• ne parvient pas à voir autre chose chez ses contemporain·e·s, vains dieux — lorsqu’elle les regarde elle ne voit que leurs « Ça », leurs archaïsmes, leurs atavismes, toutes les petites ficelles de l’égotisme et de la mesquinerie ordinaire. Dans le moindre de leur geste ou de leur comportement elle distingue toujours la/le primate tapant sur des cailloux.

    Après si elle n’aperçoit QUE cela c’est probablement parce qu’elle aussi, c’est son seul moteur, que sous une mince couche de vernis écaillé ce « préhistorisme » (sic) est l’unique chose qu’elle a en elle. Que, bien qu’elle s’en défende, elle puisse elle-même appartenir à cette très primaire espèce animale et être régie par des principes identiques la rend malade. Ce n’est même pas « être », qui est insupportable, mais la conscience de n’être que ce que l’on est — des monstres de médiocrité.

    N’empêche, il semblerait que nous n’ayons jamais eu autant raison que jadis dans les cours de récréation, quand à la moindre remarque nous rétorquions pour une fois assez finement que « C’est cellui qui dit qui y est ».

    #RuminationsMatutinales.

  • mesure l’étendue de son inculture : elle apprend seulement aujourd’hui qu’il existait une autre écrivaine portant le nom de Duras, et que comme pour notre bonne vieille Marguerite ce nom n’était que de plume et d’emprunt.

    Chose amusante pour quiconque s’amuse d’un rien, à l’État civil l’une s’appelait « Kersaint » comme l’autre se nommait « Donnadieu » — la vieille Garreau en déduit que prendre pour pseudonyme « Duras » serait une tentative d’échapper à l’au-delà.

    #RuminationsMatutinales.

  • regrette vraiment d’être une quiche en mathématiques : elle aimerait bien être capable de calculer le nombre maximal d’agencements possibles des lettres de l’alphabet avant de fatalement écrire deux fois exactement le même texte (un peu sur le modèle du « paradoxe du singe savant », le chimpanzé qui, en tapant au hasard et indéfiniment sur les touches d’une machine à écrire, finira par réécrire toute l’œuvre de Shakespeare), ou combien de combinaisons différentes de notes de musique pourraient exister avant d’accidentellement reproduire un morceau déjà connu, ou encore combien de dispositions de « pixels » demeurent inédites et permettraient de créer une image qui ne soit pas l’exacte reproduction d’une autre.

    Comme elle le dit souvent, avec plus de cent dix milliards d’imbéciles ayant vécu sur cette pauvre planète depuis le Pliocène, il devient rudement audacieux de s’octroyer la primeur d’une création artistique.

    #RuminationsMatutinales.

  • s’autocensure, là, vains dieux, elle s’autocensure de olf (1). À l’époque elle ne sait plus combien de temps on avait attendu pour commencer à faire des blagues désopilantes au sujet du gosse de la Vologne ? Une heure ou deux, c’est ça ? Moins ? Ah on savait encore rire, il y a quarante ans.

    Bref, elle ronge son frein et va patienter encore un peu avant de balancer d’irrésistibles saillies sur le gamin retrouvé ce coup-ci en kit dans les Basses-Alpes ; les temps sont chatouilleux et elle n’est pas sûre que le Lectorat soit déjà prêt. Et puis, au fond, est-ce bien nécessaire de délibérément choquer dans le seul but de se faire mousser ?

    Finalement ce n’est peut-être pas si mal, l’autocensure ; c’est probablement le dernier marqueur de la civilité.

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    (1) Féminin de « ouf ».

  • reconnaît évidemment et immédiatement tout, lorsqu’elle regarde un film dont l’inaction est censée se dérouler à « son » époque — les us, les mœurs, les formes, les couleurs, les objets, les architectures, les têtes, les coiffures, les accoutrements. Bien sûr le cinématographe est une invention récente et elle sait qu’en réalité tout ceci n’est qu’une reconstitution, mais qu’importe : après tout ses souvenirs en sont une aussi. Les deux reconstitutions se confrontent, celle de la cinéaste et la sienne, elles se confrontent et s’ajustent pour recréer ensemble un passé vraisemblablement fantasmé. D’ailleurs il ne pourrait en être autrement : le passé n’existe que dans nos têtes.

    N’empêche, c’est rigolo. Même si les variations d’interprétation induites par les images sont infinitésimales — à l’âge canonique de la Garreau le ciboulot est à 99,99 % sclérosé — elles se produisent, le film agit sur sa mémoire comme sa mémoire agit sur le film. Les deux s’alimentent et se confirment. « Quelque part » c’est un peu comme en physique quantique, les événements ne sauraient préexister à leur observation.

    A-t-elle vécu ? Rien n’est moins sûr. La « réalité » c’est seulement parvenir (ou pas) à se construire un récit à l’aide de petits bouts de tous ceux qui s’affrontent.

    « Il était des doutes dont il suffisait de connaître la possibilité pour en souffrir », écrivait peu ou prou Hesse dans « Le Jeu des perles de verre ». Quant à la solitude, « elle était calme, merveilleusement calme et immense comme l’espace silencieux et glacé où tournent les astres », poursuivait-il dans « Le Loup des steppes ».

    Pardon ? Ça n’a rien à voir avec ce qu’elle disait précédemment ? Peut-être, mais une ou deux citations en fin de dazibao ça fait toujours joli, surtout quand on ne sait pas du tout comment conclure.

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  • n’est pas une « poseuse » qui se met systématiquement et dogmatiquement du côté des méchant(e)s ! Pas du tout ! C’est bien évidemment le reste du monde qui distribue les rôles un peu vite.

    Comment huit milliards de personnes peuvent-elles préférer se tromper que dire comme elle ? C’est un mystère pour elle-même comme ça l’aurait été pour les historien(ne)s qui auraient eu à se pencher sur la question si Ragnarök ne s’apprêtait à mettre très bientôt un terme à toute interrogation.

    #RuminationsMatutinales.