute, d’une Libye qui ne sort pas de son propre conflit intérieur, d’une Tunisie qu’on ramène aujourd’hui exclusivement à des questions d’immigration. Une des raisons pour lesquelles on a projeté sur Gaza le prisme de la guerre contre le terrorisme, c’est précisément parce qu’on avait tourné la page sur des approches plus anciennes, comme la recherche d’une paix durable.

      Vous évoquez une nouvelle étape de ce conflit historique ?

      Dans la région, la plupart des gens le vivent comme quelque chose d’entièrement nouveau. Le conflit israélo-palestinien a toujours suscité des réactions très émotionnelles, démonstratives et intenses dans la région et au-delà, mais jamais à ce point. On a aussi le sentiment d’une vraie rupture, un niveau d’engagement émotionnel comparable à l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et qui contient de vraies nouveautés. On perçoit le soutien [occidental] plus ou moins marqué à Israël comme l’expression d’un racisme désinhibé à l’encontre des Palestiniens, des Arabes et des musulmans. Avant, les gens s’indignaient du deux poids, deux mesures d’une certaine hypocrisie occidentale. Aujourd’hui, beaucoup dans la région découvrent des gouvernements occidentaux qui semblent accepter des formes de violence extrême qui suggèrent que la vie d’un Palestinien, d’un Arabe, d’un musulman n’a pas la même valeur que la vie d’autres êtres humains ailleurs sur la planète.

      Le soutien inconditionnel à Israël est-il si évident ?

      Je pense que beaucoup de nuances existent, mais qu’elles sont imperceptibles pour des observateurs dans le monde arabe mais aussi pour une bonne partie des observateurs dans nos propres sociétés, étant donné le niveau de violence, de souffrance qu’ils constatent jour après jour sur le terrain. Il y a une différence entre ceux qui suivent de près l’évolution du drame qui se joue à Gaza et ceux qui ont une approche un peu plus distanciée, et par conséquent abstraite, intellectuelle de la situation. Pour les premiers, c’est incompréhensible et insoutenable. Pour les seconds, c’est juste un conflit comme un autre. Le clivage se joue là.

      L’impuissance mondiale à tenter de trouver un moyen de mettre fin à la guerre n’est-elle pas surprenante ?

      Il se joue énormément de choses qui relèvent de la politique intérieure dans les pays européens, de notre rapport à Israël, à l’antisémitisme, pour des raisons historiques qui ne concernent pas les Palestiniens et les observateurs dans la région. Tout ça nous empêche de prendre des mesures, par exemple de dénoncer certains actes de la part d’Israël. Jusqu’à maintenant, la plupart des médias prennent énormément de précautions quand ils décrivent « les violences » qui ont cours à Gaza, beaucoup plus qu’ils n’en prendraient ailleurs. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le conflit lui-même, mais je pense qu’on a un rapport naturellement très compliqué avec Israël. Historiquement, l’Europe est un continent qui n’a jamais su tirer au clair ce qu’on appelait la question juive, qui a donné lieu à un génocide d’une proportion effarante. Et le problème, au fond, a été exporté. On a beau jeu aujourd’hui d’accuser les Israéliens et les Arabes de ne pas s’entendre sans avoir jamais vraiment trouvé de solution à l’antisémitisme dans le contexte européen.

      Ce qui expliquerait que jamais en vingt-cinq ans vous n’avez constaté une telle fracture entre le monde arabe et les pays occidentaux ?

      La région a déjà dû avaler un certain nombre de couleuvres depuis vingt-cinq ans. Mais celle-ci est plus difficile encore, avec un effet d’accumulation. L’offensive américaine contre l’Irak en 2003, c’est quand même l’invasion du mauvais pays au prétexte de la guerre contre le terrorisme, sur la base de mensonges prouvés, avec un coût faramineux pour la population irakienne. Et ce n’est pas pour dire que le régime de Saddam Hussein était louable. Je pense qu’un autre tournant a été la guerre en Syrie, avec une débauche de violences allant jusqu’au retour à l’utilisation de l’arme chimique, qui constituait alors un tabou, et ce, sans réaction internationale. La différence avec Gaza, c’est que dans l’ensemble on condamnait explicitement le régime au pouvoir qui exerçait ces violences. Dans le cas de Gaza, on trouve des raisons de soutenir parfois à demi-mot des violences qui sont extrêmes elles aussi, même si elles ne sont pas toujours comparables. Il y a un certain nombre de choses qui le sont, comme le fait de cibler assez systématiquement les services de santé, les ambulances, les professionnels de la santé. On appelle à la retenue mais on ne condamne pas directement, jamais explicitement et spécifiquement.

      Pour revenir au cœur de la confrontation actuelle, le moment est-il à une négation réciproque de l’existence même de l’autre ?

      La négation de l’autre n’est pas particulièrement nouvelle dans ce conflit comme dans les conflits d’une façon générale. On est face à un problème particulièrement difficile à résoudre et qui exigerait des interventions extérieures : des responsables matures, structurés, informés. Or, c’est très précisément ce qui manque. Donc on laisse deux populations effectivement aux prises l’une avec l’autre, avec des moyens spectaculaires pour se faire du mal réciproquement.

  • David Le Breton : « Avec les smartphones, la conversation est ébranlée pour la première fois dans l’histoire de l’humanité »

    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/david-le-breton-avec-les-smartphones-la-conversation-est-ebranlee-pour-la

    https://www.liberation.fr/resizer/lo4_Tp-uVN_gVvuwB7fbv-_vmuE=/377x0/filters:format(jpg):quality(70):focal(1728x2032:1738x2042)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/WYNQA5HT4NG4ZEBPEGZMCRSHUY.jpg

    Le professeur de sociologie à l’université de Strasbourg décrit la « rupture anthropologique » que le smartphone a créée dans nos vies.

    Comment qualifier la place qu’a prise le smartphone dans nos vies ?
    Il s’agit d’une colonisation totale de la vie quotidienne. Le smartphone a créé une rupture anthropologique dans le rapport à l’autre et à l’espace. Il suffit de regarder le trottoir de n’importe quelle ville du monde pour voir que les individus avancent tirés par leurs smartphones, se cognant les uns contre les autres. Prosternés devant leur écran, les visages disparaissent. Les enfants se retrouvent négligés par des parents happés par leur portable. Nous dormons même avec. Nombre de nos conversations sont interrompues par des interlocuteurs qui ont gardé leur téléphone en main et le consultent sans arrêt, ou le tirent de leur poche à la moindre notification.

    Cela revient à mettre sur pause l’existence de ceux qui nous entourent pour poursuivre une conversation avec des absents. Dans ce monde de la communication, la conversation devient un élément du passé. J’appelle conversation le fait d’être attentif à l’autre, disponible à sa parole, à son visage, dans une réciprocité, là où la communication implique distance et flottement. La conversation est ébranlée pour la première fois dans l’histoire de l’humanité.

    • Une place était à prendre indéniablement. Dans le cas contraire ce ne se serait pas produit. Fuire le regard de l’Autre était déjà là. Pas seulement chez les personnes souffrant de pathologies. Chacun parle de son côté sans écouter l’Autre depuis toujours et pas seulement lorsque les personnes sont bourrées. C’était moins visible c’est tout.

  • « Bonjour Madame, c’est la banque, vous êtes à la maison ? » : Dans le sud du Liban, d’étranges appels précèdent des frappes israéliennes - Le Temps
    https://www.letemps.ch/monde/moyenorient/bonjour-madame-c-est-la-banque-vous-etes-a-la-maison-dans-le-sud-du-liban-d-

    Israël a également piraté des caméras de surveillance privées devant des maisons ou des commerces dans des villages frontaliers, selon le Hezbollah. Le parti a demandé aux habitants de les éteindre pour « aveugler l’ennemi ». Un habitant du sud a déclaré à l’AFP sous couvert d’anonymat avoir déconnecté d’internet les caméras installées autour de sa maison à la demande du Hezbollah.

  • « Les réformes du droit du travail, au motif de le “simplifier”, le font disparaître », Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT ; Judith Krivine, présidente du Syndicat des avocats de France ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature

    Depuis 2008, les différents gouvernements, unanimement, se sont appliqués à mener des réformes du #droit_du_travail qui, au motif de le « simplifier », le font disparaître. Encore en décembre 2023, le ministre de l’#économie annonçait qu’il fallait raccourcir à deux mois le délai de contestation d’un licenciement, car « il faut des mesures drastiques de simplification pour les entreprises ». Qu’un salarié dispose de droits et se défende lorsque ceux-ci sont bafoués est traité comme un facteur de « complexité », comme s’il s’agissait d’une formalité administrative !

    La vie des entreprises s’est déjà fortement « simplifiée » depuis 2008, ainsi qu’en témoigne la diminution continue du #contentieux_prud’homal. Différents rapports (notamment « Les affaires prud’homales dans la chaîne judiciaire de 2004 à 2018 », Evelyne Serverin, 2019) démontrent que les réformes successives ont déjà eu pour effet de décourager et d’entraver l’action des salariés devant la juridiction prud’homale .

    Le délai dont dispose un salarié pour contester son #licenciement est passé en quelques années de trente à cinq ans (2008), à deux ans (2013), puis à douze mois (2017). Avec cette réduction des prescriptions, associée à la mise en place de la #rupture_conventionnelle, en 2008, du barème plafonnant drastiquement l’#indemnisation des salariés licenciés abusivement, depuis 2017, et de la complexification de la procédure de saisine, en 2016, le nombre de saisines est passé de 176 687 en 2009 à 99 147 en 2018, puis à 88 958 en 2021. De 2009 à 2018, le contentieux a donc diminué de 44 % et a continué de diminuer de 10 % de 2018 à 2021. Et les femmes restent toujours minoritaires à faire respecter leurs droits vis-à-vis de leurs employeurs (40,3 % des saisines en 2018).

    Insécurité du chômage

    La baisse du contentieux affecte plus lourdement les #salariés non-cadres. Entre 2017 et 2021, le contentieux devant la section encadrement a diminué de 4 %, contre – 22 % et – 21 % devant les sections commerce et industrie (salariés non-cadres). Le contentieux s’est également concentré devant les conseils de prud’hommes des gros bassins d’emploi, marquant un recul de l’accès au juge dans les zones rurales. Les salariés les plus jeunes recourent également de moins en moins à la justice : les plus de 50 ans représentaient 32,5 % des demandeurs en 2018, contre 25,2 % en 2009.

    L’accès au juge est donc devenu un privilège. A l’égard des plus #pauvres, l’#employeur peut en revanche affirmer sa toute-puissance de manière discrétionnaire, sans contrôle ni sanction. Cette diminution du contentieux n’est pas un indicateur de bonne santé de la société, mais plutôt de la création de zones de non-droit au bénéfice de l’employeur. C’est ce que le gouvernement appelle « simplifier le droit du travail ».

    Le contentieux, en droit du travail, a toujours essentiellement été un contentieux autour de la rupture du contrat . Compte tenu du coût d’une procédure pour le justiciable, le salarié ne peut se permettre de saisir le juge uniquement pour faire respecter les conditions d’exécution de son contrat, d’autant qu’une telle saisine revient, dans la très grande majorité des cas, à provoquer son futur licenciement ou l’arrêt définitif de la relation de travail s’il est en emploi précaire. Pour toutes ces raisons, le salarié ne formule généralement les demandes au titre de l’exécution de son contrat que lorsqu’il conteste également la rupture de celui-ci.

    C’est donc le contentieux de la rupture du contrat de travail qui porte le peu de contentieux restant, et c’est celui que visent la réduction des #prescriptions et la mise en place des #barèmes. La sécurité juridique invoquée pour justifier leur instauration ne concerne que l’employeur : le salarié injustement licencié se voit plongé dans l’insécurité du chômage, son indemnisation à ce titre faisant elle-même l’objet de réductions continues dans le cadre de réformes successives.

    Conforter les intérêts des employeurs

    L’évocation d’une prescription à deux mois est symptomatique des réformes menées. Elle ferait passer le salarié d’espèce en voie de disparition devant les tribunaux à spécimen de la galerie des espèces disparues.

    Des délais réduits pour saisir, alors que les délais de jugement n’ont fait qu’augmenter et constituent un déni de justice. Alors que le salarié a vu ses délais pour agir se raccourcir et que le contentieux a diminué, il doit attendre toujours plus longtemps que son litige soit jugé. En 2021, la durée moyenne d’une affaire au fond devant la juridiction prud’homale était de 18,1 mois, durée portée à 35 mois en cas de départage. La durée moyenne en appel est passée de 13,7 mois en 2009 à 20,4 mois en 2018. Ces délais constituent déjà des dénis de justice, et l’Etat français est régulièrement condamné à ce titre par les juridictions européennes sans qu’il améliore les moyens donnés à la justice sociale.

    « Simplifier » le droit du travail revient, depuis 2008, à conforter les intérêts des employeurs en les mettant un peu plus à l’abri des conséquences de leurs fautes, sans l’ombre d’un souci du droit et de la réparation des injustices. C’est transformer l’accès à la justice en une course effrénée, pour la faire disparaître, et ne plus laisser l’arme du droit à la partie faible du contrat de travail pour pouvoir se défendre. La justice est le troisième pilier de notre démocratie, et l’exécutif s’acharne à le fragiliser par des réformes renforçant toujours l’impunité patronale.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/sophie-binet-judith-krivine-et-kim-reuflet-les-reformes-du-droit-du-travail-

    #travail #droit

  • Bunkers et fermes bio : comment les ultrariches préparent l’avenir
    https://reporterre.net/Bunkers-et-fermes-bio-comment-les-riches-preparent-l-avenir

    Vous lisez la première partie de l’enquête Le #séparatisme_climatique des ultrariches.

    Les ultrariches se préparent à la catastrophe qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer. Alors que le monde plonge peu à peu dans le chaos climatique, ils se bâtissent des bunkers, s’achètent des îles privées et s’aménagent des existences qu’ils rêvent à l’abri des violences, pour continuer à vivre dans le luxe, le calme et la volupté.

    Voilà déjà quelques années que les médias ont révélé le phénomène. La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont tout accéléré. Avec leurs jets privés, leurs yachts et leurs « gated communities » (quartiers résidentiels privés), les milliardaires ont décidé de faire sécession.

  • Cher Raphaël Glucksmann - François Ruffin
    https://francoisruffin.fr/cher-raphael-glucksmann
    https://francoisruffin.fr/wp-content/uploads/2024/01/GDzTY65WUAARyJk.webp

    Voilà plusieurs fois que vous me tendez la main, « il faudra parler avec Monsieur Ruffin ». Il le faut, oui, ce dialogue, avec vous. Permettez-moi de démarrer cet échange ici...

    Mes meilleurs vœux, d’abord, de bonheur, politique comme personnel, de paix partout et pour tous.

    Voilà plusieurs fois que vous me tendez la main, « il faudra parler avec Monsieur Ruffin ». Il le faut, oui, ce dialogue, avec vous, dont la voix compte, et avec d’autres.

    Permettez-moi de démarrer cet échange ici.

    A l’automne 2018, à la veille d’un hiver en jaune, vous déclariez avec franchise : « Quand je vais à New-York ou à Berlin, je me sens plus chez moi, a priori, culturellement, que quand je me rends en Picardie ». Tout le monde ou presque vous était tombé dessus : « déconnexion », « gauche bobo », « nomade sans ancrage », etc. Votre propos ressort aujourd’hui, et à nouveau pour vous dénoncer comme « hors sol ».

    J’avais, pour ma part, apprécié votre lucidité. C’était en vérité une autocritique de classe, si l’on prenait soin de vous citer plus longuement : « Moi, je suis né du bon côté de la barrière socio-culturelle, je fais partie de l’élite française, j’ai fait Sciences-Po, comme la majorité des gens qui nous gouvernent. Quand je vais à New-York ou à Berlin, je me sens plus chez moi, a priori, culturellement, que quand je me rends en Picardie. Et c’est bien ça le problème. Ce qu’il faut essayer de faire, c’est sortir de soi-même… » J’avais lu et apprécié votre essai, Les Enfants du vide (2018), qui pointait lui aussi cet entre-soi des élites, qui était traversé de ce retour sur vous-même, critique.

    Comme vous le savez, la Picardie, j’en suis, j’y vis, j’y suis élu. Je la laboure depuis vingt-cinq maintenant que je suis « sorti de moi-même », d’usines en boites d’intérim, de sa ruralité à ses quartiers, du Ponthieu au Vimeu. Je sais pour qui je me bats. Mille vies, mille récits, qui m’habitent, me portent, quand, par une nuit triste à Paris, dans une Assemblée quasi-vide, je me demande : « A quoi bon ? » Ce sont des paroles, des prénoms, d’Annie, d’Ahmed, de Jacky, d’Hayat qui me regonflent pour ferrailler sur des alinéas au Palais Bourbon, pour batailler entre deux éditorialistes à la télévision.

    Je pars de là, de chez moi.

    Parce que, avec sincérité, sans agressivité, vos propos, ces derniers temps, me paraissent pour de bon hors sol, déconnectés, sans ancrage. Je n’y retrouve plus rien du « retour sur soi-même », mais au contraire tout – pardonnez ma franchise – d’une élite qui avance, avec arrogance et inconscience. C’est un chemin inquiétant pour la gauche, même pour le centre-gauche. C’est un grand bond en arrière, comme si les vingt dernières années n’avaient pas compté.

    Une phrase m’a alerté, notamment : « Le personnel politique ne prend plus le risque de l’impopularité. »

    C’est faux. Rien n’est plus faux. Depuis quarante ans, nos dirigeants ne font que ça, « prendre le risque de l’impopularité ». Fermer des maternités, vous croyez que c’est populaire ? Couper les budgets de la santé ? Geler les salaires ? Repousser l’âge de la retraite ? Imposer le libre-échange avec la Chine ? Baisser les impôts des plus riches ? etc.

    Depuis des décennies, et ils en sont fiers, eux prennent des « mesures impopulaires ». Ils appellent ça « des réformes courageuses ». Mais quel est ce « courage » ? C’est le « courage » non pas de dompter les marchés financiers déchaînés, non pas d’affronter les firmes multinationales, non pas de combattre ces nouvelles puissances, mais au contraire de plier, de se courber devant elles. De mériter leur confiance, de flexibiliser le travail pour elles, de diminuer leur fiscalité. Et, pour ça, de montrer du « courage », mais du courage face à qui ? Face aux peuples, aux peuples qui jugent ces réformes injustes, qui voient leurs conquêtes rognées, leur sécurité entamée, leur bien-être érodé… Alors, oui, le « courage » d’aller contre les caissières et les infirmières, contre les enseignants et les étudiants, contre les cheminots et les ouvriers, mais jamais contre les banquiers et les actionnaires, contre les mécènes des campagnes électorales. Le « courage » d’être faible avec les forts et fort avec les faibles : le voilà, le « courage » tant vanté. Le « courage » d’une démocratie contre le demos…

    Alors, prendre le risque d’être impopulaire, je veux bien, mais auprès de qui ? Des ouvriers écrasés par la mondialisation ou des financiers qui se sont gavés ? De la bonne société qui vous applaudit, et moi parfois aussi, ou des petits, des sans-grades, des éternels laissés pour compte qui demandent, à raison, stabilité et protection ?

    Il nous faut la démocratie, aujourd’hui, pleinement, « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », et non pas sans lui et contre lui. Il nous faut d’autant plus la démocratie avec le choc climatique à affronter, qui réclame un peuple rassemblé, œuvrant ensemble, comme le décrivait le commissaire au plan Jean Monnet après-guerre : « Je ne sais pas encore exactement ce qu’il faut faire, mais je suis sûr d’une chose, c’est qu’on ne pourra pas transformer l’économie française sans que le peuple français participe à cette transformation. » Et plus loin : « Toute la nation doit être associée à cet effort. »

    Enfin, dans quel esprit je vous écris tout ça ? Je ne veux pas d’un retour des « deux gauches irréconciliables ». Ce serait la certitude de la défaite, la voie ouverte au pire.

    Car, oui, je vois se dessiner le tableau. Une partition même où chacun joue son solo, se tourne le dos : une gauche radicale qui fait tout pour effrayer, et un centre-gauche tout pour désespérer. Une gauche radicale qui n’assume pas sa nouvelle centralité, qui ne s’élargit pas, qui ne grandit pas. Un centre-gauche qui revient en arrière, qui revient sur les ruptures, nécessaires, avec le triptyque concurrence-croissance-mondialisation.

    Je le fais sans agressivité, mais avec sincérité. Avec un franc désaccord.
    Mais surtout avec inquiétude pour l’avenir de notre camp celui de la gauche et du progrès humain.

    Cordialement,
    François Ruffin.

    #Politique #France #François_Ruffin

    • Une interpellation de Raphaël Glucksmann qui se pose en humaniste sans jamais faire référence au génocide en cours à Gaza dont il est complice, en dit long sur le positionnement de Ruffin !

      Il est l’heure de choisir. Soit la gauche radicale « qui effraie » (le bourgeois), soit la gauche de droite pour un désespoir mortifère.

      « La bourgeoisie exaspérée, racisme dégondé, se propose de rendre la société entière raciste avec elle, pour mieux se maintenir quand tout condamne son ordre. Et c’est Mélenchon qu’on accuse de draguer les banlieues avec cynisme »
      F. LORDON https://seenthis.net/messages/1036989

      #AileDroiteLFI

    • La différence

      S’il y a un paradoxe dans cette période spécialement sombre, c’est qu’il y surnage malgré tout quelques motifs d’espoir. Entre soutien inconditionnel, loi « immigration » et « régénération » — régénération... —, une puissante clarification est en train de s’opérer. Sur le plan idéologique au moins, la tripartition vasouillarde a volé en éclats. Il ne reste plus que deux blocs. Un bloc de droite extrême, RN-LR-Renaissance, dont l’homogénéisation s’effectue sous nos yeux et sur tous les plans : le RN confirmant son libéralisme économique foncier par ralliement à l’euro, d’un côté ; de l’autre LR devenu un parti ouvertement d’extrême-droite, rejoint par Renaissance, aspirateur de la bourgeoisie exaspérée raciste : confirmation par Attal, SNU, abaya, uniforme à l’école, autorité et réarmement à tous les étages, sous la houlette de qui la fascisation du pays s’apprête à connaître — en effet — un « nouvel élan », un « second souffle ». Hommage de l’extrême droite avant même son arrivée à Matignon : « Attal a piqué nos idées ».

      L’extrême péril de cette convergence-là ne laisse en face qu’un bloc pertinent : celui qui la reconnaît comme telle, la dénonce comme telle, et se constitue dans le projet explicite de la combattre. À l’évidence, LFI est devenu l’élément central de ce bloc-là. C’est bien pourquoi elle est l’objet hystérisé des poids et mesures. Il faut y voir un excellent signe. La domination néglige les ennemis négligeables — ou bien fait des courtoisies aux opposants récupérables, couvertures de presse avantageuses, articles fréquents et flatteurs, « lui au moins », « pas comme l’autre », etc. Être attaqué par cette presse, si possible violemment, est l’unique indice de la qualité oppositionnelle. Dans l’univers des médias bourgeois et de leurs consécrations à l’envers, il n’y en a pas d’autre. Il faut prendre celle-là comme un honneur.

      L’attaque violemment stigmatisante, trahissant elle-même ses inquiétudes par ses propres outrances, a aussi pour excellente propriété d’accuser une différence. Or la différence est devenue le capital politique le plus précieux dans une période qui n’a fait que remplacer le même par le même au travers des alternances sans alternatives, toutes euro-libérales, autoritaires, tendanciellement racistes. Ça n’est pas la fusion du bloc de droite extrême qui contredira ce mouvement : elle le porte au contraire à son comble. Si bien qu’une différence, il n’en reste plus qu’une dans le paysage de la politique institutionnelle : c’est la FI...

      ... Conditions

      Si la clarification a sa force propre, elle demeure toutefois sous deux hypothèques. La première tient à la conversion toujours problématique de la logique idéologique en logique électorale — écart de la condition nécessaire et de la condition suffisante. La résorption de l’écart tient en grande partie à la promotion de la différence comme différence sociale. Mais à condition de ne pas oublier que la différence sociale — le débat public le démontre négativement depuis des décennies — n’a aucune chance de se faire entendre tant que l’idée de la différence tout court n’est pas d’abord installée dans les esprits, et son porteur identifié comme tel dans le débat public. Se faire reconnaître comme la différence, voilà la tâche première. Après quoi il est possible de faire entendre que cette différence est principalement sociale.

      La seconde est de plus long terme. Sans doute le bloc antifascisation est-il homogène d’être antifascisation. Il l’est probablement moins au fil du dépli des conséquences. Car combattre la convergence extrême-droitière comme telle, c’est-à-dire comme l’expression qu’elle est de la domination bourgeoise devenue folle, implique de se donner pour ennemi la domination bourgeoise. À l’évidence on ne peut pas compter identiquement sur tous les éléments du bloc en cette matière. On ne parle pas ici des professionnels de la posture sans suite, des sociologues convaincues que « l’Europe sociale est la meilleure manière de rendre moins attractifs les discours de l’extrême-droite », ou de l’antifascisme bourgeois qui ne veut rien savoir ni rien toucher des causes de la fascisation. On ne parle pas davantage des partis du milieu, #PS, #EELV, #PC, satellites grotesques, prêts à toutes les compromissions, voués à finir concassés par la polarité des blocs. Le parti médiatique de la #gaucheDeDroite peut trépigner tant qu’il veut à l’idée de rechaper un #VieuxPneuHollando-Glucksmanniste à faire rouler dans l’espace supposément rouvert entre FI et macronisme extrême-droitisé : dans ses rêves (qui ne survivront pas aux insignifiantes européennes, comme d’habitude). Dans l’acuité extrême des enjeux en train de se former, tous ces débris sont heureusement condamnés à l’inanité. Non, c’est bien de la FI qu’il s’agit, composante centrale, et pourtant questionnable, du bloc...

      Clarification Frédéric Lordon Les blogs du Diplo 17 janvier 2024

    • La France est fébrile.

      Raphaël Glucksmann va répondre à François Ruffin, qui l’a qualifié de « hors-sol, déconnecté, sans ancrage » dans une note de blog.
      Info Libé : « Une élite qui avance avec arrogance et inconscience »

    • « Ruffin commence à flipper. Le garçon est embarqué dans le piège sempiternel des socdems : je racole à gauche et je gouverne à droite. De surcroît, il leur sert aujourd’hui de diviseur dans la LFI, puis se fera pulvériser à l’approche de l’échéance présidentielle. Déloyal et Naïf ! »

      https://video.twimg.com/ext_tw_video/1763988900123377664/pu/vid/avc1/540x540/g1zLem1QpK886pdH.mp4?tag=12


      Je considère comme acté qu’il y a des ruptures, à gauche, avec le libre-échange, avec la concurrence et le marché partout. Qui revient en arrière sur ces ruptures est mort, politiquement mort. Qui revient en arrière ne sera plus un camarade.

      https://twitter.com/AppiusCoockie/status/1764237069390340104

  • En Allemagne, plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent contre l’#extrême droite – Libération
    https://www.liberation.fr/international/europe/en-allemagne-plusieurs-centaines-de-milliers-de-personnes-manifestent-con

    Ce sont des manifestations conséquentes qui ont eu lieu de l’autre côté du Rhin ce samedi. Selon la chaîne de télé Tagesschau, quelque 250 000 personnes ont manifesté dans la journée à travers l’Allemagne contre le parti d’extrême droite AfD, dont des membres ont récemment discuté de l’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origine étrangère lors d’un rassemblement d’extrémistes. Et pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, ils seraient même plus de 300 000 citoyens à avoir marché.

    • You’re welcome, @kassem. J’avais vu la publication. Que tu la signale m’a donné l’occasion de trouver et lire l’article. Ce qui n’a pas été sans désagrément.

      à l’est de Detroit, une autre enclave de la communauté arabe et une tout autre ambiance : Hamtramck, vingt-deux mille habitants et 40 % de la population née à l’étranger. Les courants migratoires viennent désormais essentiellement du #Yémen, où se déroule depuis des années une guerre civile dans laquelle les Etats-Unis ont longtemps apporté leur soutien à la coalition sunnite menée par l’Arabie saoudite. Et, comme à chaque fois, une guerre lointaine dépose un flot de #réfugiés pauvres sur les porches des petites maisons ouvrières américaines construites pour d’autres migrants, au début du XXe siècle.

      Le visage et le corps des femmes disparaissent sous le voile et la robe islamique, celui des hommes reste fermé, tandis que leurs enfants affichent un sourire inversement ­proportionnel à la discrétion de leurs parents. Ils ont défilé en famille dans les rues de Hamtramck pour un cessez-le-feu à #Gaza et pour la #Palestine. La petite ville, naguère majoritairement polonaise, a longtemps connu au sein de son conseil municipal la mixité des origines et des religions, sous la houlette d’une femme, Karen Majewski. La maire avait autorisé, il y a vingt ans déjà, les appels à la prière musulmane, puisque sonnent ici les cloches de l’église catholique.

      Mais, depuis les dernières élections locales, le conseil municipal est désormais exclusivement arabe, musulman et masculin. Et l’ambiance a radicalement changé. « Est-ce que l’Holocauste n’était pas une punition préventive de Dieu contre “le peuple élu” et sa sauvagerie actuelle contre les enfants et les civils palestiniens ? », a écrit Nasr Hussain, un proche du maire sur l’une des pages Facebook d’un groupe dédié à la ville. L’édile, Amer Ghalib, d’origine yéménite et sans étiquette politique, a refusé de se désolidariser de ces propos ouvertement antisémites.

      Une immense brèche s’était déjà ouverte, il y a six mois, quand le conseil municipal avait fait retirer du fronton des édifices publics et sur l’avenue centrale tous les drapeaux autres que celui des Etats-Unis. C’était en réalité pour éradiquer l’arc-en-ciel LGBTQ qui flottait dans la ville, parmi les bannières des pays d’origine de ses habitants. Des membres des minorités sexuelles sont venus s’embrasser sous les yeux horrifiés des élus, lors du temps de parole accordé au public par le conseil municipal.

      Des haines à géométrie variable

      Des plaintes pour discrimination ont été déposées contre la ville. Ce qui n’a pas empêché le maire, comme un immense bras d’honneur, de poser, en août et en septembre, avec l’ancien conseiller à la sécurité de Donald Trump Michael Flynn. Ce républicain congédié par l’ancien président (qui l’a depuis publiquement regretté) pour ses liens avec la Russie en 2017, connu également pour sa proximité avec le groupe conspirationniste d’extrême droite QAnon, est aujourd’hui en tournée aux Etats-Unis pour lancer un mouvement chrétien et nationaliste. En d’autres temps, il dénonçait l’islam comme un « cancer vicieux », mais la politique a des frontières et des haines à géométrie variable. Et les religieux, des ennemis en commun.

      Mais c’est sur l’autre versant que pleuvent les accusations d’antisémitisme. (...)

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Arabes_américains

  • La #Belgique soutient la plainte sud-africaine contre Israël devant la CIJ
    https://www.aa.com.tr/fr/monde/la-belgique-soutient-la-plainte-sud-africaine-contre-isra%C3%ABl-devant-la-cij/3114516

    La ministre de la Coopération au développement, Caroline Gennez, a déclaré que son pays soutiendrait pleinement cette plainte si la Cour internationale de justice appelait Israël à cesser sa campagne militaire à #Gaza

  • Vague après vague | jef klak
    https://www.jefklak.org/vague-apres-vague

    Au début de la pandémie de Covid-19, les initiatives autonomes pour préserver la santé des un·es et des autres ont foisonné : brigades de solidarité populaire pour distribuer des repas aux plus pauvres pendant le confinement, fabrication artisanale de masques, auto-organisation à l’échelle des quartiers. Des paroles et des réflexions ont accompagné ces actions.
    Elles venaient des militant·es de la lutte contre le VIH/Sida (Gwen Fauchois) ; du milieu écolo (Aude Vidal) ; de groupes antivalidistes (le Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation) ; de personnes venues des luttes anticarcérales, antiautoritaires ou antifascistes (Acta.zone).

    Au sortir du confinement, des collectifs ont continué à prendre des mesures pour éviter d’occasionner des clusters, avec des tests, des masques, de l’aération. Mais, en parallèle, les intérêts économiques pesaient de tout leur poids pour inciter à un retour rapide au business as usual, puis l’arrivée des vaccins dans les pays industrialisés a changé la donne. L’attention portée au Covid est peu à peu retombée, même dans les espaces qui y étaient les plus sensibles. Au fur et à mesure que la pandémie se banalisait, avec ses vagues à répétitions, le Covid a cessé d’être perçu comme un problème social urgent dont il fallait s’emparer et les gestes de protection collectives sont tombés en déshérence.

    Je voudrais raconter un bout de l’histoire de ces quatre années de pandémie, celui dont j’ai été témoin, depuis la petite partie du champ politique où je m’inscris, où les gens valorisent le fait de s’auto-organiser, critiquent depuis toujours l’État et ses institutions répressives, sont hostiles au capitalisme et aux destructions qu’il engendre et attentif·ves aux relations de pouvoir qui structurent la société. Depuis 2020, dans ce camp des luttes et du mouvement social, une position a éclos, revendiquant l’importance de se prémunir collectivement de la contagion, indépendamment des directives gouvernementales, pour des raisons politiques.

    #covid_19 #santé #politique #RDR #masque #autodéfense_sanitaire #minorité_de_la_minorité #Cabrioles #darwinisme_social

  • Sur Instagram et Facebook, les voix propalestiniennes censurées | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/190124/sur-instagram-et-facebook-les-voix-propalestiniennes-censurees

    La modération algorithmique de Meta ne suffit pas à expliquer les suppressions massives de contenus propalestiniens. Le rapport de Human Rights Watch dénonce aussi « la complaisance apparente de Meta à l’égard des demandes de suppression de contenus formulées par la cyber-unité israélienne », organe qui dépend du ministère de la justice israélien. 7amleh précise que depuis le 7 octobre 2023, la cyber-unité israélienne a déposé 21 000 demandes de suppression de contenus auprès de Meta. L’entreprise aurait, selon un représentant de la cyber-unité cité par 7amleh, accepté 92 % de ces demandes.

    #Instagram (ce réseau si pratique d’après certain·es journalistes)

  • Bye bye Tibériade - Regarder le documentaire complet | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/099738-000-A/bye-bye-tiberiade

    L’actrice Hiam Abbass raconte à sa fille, la réalisatrice Lina Soualem, l’histoire de son exil de Palestine. Un voyage mémoriel émouvant sur les terres de sa jeunesse, où se dessine l’esprit de résistance d’une lignée de femmes marquées par une histoire collective douloureuse.

    « J’étouffais, j’avais besoin de respirer, de me trouver », confie-t-elle. À la fin des années 1980, Hiam Abbass quitte sa famille et son village galiléen de Deir Hanna, proche du lac de Tibériade, pour accomplir son rêve d’une carrière au cinéma. Près de trente-cinq ans plus tard, sa fille Lina, née en France du mariage de l’actrice avec le comédien Zinedine Soualem, constate que sa mère n’a jamais parlé de sa vie à Deir Hanna ni des circonstances de son exil.

  • Archiver ses vidéos : retour d’expérience.
    https://linuxfr.org/news/archiver-ses-videos-retour-d-experience

    Préambule : ma vie (et peut-être aussi la vôtre)

    Comme probablement beaucoup d’entre vous, j’ai des milliers de photos et vidéos accumulées au cours des 20 dernières années. C’est très pratique de pouvoir stocker cela sur un seul disque dur. Mais cela pose trois problèmes majeurs :

    la pérennité du support ; le classement des fichiers pour pouvoir en retrouver un en particulier dans… très longtemps. la possibilité de lire des fichiers dans plusieurs années (je pense à des fichiers Publisher 2.0 que je ne suis plus parvenu à lire par la suite – et non : les versions ultérieures à Publisher 2.0 ne lisent pas ces fichiers.

    Ce texte s’adresse à toute personne qui se pose trois questions :

    Pourrai-je visionner mes fichiers vidéos dans 30 ans pour les montrer à mes petits-enfants ? Comment organiser/classer mes fichiers (...)

  • Habitat indigne : l’incroyable cadeau du gouvernement aux marchands de sommeil | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/180124/habitat-indigne-l-incroyable-cadeau-du-gouvernement-aux-marchands-de-somme

    Publié au plein cœur de l’été, le 29 juillet 2023, le décret habitat 2023-695 va entraver la lutte contre les marchands de sommeil et autres propriétaires abusifs en tirant vers le bas toutes les normes de qualité des logements mis en location.

    Censé harmoniser les deux textes qui régissent aujourd’hui les normes des habitations en location, le décret « décence » et le règlement sanitaire départemental, il était pourtant attendu depuis des années. Il aurait dû être l’occasion d’intégrer de nouvelles normes qualitatives, notamment liées au dérèglement climatique, en prenant en compte l’impact des fortes chaleurs dans le bâti. Personne n’avait imaginé qu’il ferait sauter les garde-fous existants, au prétexte de la crise du logement.

    Enfin, personne… parmi les naïfs.
    #logement #pourritures

  • Trade Disruptions in the Red Sea
    eventc1000000 | PortWatch
    https://portwatch.imf.org/pages/573013af3b6545deaeb50ed1cbaf9444
    Trafic maritime au canal de Suez, au détroit de Bab-el-Mandeb et au cap de Bonne-Espérance
    (données quotidiennes à partir de janvier 2019 avec moyennes mobiles sur 7 jours)
    Ouah ! une nouvelle source #PortWatch mise en ligne par le FMI en partenariat avec Oxford University
    (version beta ouvert le 23/11/2023)

    Suez : la moitié du trafic par rapport à la même période l’année dernière

    Bab-el-Mandeb : 60% du trafic (-40% par rapport à la même période)

    Bonne-Espérance : +40% par rapport à la même période de l’année dernière

    • About | PortWatch
      https://portwatch.imf.org/pages/about

      PortWatch offers cutting edge analytical tools to help users assess the domestic and international trade impact of actual and future disasters, such as extreme weather events. Building on extensive research, PortWatch uses satellite-based vessel data and big data analytics to produce actionable insights for policymakers, international organizations and the general public.

      A key feature of PortWatch is its disaster alert system. After major disasters, PortWatch provides weekly email alerts on the realized and expected trade disruptions in affected countries. This information is intended to help policymakers, development partners and the public respond to disasters quickly and effectively. The email notifications are free of charge - please subscribe here.

      The platform allows users to explore how global supply chains are exposed to present and future disruptions to port activity. Users can simulate the indirect spillover effects of port disruptions to other countries in the maritime trade network. This can be done for both actual and hypothetical port closures. Spillover analysis reveals which countries and sectors are at risk of experiencing trade disruptions, which can help inform timely responses to shocks.

      PortWatch also offers climate scenario analysis, facilitating the identification of vulnerabilities within the maritime trade network. Such vulnerability analysis captures the impacts of more frequent and intense climate extremes in the future. The estimates are informed by modelled risk estimates at 1,400 ports worldwide for different types of disasters (cyclones, floods, and earthquakes). These data-driven insights are intended to facilitate international dialogue and help policymakers prioritize investments to increase resilience of vital economic infrastructure.

      A winner of the 2022 Climate Innovation Challenge, PortWatch is a collaborative project between the IMF and the Environmental Change Institute at the University of Oxford. The project team comprises researchers from a variety of disciplines, including macroeconomics, climate risk modelling, and data science. PortWatch was developed in cooperation with ESRI, the United Nations Global Platform, the World Bank, and the World Trade Organization. The project was made possible by seed funding from the Swiss State Secretariat for Economic Affairs.

      Official launch date: November 15, 2023 (beta version for public use and comment)

    • arf !

      The project was made possible by seed funding from the Swiss State Secretariat for Economic Affairs.

      rendu possible par un financement du Secrétariat d’État à l’économie suisse (SECO), branche du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche du Conseil fédéral de la Confédération (= ministère de l’économie)

    • https://fr.euronews.com/business/2024/01/16/conflit-en-mer-rouge-quelles-consequences-pour-leurope

      Les prix du carburant ont déjà augmenté en raison des tensions, le prix du baril de pétrole Brent ayant atteint le palier symbolique des 80 $ (73,12 €). La mer Rouge représente 12 % du commerce maritime mondial de pétrole et 8 % du gaz naturel liquéfié (GNL).

      Selon les chiffres officiels, la quantité de pétrole brut passant par le canal de Suez a augmenté de 60 % depuis 2020, l’Europe ayant enregistré une hausse de la demande par rapport aux niveaux les plus bas de la pandémie de COVID-19.

      Par ailleurs, l’Europe importe plus de pétrole des producteurs du Moyen-Orient via le canal de Suez depuis que l’UE a imposé des sanctions à la Russie en raison du conflit en Ukraine.

      Selon l’analyste de données sur le fret Vortexa, un détour résultant des perturbations de la mer Rouge pourrait entraîner une augmentation de 58 % à 129 % du temps de voyage nécessaire aux pétroliers sur les routes maritimes principales, y compris de l’Inde vers l’Europe et du Moyen-Orient vers l’Europe.

      (entre autres)

    • Deux Navy Seals disparaissent lors d’une mission secrète au large de la Somalie | Monde | 7sur7.be
      https://www.7sur7.be/monde/deux-navy-seals-disparaissent-lors-dune-mission-secrete-au-large-de-la-somalie

      Deux membres des Navy Seals ont disparu au large de la Somalie lors d’une mission secrète qui avait pour objectif d’intercepter des missiles iraniens, rapporte le ministère américain de la Défense. Des recherches impliquant navires, hélicoptères et drones n’ont, à l’heure actuelle, rien donné. Les autres membres de l’équipe ont quant à eux mené à bien leur mission, s’emparant avec succès d’une livraison d’armes iraniennes qui devait initialement tomber entre les mains des rebelles Houthis au Yémen.

      La mission secrète a débuté jeudi dernier au large des côtes somaliennes, dans les eaux internationales de la mer d’Arabie, indique la Centcom sur le réseau social X. Les Navy Seals, unité spéciale de la marine américaine, ont disparu après avoir tenté de monter à bord d’un boutre, un voilier traditionnel arabe.


      Le boutre ciblé par les NAVY Seals.
      © AP

      Le boutre transportait des composants de missiles balistiques ainsi que de croisière depuis l’Iran vers la région, explique The Telegraph.

      Puissant courant
      L’un des Seals se serait, d’après certaines rumeurs, fait emporter par un puissant courant. Un deuxième membre de l’équipe a par la suite plongé dans l’eau afin de le sauver. Aucune trace des deux Seals n’a été retrouvée depuis.

      Le reste de l’équipe a quant à lui pu monter à bord du bateau avant de mettre la main sur une dizaine de membres de l’équipage et des armes planquées sur le boutre. Ils ont par la suite entrepris de faire couler le navire.


      Composants de missiles iraniens.
      © AP

      Selon The Guardian, l’objectif de la mission était de transférer les armes sur un autre bateau. Les NAVY Seals ont mené leur opération depuis le porte-avion Lewis B Puller.

      Des membres du ministère américain de la Défense ont affirmé que les Seals avaient suivi un entraînement pour pouvoir survivre dans de telles conditions, précisant par ailleurs que les eaux du golfe d’Aden étaient chaudes. En d’autres mots : ce n’est pas l’hypothermie, mais bien l’épuisement, qui représente le plus grand risque. Des recherches approfondies sont toujours en cours.

      Selon l’armée américaine, c’est la première fois que des armes iraniennes destinées aux Houthis sont interceptées depuis le début des attaques des rebelles en mer Rouge. D’après une première analyse, il semblerait que les mêmes types d’armes soient utilisés par les Houthis lors de ces frappes.

    • Quelqu’un a une idée de ce qui se passe ?

      les bombardements des britannico-états-uniens sur le Yemen ont frappé, parait-il, des sites de lancement de missiles, mais, sans surprise sont loins d’être venus à bout de la capacité des rebelles à en tirer et à frapper d’autres navires.

      –> les états-uniens cherchent à couper, en amont, l’approvisionnement en missiles provenant d’Iran
      –> la navigation marchande se déroute par le cap de Bonne-Espérance (la tendance ne devrait pas s’arrêter là, vus les événements récents)

    • en arrière-plan, il y a aussi le projet #IMEC (India-Middle East–Europe Corridor)
      https://fr.wikipedia.org/wiki/India-Middle_East-Europe_Economic_Corridor

      certains voient dans l’accroissement de l’activité des Houthis une réponse à ce projet visant à perturber la branche Mer Rouge de ce corridor
      https://seenthis.net/messages/1036885

      • liste des pays mentionnés dans l’article WP[fr] : Inde, EAU, Arabie saoudite, Jordanie, Israël (auxquels il faut ajouter, dans la version WP[en] É.-U., UE, France, Allemagne et Italie, comme fondateurs) ; comparer avec la liste des membres de la coalition en Mer Rouge
      • filière des missiles tirés : Chine, Iran, Yemen

  • Guerre Israël-Hamas : pour la première fois, le Parlement européen appelle à un « cessez-le-feu permanent »
    18 janvier 2024 - Jean Delaunay

    https://www.observatoiredeleurope.com/guerre-israel-hamas-pour-la-premiere-fois-le-parlement-europe

    Le Parlement européen a appelé pour la première fois à un « cessez-le-feu permanent » à Gaza et au début d’efforts politiques pour trouver une solution à la guerre entre Israël et le Hamas.

    La résolution, purement symbolique et sans valeur juridique, a été approuvée jeudi par 312 voix pour, 131 contre et 72 abstentions dans l’hémicycle de Strasbourg, après qu’un compromis ait été trouvé pour apaiser les législateurs de centre-droit.

    L’appel au cessez-le-feu représente un changement significatif par rapport à la position précédente du Parlement, adoptée en octobre, qui appelait à une « pause » humanitaire pour intensifier le flux d’aide atteignant les civils de Gaza. Ce vote a été adopté par 500 voix pour, 21 contre et 24 abstentions.

    Cet appel aigu intervient alors que le bilan des morts à Gaza dépasse les 24 000, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas.

    Alors que les groupes de gauche et centristes de l’hémicycle avaient ouvertement soutenu l’appel au cessez-le-feu, les membres du Parti populaire européen (PPE) de centre-droit, le plus grand groupe de la chambre, avaient exprimé des réserves.

    La résolution a été adoptée après l’approbation d’un amendement spécifiant qu’un cessez-le-feu devrait être conditionné à la libération de tous les otages détenus à Gaza et au « démantèlement » du Hamas, désigné organisation terroriste dans l’UE.

    #IsraelUE

    • 18 janvier 2024 - 13h45
      Les eurodéputés réclament un cessez-le-feu permanent à Gaza, sous conditions
      https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20240118-en-direct-raids-isra%C3%A9liens-meurtriers-bande-de-gaza-palestine-et-n

      Les eurodéputés ont réclamé jeudi un cessez-le-feu « perm
      anent » à Gaza dans une résolution, non contraignante, qui conditionne toutefois cet arrêt des combats à la libération « immédiate » des otages encore détenus par le Hamas. Le Parlement européen, réuni à Strasbourg, appelle dans ce texte « à un cessez-le-feu permanent et à la reprise des efforts vers une solution politique, à condition que tous les otages soient immédiatement libérés sans conditions, et que l’organisation terroriste du Hamas soit démantelée ». Le projet de résolution déposé par la gauche sociale-démocrate, les Verts et le centre ne prévoyait à l’origine aucune condition à la mise en œuvre d’un cessez-le-feu. Mais les eurodéputés se sont ralliés à un amendement déposé par le Parti populaire européen (PPE, droite), premier groupe politique du Parlement de Strasbourg, introduisant cette conditionnalité. Le PPE avait refusé de s’associer à ce projet de résolution, jugeant qu’un appel au cessez-le-feu permanent « sape le droit d’Israël à se défendre et met encore davantage en danger la vie des otages toujours détenus par le Hamas », selon une déclaration du groupe publiée avant le vote. « Tout cessez-le-feu doit être soumis à des conditions », a encore affirmé le PPE. Le texte a été adopté par une majorité de 312 eurodéputés, 131 ont voté contre et 72 se sont abstenus. Le Parlement européen compte au total 705 députés. Le débat, souvent très vif, qui a précédé ce vote mardi, a mis en lumière les divisions qui traversent les groupes politiques et les 27 États membres depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël le 7 octobre. Lors de leur dernier sommet en décembre, les chefs d’État ou de gouvernement de l’UE n’étaient pas parvenus à trouver un accord sur une déclaration commune sur la situation à Gaza, compte tenu de ces divisions.

  • Why Israel’s Political and Military Leaders Want a Perpetual War - Israel News - Haaretz.com
    https://www.haaretz.com/israel-news/2024-01-17/ty-article/.premium/why-israels-political-and-military-leaders-want-a-perpetual-war/0000018d-125e-dac4-a9cf-527fb7820000

    (En prenant pour argent comptant les déclarations de l’armée sioniste quant aux pertes du Hamas)

    “The war has become the objective,” former Shin Bet security agency director Ami Ayalon told me in a recent Haaretz interview. The statement attracted wide attention in Israel and around the world among about half a million readers and followers on social media.

    And now that we have passed the 100-day milestone since Hamas’ surprise October 7 attack, the statement resonates all the more strongly.
    Many of the country’s decision-makers appear enamored of a situation in which the war continues with no end in sight and consider it an unavoidable necessity. At Sunday’s cabinet meeting, Prime Minister Benjamin Netanyahu reiterated that the war will continue for many more months. That’s no surprise.

    Since the initial weeks of the war, many Israelis have sensed that war’s declared aims have been largely unrealistic and that Netanyahu’s hidden objectives are personal and political – evading testifying at his criminal corruption trial, preventing a resumption of the protests against his government and disrupting any attempt to hold early elections.
    This week in conversations with Israeli media outlets, American officials expressed major disappointment over the prime minister’s conduct. So what else is new? Did they expect Netanyahu to thank them for America’s diplomatic, military and moral support for Israel? Were they surprised that he has taken the aid for granted and isn’t taking the United States into account? Didn’t they know that he misleads, that he’s a manipulator who hasn’t read verse from the Book of Exodus that states “keep thee far from a false matter”?

    But Netanyahu isn’t alone in his efforts to prolong the war. He has partners among the political and military leadership. Defense Minister Yoav Gallant, National Unity Party leader Benny Gantz, IDF Chief of Staff Herzl Halevi, Shin Bet security agency director Ronen Bar and other senior Shin Bet officers and IDF generals share the wish to prolong the war, each for his own reasons.

    Gallant comes right behind Netanyahu in bearing responsibility for the political and security failure of October 7. Even if he deserves credit for warning last March that the government’s proposed judicial coup was damaging national security, he’s a full partner to the cabinet’s policies, procedures and decisions. After issuing his warning and being fired – and restored to office following a spontaneous protest – Gallant has continued to loyally serve Netanyahu’s malicious government.

    Gantz is not responsible for the failure. Together with his party colleague and fellow former IDF Chief of Staff Gadi Eisenkot, he has demonstrated national responsibility and statesmanship. Despite hesitations on the part of Netanyahu, who really didn’t want him, Gantz swallowed his pride and joined the war cabinet without conditions. But it quickly became apparent that he had no influence and that he and Eisenkot were merely there for show.

    Judging by Gantz’s conduct, the National Unity Party leader has no intention of giving Netanyahu an ultimatum, even after 100 days of war. Several weeks ago, he should have said the following: “If the government doesn’t initiate a comprehensive deal that would end the war and release most of the terrorists in exchange for all of the hostages, I and the National Unity Party will resign.”

    Gantz seems to be basking in his success in the polls , concerned that he would lose his high rating in the polls if he quits the government. From that perspective, there’s little difference between him and Netanyahu. In their management of the war, the decisions of both are also motivated by personal and political considerations.

    Netanyahu, who at the beginning of the war suffered anxiety and panic, recovered within a few days from the trauma and took control of managing the war, the decision-making and the public agenda. He appears at press conferences, is photographed with soldiers at the front and on the home front and releases several statements per day. He also manipulates families of the hostages, takes credit for himself for accomplishments of the entire intelligence and defense community and minimizes the importance of Gantz and Eisenkot.

    Also obvious is the responsibility of Chief of Staff Lt. Gen. Halevi, Intelligence Corps chief Maj. Gen. Aharon Haliva, military intelligence research department head Brig. Gen. Amit Saar, IDF Southern Command head Maj. Gen. Yaron Finkelman and other senior officers, as well as Ronen Bar and his staff. All of them, including Gallant, have admitted responsibility for the failures of October 7 – some more so and some less, some publicly and others privately – but none have publicly announced that they would resign.

    On Sunday, in an interview with Army Radio, former Shin Bet director Jacob Perry recounted that the agency’s current director, Ronen Bar, told his staff that he would resign after the war. Shin Bet staff were quick to make it clear that during the war’s first week, Bar had only told his staff that he was responsible for the agency’s failure to provide a timely warning that could have foiled the attack.

    What is driving the concern that Gallant, Halevi, Bar and their senior subordinates have an interest in continued combat? Apart from the need to salve their tormented consciences, there is the unstated assumption that the longer the military campaign lasts, the more military accomplishments there will be, which would mitigate the scope of their failures and permit them to emerge as partial successes.

    In fact, the IDF and Shin Bet can claim some successes. Most of Hamas’ military force has been severely damaged. It has lost 9,000 fighters (almost half of the force) and thousands more have been wounded. Its chain of command – of battalion and brigade commanders and its naval and air commanders – have been either killed, wounded or captured. The lion’s share of its rockets, particularly its long-range rockets, have been either destroyed or “wasted” when fired.

    On the other hand, the IDF’s efforts to rescue the hostages have failed. The theory embraced by Halevi, Bar and Gallant that only military pressure can bring about the hostages’ release has not proven itself. Of the 268 hostages, 121 were freed in exchange for a cease-fire and Israel’s release of terrorists. The promise to eliminate Hamas’ leadership in Gaza and abroad has also been shown to be arrogant.

    The IDF and Shin Bet have had difficulty through intelligence to find Hamas’ top three leaders in Gaza, Yahya Sinwar, Mohammed Deif, and Marwan Issa, and to reach them through military operations. The IDF and Shin Bet are also politically constrained from acting against Hamas’ leadership in Qatar and Turkey. The sole achievement in this regard has been the assassination of Saleh al-Arouri, for which Israel has not taken responsibility. The destruction of the tunnels in Gaza has also only been a partial success.
    Such limited achievements are tactical in any event. Strategically, Israel is losing the war. It has not managed, as Netanyahu and Gallant had promised, to bring about the collapse of Hamas and is now facing in a war of attrition. Statements made both before and during the war that Israel can fight simultaneously on multiple fronts are being proven to be vain boasting. Israel is perceived as a weak country, with 150,000 of its citizens internally displaced refugees.

    Talk of unity and the slogan “together we will win” are hollow lip service. Israel remains a divided and fractured country run by a reckless government that hasn’t changed and doesn’t intend to change direction and is unwilling to learn any real lessons. Evidence of that can be seen in the allocation of funding based on government coalition agreements and patronage appointments as well as a budget that doesn’t hold future promise.

    Above all, what stands out is a lack of political courage that would lead to the conclusion that it would be better to declare limited achievements now and cut our losses. Instead, the government and army prefer to evade making difficult or critical decisions to end the war, to restore calm to the borders with Gaza and Lebanon and to free the hostages, even at the painful price of the release of all the Palestinian prisoners from Israeli custody.

    Netanyahu, Gallant, and their coalition understand that if they act as expected of a country facing one of the most difficult times in its history – on their watch – their government would fall. And that’s the last thing that they want.