RĂ©voltes en Kanaky « Leaders mafieux » : lâĂtat criminalise la CCAT pour mieux rĂ©primer le peuple kanak
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LâĂtat a lancĂ© une campagne contre la Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT), qui a organisĂ© la mobilisation du camp indĂ©pendantiste kanak contre le dĂ©gel du corps Ă©lectoral pendant plusieurs mois. Ă coup dâaccusations dĂ©lirantes de « meurtre » et de « pillages », le gouvernement se prĂ©pare Ă rĂ©primer lâensemble du mouvement indĂ©pendantiste et Ă durcir encore la rĂ©pression des jeunes rĂ©voltes.
« Une organisation de voyous qui se livre Ă des actes de violence caractĂ©risĂ©s avec la volontĂ© de tuer des policiers, des gendarmes, des forces de lâordre. La Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT) met les gens dans le malheur ». Ces mots, prononcĂ©s ce mardi 14 mai en confĂ©rence de presse, sont ceux de Louis Le Franc, Haut-Commissaire de la RĂ©publique en Kanaky.
Face aux rĂ©voltes qui ont Ă©clatĂ© dans lâĂźle en rĂ©action Ă la provocation coloniale de Macron, le dĂ©gel Ă©lectoral Ă©tant la derniĂšre manĆuvre dâune longue liste dâattaques contre le droit du peuple kanak Ă lâautodĂ©termination, lâĂtat et la presse bourgeoise ont revĂȘtu lâhabit colonial. Les interviews de miliciens caldoches, qui seraient dĂ©jĂ responsables de la mort dâau moins deux Kanaks ces derniers jours, les accusations de « racisme anti-blanc » Ă lâencontre dâun peuple colonisĂ© depuis 170 ans ponctuent les annonces rĂ©pressives : Ă©tat dâurgence, dĂ©ploiement de lâarmĂ©e, censure de TikTok, assignations Ă rĂ©sidence.
Dans ce contexte, la CCAT est devenu le bouc Ă©missaire idĂ©al pour lâĂtat qui concentre ses menaces et sa rĂ©pression contre ses militants. Cette coordination regroupant les diffĂ©rentes sensibilitĂ©s rĂ©unies du Front de LibĂ©ration Kanak et Socialiste (FLNKS) organise depuis novembre 2023 la campagne de sensibilisation et de mobilisation contre la rĂ©forme du corps Ă©lectoral. « Le 25 novembre 2023 on Ă©tait 3 000, le 28 mars on Ă©tait prĂšs de 15 000, et le 13 avril nous avons organisĂ© un sit-in historique, place de la Paix, avec 60 000 personnes » rappelle Romuald Pidjot, dirigeant de lâUnion CalĂ©donienne, composante du FLNKS, lors dâun meeting organisĂ© en urgence mercredi Ă Paris.
Un front que les acteurs au plus haut sommet de lâĂtat tentent dĂ©sormais de fracturer en lançant une campagne de criminalisation et de diffĂ©renciation des organisations indĂ©pendantistes. « Je diffĂ©rencie cette CCAT du FLNKS, des formations politiques indĂ©pendantistes, des autres organisations politiques, qui ont toute leur lĂ©gitimitĂ©, mais cette structure nâa plus lieu dâĂȘtre » avance ainsi Louis Le Franc. Jeudi matin, sur France 2, GĂ©rald Darmanin ajoutait : « Le CCAT est diffĂ©rent du FLNKS. Le CCAT est un groupuscule qui se dit indĂ©pendantiste et qui, en fait, commet des pillages, commet des meurtres, commet de la violence. Il ne faut pas le confondre avec les militants politiques ».
Des accusations dĂ©lirantes contre un organe qui est lâĂ©manation des organisations indĂ©pendantistes, avec lâobjectif clair de dĂ©politiser la contestation et de commencer Ă criminaliser une partie des organisations, pour sĂ©parer « les bons et les mauvais » indĂ©pendantistes et lĂ©gitimer la rĂ©pression en cours. « Je mâadresse lĂ Ă Christian Tein [dirigeant de la CCAT et membre de lâUnion CalĂ©donienne] » menaçait ainsi le Haut-Commissaire de la RĂ©publique en Nouvelle-CalĂ©donie, « il a intĂ©rĂȘt Ă siffler la fin de la rĂ©crĂ©ation parce que moi je vais le rendre responsable de tout ce qui se passe ici dans le Grand NoumĂ©a ». Des menaces dĂ©jĂ suivies dâeffet, puisque GĂ©rald Darmanin, ministre de lâIntĂ©rieur et des Colonies, dĂ©clarait ce jeudi matin sur France 2 avoir assignĂ© Ă rĂ©sidence « dix leaders mafieux du CCAT » et prĂ©parer des dizaines de nouvelles assignations contre ses militants ainsi que des perquisitions administratives.
Par la voix de Christian Tein, la CCAT a rĂ©pondu ce matin en lançant « un appel au calme » et en condamnant « les dĂ©bordements », des propos qui avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© exprimĂ©s dans un communiquĂ© du 15 mai. La CCAT y rappelait Ă©galement que les « « exactions » commises sur les commerces, les sociĂ©tĂ©s, les bĂątiments et les Ă©quipements publics nâĂ©taient pas nĂ©cessaires mais ils sont lâexpression des invisibles de notre sociĂ©tĂ© qui subissent les inĂ©galitĂ©s de plein fouet et qui sont marginalisĂ©s au quotidien. »
Lors dâune confĂ©rence de presse parisienne, Roch Haocas, membre de la CCAT et coordinateur gĂ©nĂ©ral du Parti Travailliste a de son cĂŽtĂ© notĂ© Ă propos des rĂ©voltes : « il faut ĂȘtre bien conscient de la situation coloniale. Ce sont des jeunes qui viennent des rĂ©gions du nord et des Ăźles pour sâinstaller Ă NoumĂ©a pour le travail, sauf que il nây a pas dâinsertion, il nây a pas de formation, il nây a pas dâaccĂšs Ă lâĂ©cole, au logement. NoumĂ©a est divisĂ©e en deux, au Sud beaucoup dâeuropĂ©ens et au Nord beaucoup dâocĂ©aniens. Ce sont des jeunes qui sont connectĂ©s. (âŠ) Ils savent que le pays est riche, ils sont bien conscients de la situation coloniale. »
Dans le contexte de dĂ©foulement rĂ©pressif et de traque de militants par les milices coloniales caldoches, lâoffensive contre la CCAT vise Ă la fois Ă lĂ©gitimer la rĂ©pression de cette jeunesse en colĂšre et Ă rĂ©primer par ricochet les organisations kanaks, tout en exerçant une pression Ă leur Ă©gard. Une offensive menĂ©e conjointement par lâĂtat, mais aussi par les milices caldoches, dont certaines sâadonnent Ă une vĂ©ritable « chasse Ă lâhomme » a dĂ©noncĂ© Dominique Fochi, secrĂ©taire de lâUnion calĂ©donienne, lors de la confĂ©rence de presse Ă Paris.
Alors que Dupond-Moretti sâapprĂȘte Ă publier une circulaire pĂ©nale pour garantir, selon les mots de Darmanin, « les sanctions les plus lourdes contre les Ă©meutiers et les pillards », construire la solidaritĂ© la plus totale des organisations du mouvement ouvrier et du mouvement social est une urgence absolue. Il faut dĂ©noncer cette campagne honteuse contre la CCAT, mais Ă©galement dĂ©noncer la rĂ©pression brutale contre la jeunesse kanak en rĂ©volte qui est une composante Ă part entiĂšre des mobilisations pour le droit Ă lâauto-dĂ©termination du peuple kanak.