• Gilles Pinson : “les élites urbaines ferment les yeux sur les effets sociaux de la métropolisation” - La Gazette des communes
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/130672401384

    Intéressante interview du professeur de sciences politiques Gilles Pinson dans la Gazette des communes, qui étrille les conséquences de la métropolisation de nos territoires, qui sont plus des moteurs d’inégalités que des solutions pour les résoudre. Couplé à la monté de l’opacité démocratique des nouvelles formes de gouvernances locales, nous sommes de plus en plus confronté à un déficit démocratique à l’échelle locale alors que leurs attributions ne cessent de s’élargir. 

    #politiques_publiques

  • Framaboard : les libristes ont réinventé le tableau blanc… mais en mieux ! | Framablog
    http://framablog.org/2015/10/07/framaboard-les-libristes-ont-reinvente-le-tableau-blanc-mais-en-mieux

    Nous aimons les beaux outils qui permettent de s’organiser pour collaborer… mais trop souvent, ce sont des services qui en profitent pour en apprendre beaucoup sur nous. Beaucoup plus en tout cas que ce que nous voudrions leur confier ! Voici un nouvel exemple d’alternative libre qui vous permettra de maîtriser vos projets sans êtres pistés.

  • Des enfants qui naissent « prépollués »
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/10/01/environnement-les-enfants-naissent-pre-pollues_4779381_3244.html

    Les substances chimiques auxquelles les populations sont quotidiennement exposées ont des effets sur la santé de plus en plus manifestes. C’est le sens de l’alerte publiée jeudi 1er octobre dans l’International Journal of Gynecology and Obstetrics par la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO). Elle met en avant la responsabilité de certains polluants de l’environnement dans les troubles de la fertilité et souligne l’urgence d’agir pour réduire l’exposition aux pesticides, aux polluants atmosphériques, aux plastiques alimentaires (bisphénol A, phtalates…), aux solvants, etc.

    C’est la première fois qu’une organisation regroupant des spécialistes de santé reproductive s’exprime sur les effets délétères de ces polluants, présents dans la chaîne alimentaire et dans l’environnement professionnel ou domestique. Un appel soutenu par des ONG dont Women in Europe for a Common Future (WECF) et Health & Environment Alliance (Heal).

    ...

    Après la publication, en 2012, du rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ces deux nouvelles publications creusent un peu plus le fossé qui sépare l’état des connaissances et celui de la réglementation. Celle-ci ne reconnaît toujours pas l’existence de certaines substances – dites « perturbateurs endocriniens » – capables d’interférer avec le système hormonal et d’agir à des niveaux d’exposition très faibles, inférieurs aux seuils réglementaires. « Près de 800 substances chimiques environnementales sont connues ou suspectées d’interférer avec les récepteurs hormonaux, la synthèse ou la conversion des hormones », soulignait déjà, en 2012, le rapport de l’OMS et du PNUE.

    #pollution #enfant

  • http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/45584

    Atelier : Revaloriser de vieux ordinateurs...

    Souvent, en classe :
    - nous avons très peu d’ordinateurs ou alors du vieux matériel
    - les systèmes d’exploitations Windows deviennent vite obsolètes (Windows 98, Windows ME, Vista, XP...)
    - nous n’avons pas les moyens d’acheter les nouveaux systèmes
    - les nouveaux systèmes sont souvent trop lourds pour les vieux ordis
    - les Windows doivent être protégés par des antivirus qui ralentissent encore la machine.

    Comment faire ?

    Récupérer du matériel

    Avec l’obsolescence programmée, beaucoup de matériel se jette, alors qu’il pourrait être récupéré :

    – vos propres ordinateurs obsolètes ou défectueux

    – ceux de vos amis, de votre famille

    – ceux d’un établissement scolaire (se mettre en lien avec le responsable)

    – ceux d’une collectivité

    – ceux d’une entreprise.

    Peu importe que ce matériel fonctionne entièrement ou pas : il y aura toujours des pièces à récupérer (disque dur, lecteur de CD-Rom, mémoires...) pour en réparer un autre.

    Tester et réparer un ordinateur

    C’est là qu’on ouvre la bête, juste pour voir et comprendre ce qu’il y a dans un ordinateur...

    Ensuite, on peut le démarrer tel qu’il est pour voir si tout fonctionne. Si besoin, faire un premier diagnostic de panne.

    Si le système ne fonctionne pas bien, on peut aussi démarrer sur un CD-Rom Linux (voir ci-dessous). Rien ne sera modifié, mais c’est un bon moyen de voir si les grandes fonctions de l’ordinateur (affichage, lecteurs, fonctionnement des programmes...) posent problème à cause du matériel ou à cause du système d’exploitation.

    Installer un système Linux léger

    Si l’ordinateur possède suffisamment d’espace disque (250Go), de mémoire (2Go ou plus) et un processeur récent (au moins double-cœur), vous pouvez toujours tenter d’installer Emmabuntûs.

    Mais en général, vous avez récupéré un viel ordinosaure avec un petit disque dur (20Go), peu de mémoire (512Mo) et un processeur qui a déjà dix ans.
    C’est pas grave, il existe un système d’exploitation Linux ultra-léger dont la version anglaise s’appelle Puppy Linux, la version française Toutou Linux et, celle qui nous intéresse le plus, la version française éducative ASRI Edu :

    http://lea-linux.org/documentations/Installer_ASRI_Edu

    Cette distribution Linux comprend déjà quantité de logiciels libres et multiplateforme déjà installés (OOo4kids, Tuxmath...) et permet d’utiliser la plupart des logiciels courants (Firefox, Thunderbird, LibreOffice...) et bien d’autres.

    En cas de souci, pensez au forum d’entre-aide http://forum.asri-education.org

    #ordinosaure
    #école
    #Linux

  • Un réfugié est un réfugié - Les mots sont importants (lmsi.net)
    http://lmsi.net/Un-refugie-est-un-refugie

    Elle avance d’abord l’argument habituel selon lequel la situation économique ne le permet pas. Puis, elle indique que si elle ne veut pas des réfugiés sur le sol de l’Hexagone, c’est parce qu’ils sont musulmans, d’une « autre culture » et que, sans être « raciste », elle ne veut pas qu’il y ait « plus de femmes voilées dans la rue », car elle est « féministe »...

  • Le rejet de l’islam est-il une spécificité française ?

    L’anthropologue américain John R. Bowen observe la montée, en Europe comme aux Etats-Unis, d’un populisme d’extrême droite qui instrumentalise les citoyens musulmans à des fins électoralistes.

    Quand un anthropologue américain scrute, de son regard caustique, le rapport à l’islam des sociétés occidentales, et déconstruit les idées fausses qui alimentent le rejet des musulmans, cela donne l’Islam, un ennemi idéal (Albin Michel, 2014). John R. Bowen a enseigné à Siences-Po Paris, à la London School of Economics et enseigne à la Washington University of Saint Louis.

    Votre livre s’intitule l’Islam, un ennemi idéal , en quoi est-il « idéal » ?

    De tout temps, dans l’histoire occidentale, certains groupes ont fait l’objet de haine : les juifs, les catholiques, les Roms, les homosexuels. Aujourd’hui, les cibles de cette haine sont les musulmans. L’islam étant une religion méconnue, on peut y projeter toutes sortes de fantasmes : « Les musulmans battent leurs femmes » ; « ils assassinent les juifs, les chrétiens ». C’est très facile d’en faire le bouc émissaire de n’importe quoi. Depuis le 11 Septembre, un sentiment anti-islamique s’est répandu aux Etats-Unis sous l’influence du protestantisme évangélique. En Europe, les différents attentats semblent confirmer l’idée qu’une guerre fait rage entre l’islam et l’Occident. Par ailleurs, la visibilité de l’islam depuis les années 80, par la demande de mosquées, le port du voile, les boucheries halal, change les habitudes et le paysage. Or la réticence à voir la société changer s’exprime par la haine.

    Face à l’intégrisme islamique, cette peur n’est-elle pas légitime ?

    Bien sûr, des formes de violence existent. Mais regardons de plus près. En Europe, sur les dix dernières années, il y a davantage de morts qui résultent du terrorisme non islamique. Rappelons tout de même que les personnes qui vont faire le jihad en Syrie sont considérées comme des terroristes alors qu’il y a deux ans, ils étaient nos alliés contre Bachar al-Assad. Alors il faut décider ! Doit-on traiter ces individus comme des terroristes ? Il faudrait pouvoir poser la question mais cette question est malheureusement taboue.

    La semaine dernière, en France, Valeurs actuelles titrait « Touche pas à mon église ». Ce type d’instrumentalisation politique de la peur de l’islam est-elle spécifique à la France ?

    C’est un exemple type de désignation de l’islam comme ennemi commun. On oublie que dans les années 80, certaines églises avaient donné une place aux musulmans pour qu’ils puissent prier. Il ne s’agissait pas d’églises désacralisées. Il y a toute une histoire de collaboration entre les différents cultes. Aux Etats-Unis, certains politiques jouent sur cette même peur de l’invasion. Mais comme il n’y a pas le principe d’un espace républicain uniforme comme en France, il est plus difficile de soutenir qu’il y a un danger général. En Angleterre, la possibilité de vendre une église à une association islamique serait considérée comme une affaire privée. Ça ne soulèverait probablement pas la même émotion. En Allemagne par contre, on peut imaginer le même genre d’emballement. Il est aussi devenu très utile, d’un point de vue électoraliste, de blâmer l’islam en lui imputant tout un ensemble de problèmes sociaux. Presque partout en Europe, comme aux Etats-Unis, un populisme d’extrême droite s’est implanté, et des politiciens appartenant à une droite plus modérée, comme Nicolas Sarkozy, se sont évertués à reconquérir une partie de leur électorat en s’associant à la condamnation de l’islam. Le populisme est une église accueillante. Plus généralement, nous ne vivons pas un moment de tendresse vis-à-vis des immigrés.

    Le multiculturalisme propre à la société américaine et qui fait peur à certains en France permet-il de réduire les tensions identitaires ?

    La grande différence avec la France, c’est que l’identité nationale américaine est composée d’identités multiples : afro-américains, hispano-américains… Dès le départ, il y a donc moins de tensions. La présence d’un menu sans viande est acceptée. A l’aéroport de Dallas, il y a des femmes en foulard à la douane, même les fonctionnaires peuvent porter le foulard. La liberté religieuse prime. Le problème identitaire américain se situe davantage au niveau du racisme anti-Noir qui persiste. En France, l’islamophobie est un racisme culturel avec l’idée que les musulmans sont identifiables. Ce n’est pas parce que quelqu’un croit en Dieu ou se réfère au Coran que c’est un ennemi, mais parce qu’il est différent.

    La laïcité française n’est-elle pas en train de devenir inégalitaire ?

    Dans les faits, on peut dire que oui. Rappelons d’abord que la loi de 1905, même si elle affirme un principe de neutralité de l’Etat envers toutes les confessions, n’a jamais été appliquée aux églises catholiques. Les églises construites avant 1905 sont devenues propriété de l’Etat et sont donc entretenues par l’Etat. Tandis que la grande majorité des églises évangéliques, plus de la moitié des synagogues et bien sûr toutes les mosquées construites après 1905, n’ont pas bénéficié de ce soutien de l’Etat. Symboliquement cette loi est intouchable mais dans les faits, elle a beaucoup évolué. Prenons l’exemple des écoles islamiques sous contrat, il y en a deux en France : à Lille et à Lyon. Il y a eu plusieurs tentatives de développer les écoles islamiques, mais un blocage politique au niveau du ministère de l’Education nationale l’empêche. Là encore, il faudrait être vraiment neutre. On a fait le choix de garder des écoles religieuses, il faut donc appliquer ce principe de manière équitable à toutes les religions. Une autre tradition en France, qui date de Philippe le Bel au XVe siècle : l’idée que l’Etat a son mot à dire dans les affaires religieuses et sa volonté de traiter avec des entités représentatives. On le voit avec le Conseil français du culte musulman. En France, il faut avoir un numéro de téléphone pour parler avec l’islam. Ce volontarisme politique n’est pas forcément négatif. Depuis les années 80, l’Etat travaille sur le sujet de la viande halal pour que tous les musulmans aient de la viande pour l’Aïd, par exemple.

    A propos de la loi sur l’interdiction de la burqa, vous laissez penser que c’est une atteinte à la liberté religieuse ?

    L’Assemblée nationale a proscrit le port de la burqa, en dépit de l’avis négatif du Conseil d’Etat, qui soulignait que cette loi violerait les droits constitutionnels et conventionnels de la liberté religieuse. Elle a sollicité le Conseil constitutionnel pour que celui-ci trouve un moyen d’en assurer la constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a ainsi inventé de toutes pièces un nouveau principe de la vie commune : la réciprocité. Pour avoir de la réciprocité, il faut pouvoir se voir. Mais si on part de ce principe, il faut interdire le port des lunettes de soleil parce c’est avec les yeux qu’on communique.

    http://www.liberation.fr/monde/2015/07/16/john-r-bowenle-populisme-est-une-eglise-accueillante_1348877

  • De l’Universalisme

    "Il y a des conditions historiques de l’émergence de la raison. Et toute représentation, à prétention scientifique ou non, qui repose sur l’oubli ou l’occultation délibérée de ces conditions tend à légitimer la plus injustifiable des monopoles, c’est-à-dire le monopole de l’universel. Il faut donc au risque de s’exposer à leurs feux croisés, opposer le même refus aux tenants d’un universalisme abstrait passant au silence les conditions de l ’accès à l’universel - ces privilèges du point de vue du sexe, de l’ethnie ou de la position sociale qui, détenant un monopole de fait des conditions d’ appropriation de l’universel, s’octroient par surcroît la légitimation de leur monopole - et aux défenseurs du relativisme cynique et désenchanté. Aussi bien dans les relations entre les nations qu’à l ’intérieur de celles-ci, l’universalisme abstrait qui sert le plus souvent à justifier l’ordre établi, la distribution en vigueur des pouvoirs et des privilèges – c’est-à-dire la domination de l’homme, hétérosexuel, euro-américain (blanc), bourgeois -, au nom des exigences formelles d’un universel abstrait (la démocratie, les droits de l’homme, etc) dissocié des conditions économiques et sociales de sa réalisation historique ou, pire, au nom de la condamnation ostentatoirement universaliste de toute revendication d’un particularisme et, du même coup, de toutes les « communautés » construites sur la base d’un particularisme stigmatisé (femmes, gays, noirs, etc) et suspectes ou accusées de s’exclure des unités sociales plus englobantes (« nation », « humanité »). De son côté, la répudiation sceptique ou cynique de toute forme de croyance dans l’universel, dans les valeurs de vérité, d’émancipation, d’ Aufklärung en un mot, et de toute affirmation de vérités et de valeurs universelles, au nom d’un forme élémentaire de relativisme qui tient toutes les professions de foi universalistes pour des leurres pharisiens destinés à perpétuer l’hégémonie, est une manière, en un sens plus dangereuse, parce qu’elle peut se donner des airs de radicalisme, d’accepter les choses comme elles sont.

    Il n’y a pas de contradiction, en dépit des apparences, à lutter à la fois contre l’hypocrisie mystificatrice de l’universalisme abstrait, et pour l’accès universel aux conditions d’accès à l’universel, objectif primordial de tout humanisme que la prédication universaliste et la (fausse) subversion nihiliste ont en commun d’oublier. Condition d’ une Aufklärung permanente de l’ Aufklärung, la critique de la critique formellement universaliste s’impose d’autant plus impérativement que la propension à l’universalisation du cas particulier, qui est au principe de toutes les forme d’ethnocentrisme, a pour elle, en ce cas, toutes les apparences de la générosité et de la vertu. L’ impérialisme de l’universel qui est impliqué dans l’annexion assimilatrice de l’universalisme verbal peut s’exercer dans les rapports domination au sein d’une même nation, à travers une universalisation des exigences scolastiques qui ne s’accompagne pas d’une semblable universalisation des moyens d’y satisfaire. L’institution scolaire, dans la mesure où elle est capable d’imposer la reconnaissance à peu près universelle de la loi culturelle tout en étant très loin d’être capable de distribuer de manière aussi large la connaissance des acquis universels qui est nécessaire pour lui obéir, donne un fondement fallacieux, mais socialement très puissant, à la sociodicée épistémocratique.

    La violence annexionniste peut s’exercer aussi dans les rapports de domination symbolique entre des Etats et des sociétés ayant inégalement accès aux conditions de production et de réception de ce que les nations dominantes sont en mesure de s’imposer à elles-mêmes (donc à leurs dominés) et d’imposer aux autres comme universel en matière de politique, de droit, de science, d’art ou de littérature. Dans les deux cas, la manière d’être dominante, tacitement instituée en norme, en réalisation accomplie de l’essence de l’humanité (tous les racismes sont des essentialismes ), tend à s’affirmer avec les apparences du naturel par la vertu de l’universalisation qui constitue les particularités issues de la discrimination historique, les unes (masculines, blanches etc.) en attributs non marqués, neutres, universels, les autres en « natures » négatives, stigmatisés. Définies comme des manques liés à une « mentalité » (« primitive », « féminine »,« populaire »), c ’est-à-dire à une nature parfois revendiquée comme telle, contre toute raison, par les victimes de cette naturalisation), ou à une quasi nature dont le caractère historique est oblitéré, les propriétés distinctives du dominée (« Noir », « Arabe » notamment, aujourd’hui) cessent d’apparaître comme imputables aux particularités d ’une histoire collective et individuelle marquée par une relation de domination.

    Et, par un simple renversement des causes et des effets, on peut « blâmer la victime » en imputant à sa nature la responsabilité des dépossessions, des mutilations ou des privations qu’on lui fait subir. Entre mille exemples, dont les plus remarquables sont sans doute ceux qu’engendraient la situation coloniale, on retiendra une perle empruntée à Otto Weininger qui, dans une œuvre se réclamant de la philosophie kantienne, décrivait les Juifs et les femmes comme les incarnations les plus pernicieuses de la menace d’hétéronomie et de désordre à laquelle le projet d ’Aufklärung est exposé : tenant le nom propre et l’attachement à ce nom pour une « dimension nécessaire de la personnalité humaine », il reprochait aux femmes la facilité avec laquelle elles abandonnent leur nom et prennent celui de leur mari, pour conclure, que « la femme est par essence sans nom et cela parce qu’elle manque, par nature, de personnalité ». On a là le paradigme de tous les paralogismes de la haine raciste, dont on pourra trouver des exemples chaque jour dans les discours et les pratiques à propos de tous les groupes dominés et stigmatisés, femmes, homosexuels, Noirs, immigrés, dépossédés, ainsi déclarés responsables du destin qui leur est fait ou rappelés à l’ordre de l’ « universel » dés qu’ils se mobilisent pour revendiquer les droits à l’universalité qui leur sont, en fait, refusés.

    Pascal nous met en garde contre « deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison ». Le peu de raison, qui au terme de longues luttes historiques, est institué dans l’histoire doit être sans cesse défendu, d’abord par une critique incessante du fanatisme de la raison raisonnante et des abus de pouvoir qu’il justifie et qui, comme le notait Hegel, engendrent l’irrationalité ; ensuite et surtout par les luttes d’une Realpolitik de la raison qui, pour être efficaces, ne peuvent se limiter aux affrontements réglés d’un dialogue rationnel, ne connaissant et ne reconnaissant aucune autre force que celle des arguments."

    [Pierre #Bourdieu, "Méditations pascaliennes"]

  • Du pacemaker au tracteur : les hôpitaux-musées de l’homme réparé
    http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2015/08/hopitaux-musees-homme-repare.html

    Dans un article de Sciences et Avenir je viens de lire que le coeur artificiel d’une femme opérée en 1992 n’avait plus que 14% de batterie. Son pacemaker arrive au bout de son autonomie. Il suffit de changer la pile me direz-vous. Oui. Sauf que cette technologie, vieille de 23 ans, n’est plus (...)

  • La revue lesbienne Well Well Well a été entièrement rédigée selon des règles de #grammaire égalitaires
    http://www.huffingtonpost.fr/2015/06/06/revue-lesbienne-well-well-well-regles-grammaire-non-sexistes_n_751191

    De quoi s’agit-il ? « Adjectif et participe passé s’accordent en genre et en nombre avec le dernier terme d’une énumération. S’il y a plusieurs substantifs ou groupes nominaux sujets, l’accord se fait avec le plus proche », explique la charte de Well Well Well. Si cela a l’air compliqué, en fait, ça ne l’est pas. Par exemple, au lieu de dire « les hommes et les femmes sont géniaux », il faudrait écrire « les hommes et les femmes sont géniales », l’adjectif « génial » s’accordant avec le dernier groupe nominal « les femmes ».

    Surtout, cet accord n’est pas une élucubration féministe. Il était d’usage avant que certains grammairiens en décident autrement. Un argument historique que les quarante gardiens de l’Académie française ne sont pas prêts à entendre. Car comme le souligne un article du Monde publié en 2012 suite à la pétition féministe, l’Académie n’aime pas les révolutions. « La règle de l’accord de l’adjectif est d’un usage constant depuis trois siècles, et je n’ai pas l’impression qu’elle fasse l’objet de débats chez les grammairiens, ni que l’usage, chez les Français, soit hésitant », expliquait alors Patrick Vannier, chargé de mission au service du dictionnaire de l’Académie. « L’Académie ne cède pas aux modes, elle s’inscrit dans la durée », ajoutait-il.


    Pour la bande de filles derrière Well Well Well, c’est néanmoins tout sauf une mode. « Il faut se rendre compte que ce n’est pas un détail. L’idéologie derrière la langue est sexiste », insiste Marie Kirschen. C’est pourquoi, quand elle a proposé à l’équipe de bâtir ce deuxième numéro avec une autre grammaire et en réhabilitant plusieurs règles de formation des noms féminins, l’enthousiasme s’est fait sentir. « On était tout de suite emballées », nous confirme Mathilde Fassin, journaliste, auteure pour ce magazine de l’article « ’Le masculin l’emporte sur le féminin’, vraiment ? » et de la charte, que Well Well Well nous autorise à publier dans cet article :

    #égalité #sexisme #les_mots_sont_importants

  • Londres, décembre 1912 : « Mais quelles sont les limites de l’#Albanie ? »

    « L’Albanie offre tant d’analogies avec mon propre pays [la Corse], que souvent je me suis plu à en étudier non seulement les ressources que présentent ces régions primitives, mais encore les mœurs, l’organisation sociale, et la diversité des races qui la peuplent : un instinct guerrier, un âpre désir de vengeance, l’hospitalité sûre et désintéressée sont les caractères principaux de cette race si rebelle à toute contrainte et à toute autorité. Ensuite une organisation superficielle, rudimentaire, toute simple mérite d’être étudiée de très près de façon à en connaître les avantages pour en tirer un profit quelconque, et les inconvénients dans le but d’y remédier dans la mesure de nos moyens. »


    http://www.courrierdesbalkans.fr/bazar/blogs/l-en-dehors-balkanique-o-le-blog-de-nicolas-trifon/l-albanie-les-macedoniens-et-les-aroumains-vus-par-le-colonel-ord
    #frontières #histoire

  • Les conditions de travail dans le monde associatif. Ou comment être fier d’être content de se faire auto-exploiter... (ou l’inverse)

    http://upbordeaux.fr/Les-conditions-de-travail-dans-le

    La diversité des statuts qu’on y retrouve (bénévoles, volontaires, salariés, administrateurs, stagiaires...) brouille les frontières entre salariat et travail gratuit, faisant du monde associatif le terreau d’une nouvelle précarité. De petites structures, partiellement professionnelles, se voient confier par l’État la charge de ses politiques publiques d’action sociale sans pour autant bénéficier des financements pérennes et des moyens dont disposait auparavant le service public... et dont dispose aujourd’hui le secteur privé marchand.

    Quelles sont les conséquences de ces nouvelles règles du jeu sur les conditions de travail dans le monde associatif ? Quelles concessions les associations ont-elles faites pour maintenir leurs activités ? Ont-elles encore les moyens de constituer une alternative au secteur marchand ? Quelles marges de manœuvre sont les nôtres aujourd’hui pour mêler « vocation professionnelle » et « salariat digne » ?

    https://www.youtube.com/watch?v=p-2yEywQ1zY

    Tous petits extraits de la conférence de Pauline et Yohann sur le monde associatif (le bénévolat, les salariés, le service civique).

    La conférence est évidemment plus drôle que les extraits. :D

    Spéciale dédicace à @aude_v, si tu as l’occasion de les voir… ou de les faire venir. :)

    #conférence_gesticulée #UPB #association #travail #bénévolat #service_civique #exploitation #auto-exploitation #reconnaissance

  • The Rise of #AdBlock Reveals A Serious Problem in the #Advertising Ecosystem | Monday Note
    http://www.mondaynote.com/2014/12/08/the-rise-of-adblock-reveals-a-serious-problem-in-the-advertising-ecosyst

    On grounds that it represents a major economic threat to their business, two groups of French publishers are considering a lawsuit against AdBlockPlus creator Eyeo GmbH.

    Eyeo’s AdBlock Plus takes the advertising rejection in its own hands — but these are greedy and dirty ones. Far from being the work of a selfless white knight, Eyeo’s business model borders on racketeering. In its Acceptable Ads Manifesto, Eyeo states the virtues of what the company feels are tolerable formats:

    1. Acceptable Ads are not annoying.
    2. Acceptable Ads do not disrupt or distort the page content we’re trying to read.
    3. Acceptable Ads are transparent with us about being an ad.
    4. Acceptable Ads are effective without shouting at us.
    5. Acceptable Ads are appropriate to the site that we are on.

    We are being paid by some larger properties that serve non-intrusive advertisements that want to participate in the Acceptable Ads initiative.
    Whitelisting is free for all small and medium-sized websites and blogs.

    #Publicité

  • Creating distraction-free reading experiences
    http://azumbrunnen.me/blog/creating-distraction-free-reading-experiences
    On m’a passé cet article par rapport à la mise en page de certains sites d’infos alternatifs, du coup je me le synthètise ici pour garder quelques notes ;) Voilà donc une liste de recommandations pour garantir une lecture de qualité sur écran :
    – de la bonne #typographie (l’auteur renvoie à Butterick’s practical typography http://practicaltypography.com un livre en ligne que je ne connaissais pas, ça a l’air très fourni en plus d’être une expérience éditoriale singulière : http://practicaltypography.com/how-to-pay-for-this-book.html )
    – l’imitation de ce qui marche déjà (faire gaffe à l’innovation) ;
    – la limitation des éléments « fixes » ;
    – virer les éléments non relatifs au contenu (les listes d’articles sur le côté par exemple)


    – l’illisibilité d’un contenu réparti avec une pagination par rapport au contenu publié sur une seule page ;
    – une organisation qui permette au lecteur d’aller directement à ce qu’il cherche, puis seulement de lui proposer d’autres liens ;
    – éviter les images d’illustration sans rapport direct avec l’information.
    Le site en lui-même est déjà assez intéressant, notamment sur sa capacité à rythmer l’article verticalement, sans parler de sa jolie typo (en Chapparal Pro, corps 23 !)

  • Michel Foucault voulait être considéré comme un cartographe...

    Episode 4: The Cartography of Power | The Funambulist

    http://thefunambulist.net/2012/06/24/foucault-episode-4-the-cartography-of-power

    In the last ‘episode’, I was evoking the will of Michel Foucault to be considered as a cartographer. In a text written for the journal Critique (dec 1975), Gilles Deleuze proposes an analysis of the book Surveiller et Punir: Naissance de la prison (Discipline and Punish: The birth of the prison) under the title: Un Nouveau Cartographe (A new cartographer). Through this text, Deleuze introduces Foucault’s method to map the mechanisms of power (which legitimizes somehow the fact that he has been called a structuralist) as well as his very definition of power: (French original version is at the end of this article)

  • De l’alternative infernale

    « Par « alternatives infernales », nous entendons un ensemble de situations formulées et agencées de sorte qu’elles ne laissent d’autres choix que la résignation, car toute alternative se trouve immédiatement taxée de démagogie : « Certains affirment que nous pourrions faire cela, mais regardez ce qu’ils vous cachent, regardez ce qui arrivera si vous les suivez. »

    Ce qui est affirmé par toute alternative infernale, c’est la mort du choix politique, du droit de penser collectivement l’avenir. Avec la mondialisation, nous sommes en régime de gouvernance, où il s’agit de mener un troupeau sans le faire paniquer, mais sous l’impératif : « Nous ne devons plus rêver. » Affirmer qu’il est possible de faire autrement, ce serait se laisser abuser par des rêves démagogues. On dira par exemple : « Ceux qui critiquent le libre-échange ne vous disent pas que les conséquences de mesures protectionnistes seront l’isolement total et l’arrêt cauchemardesque de tout échange avec les autres pays. Si vous voulez que notre pays reste ouvert, il faut accepter le libre-échange et donc les sacrifices que demande la compétitivité. » Or, le protectionnisme n’a jamais signifié la fin des échanges. De la même manière, lorsqu’on critique l’innovation comme synonyme de progrès, on entend souvent : « Renoncer à l’innovation, c’est faire le choix d’une société frileuse, qui refuse l’avenir ; nous ne pouvons plus revenir en arrière, nous devons nous adapter et faire confiance. » Cet opérateur rhétorique, ce « nous-ne-pouvons-plus », a précisément vocation à faire taire ceux qui disent « mais-qu’êtes-vous-en-train-de-faire ? ». Nous devons faire confiance, car nous n’avons pas d’autre choix.

    Le problème, c’est que ça marche. Quand on entend un politicien énoncer cela, on n’entend malheureusement derrière lui ni mugissement de rires ni concert de ricanements. Reconnaître ces types de discours et se protéger de leur emprise, voilà qui ferait partie d’une culture de la sorcellerie. S’en protéger, c’est aussi savoir en rire, ricaner, avoir sur soi des boîtes à rire qui meuglent – faire d’abord preuve d’irrespect.

    Or l’énonciateur de ce type de discours ne peut pas être réduit à un vendu, un corrompu, un bankster, etc. Le problème est plus compliqué, en ce sens que ceux qui annoncent une alternative infernale se trouvent eux-mêmes séparés de leur puissance d’agir et de penser. Ils ne savent réellement pas comment faire autrement. C’est pourquoi j’ose penser que la dérision et la compassion sont plus efficaces que la dénonciation. Celle-ci peut renforcer leur sentiment d’héroïsme responsable face à des accusations injustes. Il s’agit plutôt de les démoraliser, de leur faire abandonner leur rôle de berger moralisateur et pédagogue – voire d’exiger d’eux qu’ils partagent avec nous ce qui les réduit à l’impuissance, au lieu de relayer des mensonges lénifiants. S’ils prétendent lutter, qu’ils nous donnent des nouvelles du front, qu’ils nous expliquent ce à quoi ils se heurtent, qu’ils nomment les « sorciers » et la manière dont ils agissent – bref qu’ils cessent de collaborer sous prétexte que sans eux ce serait pire. »

    Isabelle Stengers

    http://jefklak.org/?p=1711

    #Alternative #infernale
    #Stengers
    #Capitalisme

  • Que se passe-t-il quand on quitte un #réseau_social ?
    http://fluxetfixe.wordpress.com/2013/11/02/quitter-reseau-social

    Chronique de la Place de la toile du 2 novembre 2013 : « Qu’est-ce que le numérique ? » Que se passe-t-il quand on quitte un réseau social ? Malheureux, vous n’y pensez pas ! Quitter un réseau social, c’est quitter le social tout court, c’est initier un lent déclin qui mène tout droit au solipsisme, […]

  • C’est vrai que la france est le pire pays au monde niveau toilettes publiques... Et quand il y en a, elles sont payantes. La France le seul pays au monde où il faut payer pour chier...

    http://www.terraeco.net/Chacun-cherche-son-chiotte,52472.html

    « Si votre W.-C. perso déclare forfait, préparez-vous à vous creuser la cervelle. Ou un trou. Car dégotter des toilettes dans l’espace public relève de la mission impossible.

    Et un jour, mes toilettes furent bouchées. Le plombier ne viendrait que le lendemain. Restait l’errance urbaine à la recherche d’un lieu d’aisance. Ma chance est immense, car j’habite Paris, l’une des cités les mieux loties en matière de commodités publiques. De plus, nous sommes au XXIe siècle, ce qui me donne accès à l’une des 400 sanisettes gratuites de la capitale. Aurais-je eu envie de me soulager place du Châtelet il y a cinquante ans, l’opération eût été moins aisée. Certes, les vespasiennes campaient plus nombreuses sur les trottoirs. Mais ces lieux de drague notoires étaient réservés aux hommes. Alors, quand l’entreprise JCDecaux créa des latrines mixtes et sécurisées à l’aube des années 1980, les Parisiennes entrèrent dans une nouvelle ère. Lorsqu’en 2006 la mairie décida d’en instaurer la gratuité, alors que leur location coûte encore aujourd’hui quelque 16 millions d’euros par an, ce fut Byzance dans la capitale.

    Chasse au trésor
    Il n’empêche, j’hésite. Le W.-C. public a mauvaise réputation. Le site d’avis de voyageurs Zoover a interrogé 3 000 vacanciers sur la question. Le chiotte français arrive en tête des plus sales d’Europe, avant le turc et le polonais. Quant à le dénicher, c’est souvent une véritable chasse au trésor. Les malades chroniques de l’intestin ne le savent que trop bien. Parmi leur cortège de maux existe celui de devoir courir aux toilettes plusieurs fois par jour. Pour eux, l’Association François-Aupetit a tenté de recenser les possibilités urbaines dans une application de géolocalisation. « Ce référencement est extrêmement difficile tant les informations sont indisponibles, indique Nathalie Rutayisire, responsable de projet de l’association. Sans compter qu’une grande partie des toilettes repérées sont hors-service parce que mal entretenues, ou fermées pour éviter une occupation par des publics indésirables. »

    C’est l’excuse de Guillaume Pepy, pédégé de la SNCF, quand on l’interpelle sur les cinquante centimes d’euros nécessaires pour accéder aux W.-C. de ses gares. Partout, le chiotte républicain et égalitaire a muté en droit de péage. Dans le métro parisien, on compterait une dizaine de W.-C. pour plus de cinq millions d’usagers quotidiens, voyageurs pressés pas épargnés par l’envie pressante ou pauvres à la recherche d’un peu de chaleur et d’un abri. A la station Cluny-La Sorbonne s’est installé un water-closet de luxe, géré par l’entreprise Point W.-C. : « Le petit coin ne sera plus jamais comme avant ! Désormais, il faudra parler d’escale bien-être », vante la RATP. En d’autres termes, uriner hygiéniquement pour un euro sans le PQ. La démission du service public en matière urinaire va loin. Les toilettes du Luxembourg, gérées par le Sénat, sont ainsi payantes, et hommes et femmes ne sont pas soumis au même tarif…

    Epidémie d’hépatite A

    L’Association François-Aupetit se tourne, elle, désormais vers les cafetiers à qui elle propose, par convention, d’ouvrir gracieusement leurs toilettes aux malades dotés d’une carte spécifique. « Nous démarchons le privé pour pallier le manque public », résume sobrement Nathalie Rutayisire. Mais si certains sont condamnés à rester chez eux pour accéder à un W.-C. sans débourser un kopeck, d’autres n’ont même pas ce loisir. Il y a plus de dix ans, l’association La raison du plus faible a enquêté sur l’offre d’hygiène pour les personnes à la rue : 80 % des villes de plus de 50 000 habitants avaient tout bonnement fait disparaître les toilettes accessibles sans condition. La situation ne s’est pas améliorée.

    A Marseille, par exemple, rien n’est moins simple que de se soulager dignement. La cité, deuxième ville de France en population, ne dispose que de sept W.-C. payants. A tel point que des habitants facétieux ont récemment organisé une « chasse aux toilettes publiques » sur le vieux port. La blague fait sourire mais alerte également sur la galère quotidienne de 12 000 personnes sans domicile fixe. Médecins du Monde a d’ailleurs tenté de réveiller les autorités sur la question. En pure perte. L’ONG, qui gère un centre de consultation médicale pour publics précaires, s’est retrouvée l’été dernier avec une épidémie d’hépatite A sur les bras, largement imputable à l’absence d’eau et de W.-C. en libre-service. « Le droit universel d’accès à l’eau, reconnu par l’ONU, n’a pas passé les portes de Marseille, déplore Cendrine Labaume, coordinatrice générale. L’absence d’équipement public s’inscrit dans une guerre contre les pauvres, et non contre la pauvreté. »

    Les sanisettes et Notre-Dame

    C’est bien l’avis de la Coalition eau, un regroupement d’ONG qui a élaboré un projet de loi visant à graver l’accès à l’eau et à l’assainissement dans le droit français. Le texte, qui sera examiné en 2014, prévoit l’obligation d’installer des W.-C. publics pour les communes de plus de 3 500 habitants, « en vue d’assurer la salubrité publique et la dignité de tous ». Une fois cette base hygiénique acquise, il sera toujours temps de s’attaquer aux autres inégalités de l’accès au trône. Mes copines et moi passons ainsi en moyenne 2,5 fois plus de temps à l’intérieur des sanitaires que ces messieurs. La faute notamment à la position nécessitant effeuillage, très pénible en hiver. Résultat : pour un même nombre de W.-C., on attend toujours plus aux toilettes des filles. Les Suédois sont en train de résoudre le problème en apprenant aux petits garçons à pisser assis et essayent de faire passer une loi pour obliger les hommes à renoncer aux urinoirs. A Paris, de toute façon, c’est en toute discrétion que chacun choisit sa position une fois que la porte de la sanisette a coulissé comme celle d’un vaisseau interstellaire. 13 millions de visiteurs s’y sont isolés l’année dernière, soit autant d’entrées qu’à Notre-Dame. N’y tenant plus j’ai d’ailleurs fini par me décider. Sur le boulevard de Belleville, j’ai patienté entre deux prostituées chinoises gelées qui prenaient leur pause-pipi. A mon tour dans l’habitacle, l’expérience ne fut pas inoubliable. Mais soulageante et démocratique. »

    http://www.terraeco.net/En-France-nous-tolerons-que-nos,52473.html

    « Les toilettes sont un sujet éminemment politique, rappelle le sociologue Julien Damon. Mais contrairement à ses voisins, la France ne l’aborde qu’en se pinçant le nez…

    Pourquoi les toilettes brillent-elles par leur absence dans l’espace public ?

    Elles n’ont pas disparu, mais il y en a moins qu’autrefois. Nous avons d’abord, tous ou presque, des toilettes privées. Le taux d’équipement français est de 98 %, alors qu’il était de 60 % en 1960. A mesure que l’équipement progressait dans l’univers privé, l’espace public en a été débarrassé. Ces toilettes publiques étaient d’ailleurs très mal vues, parce que parfois mal fréquentées, connues comme lieux de consommation de drogue et de prostitution, etc. Leur maintenance, enfin, représente un coût. Peu d’élus veulent devenir le Monsieur Pipi qui a mis en route un plan volontariste en la matière. Celui-ci ne manquerait pas d’être raillé dans les journaux satiriques, ce qui n’aurait pas lieu dans d’autres pays.

    Uriner dans l’espace public, est-ce un problème culturel ?

    Dans n’importe quelle ville japonaise et jusqu’à la capitale roumaine, vous avez la possibilité de satisfaire vos besoins les plus fondamentaux partout, dans des services propres et gratuits. La situation française apparaît d’ailleurs très choquante pour un certain nombre de nos voisins européens, des Scandinaves aux Anglais, en passant par les Allemands. Nous tolérons en effet que nos rues sentent la pisse ! Puisque pour nombre de personnes, il n’y a pas d’autre exutoire que pisser contre un mur, nous subissons ce phénomène visuel et odorant insupportable. C’est également un comportement de mâle sale, de marquage du territoire, totalement inacceptable dans d’autres cultures européennes. Ce comportement, interdit et potentiellement sanctionné par une amende, n’est pas toléré ailleurs en Europe comme il l’est chez nous.

    Les toilettes sont-elles un objet politique ?

    En France, oui, et ce depuis les querelles de Clochemerle, village de roman (de Gabriel Chevalier, publié en 1934, ndlr) dans lequel le maire déchaîne les passions en décidant d’installer un urinoir près de l’église. C’est un sujet bien plus politique qu’économique. La preuve : les villes veulent devenir des smart cities (des « villes intelligentes », ndlr), à des coûts faramineux, alors qu’elles n’ont même pas de toilettes de qualité.

    Comment garantir le droit à pisser ?

    Se soulager est un besoin fondamental. Que, dans l’espace public, soit mis en place des équipements pour cela devrait relever du code de l’urbanisme. Gratuité, propreté et sécurité sont fondamentales. Il faut des obligations de service public en la matière, que cette question soit ensuite gérée par le public ou le privé. D’autant que la population française vieillit et que les besoins vont augmenter. Les pouvoirs publics devraient par exemple subventionner les bistrotiers et les restaurateurs pour qu’ils mettent à disposition leurs W.-C. De toute façon, aujourd’hui, si vous êtes malin et bien habillé, vous pouvez aller dans les plus belles toilettes du monde en permanence. Il suffit d’entrer fièrement au Ritz et de faire comme si vous saviez où elles se trouvent. Il faut que cela soit possible partout et légalement organisé. »

    • Dans une société vieillissante, cette disparition est préoccupante.

      J’ai régulièrement ce problème quand je voyage. En gros, quand je prend mon thé le matin, une heure après, il me faut uriner. C’est comme ça. Mais il le faut vraiment. En général, ce n’est pas trop chiant quand je suis chez moi, mais si j’ai un RDV extérieur, ça peut vite être galère. À une époque, j’avais repéré un chiotte public dans un bled à mi_distance entre chez moi et le bled-en-chef, exactement à l’heure stratégique en cas de RDV du matin. Il y a 2 ans, sous prétexte de rénovations, ces toilettes ont été définitivement condamnées. Et il n’y en a pas d’autres sur le trajet. Ce qui fait que j’arrive à mes RDV en crabe et je déteste ça.

      Quand je suis allée aux grottes, j’avais prévu un dernier tour avant de quitter l’autoroute, mais je ne sais plus pourquoi, j’ai raté la station. Résultat, me voilà dans la cambrousse à ne pas trop savoir à quelle je vais arriver et n’ayant pas du tout envie d’arriver en me tortillant (bonjour le premier contact). Bref, les routes sont petites et désertes, je trouve un chemin et me planque entre les deux portières. Forcément, deux voitures et une moto sont arrivées à ce moment-là.

      D’ailleurs, en parlant d’autoroutes, maintenant que c’est privatisé, je remarque qu’il y a de plus de petites aires qui sont fermées pour maintenance à durée indéterminée. Du coup, il ne reste plus que les grandes aires saturées séparées de longues portions sans commodités.

    • @monolecte : en fait en voyageant à l’étranger on constate que c’est vraiment une spécificité française (pourquoi donc ? on préfère que les gens aillent pisser dans les rues ?!). En belgique les week-ends les centre-villes voient débarquer des chiottes « de chantier » amovibles, dans les quartier des bars, afin de limiter les clients qui ont bien bu et qui ont besoin d’uriner. En Australie et Nouvelle-Zélande il y a des toilettes publiques gratuites partout, dans tous les patelins même les plus petits, toujours propres, souvent même plus que celles des restaurants (!). Parfois même des douches froides ou chaudes gratuites ou pour quelques pièces. Les gares (même celles du métro !) sont aussi toutes équipées de toilettes gratuites et propres. Bizarrement leurs rues sont très propres du coup, même les crottes de chiens y sont très rares…

      Comme quoi c’est toute une idéologie et une gestion publique qu’il faudrait revoir…

    • Pendant les fêtes du bled, j’ai remarqué que le grand sport des participants qui boivent toute la nuit, c’est de trouver des ruelles pour se soulager. Certaines sont d’ailleurs temporairement rebaptisées « rue de la pisse ». Ce que l’odorat confirme le lendemain matin. Faut dire que les bogédas ouvertes pour l’occasion ne disposent pas de toilettes non plus.

    • Bah, @bohwaz, les chiottes dans les pays du Benelux sont souvent payantes. Quand à tes urinoirs de quartier de beuverie, ce sont des mesures electoralistes, issues des protestations d’assos d’habitants ayant assez que leur pas de porte pue la pisse. Pas de charité publique, ces toilettes s’adressent avant tout aux hommes, les demoiselles devant passer, majoritairement, par la case « bonjour, madame pipi ».
      On ne compte plus les cafés qui refusent l’accès à leur toilettes aux non consommateurs. Une association de personnes souffrant de maladies inflammatoires de l’intestin a dressé une carte des lieux « access friendly ». L’adhérant à cette association reçoit une sorte de laisser-pisser qui lui ouvre grand les portes des commerces et lieux publics compatissants à leur problème de défécation intempestive.

  • Le déni du Monde | aggiornamento hist-geo
    http://aggiornamento.hypotheses.org/1453

    Le dernier numéro du Débat est consacré à l’enseignement de l’histoire, au « difficile enseignement de l’histoire ». Car telle est la question/affirmation posée par Pierre Nora à l’orée de son éditorial : « Pourquoi est-il devenu si difficile d’enseigner l’histoire dans les classes du primaire et du secondaire ? C’est de cette question, fondée sur un constat largement répandu, que nous sommes partis. »

    De cette interrogation qui n’en a que l’apparence suit un numéro foncièrement biaisé. Car rien n’étaye sérieusement ce constat, sinon l’appui du discours décliniste porté par Hubert Tison, secrétaire général de l’Association des professeurs d’histoire-géographie. Non, la simple évidence semble suffire à Pierre Nora pour affirmer que « cette difficulté [...] n’a cessé de s’aggraver depuis trente ou quarante ans ». On peut être sceptique. Que l’enseignement en général ne soit pas toujours aisé, que les conditions de l’enseignement aient changé avec sa massification, on veut bien l’admettre, en débattre, mais y a-t-il une spécificité de l’histoire ? Y a-t-il une difficulté particulière de l’histoire par rapport aux mathématiques, aux langues vivantes, au français ?

    #histoire #historiographie #education_nationale

  • un texte que j’ai croisé deux fois depuis ce matin et que je poste ici
    Ca viens d’une liste de diffusion appalé Efigies

    Bonjour,

    je vous envoie ci-dessous, et en pièce ci-jointe, un article qui m’a beaucoup touché, et que je crois capable de toucher de nombreuses personnes, concernant la domination sexuelle ordinaire dans les relations hétérosexuelles.

    Il est paru dans Timult, une excellente revue rédigée collectivement par desfemmes/lesbiennes/trans, et qui traite de nombreux sujets de la vie politique (et de la vie politique que constitue le quotidien) d’une façon vive, vivante et vécue... Cf., pour le numéro qui nous concerne ici, https://timult.poivron.org/06.

    Le voici, donc, ci-dessous. Je n’en connais pas l’auteure, mais Timult m’a fait savoir qu’elle est d’accord pour que je le diffuse.

    yves

    ===============

    Dire non n’est jamais anodin
    Viol et domination sexuelle ordinaire dans les relations hétérosexuelles

    Le viol est un drame. Les filles violées sont des victimes. Chacune, chaque fille, adolescente puis femme, nous sommes tenues depuis l’enfance à le craindre. Souvent avec la meilleure intention du monde : protéger son enfant, sa s¦ur, sa nièce, on nous explique et l’on répète ensuite aux autres filles comment se comporter, à quel point il est important de bien rester à sa place pour ne pas se mettre en danger. Après 20h, encore en France, aujourd’hui, combien de fois plus d’hommes que de femmes dans les rues ? Vous vous êtes déjà amusé.es à faire le compte ? Et ben moi, pas besoin de compter, presque tous les soirs, je sens bien cette ambiance lourde, alors que je suis la seule fille dehors dans cette rue, sur cette place, à traverser ce parc, cette plage... montée d’adrénaline, je suis sur la défensive. Parano ? Malgré tout ce qu’on m’a répété depuis toute petite, de faire attention, que je risquais de me faire violer, et ben je sais que je n’y suis pas du tout préparée. Je sais que je ne saurais pas me défendre, que je resterais paralysée, inerte, passive, passive à en crever.

    On nous ment, pourtant, avec toute cette bien-pensance et ces conseils culpabilisants. La vérité, c’est qu’à partir du moment où tu nais avec un sexe féminin, et ben tu es en danger de viol. Simplement parce que c’est un « crime » éternellement sous-estimé, éternellement perpétré, impunément, dans toutes les classes sociales, à toutes les époques, et partout sur la planète. Le pire, c’est qu’un très faible pourcentage est raconté, un pourcentage encore moindre donne lieu à de réelles représailles envers l’agresseur, la parole de la victime est sans cesse mise en doute. Seuls les cas spectaculaires, bien clairs, bien tranchants, bien effrayants, d’agressions avec de la violence physique, de la part d’un ou plusieurs inconnus, dans un lieu public, sont entendus, recevables dans notre société où règne en maître absolue la domination hétérosexuelle masculine.

    En vrai, la plupart d’entre nous qui subissent un viol doivent y faire face chez elles, chez des amis ou dans la famille proche. On ne peut pas se contenter de dire « j’espère que moi, ça ne m’arrivera jamais » et rester enfermée bien tranquillement, être la meilleure épouse, la meilleure mère. Simplement parce que la plupart du temps, il frappe à la porte, il défonce la porte, il est déjà dans l’école, dans le groupe, dans la maison, dans la chambre. Parce que celui qui viole ne fait pas qu’exercer une violence physique extrême : il assoit son pouvoir psychologique, manipule affectivement, détruit mentalement... la menace de viol est une agression qui nous réassigne directement à notre statut de fille, à une infériorité, une soumission, une passivité patiemment et savamment inculquées depuis nos premières respirations dans ce monde.

    Une pote a défié son psychologue l’autre jour, qui cherchait à la « déculpabiliser » en disant qu’un viol, c’est pas normal : arrêtez de mentir ! « Le viol, c’est la norme » : ce qu’on peut faire impunément, ce qui se fait de génération en génération... le viol, tel que décrit dans l’imaginaire collectif, se double nécessairement d’une violence physique inouïe, comme si le viol lui-même n’était pas un assez grand motif de scandale, de douleur et de plainte. Ce schéma caricatural, c’est un point extrême sur un continuum de domination sexuelle, qui est effectivement une norme, construite très tôt dans nos identités, très consciencieusement, incessamment. Ce sont toutes ces micro-habitudes, cette multitude d’expériences de soumission qui conditionnent la fille à devenir victime de viol. Et toutes ces injustices, ces prises de pouvoir « anodines », ces caprices assouvis et cette pression à être un homme, un vrai, capable de « faire le premier pas » et de se donner les moyens de « prendre ce dont il a envie » qui poussent l’homme au viol.

    Cela n’excuse rien. Cela n’a jamais rien excusé et n’excusera jamais rien. Il y a une part de liberté, il n’y a pas que de la fatalité dans ce destin social. Tous les hommes sont des violeurs potentiels, ils sont éduqués à ça. Mais tous les hommes ne violent pas. Par contre, je n’ai encore jamais rencontré d’homme qui n’ait jamais bénéficié, sur le plan sexuel, de ce schéma de domination, et jamais rencontré de femme qui ne se soit pas soumise, tout en la justifiant ou en la banalisant, à une situation de domination sexuelle.
    Pour réussir à lutter contre son agresseur particulier, il lui faut se battre contre sa propre disposition à accepter ou légitimer l’injustice sexuelle de notre société. Se battre contre les fantômes de toutes ces situations de domination dont elle a souffert mais qu’elle a relativisées, banalisées. Comment les policiers, médecins, psychologues, journalistes, et moralistes en tous genres peuvent reprocher à celles qui, comme moi, tendent à rester figées, de ne pas réussir à mener ce combat ? Comment arrivent-illes à s’arranger avec leur conscience, en culpabilisant les victimes au lieu de se remettre en cause, au lieu de se mordre les doigts d’avoir été complices, d’avoir permis qu’une situation de cette violence ne se produise ? Qu’elle devienne et se maintienne comme norme ?

    Pourtant, malgré toute vraisemblance, contre toute attente, certaines opposent une résistance. Des héroïnes parmi les rescapées. Pas de fatalité. Souvent, ce sont plutôt des femmes libres, indépendantes, féministes ? De celles qui ne se laissent pas trop marcher sur les pieds... elles sont visées, aussi. Plus qu’on ne le croit. On croit moins à leur témoignage. Comment une libertine, une pute, une allumeuse, une camionneuse, une directrice de communication peuvent-elles être aussi des victimes sociales ? La question relève à ce point de la mauvaise foi que c’est du foutage de gueule ! Il y a quand même des trucs, basiques, pas si durs, qu’il faudrait réussir à assumer en tant qu’adultes, merde, et à transmettre, à enseigner aux enfants !
    Déjà, repérer, décrire toutes ces micro-situations qui instaurent une identité sexuelle dominée. Pouvoir dire non n’est jamais anodin. Le respect de nos corps, le fait que le corps d’une femme ne lui appartienne qu’à elle n’est pas négociable ! Il est plus que jamais urgent de hurler et de faire rentrer une bonne fois pour toutes dans la tête de tout le monde qu’une femme peut être nue dans le lit d’un mec, avoir couché avec lui quelques minutes plus tôt, ou être en train d’avoir des rapports sexuels avec lui et dire « NON », signifier qu’elle ne veut pas continuer, qu’elle ne veut plus ou pas de sexe avec lui, maintenant, comme ça, ici... et c’est son droit le plus fondamental : sa volonté doit être respectée stric-te-ment. Il n’y a pas de circonstances atténuantes pour excuser un viol. Tout garçon qui a un vrai souci de ne pas se comporter en dominant, de respecter sa partenaire, ou simplement de ne pas lui faire de mal ne doit JAMAIS revenir à la charge, insister lorsqu’on lui a dit ou signifié un refus, une hésitation, un doute.

    Dire non n’est jamais anodin. Si le premier non n’est pas entendu, le second est plus difficile à dire, le troisième encore davantage... certaines d’entre nous, dans certaines situations-limites, n’arrivons même pas à prononcer clairement ce premier « non ». Quelqu’un de vraiment attentif et qui nous connaît un tout petit peu verra vite que quelque chose cloche, mais de fait, des hommes profitent allègrement de cette assignation au silence pour se donner bonne conscience ou présumer le consentement.
    Il y a une quinzaine de jours, une amie a été violée par un demi-inconnu rencontré dans une ambiance festive. Peut-être avec un complice, elle ne sait plus trop, elle avait bu. Sa mère a été violée lorsqu’elle était jeune. Pendant plusieurs années, ma s¦ur a subi des attouchements sexuels, alors qu’elle était mineure. Ma meilleure amie et sa s¦ur en ont aussi subi quand elles avaient moins de 5 ans. La s¦ur de ma coloc a été violée par un inconnu dans la rue. Une copine d’une de ses copines a été violée plusieurs fois par son frère. Une copine m’a dit l’autre jour qu’elle ne savait pas trop comment définir le viol, mais qu’elle avait vécu des trucs limites. Une collègue s’est mise à pleurer lorsqu’on a raconté une histoire qui lui a rappelé son viol (en stop). Ma belle-s¦ur a été violée par son ex-petit ami. Ma tante de plus de 55 ans a réussi à éviter une tentative de viol cette année grâce à son chien qui l’a défendue... dès que l’on se met parler de ce sujet "défendu", des filles, des femmes se rapprochent et racontent leur histoire. Vous connaissez à coup sûr des femmes victimes de viol. Si vous avez un vagin et que vous avez eu des expériences hétérosexuelles, il est certain que vous avez vécu des situations de domination sexuelle. Oh, pas grand-chose, juste de ces petites anecdotes qu’on légitime, qu’on relativise et qu’on range soigneusement dans sa mémoire, en espérant qu’elles atteignent vite la case "oubli", ces trucs "anodins" qui pourtant remontent très vite lorsqu’on cherche à se souvenir de ce qu’on a vécu d’injuste dans notre sexualité, ces assignations à notre corps féminin à servir d’abord et avant tout, le mieux possible, à assouvir le désir masculin.

    Je considère que j’ai plutôt eu beaucoup de chance dans mes relations affectivo-sexuelles avec les hommes. Elles ont, de fait, été souvent liées à de belles histoires d’amour, qui m’ont beaucoup apporté. La plupart de mes relations avec des hommes ont contribué à me rendre plus confiante en moi, en mes qualités, potentiels, non seulement en ma capacité à séduire et à plaire, mais aussi en ma capacité à identifier et exiger ce dont j’ai besoin. J’ai rarement fini un rapport sexuel avant d’arriver à l’orgasme, j’ai appris à le rechercher et le provoquer chez moi, à le faire durer, le retenir un peu... je n’ai jamais testé une nouvelle pratique juste pour "faire plaisir" à un mec, mais j’ai développé une curiosité et une imagination qui m’ont permis de toucher à de nombreuses formes de plaisir, dans des relations avec peu de tabous. Presque une parfaite description de "success story".

    Pourtant.
    Le dernier récit de viol que j’ai entendu a provoqué chez moi comme une illumination : j’ai vu, compris, perçu, non plus intellectuellement, de loin, mais dans ma chair, mon histoire, le continuum terrifiant qui existe entre l’agression sexuelle violente, par un inconnu, dans une ruelle sombre et les "anecdotes" de domination sexuelle que j’ai subies. J’ai repensé à chacun de mes partenaires, enfin surtout à chaque histoire d’amour que j’ai vécue. J’espérais me tromper. Mais je n’ai pas eu besoin de les passer au peigne fin : très vite, les souvenirs sont revenus, parfois vieux de plusieurs années, des petites choses que je croyais oubliées, que j’avais négligées... tous m’ont fait du mal, à un moment, en se comportant en dominants sur le plan sexuel. Affligeant de banalité, rien d’extraordinaire pour remplir les colonnes de la presse à sensation, mais une violence ordinaire, latente, celle qui fait que moi, jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas si je serais capable de réagir autrement à un viol que par la paralysie, le regard vide, l’attente passive, l’impression de sortir de mon corps mentalement pour ne pas être là, que ça ne soit pas en train de m’arriver... et l’envie de suicide, après. Ça vaut ptêt le coup d’en parler, de ces anecdotes pas si anodines :

    17 ans, première fellation. On se cherche, découvre notre corps, celui de l’autre. Excitant aussi de lui faire de l’effet. Mais en fait, je trouve ça nul : ça pue, ça n’a pas bon goût (la dernière douche devait dater un peu) et puis d’un coup je me sens renvoyée à tous ces clichés à la con avec lesquels je suis pas d’accord mais qui quand même sont bien ancrés que ça fait un peu "pute" de "sucer". J’arrête. Mon partenaire a la grandeur d’âme de ne pas insister pour que je poursuive. Mais il me fait clairement comprendre que "je vais pas le laisser en chien". Puisque le voilà excité, puisque j’ai voulu avoir une relation sexuelle avec lui, là, maintenant, ben c’est comme s’il en allait de ma responsabilité de m’assurer que Môssieu prenne son pied, et concrètement (et vu notre connaissance du plaisir à l’époque ça se résume plutôt à ça) qu’il aille jusqu’à éjaculation. Et ben oui, j’ai 17 ans, je suis assez conne pour me laisser à moitié culpabiliser et à moitié attendrir et je me retrouve à le branler. Et mon plaisir là-dedans ? Et il était pas foutu de le faire lui-même ? Et il en avait vraiment besoin ? Et il aurait pas mieux fait d’essayer de capter ce qui m’avait "bloquée", "déplu" et de discuter plutôt que de continuer à baiser ?

    Premier grand grand amour. On est déjà ensemble depuis un an et demi à deux ans. Sexualité débridée, confiance, recherche du plaisir mutuel. Jamais autant eu d’orgasmes synchronisés avec personne d’autre qu’avec lui. On connaît très bien le corps de l’autre. Trop. On aime faire l’amour, c’est souvent le premier truc qu’on fait en se retrouvant, pas systématiquement non plus, mais souvent. Ça devient une évidence dangereuse. Un jour, on a envie, se le fait savoir, on est chez son père, en pleine journée. Difficile. Interdit, encore plus excitant. J’en joue. Et puis, comme c’est vraiment pas possible, on fait autre chose. Mon désir se calme. Son père part faire une course. Il me saute dessus. Surprise, un peu, et puis flattée, et puis je m’attends à ce qu’on fasse l’amour avec la même attention à l’autre que d’habitude, et que j’y trouve mon plaisir... mais je comprends vite avant d’avoir eu le temps de dire "ouf" qu’il m’a juste "prise" vite fait bien fait. Il est dans son monde, il va à 100 à l’heure, ne me voit plus. Heureusement, c’est rapide, à peine le temps de comprendre ce qui m’arrive que c’est fini. Là, il relève la tête, voit que moi, ça va pas. Je ne parle pas avant quelques heures, puis j’arrive à vraiment lui exprimer mon ressenti. À lui dire que je me suis dit que ça ne devait pas être si dur de se prostituer... avec tout ce que cela implique de terrible comme constat quand on est en train d’avoir un rapport sexuel avec "quelqu’un qu’on aime".

    Amsterdam, en hiver. Week-end en amoureux (avec un autre amoureux !) et tout ce que ça peut comporter de kitsch. On n’a pas de sous alors on est dans une auberge de jeunesse un peu miteuse et on partage la chambre avec un couple de punks fort sympathiques. Notre couple bat de l’aile à plein de niveaux. Je tente de me rapprocher au moins par la tendresse, un matin. Il est tout excité mais gêné car on n’est pas seuls. Il a du mal à distinguer tendresse et sexualité. Je crois que ça finit par m’exciter un peu, cette situation, et je lui propose d’aller prendre une douche avec moi, ne sachant pas trop au juste ce dont j’avais envie encore, mais sachant très bien que c’était possible avec lui de flirter entre les frontières et de prendre une douche ensemble sans même se toucher si on ne le souhaitait pas. Il est à moitié réveillé, il traîne, je file, il arrive trop tard, y a plein de monde dans les douches et j’ai fini. Tant pis. Une demi-heure plus tard, nos voisins de chambre s’en vont. Il me relance. Je joue le jeu sans en avoir vraiment envie, pour lui faire plaisir, parce que je me sens un peu responsable, quand même, d’avoir éveillé un désir en lui, parce que le mythe de la réconciliation « sur l’oreiller », que ça résout tout, etc. Je me retrouve en mode missionnaire bête et méchant à le sentir en moi sans rien sentir du tout et je trouve ça vraiment nul, et je sais très bien que j’ai tort d’avoir fait semblant d’avoir envie, et il voit bien que je ne prends pas beaucoup de plaisir (au moins que je le montre moins que d’habitude) et il me demande « ça va ? » et là - ERREUR - je dis « ouais » juste pour ne pas avoir à me justifier et expliquer le pourquoi du comment de mon comportement ostensiblement contradictoire. Pfff, faire l’amour par cohérence, par politesse ! Évidemment, ça n’a rien arrangé entre nous. Et brisé quelque chose en moi. Je me suis jurée de ne plus jamais faire ça.

    Pourtant, deux ans plus tard, je me suis retrouvée dans le même schéma, avec un autre garçon, et je m’en suis tellement voulue de mon impuissance, de mon réflexe débile de silence et d’abnégation, j’ai eu peur de moi-même, de ma pré-disposition à la soumission. La seule, la légère différence à deux ans d’intervalle, et beaucoup de brochures féministes : j’ai arrêté. J’ai dit stop. Tard, mais je l’ai dit. Et ça a été entendu. Et je me suis fait violence mais cette fois j’ai cherché à expliquer. Pas pour me justifier. Parce que j’avais besoin de le dire et d’entendre que c’était cohérent. Pour qu’il sache le mal qu’il peut faire, aussi bêtement que ça, juste en n’étant pas attentif, en ne percevant pas un mal-être que je n’arrive pas toujours à formuler, sur le coup. Et parce que je pensais que notre relation en valait la peine.
    Je ne sais pas trop à quel point il me plaît. Je n’ai pas complètement envie d’esquiver ses bisous. Je sais que je ne veux pas être « avec lui ». Il est tard, on discute, s’attarde, je lui propose de rester dormir. Il n’y a qu’un lit simple. Petit câlin, l’excitation monte, c’est très agréable, mais j’ai décidé dans ma tête que j’ai pas envie, pas besoin de compliquer ma situation affectivo-sexuelle du moment en couchant avec lui. Je le calme gentiment en disant un truc genre « c’est un peu rapide, je préfère dormir ». Ok, on s’endort. Quelques heures plus tard, il revient à la charge. Doucement, subtilement. Je le laisse comprendre que ça me plaît, et je n’ai plus la même sagesse pour tenir mes bonnes résolutions. C’est trop bien, pour une première fois avec quelqu’un, et je le connais à peine. Je lui en veux, quand même, il me fait peur d’avoir insisté comme ça. Si je n’avais vraiment pas voulu, il aurait tenté une 3ème puis une 4ème fois ? Comment un gars responsable aujourd’hui dans notre société peut se permettre d’insister auprès d’une fille ? C’est pas évident que ça crée des risques de consentement confus, ou dérobé, pressé, chamboulé ? Pour rester sur des adjectifs très softs...

    Il me réveille en me caressant. Ça dérape très vite vers ma chatte, mes seins... je suis très fatiguée et à peine réveillée. J’ai envie de dormir. Je suis dans son lit. Toutes mes affaires dans sa chambre. Temporaire. On n’est même pas ensemble, même si oui, on a une forme de relation « officieuse ». C’est la première fois que je fais un truc pareil, de tout déménager chez un gars. J’ai osé parce que je le considère d’abord comme mon meilleur ami, une très grande confiance. Je me retourne, je repousse ses mains, il revient, il insiste. Plusieurs fois. Je ne sais plus si je finis par pleurer ou par me mettre en colère. Il arrête. Se mure dans le silence. On n’en reparlera que 24h après. C’était il y a plus d’un an et il m’a dit récemment qu’il s’en voulait encore. Je crois que notre discussion et puis tout un tas d’autres choses qu’il a vécues depuis le font cogiter... ça fait du bien !

    Il était fleur bleue. Il m’a même dit qu’il était amoureux. Il avait tenté plusieurs fois. Je lui avais écrit par texto que je serais p’têt bien capable de craquer un soir trop arrosé mais qu’en vrai ce n’était pas ce que je voulais. Ben il a créé l’occasion de cette soirée alcoolisée, m’a travaillée au corps, pendant trente minutes, dans un coin, à me blablater, me voler qui un bisou dans le cou, qui un bisou sur la joue... c’était un gars chouette, j’aurais voulu qu’il soit mon ami, mais ça ne lui a pas suffi. J’ai craqué. On a fini dans mon lit et il n’a pas voulu coucher avec moi ce soir-là (remords soudain du procédé alcoolisé ?), en me réveillant je me suis sentie très très mal à son contact et je l’ai limite viré à coups de balai (pour aller avec l’imaginaire ménagère-sorcière). Plus tard, on a fini par avoir une courte liaison, je passais des bons moments avec lui, en particulier de beaux ébats sexuels. J’ai mis fin à la relation de façon unilatérale et brutale, pour en privilégier une autre. On ne s’était rien promis. Ça a mis du temps mais il m’a « pardonnée ». Je suis venue lui rendre visite plus d’un an plus tard (il avait déménagé dans une autre ville), la chambre était toute petite, on a dormi dans le même lit. Contente de le retrouver « ami ». J’ai même l’initiative de le prendre dans mes bras et de dire bonne nuit avec un bisou sur la joue. Je n’ai pas fermé l¹¦il. Il n’a pas arrêté de chercher à m’attirer vers lui, me caresser, m’exciter... j’ai dû dire non mille fois, je l’ai fait, mais je n’ai pas su montrer la colère équivalente au malaise qu’il y avait en moi. J’avais peur. Il disait « tu sais, ça fait longtemps que j’ai pas eu une nana dans mon lit ». Je n’étais pas moi, j’étais « une nana » et une nana dans son lit, c’est fait pour assouvir ses désirs sexuels. Il m’a dégoûtée. La colère et la résistance plus forte que j’aurais pu opposer ce jour-là, elles ont été anesthésiées par ma volonté de lui expliquer au début, de lui dire pourquoi c’était horrible cette phrase, de me justifier de pourquoi je ne voulais pas coucher avec lui... de quel droit ?!

    Plus délicat. Un féministe. On m’avait prévenu que certains hommes deviennent « féministes » pour baiser avec des féministes. Jolie rencontre. Ami d’amis, confiance. Moments fort, tendresse, attention, affection. Sentiments mêlés. Mais moi je n’aurais pas fait le pas de l’embrasser. Peur que ça complique tout. Alors de là à imaginer coucher ensemble ! Il m’a embrassée, et ça a effectivement tout compliqué. Connaissant mon système de références, de valeurs, il avait un avantage dans la persuasion, la manipulation. Je ne dis pas que c’était prémédité. Je ne sais pas. Mais il a su s’en servir pour se déresponsabiliser. On a beaucoup « parlé », il ne m’a pas beaucoup entendue, et, en tout cas, on a fini par faire ce qu’il voulait.
    J’ai émis un doute, exprimé une hésitation claire. Ça aurait dû suffire à le calmer, s’il avait vraiment été féministe. En même temps, il me plaisait, en tant que personne. Et comme on était dans un même truc de libertinage tous les deux, pourquoi pas se rapprocher ainsi ? N’empêche, sa façon de s’y prendre ne me donnait pas vraiment envie. Hésité un peu, et puis, quitte à savoir qu’on avait déjà franchi le cap de ne plus pouvoir être une belle relation amicale tranquille, puisque la relation naissante était déjà consumée, autant chercher mon plaisir dans cette situation. Autant aller à la jouissance physique, au moins. Demain, il serait grand temps de penser à autre chose. Je cesse d’hésiter, deviens plus entreprenante, propose une position de pénétration vaginale avec laquelle je trouve facilement du plaisir, une position où c’est plutôt moi qui contrôle. Mais là, pas le temps, il éjacule très vite. Alors, sans vraiment se préoccuper de savoir où j’en suis moi, il me fait patiemment un cours de féminisme en m’expliquant que ouais, bof, c’est pas parce qu’il a éjaculé qu’il a eu un orgasme et que il est sûr que pour moi aussi c’était nul, et que y a pas que la pénétration et que même lui il trouve qu’il vaut mieux éviter ça comme pratique sexuelle, qu’en fait on trouve seulement du plaisir dans d’autres trucs, que c’est le meilleur « sexo seguro »... blablabla. J’explique que, pour moi, contrairement au vocabulaire débile de « préliminaires » l’ensemble des pratiques sexuelles autres que la pénétration vaginale (même me masturber) sont des trucs plus intimes, que je ne me sens pas toujours de partager direct à la première relation... mais il n’entend pas la personne qui est en face de lui et préfère prendre en compte seulement les grandes généralités conceptuelles qu’il a retenues d’une mauvaise lecture de discours féministes. Et sans que j’aie eu le temps de dire ouf, il s’occupe de mon cas, je pense bien décidé à ouvrir mes prunelles naïves sur le monde enchanté des autres formes de plaisirs sexuels... (il se prend pour qui ?) Ça me fait quand même doucement rire à l’intérieur quand je le vois dérouté par le fait que je lui demande de chatouiller aussi mon anus. Il m’a « à la longue » : pour le coup je finis par jouir et ça fait un bon moment que je ne me préoccupe plus du tout de son plaisir à lui, je suis ailleurs... et plutôt contente de constater qu’il a trouvé moyen de se branler en même temps et qu’il atteint ainsi l’orgasme. Une histoire qui « finit bien ». Mais c’est quand même fou que ce type ait réussi à me faire culpabiliser d’aimer ce que j’aimais et d’avoir envie de certains trucs dans un cadre précis, d’autres dans un autre. Car c’est limite s’il ne m’a pas dit que j’étais pas une « vraie féministe si j’étais capable de kiffer une pénétration vaginale ». Mais j’emmerde profondément toutes les personnes qui croient pouvoir me donner des leçons au nom de la religion, de la « nature » féminine ou d’un idéal. Il a rien compris ce type, le féminisme que je défends c’est une plus grande liberté de choix. On ne lutte pas contre le conformisme et le conservatisme en adoptant systématiquement des comportements anticonformistes par principe, ou alors le seul but c’est de choquer et de se rendre malheureux-se ! On déborde des cases, on brouille les frontières, on peut être féministe et féminine et/ou féministe et maman et/ou féministe et lesbienne et/ou féministe et masochiste et/ou féministe et bi et/ou féministe et pute... et si ça dérange ce qui est bien rangé de façon rassurante dans les têtes, comme les « recettes pour baiser comme il faut quand on est féministe » et ben tant mieux !

    Le plus évident. Aurait pu dégénérer. Un gars beau, rigolo, pas très fut-fut. Je suis loin de mon mec, à l’époque relation exclusive. Envie de tendresse. Soirée dans un chalet en montagne, avec un groupe de potes. On danse. Zouk. Ce que ça fait effet ! J’avoue que c’est délicieux de le sentir bander contre moi... mais je n’ai pas envie de plus (ben ouais, c’est fou, hein, mais le respect du consentement, c’est aussi de respecter ce que veut la personne même si on pense que c’est débile, en l’occurrence même si je frustre mes désirs sur ce coup-là, c’est mon choix, et il est on ne peut plus clair). La musique s’arrête. On dort tous dans une grande pièce. Moi loin de lui. Mais dans la nuit, il tente de se rapprocher pour m’embrasser. Je l’envoie chier. Quelques semaines plus tard, rebelote, chalet et compagnie. Sauf que c’est un traquenard. Comme de par hasard, on se retrouve tous les deux seuls. Je refuse de danser, je ne veux surtout pas être ambiguë, lui donner de faux espoirs. On passe une bonne soirée, on va voir le luthier dans le village. Au moment de dormir, un seul lit, double, dans la seule pièce chauffée. Et lui qui commence à devenir très insistant. Je le rembarre plusieurs fois, et puis, je me dis un truc horrible : « donne-lui ce qu’il veut après tu seras tranquille ». Je le laisse m’embrasser. Il me caresse les seins... je ne sais pas pourquoi ni comment mais la vue de son pénis en train de se tendre au travers de son caleçon m’a alertée, faite réagir, j’arrête illico et je dis clairement que je ne veux pas, un point c’est tout. Je retourne dans mon coin au bout du lit. J’espère vraiment que cette fois, ça va suffire. Je l’imagine devenir plus contraignant. Et je ne vois pas comment m’échapper en courant dans le mètre cinquante de neige vers la petite route de montagne, en pleine nuit. Il n’insiste plus. Moi j’ai failli abdiquer. Ça se joue tellement à rien ! Le pire ? Le lendemain, comme si de rien était, presque comme si on était ensemble, trop mignon, petit dej au lit et tout. Plus un sentiment d’insouciance totale et de refuser de voir la violence qu’il m’a faite et qui fait que je suis en colère contre lui. Quelques semaines plus tard, je lui ai dit que je n’avais jamais autant eu l’impression d’être un bout de viande. Il m’a regardé avec de grands yeux. Il n’a juste rien compris. Moi, j’ai eu peur.

    Je relis ces bouts de vie balancées sur une page blanche d’une traite, une nuit. Drôle de sensation d’exhibitionnisme. En même temps, je n’y trouve rien de si « trash ». Envie d’enlever des détails trop « persos ». Est-ce que je dois laisser les happy ends ou juste focaliser sur les situations de domination même ? Ben je laisse les happy ends. Parce que c’est ça, la vraie vie. Parce que, comme dit ma pote, ben c’est plus facile de jouer le jeu de cette foutue norme d’obéissance et de soumission. De recevoir cadeaux plutôt que coups, choisir de toujours dire oui, rester « ouverte » plutôt que de choisir, et donc dire non, parfois, pour de vrai, et être sanctionnée pour cette infraction à la norme. Plus facile, tant que l’on s’illusionne. Ces anecdotes sont autant de batailles perdues. Les happy ends ont un goût amer de ce qu’elles m’auront coûté en respect de moi-même. En les écrivant je voudrais pouvoir les rejouer, réagir différemment. Les identifier, c’est allumer la rage, me donner la foi de ne plus accepter de situations de domination, même « insignifiantes » ou « banales » ! Il ne s’agit pas de voir le mal partout, de se rendre malheureuse avec ça et de « persécuter » nos « pauvres » partenaires... il s’agit de voir tous les niveaux où un progrès est possible (et complètement nécessaire !) de déconstruire la norme du viol, de refuser de tolérer l’intolérable. Courage, les filles ! On n’est pas des dominées, des victimes éternelles, seulement potentielles ! Oui, même les plus proches, surtout les plus proches, peuvent nous faire du mal. Ce n’est pas inscrit dans leurs gènes, mais dans la série des situations de domination qui s’installent en silence entre eux et nous, entre toi et lui. Faisons attention aux détails, à ces phrases qui tuent, à ces attitudes blessantes, à toutes ces mini-dominations qui nous conditionnent. C’est une façon d’apprendre à dire non, à poser des limites. Les souvenirs que j’ai décrits touchent à mes propres limites. Elles peuvent être différentes d’une fille à l’autre. Dans tous les cas, elles méritent toujours d’être posées !

    #femmes #femme #feminisme #sexisme #sexualité