• Tsedek !, le collectif français qui veut « faire entendre une voix juive décoloniale »
    Par Hassina Mechaï | Published date : Mercredi 10 janvier 2024 | Middle East Eye édition française
    https://www.middleeasteye.net/fr/actu-et-enquetes/tsedek-collectif-francais-voix-juive-decoloniale-palestine

    Ils ont demandé à répondre aux questions de Middle East Eye au nom du collectif, estimant qu’aucun d’entre eux ne saurait incarner à lui seul la parole de Tsedek !. Jeune pousse associative, Tsedek ! a, depuis le 7 octobre dernier et le début d’une nouvelle phase particulièrement meurtrière du conflit israélo-palestinien, attiré l’attention des médias français.

    Dans un climat hexagonal exacerbé par la guerre au Moyen-Orient, Tsedek ! semble constituer une rupture et faire lien tout à la fois : rupture avec l’idée d’un automatique soutien des Français juifs à la politique de l’État israélien. Lien nécessaire qu’entend faire le collectif entre tous les racismes, sans hiérarchie ni opposition entre les différentes haines raciales. Et donc les réprobations, médiatiques ou politiques, qu’elles suscitent.

    Tsedek ! renvoie avant tout au concept de justice dans la tradition juive. « Ce concept sert de fil conducteur à notre militantisme : nous conjuguons notre identité juive à la lutte antiraciste et faisons de cette dernière un élément central de notre judéité. Tsedek ! a été créé par des juifs et juives qui ne se sentaient représentés ni par les institutions juives ni par la majorité des collectifs juifs antiracistes en France », détaille les membres du collectif à Middle East Eye.

    « Il était urgent pour nous de créer une nouvelle maison politique afin de faire entendre une voix juive décoloniale contre le racisme d’État en France et contre l’apartheid en Israël-Palestine. » (...)

  • #Gaza. L’escorte médiatique d’un #génocide - Alain Gresh - Sarra Grira
    https://orientxxi.info/magazine/gaza-l-escorte-mediatique-d-un-genocide,6983

    « Depuis 90 jours, je ne comprends pas. Des milliers de personnes meurent et sont mutilées, submergées par un flot de violence qu’on ne peut qualifier de guerre, sauf par paresse ». Dans sa lettre de démission après douze ans de bons et loyaux services, le journaliste Raffaele Oriani du supplément hebdomadaire du quotidien italien La Repubblica entend protester contre la manière dont son journal couvre la situation à Gaza. Il dénonce « l’incroyable circonspection d’une grande partie de la presse européenne, y compris La Repubblica – aujourd’hui deux familles massacrées ne figurent qu’à la dernière ligne de la page 15 », et évoque « l’#escorte_médiatique » qui rend ces massacres possibles.

    • Loi « immigration » : 200 personnalités appellent à manifester le 21 janvier contre la promulgation

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/07/deux-cents-personnalites-appellent-a-manifester-contre-la-loi-immigration_62

      Les signataires demandent au président de ne pas promulguer le texte rédigé, selon eux « sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de “préférence nationale” ».

      [...]

      Ce texte, qui a provoqué une crise ouverte au sein de la majorité présidentielle, a été voté par le Rassemblement national qui y a vu une consécration de « la priorité nationale » qu’il défend. Voté le 19 décembre 2023, il comporte, selon l’exécutif lui-même, plusieurs mesures susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel. Saisis par le président de la République, mais aussi par l’opposition de gauche, les neuf juges constitutionnels doivent se prononcer d’ici à la fin du mois de janvier sur sa conformité.

    • L’Appel :

      Marchons pour la Liberté, l’égalité, la fraternité

      Dans notre diversité d’idées, d’engagements, de professions, nous exprimons notre grande inquiétude après le vote de la loi dite « asile-immigration ». C’est un tournant dangereux dans l’histoire de notre République.

      D’abord parce que cette loi ne répond pas aux causes de l’exil forcé d’hommes, de femmes, d’enfants fuyant les guerres ou le réchauffement climatique, ni aux défis de l’accueil dans la dignité, ni au défi de la définition d’une politique digne et humaine d’intégration.

      Ensuite, parce qu’elle a été rédigée sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de « préférence nationale ». Elle torpille les piliers porteurs de notre pacte républicain, hérité du Conseil national de la Résistance. Elle s’attaque ainsi au droit du sol autant qu’aux droits fondamentaux proclamés par la Constitution : au travail, à l’éducation, au logement, à la santé… Ce faisant, tous et toutes, Français autant qu’étrangers, nous nous trouvons menacés.

      Victor Hugo écrivait : « Étouffez toutes les haines, éloignez tous les ressentiments, soyez unis, vous serez invincibles. »

      Soucieux de rassemblement et de solidarité plutôt que de division sans fin de notre société, nous demandons au Président de la République de ne pas promulguer cette loi.

      Le dimanche 21 janvier nous appelons à manifester dans notre diversité notre attachement à la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité. »

    • Loi « immigration » : quand le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, tance Emmanuel Macron sur l’Etat de droit

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/08/loi-immigration-quand-le-president-du-conseil-constitutionnel-laurent-fabius

      Lors de ses vœux (à huis clos) au président de la République, le président du Conseil constitutionnel a notamment rappelé que celui-ci « n’était ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement », en allusion notamment au texte de loi sur l’immigration.

      [...]

      Apparemment, M. Fabius partage cet avis. « Monsieur le président, je soulignais au début de mon propos que le Conseil constitutionnel n’était ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement, mais le juge de la constitutionnalité des lois, et j’ajoutais que cette définition simple n’était probablement pas ou pas encore intégrée par tous, a ainsi lancé l’ancien chef du gouvernement. Deux mille vingt-trois nous a en effet frappés, mes collègues et moi, par une certaine confusion chez certains entre le droit et la politique. On peut avoir des opinions diverses sur la pertinence d’une loi déférée, on peut l’estimer plus ou moins opportune, plus ou moins justifiée, mais tel n’est pas le rôle du Conseil constitutionnel. La tâche du Conseil est, quel que soit le texte dont il est saisi, de se prononcer en droit. » Et de citer son « prédécesseur et ami Robert Badinter », autre socialiste qui présida le Conseil constitutionnel (1986-1995) : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. »

      « Pacte faustien »

      Une fois ce rappel fait, M. Fabius ne s’est pas arrêté là. « Sauf à prendre le risque d’exposer notre démocratie à de grands périls, ayons à l’esprit que, dans un régime démocratique avancé comme le nôtre, on peut toujours modifier l’Etat du droit mais que, pour ce faire, il faut toujours veiller à respecter l’Etat de droit, qui se définit par un ensemble de principes cardinaux comme la séparation des pouvoirs, le principe de légalité et l’indépendance des juges, a encore insisté M. Fabius. Il y a bientôt cinquante ans que la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’affirme en ces termes : c’est dans le respect de la Constitution que la loi exprime la volonté générale. » En clair, le président du Conseil constitutionnel rappelle les bases d’un « Etat de droit » au chef de l’Etat, notamment cette règle : on ne peut pas voter une loi dont on sait que certaines dispositions sont contraires à la loi fondamentale.

      Plus largement, M. Fabius a longuement développé la notion d’Etat de droit aussi bien au niveau national qu’au niveau européen, alors que la liste menée par Jordan Bardella (Rassemblement national) est donnée favorite aux élections européennes de juin. Et il lance un avertissement, cette fois à une partie de la droite et à l’extrême droite, qui dénoncent de concert « le gouvernement des juges », plaident pour le recours systématique au référendum, et pour sortir également de ce qu’ils appellent le « carcan européen ». « Un sophisme se fait entendre selon lequel il faudrait se libérer de l’Etat de droit, soit au plan national, soit au plan européen, soit les deux, pour accomplir la volonté générale », note ainsi M. Fabius, qui évoque même un « pacte faustien ». Et de dénoncer « la “martingale des refus” – refus de la légitimité des juges, refus de plusieurs de nos engagements européens, refus de l’Etat de droit » qui, selon lui, « nous ferait rompre avec l’Europe et mettrait en cause notre démocratie elle-même ».

    • La leçon de François Sureau sur la justice : « Mettons que je n’aie rien dit »

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/09/la-lecon-de-francois-sureau-sur-la-justice-mettons-que-je-n-aie-rien-dit_620

      François Sureau, ancien conseiller d’Etat, puis avocat aux Conseils, écrivain, membre de l’Académie française, a prononcé, lundi 8 janvier, un discours assez vif sur la justice devant l’Académie des sciences morales et politiques, dont « Le Monde » publie ici l’intégralité.

      L’avocat, écrivain et académicien et, par ailleurs, ami du président de la République, François Sureau, a regretté, lundi 8 janvier devant l’Académie des sciences morales et politiques, la multiplication des entorses aux libertés individuelles. Ces critiques s’ajoutent aux reproches formulés le même jour par Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, après le vote de la « loi immigration ». Voici l’intégralité du discours de François Sureau.

  • Philippe Descola « Le savoir est une matière explosive »

    Podcast Bistroscopie du samedi 6 janvier 2024 (40 min., productrice : Charline Vanhoenacker )

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/bistroscopie/bistroscopie-du-samedi-06-janvier-2024-9782189

    Aller écouter notamment au timecode 20min. 20sec

    Anthropologue, professeur au Collège de France, Philippe Descola étudie depuis 40 ans les rapports des hommes avec le monde non-humain ; cette « nature » qui n’existe pas en soi mais que l’humain occidental a inventé et exploite. A ce titre, il défend les initiatives politiques qui permettent d’inverser ce mode d’appropriation.

  • Faits marquants de l’actualité internationale
    https://www.aa.com.tr/fr/monde/faits-marquants-de-lactualit%C3%A9-internationale/3102251

    Gouvernement de Gaza : l’armée israélienne a pillé 25 millions de dollars en argent et en objets en or

    Le Bureau des médias du gouvernement de Gaza a déclaré, samedi, que, depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a pillé de l’argent et des objets en or dans la Bande de Gaza, pour un montant d’environ 25 millions de dollars.

    Il a affirmé avoir noté « des dizaines de témoignages de résidents de la Bande de Gaza concernant le vol par l’armée d’occupation israélienne, au cours des 92 derniers jours, de sommes d’argent, de l’or et des objets de valeur estimés à 90 millions de shekels (24,5 millions de dollars). »

    « Les vols ont eu lieu sous diverses formes, la première étant aux points de contrôle, comme la rue Salah al-Din, où ils ont dépouillé des habitants déplacés du nord de la Bande de Gaza vers le sud, de leurs sacs contenant leurs biens de valeur tels que de l’argent, de l’or et des objets de valeur », a déclaré le Bureau.

  • TÉMOIGNAGE. Une agence immobilière victime de cyberharcèlement : un ancien locataire se venge pour une caution non remboursée
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/temoignage-200-appels-bloquant-le-standard-faux-avis-us
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/image/aMwdrT2oG1yg81Cy0qv0naJi-68/930x620/regions/2024/01/04/cyberharcelement-6596c32c43752596981743.jpg
    Il y a quelques jours seulement, de fausses images montrant des appartements mal-entretenus circulaient lorsque des clients tapaient « SITEA » sur Google. • © Laurence Boffet / FTV

    L’homme en cause discrédite directement SITEA sur Google en se cachant derrière son anonymat numérique. « Il nous nuit avec des faux avis et des fausses photos » reprend Bruno Deumie. « Quand des clients tapaient SITEA sur Google, ils tombaient sur des photos d’appartements complètement ravagés, avec des punaises de lits, des cafards, faisant croire que c’était l’agence qui mettait ça en ligne » fustige l’#agent_immobilier

    [...]

    Qui est à l’origine de cette campagne de harcèlement et pourquoi ? Il faut remonter à avril 2023 pour trouver l’explication. Ce harceleur est un ancien locataire de l’agence : il n’accepte pas qu’elle ne lui rende pas sa caution de 450 euros. « L’appartement loué en avait pour 7.000 euros de dégradations. Ce monsieur n’a pas compris la contrepartie financière qu’il devait y laisser » rembobine Bruno Deumie.

    des sans-dents qui mordent ?

    #logement #agence_immobilière #caution

  • En 2024, ne plus être courageuses ni formidables par Lola Lafon (tribune, texte intégral)

    N’attendez pas des femmes qu’elles changent seules les règles d’un système dont elles sont victimes, d’un ordre du monde qu’elles n’ont pas contribué à créer. Acceptez de voir vos certitudes, vos désirs questionnés. Agissez et prenez le relais. Mais le temps presse.

    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/opinions/en-2024-ne-plus-etre-courageuses-ni-formidables-par-lola-lafon-20240105_T

    En ces premiers jours de l’année, où on rêve et on souhaite, mon vœu est qu’on arrête de célébrer la force et le courage des femmes. Qu’en 2024, on leur accorde la possibilité de ne pas être formidables. De ne plus être courageuses. Qu’on cesse enfin de glorifier leur capacité à encaisser. Qu’elles soient les premières concernées ou qu’elles soutiennent celles qui dénoncent les violences sexuelles, elles sont nombreuses à être épuisées, usées, qui prennent de plein fouet les tribunes nauséabondes, la remise en cause de leur parole, l’indifférence et même, la prose méprisante d’un discours présidentiel.
    Demandez à vos sœurs. A vos copines. A vos collègues

    Aujourd’hui, à ceux qui se tiennent en retrait tout en assurant les femmes de leur soutien, j’aimerais demander ceci : où est-il, ce soutien ? Pourquoi est-il si mesuré, pour ne pas dire inexistant ? Est-ce l’illusion que sur ce champ de bataille, ils ne connaissent personne ? Qu’aucune proche n’est concernée ? Est-ce un déni de ces évidences-là : que grandir dans la peau d’une femme, c’est, au mieux, avoir échappé au pire. C’est, dès l’enfance, se méfier, craindre ceux qu’on est éduquées à aimer. C’est avoir le choix entre renoncer à être libre ou à risquer sa vie. C’est perdre un temps infini à élaborer des stratégies de vigilance, au quotidien : une armure qui finit par ressembler à une cage.

    Si, en 2024, tout ceci fait encore débat, alors, peut-être faut-il extirper de l’ombre ces histoires que tant de femmes dissimulent à leur fils, à leur mari, à leurs amis. Qu’elles racontent. Qu’elles leur disent à quel âge elles ont eu, pour la première fois, le sentiment d’être une proie. A quel âge, la main brutalement intrusive d’un ami de la famille, d’un oncle, d’un grand-père, d’un médecin ? L’insistance aveugle d’un petit ami, à l’adolescence ? A quel âge le souffle court, la gorge serrée, la nausée et la rage ? La révélation qu’on parle sans être entendue ou crue ? A quel âge, l’apprentissage du silence ? Interrogez votre grand-mère. Votre mère. Demandez à vos sœurs. A vos copines. A vos collègues. Questionnez celles dont l’entourage vante la « solidité ». Celles qui assurent qu’il ne leur est jamais rien arrivé de grave. Demandez-leur ce qui leur est arrivé de pas grave.

    Demandez aux femmes le nombre de fois où le sexe a été quelque chose qu’on « consent » à donner sous la pression, qu’elle soit amoureuse, économique, professionnelle ou affective. Parce que c’était plus simple. Parce qu’on n’osait pas faire autrement. Dire « oui » parce qu’on n’a pas appris à dire « non ». Ces mots qui vous seront confiés, considérez-les comme une photographie révélée ; celle d’un espace souterrain que vous ignorez : le paysage intime, tristement secret, des femmes que vous côtoyez.
    Vous n’avez pas idée de l’ampleur de cette colère

    Ces mots formeront une liste, une énumération. Sans doute sera-t-elle aride, répétitive. Vous entendrez, je le crains, les mêmes récits. Les mêmes souvenirs. Vous arguez que vous n’êtes pas responsables des abjections commises par d’autres. Mais ces « autres », ce sont parfois vos amis, vos collègues, vos voisins, vos pères, vos fils. Vous les connaissez. Votre rôle, dans cette histoire, ne peut se borner à endosser celui, flatteur, du type bien qui compatit. De celui qui attend, en coulisses, l’issue d’un combat qui ne le concerne jamais. N’attendez pas des femmes qu’elles changent seules les règles d’un système dont elles sont victimes, d’un ordre du monde qu’elles n’ont pas contribué à créer.

    Les tribunes, les livres, les films, les podcasts de celles qui combattent l’impunité sont empreintes de trop de colère ? Vous n’avez pas idée de l’ampleur de cette colère, qu’elle soit toute neuve ou ancienne, si ancienne, comme celle qui vrille votre mère, votre grand-mère. Vous n’en avez pas idée, car elles ont dû apprendre à la taire. A ne pas déranger. N’exigez pas sans cesse de celles qui parlent qu’elles vous rassurent sur votre probité. Acceptez que leurs mots vous inquiètent. Acceptez de voir vos certitudes, vos désirs questionnés. Et renversés.

    Enfin, ne vous targuez pas d’être des alliés. Agissez et laissez les discriminé·e·s en décider. Y a-t-il trop d’impératifs dans ce texte ? C’est que le temps presse. Manque-t-il de nuances ? Ce mot justifiant qu’on reste prudemment spectateur. Ce mot qui met à égalité tous les récits, toutes les postures. En 2024, souhaitez à celles qui, sans relâche, alertent, d’avoir ce luxe dont vous jouissez : celui de pouvoir parler d’autre chose. De penser à autre chose. De pouvoir écrire autre chose. Prenez le relais, reprenez ce qui, dans ce mouvement mondial, vous appartient, aussi.

  • Shlomo Sand, historien israélien : “Je ne suis pas ‘pour’ un état binational mais on n’a pas d’autre solution”
    https://www.telerama.fr/livre/shlomo-sand-historien-israelien-je-ne-suis-pas-pour-un-etat-binational-mais


    Les Palestiniens ont été chassés de leurs maisons par des soldats israéliens lors de la guerre de 1948. Photo Pictures From History/TopFoto/Roger-Viollet

    Dans son passionnant ouvrage qui vient de paraître au Seuil, l’historien Shlomo Sand repose la question d’une solution à deux États et revient sur la génèse du #sionisme pour tenter d’y voir plus clair et d’espérer malgré toute cette folle violence. Entretien.

    Imaginer, au paroxysme de la violence actuelle, qu’Israéliens et Palestiniens puissent un jour vivre côte à côte, au sein d’un État binational, semble une folle utopie. C’est pourtant, comme le met en lumière l’historien israélien #Shlomo_Sand dans son nouvel ouvrage, Deux Peuples pour un État ?, ce que de nombreux intellectuels juifs installés en #Palestine, dès la fin du XIXᵉ siècle et jusqu’à la création d’#Israël en 1948, ont souhaité ardemment. Beaucoup de penseurs sionistes craignaient qu’un État juif exclusif sur une terre peuplée en majorité d’Arabes n’entraîne un conflit sans fin. Aucun ne souhaitait « une solution à deux États », que l’intrication des populations semble désormais rendre impossible. N’y aurait-il d’autre perspective que l’enfermement, la répression, le déplacement, l’expulsion ? Relire l’histoire du sionisme, avec Shlomo Sand, redonne de l’espoir.

    Écrit avant les massacres perpétrés par le Hamas et les bombardements sur Gaza, votre livre serait-il différent si vous l’écriviez aujourd’hui ?

    Dès mon introduction, j’écrivais que, du fait de l’alliance croissante entre #religion et #nationalisme radical, des deux côtés, israélien et palestinien, nous étions condamnés à traverser des catastrophes. Une maison d’édition anglaise m’avait demandé d’ajouter une postface plus optimiste ! Certes, personne ne pouvait envisager le choc inouï du #7_octobre, cette sauvagerie du Hamas. Je suis également bouleversé par les milliers de civils palestiniens que nous tuons à #Gaza. Mais Ariel #Sharon [cofondateur du Likoud, parti de droite israélien, et qui fut plusieurs fois ministre, jusqu’à diriger le gouvernement entre 2001 et 2006, ndlr] a été le premier bâtisseur du Hamas, qu’il envisageait comme un contrepoids à l’OLP. Il a tout fait, ainsi que Benyamin Netanyahou, pour favoriser son émergence. J’ajoute qu’en Israël tout le monde sait que Yahya Sinouar, le petit Staline du Hamas, est l’enfant d’une famille originaire de Ashkelon, qui s’est réfugiée dans le camp de Khan Younès en 1948. Abdessalam Yassine, fondateur du Hamas, était né près d’Ashkelon, poussé lui aussi avec sa famille à Gaza par Israël. Refuser de voir que 60 % des Gazaouis sont venus des lieux où nous, Israéliens, habitons maintenant, c’est être aveugle. On ne peut pas comprendre le 7 octobre sans connaître l’Histoire.

  • BALLAST • Active Clubs : une plongée dans la violence d’extrême droite
    https://www.revue-ballast.fr/active-clubs-une-plongee-dans-la-violence-dextreme-droite

    Alors que le recours à la vio­lence fait de plus en plus consen­sus au sein de la facho­sphère, le mou­ve­ment des Active Clubs pré­tend com­bler une lacune : celle du manque d’ap­ti­tude aux raton­nades de ses mili­tants, tout en orien­tant les esprits des fas­cistes vers les idéo­lo­gies néo­na­zies et supré­ma­cistes blanches. Après la vio­lence gra­phique, sup­po­sée inti­mi­der et dégra­der les biens des « gau­chos », les for­ma­tions d’ex­trême droite radi­cale mul­ti­plient leurs actions, inten­si­fiant une autre forme de vio­lence, qui endom­mage les corps de leurs enne­mis désignés.
    .../...
    L’extrême droite radicale est en pleine transformation, adaptant et restructurant son idéologie. Influencée par le populisme historique du FN/RN, de négationnistes comme François Duprat, ainsi que par des idéologues tels que Dominique Venner, elle intègre diverses influences. Si cela génère des scissions au sein de ces groupes, cette stratégie de recrutement finit par se révéler fructueuse, attirant des éléments plus radicaux et enclins à l’affrontement. Il est crucial de souligner que l’extrême droite partisane n’a jamais été aussi puissante en France. Par conséquent, l’extrême droite radicale se sent de plus en plus à l’aise et protégée par un système qui normalise les discours et les violences racistes. Face à la montée des violences perpétrées par l’extrême droite à l’encontre de militants, de défenseurs des droits humains et même d’élus — autant d’incidents souvent minimisés par les médias — la question se pose : comment la gauche antifasciste, cherchant à établir un rapport de force avec ces groupuscules violents, va-t-elle évoluer et se renforcer alors que la France s’avère de plus en plus fascisante ? Confrontée à un nombre croissant de fascistes et de néonazis qui s’arment et se préparent à la confrontation physique, la gauche antifasciste doit envisager sa propre consolidation.

    • J’ignore s’il y a une qualification juridique internationale. En France, a priori on n’évoque ni crime de guerre ni crime contre l’humanité, mais depuis Carpentras on a aggravé la qualification :

      Le terme juridique de « profanation » est apparu en France dans les années 1990[réf. nécessaire]. Auparavant, seule la « violation de sépulture » (dégradation matérielle d’une tombe) définie par les Articles 225-17 et suivants du Code pénal [archive] était punie : jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsqu’elle a été accompagnée d’atteinte à l’intégrité du cadavre et a été commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. De plus, l’Article 16-1-1 du Code civil [archive] précise que « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. » La « profanation » relève d’un acte symbolique sur plusieurs tombes4.

    • Par contre, les soldats israéliens qui retournent un cimetière palestinien le font en sachant pertinemment qu’ils commentent une profanation extrêmement grave. Parce que dans leur propre religion c’est un tabou bien connu :
      https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/08/02/selon-la-loi-juive-les-corps-doivent-etre-enterres-dans-leur-integralite-l-o

      L’intégrité du corps des morts, dans ce conflit, c’est un enjeu déjà connu et documenté, comme dans l’article ci-dessus. Retourner un cimetière et déterrer les cadavres, ça n’est pas un « incident » anodin.

  • La technocritique devant ses calomniateurs

    Quelques observations

    Suite à la publication du texte " Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel • Histoire de dix ans "

    https://seenthis.net/messages/1029340

    https://seenthis.net/messages/1029970

    Voici les réponses qui ont été publiées :

    0. #Paul_Cudenec, Targeted and smeared by the fake-left thought police (en anglais)
    https://paulcudenec.substack.com/p/targeted-and-smeared-by-the-fake
    Pris pour cible et dénigré par la police de la pensée de la fausse gauche

    1. Anaïs G.
    https://www.infolibertaire.net/reponse-naufrage-reactionnaire-du-mouvement-anti-indus
    Coup de gueule d’une camarade.

    2. « Naufrage réactionnaire » : la plaidoirie de la défense
    https://lille.indymedia.org/spip.php?article36165

    3. Qui a peur de la critique anti-industrielle ?
    https://collectifruptures.wordpress.com/2024/01/06/qui-a-peur-de-la-critique-anti-industrielle

    4. #Annie_Gouilleux, La nébuleuse (soi-disant) anti-autoritaire…
    https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2024/01/07/annie-gouilleux-la-nebuleuse-soi-disant-anti-autoritair
    Laquelle prépare une sorte de biographie de #Paul_Kingsnorth pour montrer à quel point il est "fasciste" et "pro-Trump"...

    5. Une lettre du "fasciste" #Olivier_Rey à Vincent Cheynet
    https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2024/01/16/une-lettre-dolivier-rey-a-vincent-cheynet

    6. Édouard Schaelchli, « À chacun son fascisme ? »
    https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2024/01/24/edouard-schaelchli-a-chacun-son-fascisme
    Franchement, on se serait bien passé des petites obsessions de ce monsieur.

    7. #Sébastien_Navarro, Avant de tous y passer
    http://acontretemps.org/spip.php?article1033
    Recension d’un livre de #Derrick_Jensen qui commence par qqs commentaires sur le torchon.

    8. #Groupe_Grothendieck, Guerre généralisée au vivant et biotechnologies , ch. 4.
    https://lundi.am/Guerre-generalisee-au-vivant-et-biotechnologies-4-4

    Les thèmes principaux de la guerre au genre humain sont représentés : cyborg spatial, biocitoyenneté, génie génétique, postmodernisme, confusion entre liberté et consommation de corps, mise en exergue du « bios », combat contre le « zôên » vu comme « fossile vivant », neutralisation du politique par l’acte technoscientifique, tout y est ! [...]
    De tant à autres réapparaît sur la toile ce genre de manifeste et la prose toujours aussi scientiste qui va avec, on nous parle même, dans notre époque trouble, où toute la gauche est en mal de théorie politique, du « renouveau du #cyberfémnisme », car le fond de pensée est maintenant bien installé, tellement bien qu’on ne peut plus le remettre en cause sans que tout de suite des sociaux-missiles soit envoyés à la gueule du critiquant : « essentialiste », « réactionnaire », « bio-conservateur », sans oublier les classiques « transphobe » et « anti-féministe » [110]. Alors que, quoi de plus politique que de remettre en cause les idéologies sans pour autant être bassement dénigrant ou moqueur, surtout quand le but est réellement de se mettre en mouvement, pas de fabriquer de nouvelles chapelles, ni d’élever des digues !

    Le torchon est cité dans la note 110. Sachant que la « critique conséquente du capitalisme industriel » que ses auteurs revendiquent leur est inspirée par #Cy_Lecerf_Maulpoix, lequel cite élogieusement le Manifeste Xénoféministe qui prône une réappropriation des technologies les plus avancées afin d’aboutir à une « aliénation émancipatrice » (sic !) et dont le mot d’ordre est « Si la nature est injuste, changez la nature ».

    8. #Matthieu_Amiech, Au Village sans prétention , avril 2024, brochure publiée par les éditions La Lenteur (40 p. disponible à prix libre).

    Ce texte est une mise au point suite à des publications et des attaques sur Internet, qui illustrent de manière caricaturale la réduction que peuvent subir l’information, la réflexion et le débat politiques, quand ils s’enferment sur ce média. L’auteur et la maison d’édition n’ont ainsi pas souhaité publier cette mise au point en ligne, ils préfèrent qu’elle circule simplement sous forme de brochure.

    Je mettrait à jour ce fil à mesure que de nouvelles réponses vont arriver...

    #technocritique #critique_techno #postmodernisme #calomnie #Naufrage_réactionnaire

  • Israël- Palestine : « Un Etat binational arrivera après plusieurs catastrophes » avec Shlomo Sand
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-grand-face-a-face/le-grand-face-a-face-du-samedi-06-janvier-2024-4341205


    à partir de 27:00

    La paix ne pourrait passer que par la naissance d’un Etat binational. C’est la thèse du dernier livre de l’un des plus grands historiens israéliens. Shlomo Sand signe « Deux peuples pour un État ? » aux éditions du Seuil. Une réflexion sur les origines du sionisme et l’identité israélienne.
    Avec

    Shlomo Sand Historien israëlien spécialisé dans l’histoire contemporaine

  • Bertrand Badie : « Le centre de gravité occidental a vécu » | Illustré
    https://www.illustre.ch/magazine/le-centre-de-gravite-occidental-a-vecu-668974

    – L’année 2023 est-elle l’année la plus calamiteuse depuis 1945 ?
    – Bertrand Badie : Difficile à dire. Mais il est évident qu’elle restera dans les mémoires. Pas seulement à cause de ces guerres proches et sinistres (Israël-Hamas, Russie-Ukraine), mais parce qu’elle aura été le révélateur de transformations de fond que nous avons été incapables d’identifier, ou que nous avons ignorées, et qui s’affichent désormais à l’œil nu. En réalité, nous restons convaincus de vivre encore dans le monde fondé en 1945 sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, mais c’est une illusion complète.
    Publicité
    More Information

    - Pour quelles raisons ?
    – Nous feignons de croire que les rapports classiques entre les principales puissances ont le pouvoir de tout régler. Nous imaginons vivre dans un monde « unifié », au sein duquel tous les acteurs donneraient la même signification à tout. Or, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cette vision du monde était déjà caduque, mais nous n’y avons pas pris garde. On pressentait alors l’avènement d’un nouvel ordre dont le centre de gravité multiséculaire, l’Occident, allait céder du terrain au profit d’autres formes de pouvoir. Malheureusement, les dirigeants, occidentaux en particulier, sont restés bloqués sur la compétition entre puissances, sous l’emprise de la notion périmée de souveraineté. Ils refusent de comprendre que la mondialisation a consacré l’interdépendance et la mobilité, et s’acharnent par exemple à dénoncer la migration, à la considérer comme transgressive. L’ensemble Europe-Amérique du Nord ne s’est pas vraiment remis en question, alors que tout a changé. Il se comporte comme s’il était resté le seul centre actif du monde.

    - En quoi consiste concrètement cette « sécurité globale » que vous venez d’évoquer ?
    – L’insécurité humaine ne cesse d’augmenter. La faim dans le monde fait 10 millions de morts par an, l’équivalent de huit attaques sur le World Trade Center de New York chaque jour. L’insécurité sanitaire, on en sait quelque chose depuis la pandémie de Covid-19. L’insécurité climatique, je n’ai pas besoin de dresser le tableau, elle est partout. Un exemple ? La désertification progresse de 10 centimètres par heure au Sahel. Et tous ces facteurs tuent une seconde fois en devenant le vrai déclencheur des nouvelles guerres. On ne peut pas concevoir les conflits en Afrique (Sahel, Congo, Corne de l’Afrique) et tant d’autres ailleurs sans avoir en tête ces paramètres.

    - Au fond, est-ce que ce ne sont pas les valeurs occidentales (démocratie, droits de l’homme) qui sont refusées ?
    – La démocratie et l’Etat de droit sont certes les valeurs communes de l’Occident, mais pas depuis très longtemps, si l’on aborde les choses avec un minimum de profondeur historique. Du temps de mes parents, les « valeurs » européennes étaient portées par l’Allemagne nazie et la Russie stalinienne, donc arrêtons de grâce cette géopolitique des valeurs ! Et puis je ne crois pas sociologiquement à l’effectivité des valeurs collectives. Dans une société donnée, en France ou en Suisse, il n’y a pas homogénéité de valeurs, elles sont interprétées de manière très différente par différents segments de la population. Quand on présente Israël comme la pointe avancée de l’Occident démocratique et vertueux au Moyen-Orient, on voit bien que l’axiome ne tient pas. La colonisation en Cisjordanie, la négation du peuple palestinien et de ses droits, le carnage à Gaza sont autant d’éléments qui nous mettent, nous les « Occidentaux », sur un plan d’égalité avec tous les autres peuples. Il n’y a pas de peuple plus vertueux que d’autres ; il n’y a pas d’histoire plus noble que d’autres. Il y a, dans chaque histoire, un combat incessant entre une idée d’humanité et la volonté destructrice de déshumaniser. Les relations internationales sont, au fond, la science des souffrances humaines.
    Par Serge Enderlin publié le 2 janvier 2024 - 01:23

    #Géopolitique

    • Au fond, est-ce que ce ne sont pas les valeurs occidentales (démocratie, droits de l’homme) qui sont refusées ?

      Extraordinaire…

      Et dans un premier temps Badie en est même désarçonné…

      Le poids de l’auto-intoxication est phénoménal

  • Le gouvernement embarrassé par un “deepfake” visant Marine Le Pen
    https://www.politico.eu/article/france-gouvernement-deepfake-marine-le-pen

    Alors que le gouvernement français fait de la régulation des deepfakes l’un de ses combats dans le monde numérique, ces trucages destinés à tromper le public ont fait leur entrée dans la bataille politique par le biais d’un représentant du parti présidentiel lui-même.

    Loïc Signor, porte-parole de Renaissance, s’est attaqué à Marine Le Pen en la mettant en scène dans un montage généré par intelligence artificielle, publié sur la plateforme X. De quoi créer un précédent dans le débat français, à quelques mois des élections européennes.

    https://video.twimg.com/amplify_video/1741512612028850177/vid/avc1/1280x720/a0l3yNErDff2P_PZ.mp4

    • Après, assimiler le simple fait de parler russe au fait d’être financé par un gouvernement autoritaire, ça n’a pas l’air de poser de problème. (Fais un montage de Macron qui se mettrait à parler en hébreux, tu vas voir du pays.)

    • déshumaniser / diaboliser l’ennemi…

      en même temps, la question est loin d’être simple : voir la place du russe et de la culture russe en Ukraine. Entre la culture comme soft power (pas forcément si soft d’ailleurs…) en soulignant le passé commun et l’éradication totale rejetant le passé commun (dominé…)

      connaître / comprendre, c’est déjà adhérer.

      On est loin du général de Gaulle dont on me disait quand j’étais petit qu’il avait choisi d’apprendre l’allemand, langue de l’ennemi…

    • J’ai pris allemand seconde langue en hommage à mon père qui avait « fait » la seconde guerre mondiale . Il en est ressorti militant pro Européen. L’allemand restait la langue de l’ennemi qu’il fallait connaitre...une peur restait...

  • Pour l’#agriculture_palestinienne, ce qui se passe depuis le 7 octobre est « un #désastre »

    À #Gaza sous les bombes comme en #Cisjordanie occupée, l’#eau est devenue un enjeu crucial, et le conflit met en évidence une #injustice majeure dans l’accès à cette ressource vitale. Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS.

    Des cultures gâchées, une population gazaouie sans eau potable… Et en toile de fond de la guerre à Gaza, une extrême dépendance des territoires palestiniens à l’eau fournie par #Israël. L’inégal accès à la ressource hydrique au Proche-Orient est aussi une histoire d’emprise sur les #ressources_naturelles.

    Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS, qui a fait sa thèse sur les enjeux politiques de l’eau dans les territoires palestiniens et a contribué à l’initiative de Genève, plan de paix alternatif pour le conflit israélo-palestinien signé en 2003, pour laquelle elle avait fait, avec son collègue David Brooks, une proposition de gestion de l’eau entre Israéliens et Palestiniens.

    Mediapart : L’#accès_à_l’eau est-il un enjeu dans le conflit qui oppose Israël au Hamas depuis le 7 octobre ?

    Julie Trottier : Oui, l’accès à l’eau est complètement entravé à Gaza aujourd’hui. En Cisjordanie, la problématique est différente, mais le secteur agricole y est important et se trouve mal en point.

    Il faut savoir que l’eau utilisée en Israël vient principalement du #dessalement d’eau de mer. C’est la société israélienne #Mekorot qui l’achemine, et elle alimente en principe la bande de Gaza en #eau_potable à travers trois points d’accès. Mais depuis le 7 octobre, deux d’entre eux ont été fermés, il n’y a plus qu’un point de livraison, au sud de la frontière est, à #Bani_Suhaila.

    Cependant, 90 % de l’eau consommée à Gaza était prélevée dans des #puits. Il y a des milliers de puits à Gaza, c’est une #eau_souterraine saumâtre et polluée, car elle est contaminée côté est par les composés chimiques issus des produits utilisés en agriculture, et infiltrée côté ouest par l’eau de mer.

    Comme l’#électricité a été coupée, cette eau ne peut plus être pompée ni désalinisée. En coupant l’électricité, Israël a supprimé l’accès à l’eau à une population civile. C’est d’une #violence extrême. On empêche 2,3 millions de personnes de boire et de cuisiner normalement, et de se laver.

    Les #stations_d’épuration ne fonctionnent plus non plus, et les #eaux_usées non traitées se répandent ; le risque d’épidémie est considérable.

    On parle moins de l’accès aux ressources vitales en Cisjordanie… Pourtant la situation s’aggrave également dans ces territoires.

    En effet. Le conflit a éclaté peu avant la saison de cueillette des #olives en Cisjordanie. Pour des raisons de sécurité, craignant de supposés mouvements de terroristes, de nombreux colons ont empêché des agriculteurs palestiniens d’aller récolter leurs fruits.

    La majorité des villages palestiniens se trouvent non loin d’une colonie. En raison des blocages sur les routes, les temps de trajet sont devenus extrêmement longs. Mais si l’on ne circule plus c’est aussi parce que la #peur domine. Des colons sont équipés de fusils automatiques, des témoignages ont fait état de menaces et de destruction d’arbres, de pillages de récoltes.

    Résultat : aujourd’hui, de nombreux agriculteurs palestiniens n’ont plus accès à leurs terres. Pour eux, c’est un désastre. Quand on ne peut pas aller sur sa terre, on ne peut plus récolter, on ne peut pas non plus faire fonctionner son système d’#irrigation.

    L’accès à l’eau n’est malheureusement pas un problème nouveau pour la Palestine.

    C’est vrai. En Cisjordanie, où l’eau utilisée en agriculture vient principalement des sources et des puits, des #colonies ont confisqué de nombreux accès depuis des années. Pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière...

    Avant la création d’Israël, sur ces terres, l’accès à chaque source, à chaque puits, reposait sur des règles héritées de l’histoire locale et du droit musulman. Il y avait des « #tours_d’eau » : on distribuait l’abondance en temps d’abondance, la pénurie en temps de pénurie, chaque famille avait un moment dans la journée pendant lequel elle pouvait se servir. Il y avait certes des inégalités, la famille descendant de celui qui avait aménagé le premier conduit d’eau avait en général plus de droits, mais ce système avait localement sa légitimité.

    À l’issue de la guerre de 1948-1949, plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs terres. Celles et ceux qui sont arrivés à ce qui correspond aujourd’hui à la Cisjordanie n’avaient plus que le « #droit_de_la_soif » : ils pouvaient se servir en cruches d’eau, mais pas pour irriguer les champs. Les #droits_d’irrigation appartenaient aux familles palestiniennes qui étaient déjà là, et ce fut accepté comme tel. Plus tard, les autorités jordaniennes ont progressivement enregistré les différents droits d’accès à l’eau. Mais ce ne sera fait que pour la partie nord de la Cisjordanie.

    À l’intérieur du nouvel État d’#Israël, en revanche, la population palestinienne partie, c’est l’État qui s’est mis à gérer l’ensemble de l’eau sur le territoire. Dans les années 1950 et 1960, il aménage la dérivation du #lac_de_Tibériade, ce qui contribuera à l’#assèchement de la #mer_Morte.

    En 1967, après la guerre des Six Jours, l’État hébreu impose que tout nouveau forage de puits en Cisjordanie soit soumis à un permis accordé par l’administration israélienne. Les permis seront dès lors attribués au compte-gouttes.

    Après la première Intifida, en 1987, les difficultés augmentent. Comme cela devient de plus en plus difficile pour la population palestinienne d’aller travailler en Israël, de nombreux travailleurs reviennent vers l’activité agricole, et les quotas associés aux puits ne correspondent plus à la demande.

    Par la suite, les #accords_d’Oslo, en 1995, découpent la Cisjordanie, qui est un massif montagneux, en trois zones de ruissellement selon un partage quantitatif correspondant aux quantités prélevées en 1992 – lesquelles n’ont plus rien à voir avec aujourd’hui. La répartition est faite comme si l’eau ne coulait pas, comme si cette ressource était un simple gâteau à découper. 80 % des eaux souterraines sont alors attribuées aux Israéliens, et seulement 20 % aux Palestiniens.

    L’accaparement des ressources s’est donc exacerbé à la faveur de la #colonisation. Au-delà de l’injustice causée aux populations paysannes, l’impact du changement climatique au Proche-Orient ne devrait-il pas imposer de fonctionner autrement, d’aller vers un meilleur partage de l’eau ?

    Si, tout à fait. Avec le #changement_climatique, on va droit dans le mur dans cette région du monde où la pluviométrie va probablement continuer à baisser dans les prochaines années.

    C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Israël a lancé le dessalement de l’eau de mer. Six stations de dessalement ont été construites. C’est le choix du #techno-solutionnisme, une perspective coûteuse en énergie. L’État hébreu a même créé une surcapacité de dessalement pour accompagner une politique démographique nataliste. Et pour rentabiliser, il cherche à vendre cette eau aux Palestiniens. De fait, l’Autorité palestinienne achète chaque année 59 % de l’eau distribuée par Mekorot. Elle a refusé toutefois une proposition d’exploitation d’une de ces usines de dessalement.

    Il faut le souligner : il y a dans les territoires palestiniens une #dépendance complète à l’égard d’Israël pour la ressource en eau.

    Quant à l’irrigation au goutte à goutte, telle qu’elle est pratiquée dans l’agriculture palestinienne, ce n’est pas non plus une solution d’avenir. Cela achemine toute l’eau vers les plantes cultivées, et transforme de ce fait le reste du sol en désert, alors qu’il faudrait un maximum de biodiversité sous nos pieds pour mieux entretenir la terre. Le secteur agricole est extrêmement consommateur d’eau : 70 à 80 % des #ressources_hydriques palestiniennes sont utilisées pour l’agriculture.

    Tout cela ne date pas du 7 octobre. Mais les événements font qu’on va vers le contraire de ce que l’on devrait faire pour préserver les écosystèmes et l’accès aux ressources. L’offensive à Gaza, outre qu’elle empêche l’accès aux #terres_agricoles le long du mur, va laisser des traces de #pollution très graves dans le sol… En plus de la tragédie humaine, il y a là une #catastrophe_environnementale.

    Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/pour-l-agriculture-palestinienne-ce-qui-se-passe-depuis-le-7-octobre-est-u

    #agriculture #Palestine

    • Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

  • Nasrallah: ‘If we remain silent over the killing of al-Arouri, all of Lebanon will be exposed’
    5 January 2024 | Middle East Eye
    https://www.middleeasteye.net/live-blog/live-blog-update/nasrallah-if-we-remain-silent-over-killing-al-arouri-all-lebanon-will

    Hezbollah’s secretary general, Hassan Nasrallah, said in a speech on Friday that all of Lebanon would be exposed if the group did not react to the assassination of deputy Hamas chief Saleh al-Arouri in Beirut.

    “The response will inevitably come,” he added.

    In his second speech since Israel killed Arouri in the Lebanese capital, Nasrallah also said that the latest escalation now marks a “historic opportunity” for Lebanon to liberate its land from Israeli occupation.

    However, he said that no agreements can happen before a ceasefire in Gaza.

    Nasrallah also praised the “resistance” from Yemen and Iraq.

    Here are some of the key points from his speech.

    The Islamic resistance in Lebanon conducted 670 operations against Israel in the past three months, targeting border positions 494 times.
    At least 2,000 Israeli soldiers were wounded on the Lebanon-Israel border. Nasrallah also blasted Israel for not releasing clear numbers of casualties on its side.
    The Lebanese front is there to alleviate pressure on Hamas and Gaza, and to impose a ceasefire in Gaza.
    Israelis in the north should ask their government for a ceasefire if they wish to be safe.
    The response to the Arouri assassination will come from the battlefield.

    Nasrallah ended his speech by telling families of fallen Hezbollah soldiers “we are proud of you” and said he would have visited them and “kissed your hands” if the security situation allowed him to.

  • Être journaliste palestinienne en Israël
    https://www.yaani.fr/post/%C3%AAtre-journaliste-palestinienne-en-isra%C3%ABl

    Hanin Majadli, Palestinienne citoyenne d’Israël, a longtemps exprimé ses opinions sur la politique et la société israéliennes à travers ses réseaux sociaux. Un jour, elle a reçu une proposition du journal israélien Haaretz pour écrire une chronique hebdomadaire partageant son point de vue. Aujourd’hui, elle est également éditorialiste de la version en arabe du seul quotidien de « gauche » du pays. Dans une interview en hébreu accordée à Yaani, elle évoque la situation des citoyen·nes palestinien·nes depuis le 7 octobre, dénonce la propagande des médias israéliens et partage son expérience personnelle en tant que journaliste palestinienne.

    Entretien très intéressant sur la #censure et la #répression qui frappe les citoyens (de seconde zone) palestiniens d’Israël, sur l’#autocensure des journalistes arabes (comme elle) même au sein du Haaretz, pourtant d’un des rares journaux qui parle de ce qui se passe à Gaza et de la régression du débat public en Israël, dont le ton est donné par des médias fascistes. A lire.
    #fascisme

    • Mais la majorité absolue des médias israéliens ignorent effectivement ce qui se passe à Gaza. Qu’est-ce que vous en pensez ?

      C’est lamentable. Je ne trouve rien de positif à dire sur les médias israéliens. Ce sont des médias impliqués dans la propagande, qui sont empoisonnés et qui mettent en danger les citoyens du pays. Ils négligent le principe de base : rendre compte de l’intégralité de la réalité. Il ne s’agit pas de médias, mais plutôt d’un groupe de supporters enthousiastes. Ils considèrent que leur rôle consiste à remonter le moral des gens... Les seules exceptions sont Haaretz, +972, Siha Mekomit (« appel local » en hébreu) et d’autres plateformes alternatives. Les médias principaux parlent comme des fascistes. Ils utilisent un langage fasciste.

      Je me demande comment il est possible qu’ils parlent de l’incitation à la haine contre les Juifs dans le monde, tout en faisant la même chose contre les Palestiniens ! Les médias en Israël font simplement partie de la Hasbara

    • Cette guerre a clairement fait réaliser aux Palestiniens citoyens d’Israël, même à ceux qui n’ont pas de conscience politique ou nationale palestinienne, qu’ils n’ont pas de place dans ce pays.

  • Shoshana Zuboff
    L’Âge du capitalisme de surveillance

    https://www.zulma.fr/livre/lage-du-capitalisme-de-surveillance-3

    Extrait : https://www.zulma.fr/wp-content/uploads/extrait-572196extrait_sitepdf-1.pdf

    Définition
    Capitalisme de surveillance, n.

    1. Un nouvel ordre économique qui revendique l’expérience humaine comme matière première gratuite à des fins de pratiques commerciales dissimulées d’extraction, de prédiction et de vente ;

    2. Une logique économique parasite selon laquelle la production des biens et des services est subordonnée à une nouvelle architecture globale de modification des comportements ;

    3. Une mutation dévoyée du capitalisme marquée par des concentrations de richesse, de savoir et de pouvoir sans précédent dans l’histoire humaine ;

    4. La structure fondatrice d’une économie de surveillance ;

    5. Une menace pour la nature humaine, au xxie siècle, aussi cruciale que l’a été le capitalisme industriel pour le monde naturel aux xixe et xxe siècles ;

    6. L’origine d’un nouveau pouvoir instrumentarien qui affirme sa domination sur la société et lance des défis inédits à la démocratie de marché ;

    7. Un mouvement qui vise à imposer un nouvel ordre collectif fondé sur la certitude absolue ;

    8. Une dépossession des droits humains essentiels mieux comprise comme coup d’en haut : un renversement de la souveraineté du peuple.

  • « Les responsables du Rassemblement national ont retenu la leçon de Dominique Venner »
    https://www.lemonde.fr/livres/article/2024/01/04/les-responsables-du-rassemblement-national-ont-retenu-la-lecon-de-dominique-

    .... En réalité, Notre-Dame ne lui importait que dans la mesure où elle aurait été construite à l’emplacement d’un temple gallo-romain. Il était, avec son ami Alain de Benoist, un des représentants du courant dit « païen » de l’extrême droite, opposé au courant catholique traditionaliste. Il consi­dérait le christianisme comme une religion de faibles qui, en défendant le pardon, l’accueil, a amorcé la décadence de l’#Occident. Il a inscrit sa mort dans une célébration de cet idéal antique mythifié, où Sparte jouait un rôle central, comme symbole d’un culte de l’honneur et de la guerre. Mais Sparte a fini par être vaincue par Athènes. La pensée de la décadence absolue s’identifie toujours au camp des vaincus. C’est un défaitisme radical.

    .... Il bascule vite dans l’action terroriste, aux marges de l’OAS. En 1961, il plastique, à Paris, le siège du MRP [le Mouvement républicain populaire, favorable à l’indépendance de l’Algérie]. Et, la même année, il prépare rien de moins que la prise de l’Elysée et l’assassinat du général de Gaulle. Mais le complot est éventé et il se retrouve en prison, où il va rester un an et demi. C’est le moment d’une mue fondamentale. Il comprend que l’action violente est vouée à l’échec. Il écrit un texte qu’il fait circuler depuis la prison de la Santé, Pour une critique positive [Saint-Just, 1964], où il appelle l’#extrême_droite à changer ses modes d’action, pour devenir plus moderne, plus professionnelle, et être enfin capable de prendre le pouvoir. Mais, désormais, de manière légale, plutôt que de passer par un coup d’Etat chimérique.
    Il théorise la nécessité d’apprendre l’art de la dissimulation, qui va devenir une constante de l’histoire de l’extrême droite française, jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit de présenter ses thèses de la manière la plus inoffensive, de faire en permanence attention au registre lexical qu’on emploie, tout en parsemant son discours de sous-entendus à destination des initiés. Il insiste également sur l’importance du travail intellectuel, de la conquête des esprits. C’est ce à quoi il va se consacrer entièrement à partir de 1967-1968, quand il choisit, après un piteux échec électoral, d’abandonner toute action politique. Il se met à beaucoup écrire, en particulier des livres sur les armes, sa grande passion, et sur l’histoire.

    https://justpaste.it/5xylt

    #grand_remplacement

  • Israël - Territoires palestiniens (03.01.24) - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
    https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/israel-territoires-palestiniens/actualites-et-evenements/2024/article/israel-territoires-palestiniens-03-01-24

    La France condamne les propos des ministres israéliens des Finances, M. Bezalel Smotrich, et de la Sécurité nationale, M. Itamar Ben Gvir, appelant à « l’émigration » de la population gazaouie ainsi qu’au rétablissement de colonies à Gaza et à son occupation terrestre.

    Nous appelons Israël à s’abstenir de telles déclarations provocatrices, qui sont irresponsables et alimentent les tensions. La France rappelle que le transfert forcé de populations constitue une violation grave du droit international au sens des conventions de Genève et du statut de Rome.

    Il ne revient pas au gouvernement israélien de décider où les Palestiniens doivent vivre sur leurs terres. L’avenir de la bande de Gaza et de ses habitants s’inscrira dans un État palestinien unifié vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël.

    #FranceDiplo

  • « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/la-loi-sur-l-immigration-rompt-avec-les-principes-de-la-securite-sociale_620

    La loi sur l’immigration adoptée le 19 décembre constitue une rupture politique sur de nombreux plans qui justifieraient amplement son abandon rapide. L’un d’entre eux est le domaine des politiques sociales. Sur la forme, en introduisant une restriction liée à la nationalité sur l’accès à une prestation de sécurité sociale, il rompt avec les principes historiques de celle-ci, instaurant un lien direct entre cotisation et affiliation. Sur le fond, la réforme, si elle était appliquée, provoquerait un appauvrissement important de familles et d’enfants, français ou non, avec des conséquences sociales dramatiques à court et à long terme.

    Le texte voté introduit pour les étrangers, hors Union européenne, une période d’exclusion de trois mois à cinq ans dans l’accès aux aides au logement, mais également une période d’exclusion de deux ans et demi à cinq ans dans l’accès aux allocations familiales. Cette dernière mesure, que l’on retrouvait jusqu’ici dans le programme du Rassemblement national, et non dans le programme présidentiel, constitue une rupture avec le principe posé par l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui institue « une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ».
    Certes, Il existe en France des prestations comme le revenu de solidarité active (RSA) soumises à une période d’exclusion de cinq ans pour les étrangers résidents avec des conséquences sociales graves. Mais le RSA n’est pas une prestation de sécurité sociale : c’est un dispositif d’aide publique financé par le budget des départements, eux-mêmes subventionnés par l’Etat. Aucun mécanisme d’assurance sociale n’a jamais été concerné jusqu’ici par une telle exclusion sur critère de nationalité.
    En effet, le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale. Celle-ci, inspirée du paradigme « bismarckien » des assurances sociales, s’est construite dans une logique contributive d’affiliation émanant du salariat : la communauté des assurés est la communauté des cotisants, construisant ainsi une citoyenneté sociale et les bases d’une démocratie sociale.

    Rupture d’égalité

    Même les prestations de sécurité sociale devenues avec le temps « universelles », comme celles touchant à la maladie ou à la famille, ont conservé jusqu’ici des dimensions de « contributivité » propres aux assurances sociales. Elles sont financées par des prélèvements – cotisations sociales, contribution sociale généralisée (CSG) et prélèvements fiscaux se substituant aux cotisations exonérées – prélevés d’abord sur les seuls revenus du salariat puis sur l’ensemble des revenus, et servent des prestations à l’ensemble des assurés affiliés.

    C’est d’ailleurs en reconnaissance de ce principe qu’en 2015 la Cour de justice européenne avait dispensé un salarié néerlandais de CSG sur ses revenus du patrimoine, car il était déjà couvert par une assurance sociale obligatoire dans son pays d’origine.
    Aussi, si la loi était appliquée, des personnes affiliées à la Sécurité sociale par leur travail et à ce titre assujetties à la CSG et aux cotisations sociales ne pourraient pas bénéficier des prestations comme l’ensemble des assurés. Par exemple, une salariée dont dès le premier jour d’embauche 0,95 point de CSG et de 1,65 % à 3,45 % de cotisations employeur financent directement la branche famille serait, pour ses enfants, privée de la couverture à laquelle elle contribue, en raison de sa nationalité, au contraire des autres salariés de l’entreprise.
    Cette rupture d’égalité d’accès aux droits serait contraire aux fondements de la Sécurité sociale, à moins que le Conseil constitutionnel n’invalide cette mesure, précisément pour cette raison.
    Tournant xénophobe
    Par-delà les ruptures politiques, la mise en œuvre de la réforme conduirait à appauvrir durablement des dizaines de milliers de familles et d’enfants, français ou non (puisque la loi retient la nationalité des parents, et non des enfants, comme critère d’exclusion).
    Une mère célibataire de trois enfants, en raison de sa nationalité, pourrait par exemple voir ses revenus mensuels diminuer de 319 euros au titre des allocations familiales et de 516 euros au titre des aides au logement, contrairement à sa voisine ou collègue vivant dans les mêmes conditions et soumise aux mêmes prélèvements. Un couple d’actifs avec un enfant de 6 ans et un enfant de 6 mois se trouverait privé d’allocations familiales (140 euros) et de la prestation d’accueil du jeune enfant (182 euros).

    On peut également anticiper une hausse du taux et de l’intensité de la pauvreté des familles et des enfants vivant en France, même si celle-ci n’est pas encore quantifiée : à notre connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale.
    Ainsi, si les mesures adoptées sont d’abord le fruit d’un marchandage politique de circonstance, les conséquences immédiatement prévisibles sont loin d’être symboliques : appauvrissement des familles et des enfants, difficultés accrues à vivre, à apprendre, à se loger et à participer à la vie sociale dans de bonnes conditions. Cette loi dangereuse pour la cohésion sociale du pays ne doit pas s’appliquer.

    Elvire Guillaud est maîtresse de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po ; Michaël Zemmour est enseignant-chercheur à l’université Lumière Lyon-II et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po.

  • Le droit de parler pour nous-mêmes, Mohammed El-Kurd
    https://renverse.co/infos-d-ailleurs/article/le-droit-de-parler-pour-nous-memes-4308

    Permettez-moi de vous raconter une histoire. L’année dernière, le 11 mai, je me suis réveillé, comme beaucoup d’autres personnes dans le monde, en apprenant que la bien-aimée journaliste de télévision palestinienne Shireen Abu Akleh avait été abattue par les forces d’occupation israéliennes lors d’un raid dans le camp de réfugié-e-s de Jénine, en Cisjordanie occupée. Quelques minutes après l’annonce de la nouvelle, j’ai trouvé dans ma boîte de réception un courriel anonyme contenant un conseil. L’e-mail se lisait comme suit : « Très urgent et nécessaire, veuillez annoncer sur Twitter et Facebook que Shireen Abu Akleh est une citoyenne américaine. C’est un fait, pas une rumeur. Les Israélien-ne-s ont tué une journaliste américaine ». Bien entendu, je ne l’ai pas annoncé. Et lorsque j’ai écrit sur l’assassinat de Shireen Abu Akleh, j’ai veillé à ne pas la qualifier de citoyenne américaine, mais plutôt de détentrice d’un passeport américain. Mais cela n’a pas eu d’importance. Dans les heures qui ont suivi, on a appris que Shireen était américaine, et sa prétendue américanité l’a soudain rendue humaine.

    Cette anecdote est l’occasion de se poser trois questions : Dans l’esprit occidental dominant, qui est considéré comme endeuillable ? Qui est humanisé ? Et qui prend le micro ?

    [...]Regardez autour de vous – il y a environ 7 000 flics ici. Il y a eu de nombreux articles, déclarations et tracts protestant contre cette conférence avant même qu’elle ne commence. Je suis dangereux, apparemment.

    Alors, si je ne peux pas toujours obtenir le micro, qui le peut ? La personne que nous honorons aujourd’hui, Edward Saïd, l’un des intellectuels publics les plus célèbres de notre époque, peut certainement obtenir le micro. Eh bien, même Edward Saïd – une personne de sa stature, de sa renommée – n’a pas eu le micro à un moment donné. En 2000, Edward Saïd s’est rendu au Liban. Il a jeté, selon ses propres termes, « un caillou » sur un poste de garde israélien à la frontière. Tout le monde s’est mis en colère. Edward Saïd n’était plus humain. Il ne pouvait plus parler leur langue. Le titre d’un article du Columbia Daily Spectator à son sujet était le suivant : « Edward Saïd accusé de lapidation au Sud-Liban ». La Société Freud de Vienne a annulé une conférence qu’il devait donner. Le Washington Post a publié un article qui commençait par dire que Saïd était « un peu trop corpulent, un peu trop distingué pour lancer des pierres en direction des soldat-e-s israélien-ne-s…. ». Se pourrait-il qu’Edward Saïd ait rejoint les rangs des lanceurs-euses de pierres palestinien-ne-s ? Cet article est très accablant, mais d’autres personnes ont estimé qu’il ne l’était pas assez. Deux auteurs ont réagi dans le Daily Spectator : « La première phrase nous dérange, car elle semble impliquer que l’acte de lancer des pierres à travers une frontière internationale sur des civil-e-s et des soldat-e-s inconnu-e-s d’un pays voisin serait acceptable ou au moins compréhensible s’il était entrepris par des individus ordinaires plus jeunes, moins corpulents ou plus distingués ». Ils ont qualifié son acte d’ »acte gratuit de violence aléatoire ».

    Alors, si quelqu’un comme Edward Saïd ne peut pas toujours obtenir le micro, quel-le-s Palestinien-ne-s ont le droit de raconter ? Les Israélien-ne-s ! (...)

    #Palestiniens #Israël

  • Les tâches principales d’un mouvement révolutionnaire, selon Luc Boltanski

    Dans cette perspective, les tâches principales d’un mouvement révolutionnaire sont, d’une part, de susciter des événements propres à mettre à l’épreuve la réalité et, ce faisant, à en dévoiler la fragilité. Et, d’autre part, de rendre possible cette mise en commun des expériences individuelles. De lui donner un langage et des lieux d’expression. Cela de façon à tirer parti des situations favorables qui peuvent se présenter, c’est-à-dire des situations où la réalité existante perd de sa robustesse apparente, soit sous l’action d’un mouvement de protestation (par exemple une grève), soit pour des raisons intrinsèques, qui tiennent aux contradictions du capitalisme. Il faut que les acteurs puissent alors trouver des ressources pour mettre en partage celles de leurs expériences qui s’enracinent dans le monde et prendre appui sur elles pour contester ce que l’on peut appeler la réalité de la réalité, et, par là, pour rendre la réalité telle qu’elle est inacceptable et en construire une autre.

    Il demeure néanmoins important, à mon sens, que ces mouvements révolutionnaires, d’un côté contribuent à la mise en place de revendications collectives, mais aussi que, de l’autre, ils n’écrasent jamais sous le poids de la revendication collective la dimension individuelle des expériences qui sont celles des acteurs.

    La seule prise en compte des singularités individuelles s’épuise dans le psychologisme et dans l’aide sociale personnalisée. Mais l’insistance mise uniquement sur la dimension collective des processus dont les acteurs subissent la contrainte enferme un autre risque qui est celui de la « langue de bois ». C’est-à-dire d’un discours tout fait, supposé valable pour toutes les situations, quelles qu’elles soient, au prix d’un écrasement ou d’un déni des conditions et des expériences singulières. Lorsque cela devient le cas – et on l’a vu dans le cas des Partis communistes occidentaux des années 1950-1980 –, les acteurs tendent à déserter les arènes politiques et à douter de langages politiques dans lesquels ils ne reconnaissent plus rien de leur propre expérience, en tant précisément qu’elle est la leur et non celle d’un autre. Se tenir entre la construction de systèmes d’équivalences, qui est absolument nécessaire pour résorber la fragmentation, et le respect des situations singulières, est, à mon sens, l’une des difficultés principales qu’un mouvement révolutionnaire doit savoir affronter. Ne jamais oublier que les gens, quand ils se révoltent, ont toujours une longueur d’avance non seulement sur les sociologues mais aussi sur les politiques.

    https://www.contretemps.eu/pourquoi-ne-se-revolte-t-on-pas-pourquoi-se-revolte-t-on

    #révolution

  • #Gaza: Human Rights Watch accuse Israël d’affamer délibérément des civils
    https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/israel/gaza-human-rights-watch-accuse-israel-d-affamer-deliberement-des-civils_AD-20

    L’ONG Human Rights Watch (HRW) a accusé ce lundi 18 décembre le gouvernement israélien d’affamer délibérément des civils palestiniens dans la bande de Gaza, dans le cadre de sa stratégie de guerre contre le mouvement islamiste Hamas.

    « Le gouvernement israélien utilise la famine des civils comme technique de guerre dans la bande de Gaza occupée, ce qui constitue un crime de guerre », a déclaré l’organisation basée à New York dans un rapport.

    « L’armée israélienne bloque délibérément l’accès à l’eau potable, à la nourriture et au carburant, tout en entravant intentionnellement l’aide humanitaire, en détruisant semble-t-il des zones agricoles et en privant la population civile de produits indispensables à sa survie », assure le rapport.

    Le gouvernement israélien a réagi en qualifiant HRW « d’organisation antisémite et anti-israélienne ».