Par Klara Durand
Selon la plateforme de veille Visibrain, rien que ces trente derniers jours, les vidĂ©os en lien avec les gĂ©nĂ©rations totalisent 37 millions de mentions « jâaime ». Capture dâĂ©cran le Figaro
« GenZ », « millenials » et « boomers » se moquent par publications interposĂ©es des clichĂ©s accolĂ©es Ă leurs annĂ©es de naissance. Une tendance qui permet aussi dâouvrir la discussion entre familles, amis et collĂšgues.
« Je suis une millennial et hier, jâai vu une vidĂ©o qui dĂ©crivait les choses que la GenZ trouve dĂ©passĂ©es dans ma gĂ©nĂ©rationâŠ.Comment vous dire que je me suis sentie vieille. » Auriane Lavaux, la trentaine, fait mine dâĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ©e en entamant sa vidĂ©o de maquillage sur TikTok. Elle est donc considĂ©rĂ©e, Ă son grand dĂ©sarroi, comme faisant partie de la gĂ©nĂ©ration Y, qui englobe les personnes nĂ©es entre 1980 et 1996. Depuis plusieurs mois, elles sont devenues un objet de moquerie pour la GenZ, la gĂ©nĂ©ration nĂ©e juste aprĂšs, entre 1997 et les annĂ©es 2010.
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Ces derniers imitent leurs aĂźnĂ©s dans des vidĂ©os TikTok virales oĂč ils apparaissent vĂȘtus de jean moulant et dansent sur le titre Turn Down for What, sorti en 2013. Lequel servaient le plus souvent lors des flashs mob, ces rassemblements diffusĂ©s sur Internet dans les annĂ©es 2000 oĂč les personnes se mettaient soudainement Ă faire une action inattendue en public.
Auriane raconte, quant Ă elle, avoir dĂ©couvert sur TikTok que les plus jeunes estiment « que les gifs et les mĂšmes sont dĂ©passĂ©s. » Mais, pour la jeune femme, le coup de massue arrive avec une autre information. « Je ne comprends pas.... Ils veulent faire revenir les jeans taille basse alors que ça nâest pas confortable », sâindigne-t-elle en sâappliquant son mascara.
@_aurianelavaux
bref, je suis une jeune vieille #milenials #milenialsvsgenz
son original - Auriane
Auriane est loin dâĂȘtre la seule Ă sâintĂ©resser Ă ce que la GenZ pense dâelle et de sa tranche dâĂąge. De façon gĂ©nĂ©rale, le sujet des gĂ©nĂ©rations passionne sur le rĂ©seau social chinois. Ces trente derniers jours, les vidĂ©os comportant les mots « GenZ », « millennials », « boomer » (les personnes nĂ©es entre 1947 et les annĂ©es 60) et « GenX » (les personnes nĂ©es entre 1965 et 1981), totalisent 37 millions de mentions « jâaime », rapporte la plateforme de veille du web Visibrain.
Communication par vidéos interposées
« Sur TikTok, les personnes aiment bien raconter leurs anecdotes du quotidien », confirme la tiktokeuse Adeline du compte unamourdechef. La millennial, comme elle aime Ă se surnommer, a dĂ©couvert grĂące Ă ces contenus ce que pense la GenZ du monde du travail. « Moi comme dâautres, on avait la sensation dâĂȘtre les aĂźnĂ©s qui ont eu Ă respecter toutes les rĂšgles, devant les petits derniers qui, eux, racontent face camĂ©ra leurs besoins dâavoir une vie privĂ©e en dehors du travail ». La vidĂ©aste dĂ©cide toutefois dâaller plus loin et dâinterroger ses jeunes abonnĂ©s sur ce qui leur dĂ©plaĂźt chez certains codes du monde de lâentreprise.
Des discussions qui donnent lieu Ă vidĂ©os humoristiques, oĂč la jeune femme ironise sur sa propre gĂ©nĂ©ration. « Je suis choquĂ©e, la GenZ quand elle est malade... Elle pose un arrĂȘt maladie », entame-t-elle, lâair Ă©berluĂ©, dans une des publications les plus vues de son compte. Une vidĂ©o qui lui permet dâouvrir, dans la section commentaires, les discussions entre gĂ©nĂ©rations. « Des employeurs ont expliquĂ© mieux comprendre la vision du travail des plus jeunes et, parmi ces mĂȘmes jeunes, certains se sont dĂ©fendus en disant ne pas se reconnaĂźtre dans ce quâon dĂ©peint de leur gĂ©nĂ©ration », reprend Adeline. « Ăa permet de dĂ©passer les clichĂ©s chez chacun finalement ». Toujours selon la plateforme de veille Visibrain, le seul hashtag GenZ a gĂ©nĂ©rĂ© 1,4 million de publications depuis sa crĂ©ation.
@unamourdechef
Faut pas dire aVous vous rendez pas compte#rh #humour #tiktokacademie #apprendresurtiktok #tiktokcomedie #hr #corporatehumor #entretien
Quirky - Oleg Kirilkov
Au sein des familles, on se partage aussi ce type de vidĂ©os entre parents et enfants, quâils soient encore Ă la maison... ou loin du nid. Les rĂ©seaux sociaux permettent en effet de maintenir une forme de lien. Ă lâinstar de VĂ©ronique 63 ans et sa fille Alice*, 24 ans, qui lui a crĂ©Ă© un compte sur TikTok il y a deux ans. « Souvent, on sâenvoie des vidĂ©os drĂŽles quâon dĂ©couvre sur TikTok, comme des extraits de spectacles dâhumoristes ou de courtes publications de chutes drĂŽles », dĂ©taille VĂ©ronique. « Ăa devient un moment le soir oĂč on Ă©change via des rĂ©fĂ©rences communes et puis, pour moi, ça me permet de me vider la tĂȘte », confie-t-elle, amusĂ©e.
Instagram, le réseau social intergénérationnel
Cette façon de communiquer ne surprend pas la chercheuse Anne Cordier, professeure des universitĂ©s en science de lâinformation et de la communication. « Il faut arrĂȘter avec ce discours de la rupture gĂ©nĂ©rationnelle sur les rĂ©seaux sociaux. Les parents dâaujourdâhui ont 40 ans ou 50 ans, bien sĂ»r quâils sont sur les mĂȘmes espaces que leurs enfants », souligne-t-elle. « Au moment du confinement, les gĂ©nĂ©rations de parents et de grands-parents ont pris la mesure de lâĂ©paisseur sociale des vidĂ©os TikTok », poursuit la professeure. « De façon gĂ©nĂ©rale, ils ont compris lâoutil que reprĂ©sentent les rĂ©seaux sociaux pour maintenir le lien social ».
DâaprĂšs Anne Cordier, câest Instagram (dĂ©tenu par le groupe Meta) qui serait le plus utilisĂ© par lâensemble de ces gĂ©nĂ©rations. Avec 2 milliards dâutilisateurs actifs mensuels, on y retrouve aussi bien la GenZ, « qui poste peu mais partage des publications Ă©phĂ©mĂšres avec la fonction story », constate Anne Cordier, mais aussi leurs parents et grands-parents. « Les familles suivent des comptes en commun et elles voient des vidĂ©os similaires sur le nouveau fil ââdĂ©couvertesââ dâInstagram », complĂšte-t-elle. « Elles partagent ainsi un lieu commun sur le numĂ©rique. »
Les parents tout aussi actifs que leurs enfants
Antoine, 28 ans, en sait quelque chose. Instagram est devenu le point de dĂ©part des potins avec ses parents et, surtout, avec sa mĂšre. « Si je poste une story, elle va forcĂ©ment y rĂ©pondre », dĂ©crit-il. Cette derniĂšre sâest crĂ©Ă© un compte peu avant le confinement. Elle est depuis devenue une fervente utilisatrice de ce rĂ©seau social. « Elle a carrĂ©ment ajoutĂ© mes propres amis, qui ont trouvĂ© ça drĂŽle », tĂ©moigne le jeune homme. « Parfois, câest mĂȘme elle qui me dit au tĂ©lĂ©phone ce que tel ami est allĂ© voir en concert rĂ©cemment, ou dans quel pays il sâest rendu », sâamuse-t-il. « Et câest ma mĂšre qui publie le plus de photos, surtout de ses vacances avec mon pĂšre. Moi je ne publie presque jamais rien ».
Un point qui interpelle Anne Cordier. « Dans ces nouvelles formes de communication, on pose souvent la question de ce que les enfants dĂ©voilent Ă leurs parents sur les rĂ©seaux, mais trĂšs peu de ce que les parents donnent Ă voir Ă leurs enfants », souligne la spĂ©cialiste en communication. « Pourtant, cela vaudrait le coup de sâinterroger sur ce quâon leur laisse Ă voir sur les rĂ©seaux sociaux », conclut-elle, pensive.