« Les stéréotypes antisémites gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche »

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  • Jonas Pardo, antidote à l’antisémitisme au sein de la gauche
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/08/jonas-pardo-antidote-a-l-antisemitisme-au-sein-de-la-gauche_6199014_4500055.

    Militant d’extrême gauche, Jonas Pardo a longtemps passé sous silence ses origines juives. Jusqu’au jour où, après la tuerie de l’Hyper Cacher, à Paris, en 2015, il a décidé de tendre un miroir à son propre camp, qu’il juge rongé par le déni d’un antisémitisme latent. Le trentenaire dispense depuis deux ans des formations visant à déconstruire le racisme antijuif.

    ... pendant les manifs, il voit les quenelles des aficionados de Dieudonné et les pancartes qui reprennent l’air de rien les figures du banquier ou du marionnettiste.

    Un soir, à la fin d’une réunion ordinaire avec des copains cégétistes, quelqu’un balance : « La loi va passer parce que les juifs contrôlent les médias. » Jonas Pardo est stupéfait : « Les gens sont intelligents et d’un coup, comme sortis de nulle part, ils disent des trucs complètement dingues. » Il ne réagit pas. Un autre soupire : « Bah, oui, Drahi [propriétaire du groupe de médias Altice] ». Et encore un autre prononce le nom de Rothschild. « Ma réaction dans ces moments-là, c’est la peur. » Ce soir-là, le jeune militant se lance : « Je dois vous dire un truc : je suis juif. » Son camarade, interdit, s’excuse immédiatement. « En disant, je suis juif, je viens faire éclater toutes leurs représentations. Quoi, un juif qui vient les aider sur une manif ou un blocage ? En général, ils n’ont jamais rencontré un juif, ils se nourrissent de rumeurs. »

    Sur la table en bois de sa cuisine, Jonas Pardo dispose les supports iconographiques qu’il utilise pendant ses ateliers. Ce sont des images en apparence banales. « L’antisémitisme est disqualifié socialement – contrairement à l’antitziganisme, par exemple, observe-t-il. Il se diffuse donc souvent de façon cryptée. » Il montre la photo d’un manifestant contre le passe sanitaire brandissant cette pancarte : « Qui nous esclavagise avec le passe sanitaire ? Qui nous empoisonne, nous tue avec le vaccin ? Qui prendra le train grâce à la révolte des gentils ? #stopgénocidegaulois. »

    [...]

    Ses formations sont précisément construites pour que les participants apprennent à détecter les signaux d’un potentiel antisémitisme.
    https://justpaste.it/cku4x

    #Antisémitisme #gauche

    • « Chaque groupe politique ne voit l’antisémitisme que chez l’autre. »A ses yeux, la droite se trompe lorsqu’elle postule une rupture historique entre un ancien antisémitisme d’extrême droite et un nouvel antisémitisme porté par la gauche, qui serait le fait des musulmans. De la même manière, la gauche fait erreur lorsque, en réaction, elle affirme que l’antisémitisme a été remplacé par l’islamophobie ou que les juifs sont ciblés non à cause de l’antisémitisme mais en raison de la politique menée par Israël.
      « Ces théories sont problématiques parce que l’antisémitisme devient un objet instrumentalisé dans une lutte partisane – d’un côté pour défendre les valeurs de la République et de l’autre pour défendre la Palestine, souligne-t-il. Je fais partie d’une gauche qui tente d’émerger et qui dit que l’antisémitisme, ce sont les antisémites. »

      [...]

      Jean-Luc Mélenchon, coutumier des formules ambiguës visant les juifs, a suscité la controverse en s’énervant contre le déplacement en Israël de Yaël Braun-Pivet. Sur X, le leader de LFI a écrit, à propos de la manifestation propalestinienne du 22 octobre à Paris : « Voici la France. Pendant ce temps, Mme Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français ! » Tollé : en utilisant le mot « camper », Mélenchon se serait rendu coupable d’antisémitisme ! Re-tollé : un mot aussi courant que « camper » ne peut pas être antisémite ! « A mon sens, le problème, n’est pas tant le mot “camper” que l’opposition que Jean-Luc Mélenchon établit entre les vrais Français et Yaël Braun-Pivet. » Soit une juive assimilée à un agent étranger. Jonas Pardo regrette que la focalisation sur le mot « camper » ait rendu le débat impossible.

      Le 15 juillet 2020 déjà, Mélenchon, interviewé sur les violences policières sur BFM-TV, déclarait, dans un étonnant hors-sujet : « Je ne sais pas si Jésus était sur la croix, je sais qui l’y a mis, paraît-il, ce sont ses propres compatriotes. » Pour le formateur, cette phrase est un cas d’école : « Il ne prononce pas le mot “juif”, mais les juifs qui entendent cette déclaration comprennent qu’on nous fait de nouveau l’accusation d’être le peuple déicide. » Résultat : la droite a qualifié Mélenchon d’antisémite et la gauche a protesté en disant « on ne peut pas le traiter de nazi ». « Les juifs ont ressenti de la violence. Il s’agit de leur perception, mais elle s’explique objectivement », résume Jonas Pardo.

    • Nonna Mayer : « Les stéréotypes antisémites gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche »

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/10/nonna-mayer-les-stereotypes-antisemites-gardent-un-certain-impact-dans-une-p

      La chercheuse en science politique analyse, dans un entretien au « Monde », l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par le RN, les positions provocatrices de Jean-Luc Mélenchon et l’évolution des votes des Français de confession juive.

      Propos recueillis par Julie Carriat et Mariama Darame

      [...]

      En parallèle, La France insoumise (LFI) se retrouve isolée sur la question d’Israël… Jean-Luc Mélenchon est-il complaisant avec l’antisémitisme ?

      Le positionnement de Jean-Luc Mélenchon est ambigu, c’est le moins qu’on puisse dire, quand il refuse de qualifier le Hamas de terroriste, quand il accuse la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, de « camper » à Tel-Aviv et « d’encourager le massacre à Gaza ». C’est une vision unilatérale, biaisée des choses.

      On peut être de gauche et avoir une sympathie instinctive, tripale pour les Palestiniens, mais beaucoup d’Israéliens l’ont aussi, qui se mobilisent avec des Palestiniens pour se battre ensemble pour la paix. Le problème n’est pas de savoir si Jean-Luc Mélenchon est antisémite. Je ne pense pas qu’il le soit, mais ses argumentaires politiques sont manichéens et traduisent un manque total de compassion et d’empathie pour les victimes israéliennes du 7 octobre.

      Pourquoi, selon vous ?

      La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme [Licra] parle d’antisémitisme électoral, je n’irais pas jusque-là mais je pense qu’il a, a minima, une cécité volontaire, visant à élargir son audience à gauche et dans un électorat issu de l’immigration. Il est en train d’obtenir le résultat exactement inverse, il a été désavoué par les socialistes, les communistes et les écologistes, et divise son propre mouvement.

      Il ne fait rien pour dissiper ses ambiguïtés…

      C’est un provocateur, on ne le changera pas. Mais il est intéressant de voir ce que pensent ses sympathisants. L’enquête annuelle de la CNCDH permet d’évaluer le niveau d’antisémitisme par positionnement politique. On voit que, globalement, la gauche est moins antisémite que la droite, et que c’est l’extrême droite qui bat tous les records. Mais ces préjugés remontent légèrement à l’extrême gauche.

      Les sympathisants de La France insoumise en particulier ont un niveau d’antisémitisme nettement inférieur à celui des sympathisants du RN, mais plus élevé que la moyenne. Ce n’est pas le cas dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle toutefois, qui était très divers… Autrement dit, ces stéréotypes antisémites associant les juifs au pouvoir et à l’influence gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche. C’est à surveiller. Et l’attitude ambiguë de Jean-Luc Mélenchon ne va pas favoriser les choses.

    • Antisémitisme : les fautes de Jean-Luc Mélenchon
      https://www.mediapart.fr/journal/politique/101123/antisemitisme-les-fautes-de-jean-luc-melenchon

      Le chef de file de La France insoumise a fait ces dernières années plusieurs déclarations ambiguës, voire imprégnées de stéréotypes antisémites, dénoncés comme tels par de nombreuses organisations juives et au-delà. Une « absence de sensibilité » ou un « déni » que le leader de la gauche conteste fermement.

      [...] Mélenchon, qui, répétons-le, se sait scruté, avait dénoncé de la manière suivante le traitement médiatique de Libération et BFMTV de la manifestation en soutien à Gaza : « Même propriétaire même mensonge ». L’Insoumis se trompe – Patrick Drahi, homme d’affaires franco-israélien, n’est plus au capital de Libé –, mais là n’est pas l’essentiel. C’est le sous-entendu d’#assignation_identitaire qui interpelle.
      Le 22 octobre, le responsable #LFI avait déjà tweeté une vidéo d’un rassemblement en soutien au peuple palestinien à Paris, l’accompagnant du message suivant : « Voici la France. Pendant ce temps, Madame Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français ! »
      Là encore, Mélenchon est parfaitement en droit de critiquer les positions de la présidente de l’Assemblée nationale, qui ont fait grincer des dents jusque dans les rangs de la majorité et au Quai d’Orsay, tant elles semblaient alignées sur celles du gouvernement israélien. Mais opposer ce qui serait la « vraie France » à celle qui se rend à Tel-Aviv, par ailleurs descendante d’immigrants juifs, polonais et allemands, dans une sorte de réinterprétation de « l’anti-France », ne pouvait que susciter une vive émotion.

      [...]

      Par le passé, d’autres déclarations ont généré un trouble similaire. Certaines semblaient minimiser des crimes antisémites. Ainsi, voilà deux ans, #Jean-Luc_Mélenchon avait indiqué sur un plateau télé : « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. […] Tout ça, c’est écrit d’avance. » Il faisait alors allusion à l’attaque sur les Champs-Élysées en 2017 et aux attentats commis par #Mohammed_Merah en 2012, qui a tué trois militaires, trois enfants et un enseignant #juifs, à Montauban et à Toulouse.
      D’autres propos ont repris des stéréotypes très anciens de l’antisémitisme. Comme celui du peuple déicide, en juillet 2020 sur le plateau de BFMTV. Interrogé à propos des violences policières sur le fait de savoir si « les forces de l’ordre [devaient] être comme Jésus sur la croix qui ne réplique pas ? », l’Insoumis a répondu : « Je ne sais pas si Jésus était sur la croix, mais je sais que, paraît-il, ce sont ses propres compatriotes qui l’y ont mis. »
      Un an plus tard, Mélenchon réagissait (là encore sur BFMTV) aux propos du grand rabbin de France Haïm Korsia, qualifiant d’antisémite le candidat d’extrême droite #Éric_Zemmour. « Qu’un juif soit antisémite est une nouvelle, a répondu le leader insoumis. […] Il me semble qu’il se trompe. Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit beaucoup de scénarios culturels “on ne change rien à la tradition, on ne bouge pas, la créolisation mon dieu quelle horreur”, tout ça, ce sont des traditions qui sont beaucoup liées au judaïsme. Ça a ses mérites, ça lui a permis de survivre dans l’histoire. »
      Une fois n’est pas coutume, l’ancien ministre a concédé être « prêt à admettre » s’être « mal exprimé »

    • les groupes et individus se revendiquant de différents courants communistes ou décoloniaux ne produisent pas un « antisémitisme ‘‘de’’ gauche », au sens d’un antisémitisme qui leur serait propre. Cependant, à force de relativiser toute manifestation de l’antisémitisme au point de faire de celui-ci un sujet tabou, refoulé, l’antisé­mitisme devient finalement un angle mort. C’est ce qui laisse la porte ouverte à la reformulation inconsciente, dans le langage propre à la gauche, de ces mêmes éléments.

      https://www.stoff.fr/article/plus-blanc-que-blanc
      Plus blanc que blanc ? Révolte et antisémitisme, par stoff, août 2019

    • Tsedek! Collectif juif décolonial France
      https://blogs.mediapart.fr/tsedek

      Tsedek ! est un collectif juif décolonial créé en juin 2023 pour lutter contre le racisme d’État en France et pour la fin de l’apartheid/l’occupation en Israël-Palestine. “Tsedek” désigne le concept de justice dans la tradition juive.

    • Marche contre l’antisémitisme : « Nous ne défilerons pas à côté du RN », assurent la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ; une partie de la gauche appelle à un « cordon républicain »

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/marche-contre-l-antisemitisme-nous-ne-defilerons-pas-a-cote-du-rn-assurent-l

      La venue du Rassemblement national à cette marche à l’appel de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher suscite des remous dans la majorité et à gauche.

      [...]

      Les deux élus ont déclaré qu’une « unique banderole en tête de cortège », sur laquelle sera inscrit « Pour la République, contre l’antisémitisme », sera autorisée.

    • Je ne suis pas du tout mélenchoniste mais il me semble que, dans cet article du Monde, la seule prise de position cohérente et réaliste est exprimée dans ce passage :

      Mardi soir, Jean-Luc Mélenchon, leader du mouvement, avait qualifié dans un tweet cette marche de « rendez-vous » des « amis du soutien inconditionnel au massacre » commis selon lui par l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

      J’ajouterais que l’objectif essentiel de cette manifestation ne vise qu’à organiser des jeux d’alliances au sein des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale en constituant l’union sacrée autour la légitimation de la politique colonialiste et d’expansion colonisatrice d’Israël.

      Une fois de plus, l’anti-racisme et l’une des formes particulières de racisme - l’antisémitisme - sont instrumentalisés à cette fin.

    • Nonna Mayer : « Les stéréotypes antisémites gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche »

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/10/nonna-mayer-les-stereotypes-antisemites-gardent-un-certain-impact-dans-une-p

      https://justpaste.it/92h5h

      La chercheuse en science politique analyse, dans un entretien au « Monde », l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par le RN, les positions provocatrices de Jean-Luc Mélenchon et l’évolution des votes des Français de confession juive.

      Propos recueillis par Julie Carriat et Mariama Darame

      [...]

      En parallèle, La France insoumise (LFI) se retrouve isolée sur la question d’Israël… Jean-Luc Mélenchon est-il complaisant avec l’antisémitisme ?

      Le positionnement de Jean-Luc Mélenchon est ambigu, c’est le moins qu’on puisse dire, quand il refuse de qualifier le Hamas de terroriste, quand il accuse la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, de « camper » à Tel-Aviv et « d’encourager le massacre à Gaza ». C’est une vision unilatérale, biaisée des choses.

      On peut être de gauche et avoir une sympathie instinctive, tripale pour les Palestiniens, mais beaucoup d’Israéliens l’ont aussi, qui se mobilisent avec des Palestiniens pour se battre ensemble pour la paix. Le problème n’est pas de savoir si Jean-Luc Mélenchon est antisémite. Je ne pense pas qu’il le soit, mais ses argumentaires politiques sont manichéens et traduisent un manque total de compassion et d’empathie pour les victimes israéliennes du 7 octobre.

      Pourquoi, selon vous ?

      La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme [Licra] parle d’antisémitisme électoral, je n’irais pas jusque-là mais je pense qu’il a, a minima, une cécité volontaire, visant à élargir son audience à gauche et dans un électorat issu de l’immigration. Il est en train d’obtenir le résultat exactement inverse, il a été désavoué par les socialistes, les communistes et les écologistes, et divise son propre mouvement.

      Il ne fait rien pour dissiper ses ambiguïtés…

      C’est un provocateur, on ne le changera pas. Mais il est intéressant de voir ce que pensent ses sympathisants. L’enquête annuelle de la CNCDH permet d’évaluer le niveau d’antisémitisme par positionnement politique. On voit que, globalement, la gauche est moins antisémite que la droite, et que c’est l’extrême droite qui bat tous les records. Mais ces préjugés remontent légèrement à l’extrême gauche.

      Les sympathisants de La France insoumise en particulier ont un niveau d’antisémitisme nettement inférieur à celui des sympathisants du RN, mais plus élevé que la moyenne. Ce n’est pas le cas dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle toutefois, qui était très divers… Autrement dit, ces stéréotypes antisémites associant les juifs au pouvoir et à l’influence gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche. C’est à surveiller. Et l’attitude ambiguë de Jean-Luc Mélenchon ne va pas favoriser les choses.

    • La gauche et la lutte contre l’antisémitisme : état des lieux et perspectives d’action. Vidéos du débat du RAAR
      https://seenthis.net/messages/1022662

      Jonas Pardo, antidote à l’antisémitisme au sein de la gauche Portrait dans Le Monde
      https://seenthis.net/messages/1025494

      Où se produisent et se diffusent aujourd’hui les messages antisémites, et comment lutter contre ? entretien avec Jonas Pardo, formateur à la lutte contre l’antisémitisme (10 min.)
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-transition-de-la-semaine/former-a-la-lutte-contre-l-antisemitisme-4052550

    • Nuances et discernement

      https://juivesetjuifsrevolutionnaires.wordpress.com/2023/11/08/nuances-et-discernement

      Nous sommes mis·es en danger par l’extrême droite, qui prétend défendre les Juif·ves de France. Croire que cela puisse être le cas serait faire insulte à la mémoire de nos ancêtres. Il ne s’agit que d’une basse manœuvre politique pour mieux avancer leur racisme et leur islamophobie. Nous invitons les membres de la communauté juive à ne pas croire ces stratégies opportunistes et à s’en dissocier. Pour ce faire, les Juif·ves doivent pouvoir trouver un terrain politique respirable à gauche ce qui n’est actuellement plus le cas et nous le regrettons.

    • « L’attaque des factions palestiniennes n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu » entretien avec le collectif juif décolonial Tsedek !

      https://cqfd-journal.org/L-attaque-des-factions

      Sidérés aussi devant la difficulté de penser et de s’exprimer au milieu d’un ouragan de haine, de désinformation et d’indignations sélectives. Pour entamer cette réflexion, qui se poursuivra sans doute dans les prochains numéros, nous avons interrogé le collectif juif décolonial Tsedek !, et fait un tour dans les manifs pour la Palestine, scandaleusement réprimées.

      [...]

      « Terrorisme » ou « résistance », définir le Hamas semble un débat piégé. Comment défendre la cause des Palestiniens sans paraître minimiser les crimes du Hamas ?

      « Qualifier une lutte armée et ses modes d’action, ce sont deux questions différentes. Qu’une organisation de résistance ou de libération nationale se rende coupable d’actes terroristes ne change rien à la nature du conflit qui l’oppose à la puissance occupante ou coloniale. Refuser de définir le Hamas comme une “organisation terroriste” n’implique donc aucunement de légitimer ou minimiser des actes qui nous révulsent sur le plan éthique. Il nous paraît essentiel de réfléchir au vocabulaire que nous employons pour appréhender la réalité et produire une parole politique. Ceux qui opposent “terrorisme” et “résistance” entendent thématiser le conflit dans le cadre de la “lutte contre le terrorisme” telle qu’elle émerge après le 11 septembre 2001 : il s’agit d’identifier le Hamas à Al-Qaeda et à Daesh et l’État israélien aux démocraties occidentales. Cette lecture reprend un narratif israélien utilisé par Ariel Sharon contre Yasser Arafat en 2001, qui évacue la dimension coloniale du conflit et légitime la continuation de la politique israélienne de dépossession et de répression du peuple palestinien. On peut évidemment critiquer les modes d’action ou l’idéologie du Hamas. Ces critiques ont toujours existé et émanent d’abord de Palestiniens en lutte contre la colonisation.

      Mais ce débat ne saurait se substituer à la dénonciation de l’oppression coloniale – dans le cadre de laquelle le Hamas, comme les autres organisations palestiniennes et l’ensemble du peuple palestinien, évolue. Si la critique du Hamas est décontextualisée, alors elle ne relève plus de la critique mais d’une posture déconnectée de la réalité vécue par des millions de Palestiniens, notamment à Gaza. »

      Parmi les pays occidentaux, c’est en France que la solidarité avec les Palestiniens est la plus réprimée. Pourquoi, à votre avis ?

      « La présence de grandes communautés arabo-musulmanes et juives, pour lesquelles ce conflit est un facteur de politisation important, tout comme le passé colonial et collaborationniste, fait du conflit israélo-palestinien un enjeu qui, en France, déborde souvent le cadre de la question de la Palestine. Dans les années 1960-1970, la répression de la solidarité avec les Palestiniens en France est liée à la répression des luttes anticoloniales, des luttes de l’immigration et des organisations d’extrême gauche. Les Comités de soutien à la révolution palestinienne, les Comités Palestine puis le Mouvement des travailleurs arabes ont en effet contribué à jeter des ponts entre les luttes de l’immigration et le mouvement ouvrier. Les années suivantes sont d’ailleurs marquées par de grandes grèves dans l’industrie automobile, qu’une partie du gouvernement de l’époque associe à l’islamisme2. Si cette politique s’adossait, dans les années 1960-70, à la figure-épouvantail du militant tiers-mondiste d’extrême gauche, elle s’articule aujourd’hui à la construction de la figure du musulman comme ennemi intérieur. En 2014, la forte mobilisation des quartiers populaires pour la solidarité avec les Palestiniens, débordant largement les partis politiques et les associations, mène ainsi le gouvernement de Manuel Valls à interdire les manifestations. La séquence actuelle intervient dans un contexte de réaffirmation illibérale de l’autorité de l’État, d’affaissement des libertés publiques et d’islamophobie d’État décomplexée. L’instrumentalisation d’un antisémitisme (qui est, lui, bien réel) par le gouvernement, ainsi que les positions pro-israéliennes inconditionnelles du chef de l’État, finissent de réunir les conditions pour que la répression de la solidarité avec les Palestiniens soit particulièrement dure en France. »

      Parmi la diaspora, c’est aussi en France que la communauté juive est la plus massivement pro-israélienne. Comment l’expliquer ?

      « Cela n’a pas toujours été le cas, et il faut d’abord rappeler que la communauté juive abrite une diversité d’opinions et de sensibilités politiques, y compris vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. On observe cependant un basculement progressif à droite, dans lequel on peut inscrire ce positionnement pro-israélien. La spécificité de cette trajectoire renvoie à une histoire, liée, bien sûr, à l’antisémitisme en France et à la collaboration pétainiste, mais également à la colonisation française au Maghreb. La majorité des Français de confession juive sont issus des populations juives d’Afrique du Nord. Ils se trouvent donc au carrefour de deux grands déchirements traumatiques : la perte de leur arabo-berbérité, arrachée par le colonialisme français, et leur expulsion hors de l’humanité par le régime de Vichy. Cette histoire laisse un vide qui a été comblé, progressivement et en partie, par l’identification et l’attachement à Israël. On observe également un changement dans la fonction du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) qui devient, dans les années 1980, un appareil politique pro-­israélien, utilisé par la classe dirigeante comme outil de relais dans la communauté juive, non sans a priori antisémites. Cette politique a contribué à réduire les espaces de discussion et de débat internes et à construire une hégémonie du discours pro-israélien. L’expression massivement pro-israélienne de la communauté juive et la fascination, notamment dans la jeunesse, pour l’État d’Israël traduisent aussi un certain mal-être face aux contradictions de la société française, structurée par son racisme et la violence de ses rapports sociaux. Le sionisme et l’État israélien apparaissent alors comme la possibilité d’une existence digne et d’une protection contre l’antisémitisme, ce que nous réfutons. »

      Vous attirez l’attention sur la dangerosité de l’amalgame entre juifs et sionistes. Au sein de la rédaction, nous nous interrogeons sur le concept d’antisionisme, que des courants antisémites se sont appropriés. Que faut-il en faire, d’après vous ?

      « Bien sûr, certains courants antisémites se sont appropriés la lutte antisioniste, notamment pour entretenir l’antisémitisme dans un contexte où il est moins audible qu’avant. On pense à la mouvance d’Alain Soral ou aux réseaux proches du GUD. Que l’extrême droite détourne des luttes ou des concepts issus des luttes pour l’émancipation, ce n’est pas nouveau : pensons à la récupération du terme “socialisme” par certains courants d’extrême droite, ou, plus récemment, au détournement des luttes autour de l’écologie. Aujourd’hui, l’antisionisme permet surtout aux antisémites de dire que la France est dirigée depuis Tel-Aviv. Il s’agit d’un recraché grotesque de la thématique du “complot juif”. Pour nous, le sionisme, c’est la question de la Palestine. Nous sommes antisionistes car la matérialisation de cette idéologie s’opère à travers un État colonial et un système d’apartheid en Palestine, contre le peuple palestinien. À de très rares exceptions près, les organisations de solidarité avec le peuple palestinien ont toujours été claires quant au refus de l’amalgame entre juif et sioniste/Israélien et au refus de l’antisémitisme. Il n’y a aucune raison de renoncer au terme “antisionisme”, tant il renvoie à une lutte fondamentalement juste et conserve aujourd’hui toute son actualité. »

    • Le CRIF approuve la perturbation de l’hommage de LFI devant le mémorial du Vél’ d’Hiv à Paris

      https://www.lemonde.fr/politique/live/2023/11/12/en-direct-marche-contre-l-antisemitisme-rassemblement-dans-le-calme-a-strasb

      « Honneur à celles et ceux qui se sont opposés ce matin à ce que le mémorial du Vél’ d’Hiv soit souillé par les récupérations de LFI ! », a commenté sur X le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), principale instance représentant les juifs de France.

      Dans la matinée, quelques dizaines de manifestants, portant des pancartes « Touche pas à la mémoire », « Touche pas au Vél’ d’Hiv », ont perturbé un rassemblement organisé par La France insoumise (LFI) qui avait pour but de déposer des gerbes de fleurs place des Martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver, dans le 15e arrondissement de Paris. Un rassemblement plus important prévu par LFI avait été interdit par la Préfecture de police de Paris, mais le dépôt de fleurs avait été autorisé.

      14:31 Sur le terrain

      A Paris, beaucoup de manifestants avec des drapeaux français à la main

      La pluie vient de cesser et la foule commence à affluer sur l’esplanade des Invalides. Très peu de jeunes sont pour l’instant présents, et la plupart sont des quarantenaires, cinquantenaires ou bien davantage. Beaucoup tiennent des drapeaux français à la main. Ils sont venus en petits groupes. Une seule banderole est, pour l’instant, déployée, celle du CRIF, « la République unie contre l’antisémitisme ».

      15h52

      Noyée derrière un mur de caméras et protégée par le service d’ordre du Rassemblement national, la cheffe de file de l’extrême droite balaye les polémiques liées à sa venue, comme le « Marine, présidente ! », lancé par un militant. « Ce n’est pas le moment », répond-elle. Une semaine après qu’il a considéré que Jean-Marie Le Pen n’était pas antisémite, avant de se rétracter partiellement, M. Bardella reste bouche cousue. Le duo avance, ses fidèles à sa suite, vers l’esplanade des Invalides.

      Après quelques pas, ils se retrouvent face à une cinquantaine de jeunes qui crient « Juifs, “vénère” et en colère ! » ou « Et nous, on n’est pas d’extrême droite ! », sur l’air traditionnel juif Evenou Shalom Aleichem. Rapidement protégée par un cordon policier, Marine Le Pen ne bronche pas.

      Le collectif Golem s’est organisé samedi autour de militants juifs de gauche et antifascistes. « Le Golem est un organe de protection de la communauté juive, il est là pour protéger contre tous les antisémitismes », commente Arié Alimi, avocat spécialiste des luttes contre les violences policières et membre du collectif. « On a vu l’évolution dans la communauté, alimentée par un certain nombre de personnalités juives. Nous sommes là pour alerter contre ce renversement sémantique. »

      L’action est rapidement avortée, les forces de l’ordre écartant les militants vers le coin est de l’esplanade. Ils y sont attendus par une dizaine de militants du Betar, masqués et agitant des drapeaux d’Israël. Malgré la volonté de ces derniers d’en découdre, aucun coup n’est échangé. Au centre de l’esplanade, Marine Le Pen et Jordan Bardella restent statiques, formant une ligne avec une cinquantaine de membres de leurs troupes.


      Voir aussi : https://seenthis.net/messages/1026118


    • Pour le retour de l’humoriste Guillaume Meurice sur France Inter, un micro-trottoir en guise d’explication mais pas d’excuses

      https://www.youtube.com/watch?v=-UduwtL_d5M&feature=youtu.be

      https://www.youtube.com/watch?v=YIm36wB1y_0&feature=youtu.be

      https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/13/sur-france-inter-un-micro-trottoir-en-guise-d-explication-mais-pas-d-excuses

      Puis, fidèle à son habitude du micro-trottoir et « dans un souci d’apaisement », il a donné la parole à des interlocuteurs inattendus. En l’occurrence, un collectif juif décolonial, Tsedek !, qui « lutte contre le racisme d’Etat en France et pour la fin de l’apartheid/l’occupation en Israël/Palestine » (selon son compte Instagram), afin que celui-ci endosse ce qu’il avait voulu exprimer de manière, au minimum, très lapidaire. « [Le premier ministre israélien Benyamin] Nétanyahou accompagne un mouvement de fascisation du champ politique de la société israélienne, a ainsi déclaré un représentant du collectif. La coalition qui lui a permis d’accéder au pouvoir et qui est actuellement aux commandes en Israël est composée de ministres qu’on n’hésiterait pas à désigner comme des néonazis s’il ne s’agissait pas d’Israël. »

      Le 29 octobre, l’humoriste avait qualifié le premier ministre israélien de « nazi sans prépuce », déclenchant une polémique de grande ampleur. Le 31 octobre, la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, avait reconnu « partager le malaise » exprimé par des centaines d’auditeurs, tandis que Sibyle Veil, la patronne de Radio France, lui avait adressé, le 6 novembre, un avertissement. Une sanction disciplinaire que Guillaume Meurice entend contester aux prud’hommes, ainsi qu’il l’a annoncé au Monde le jour même.

      Le studio 620 privé de public pour cause de menaces de mort

      « Si nous sommes là ce soir, c’est que nous avons surmonté nos divergences et que nous avons confiance en Guillaume », a expliqué Charline Vanhoenacker en début d’émission, dimanche peu après 18 heures. Précisant user de premier degré afin d’être « bien comprise pour tout le monde », la cheffe de bande avait expliqué que si des auditeurs avaient été « choqués, ou blessés, ou les deux » par « une blague » de son collègue, s’ils avaient « ri » avant de « regretter », si les mots utilisés avaient « gêné », « divisé », « fait réfléchir » ou encore fait « passer par plusieurs états », ils n’étaient pas les seuls. La vingtaine de collaborateurs de l’émission avaient eux aussi été traversés par des sentiments similaires, à l’origine de « débats interminables » entre eux.

      « Réduire une blague à la lecture qu’en fait l’extrême droite, avait-elle poursuivi, c’est un dangereux procès d’intention. Dangereux parce que certains, dont une chaîne de télévision en particulier, dessinent une cible sur le front des clowns et on est faciles à repérer parce qu’on porte un nez rouge. » Pour ouvrir le divertissement, l’animatrice avait donné à entendre le silence qui régnait dans le studio 620, privé de public pour cause de menaces de mort proférées contre son collègue.

    • Tsedek !

      📺Quelques extraits de l’intervention de Simon Assoun sur le plateau d’ArrêtSurImage.

      🔴Au sujet de la manifestation d’hier, et pourquoi elle nous apparaît comme contreproductive pour lutter contre l’antisémitisme ⤵️
      https://video.twimg.com/ext_tw_video/1724084828222418945/pu/vid/avc1/1280x720/pum8S6XxcqTo0ZpG.mp4?tag=12

      (via @marielle )

      La mémoire assiégée

      https://blogs.mediapart.fr/tsedek/blog/131123/la-memoire-assiegee

      L’hommage organisé dimanche au monument de commémoration des victimes de la rafle du Vel d’Hiv a été violemment perturbé. Nous y étions.

    • Charles Enderlin : le tournant sioniste des Juifs de France (Mediapart, 7 février 2020)

      https://www.youtube.com/watch?v=vys3_aZutCQ&t=1940s

      A 32min. 20s. , Enderlin raconte le point de vue de Macron sur Israël.

      Ce livre [1] tombe à point alors que Macron et une majorité de députés prétendent faire de l’antisionisme un nouvel antisémitisme. Retraçant l’histoire de la communauté juive française, le journaliste Charles Enderlin documente comment le « franco-judaïsme », à son apogée sous la Troisième République, est aujourd’hui devenu un « franco-sionisme », d’abord marqué par un soutien inconditionnel à la politique israélienne

      [1] Les Juifs de France entre République et sionisme, Charles Enderlin, 2020, Seuil.

      https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782021211658-les-juifs-de-france-entre-republique-et-sionisme-cha

    • « Des premiers socialistes à nos jours, toutes les composantes de la gauche ont tenu des propos antisémites mais selon des proportions très variables »

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/19/des-premiers-socialistes-a-nos-jours-toutes-les-composantes-de-la-gauche-ont

      L’historien Michel Dreyfus revient dans une tribune au « Monde » sur les cinq formes qu’a pris successivement l’antisémitisme à gauche depuis le XIXe siècle, un passé qui confirme que le camp du progrès n’est pas immunisé contre cette haine.

      [...]

      Des premiers socialistes à nos jours, toutes les composantes de la gauche ont effectivement tenu des propos antisémites mais selon des proportions très variables. Cet antisémitisme à gauche a pris cinq formes. Il commence par un antijudaïsme économique, reposant sur un antijudaïsme ancien et puissant dans la France catholique du début du XIXe siècle. L’image du juif, profiteur et usurier, acquiert une vigueur nouvelle avec l’émergence du capitalisme que des socialistes utopiques, tels que Proudhon, assimilent à « Rothschild » ; mais Saint-Simon et Louis Blanc n’ont pas d’hostilité envers les juifs.

    • Malgré la censure, une invitation à penser

      https://blogs.mediapart.fr/tsedek/blog/081223/malgre-la-censure-une-invitation-penser

      Une rencontre avec Judith Butler organisée par divers collectifs dont Tsedek !, qui devait avoir lieu au Cirque Électrique le 6 décembre dernier, a été annulée suite aux pressions exercées par la mairie de Paris. Nous vous invitons à lire les éléments à partir desquels devait se faire cette conversation rigoureuse et engagée.

    • Jean-Luc Mélenchon. À Gaza, « ce n’est pas de la légitime défense mais un génocide »

      https://orientxxi.info/magazine/jean-luc-melenchon-a-gaza-ce-n-est-pas-de-la-legitime-defense-mais-un-ge

      Cible de nombreuses critiques depuis des semaines, l’ancien candidat à la présidence de la République répond aux questions d’Orient XXI. Il explique pourquoi les fractures deviennent béantes entre l’Occident et le reste du monde sur le « deux poids deux mesures » en œuvre dans le soutien à Israël. Jean-Luc Mélenchon dénonce la polémique sur l’un de ses tweets et réfute sa mise en cause pour antisémitisme. Au-delà, il dresse un éloge du non-alignement comme « morale pour l’action politique ».