En Californie, l’ère des « tempêtes de feu »
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Ces derniers jours, de nombreux commentateurs ont fait référence à un article prémonitoire publié en 1995 dans une revue historique par le théoricien et historien #Mike_Davis, professeur à l’université de #Californie, auteur de nombreux ouvrages sur la ville néolibérale – il a notamment publié en France City of Quartz, Paradis infernaux, ou Le stade Dubaï du capitalisme.
Un feu venait alors de détruire dix maisons à Malibu. « Laissons Malibu brûler », écrivit Mike Davis. « Cela ne va qu’empirer, prévenait Davis, convaincu de l’absurdité de faire payer la collectivité pour des maisons presque mécaniquement vouées à brûler. De tels désastres périodiques seront inévitables : installer votre maison à Malibu et vous finirez par être confrontés aux flammes. »
Il y a vingt-trois ans, l’article décrivait par le menu la privatisation et l’« aristocratisation » progressive du territoire de Malibu peu à peu planté de « châteaux », au mépris de l’environnement et des règles de sûreté élémentaires.
Davis annonçait aussi l’émergence d’une nouvelle ère où les « tempêtes de #feu suburbaines » risquaient de devenir plus « apocalyptiques », quasiment impossibles à combattre. « La densité nouvelle du logement sur les collines a transformé la bataille contre les feux de forêt : c’était une guerre de manœuvres, cela devient une bataille de rues. » À l’époque, son texte avait été accueilli par un déluge de critiques.
Il y a un peu plus d’un an, alors que le feu venait de ravager le magnifique paysage de vignes de Sonoma et Santa Rosa, juste au nord de San Francisco, Mike Davis publiait dans la London Review of Books un texte lumineux, « El Diablo in Wine Country », pointant le refus persistant des Californiens d’admettre que leur « paradis » est en train de devenir un enfer.
« Il y a, écrit-il, une suffisance mortifère à l’œuvre derrière les politiques environnementales “mainstream” en Californie. Certains pointent le feu, d’autres le changement climatique, mais tous ignorent le pouvoir destructeur de la finance et de l’immobilier qui pousse à la surburbanisation de nos paysages sauvages de plus en plus “enflammables”. »
Après chaque incendie, expliquait Davis, « le paradis est vite restauré, avec des maisons plus immenses que les précédentes ». Elles sont confortables, suréquipées, situées dans des endroits sublimes où l’on peut passer des heures à regarder les étoiles. Mais elles sont aussi situées dans des culs-de-sac cernés de maquis.
« Une version rustique du couloir de la mort », commentait Davis, preuve « de l’absurdité de toute planification rationnelle dans une société fondée sur le capitalisme immobilier ».