« Il sent une respiration dans son cou, c’est Tim, apparu comme de nulle part, il est si petit qu’il disparaît et apparaît on ne sait pas comment, il fait le tour du jardin, il se met sur la pointe des pieds pour embrasser l’épaule de sa mère et regarder la ronde des nombres premiers, il passe à côté de Marianne, qui le caresse comme on caresse un chat qui passe, il s’accroupit et pose l’index sur chacun des trois avocats en commençant par celui du milieu comme un petit pape, il se relève et met la tête dans la robe en lin qui ne sera jamais sèche, il revient vers la table, se dresse de nouveau sur la pointe de ses pieds pour voir ce que son père écrit, il marche de profil comme les Egyptiens, s’enfuit en pas chassés, s’immobilise, je suis un garde suisse devant le Vatican, je suis mort, je suis un prince gelé à Pompéi, je suis un cheval qui dort, je suis une statue de marbre, je suis un arbre, je suis un parasol, il écarte les bras et se souvient que cette nuit, il lui suffisait de les tendre et de les baisser doucement pour décoller un peu du sol. »
Lise Charles, La Demoiselle à coeur ouvert