person:julie brafman

  • Violences au palais de justice de Paris : le policier placé en garde à vue - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/07/25/violences-au-palais-de-justice-de-paris-le-policier-place-en-garde-a-vue_

    Le fonctionnaire accusé d’avoir frappé un prévenu dans la zone d’attente des comparutions immédiates du TGI de Paris a été placé en garde à vue mardi soir. Il s’agit de la seconde affaire de violences policières en moins de quinze jours.

    Au début, c’était une histoire banale comme il s’en joue tant d’autres aux comparutions immédiates : un vol en réunion. Un jeune type qui fauche un portefeuille dans la rue. Mohamed, 18 ans, aurait sans doute été jugé dans l’anonymat général, parmi le flot quotidien des prévenus, s’il n’était pas réapparu dans la salle d’audience, après une suspension, le visage complètement tuméfié. Le 23 juillet au soir, la Conférence du barreau de Paris dénonçait des « violences policières inadmissibles » en postant sur Twitter l’image du jeune garçon au tee-shirt jaune entaché de sang, lèvres gonflées, œil boursouflé et l’arcade sourcilière ouverte.

    Bavure

    Que s’est-il passé ? « Mon client était là pour un renvoi de comparution immédiate, il était dans la zone d’attente derrière le box », précise son conseil Me Matthieu Juglar. Avant de poursuivre : « Il a demandé à être accompagné par le policier aux toilettes, le ton est monté, il a reçu plusieurs coups au visage. » Selon le prévenu qui a porté plainte, le fonctionnaire lui aurait dit : « Ici, c’est pas filmé, on va pouvoir s’expliquer. Pourquoi tu parles mal ? » Le prévenu a ensuite raconté que le policier a enfilé des gants avant de lui porter « quatre ou cinq coups au visage ». Il est environ 17h30 lorsque ses avocats qui s’étaient préalablement entretenus avec lui, le voient revenir dans un piteux état. Ils provoquent un incident tandis que le procureur demande une suspension pour alerter la section criminelle du parquet. Malgré la demande de nullité de la comparution, Mohamed sera renvoyé en détention provisoire en attendant l’audience, le 31 juillet prochain.

    Une enquête, ouverte le soir même par le parquet de Paris, a été confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Mardi soir, le fonctionnaire a été placé en garde à vue pour « coups et blessures volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ». « Cela veut dire que l’affaire est prise au sérieux par le parquet, ce n’est pas anodin », analyse Me Juglar. Il s’agit désormais de faire la lumière sur ce qui s’est passé lors du tête-à-tête entre les deux hommes. Le policier a lui-même porté plainte contre le prévenu pour « violence volontaire et menace de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique » et une enquête distincte a été confiée au commissariat du XVIIe arrondissement de Paris. « C’est inacceptable qu’un homme sur le point d’être jugé, qui s’apprête à jouer sa liberté puisse être à ce point molesté par un fonctionnaire », s’indigne Me Juglar qui va saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et le Défenseur des droits. Il dénonce une nouvelle bavure et un climat délétère : la précédente avait été révélée, quelques jours plus tôt, par une vidéo diffusée sur le site Là-bas si j’y suis. On y voyait une scène particulièrement violente au dépôt des comparutions immédiates : un policier stagiaire traînait un prévenu menotté dans le dos jusqu’à la cellule. Avant de le rouer de coups de pied jusqu’à ce que ses collègues interviennent.

    Escorte

    Il faut savoir que depuis le déménagement du palais de justice de Paris, en avril dernier, de l’Ile de la Cité aux Batignolles dans le XVIIe arrondissement de Paris, l’escorte n’est plus assurée par des gendarmes mais par des policiers. « Début 2015, le ministère de l’Intérieur avait rendu un avis sur la garde du palais. La gendarmerie a exprimé le besoin de se désengager de ses missions annexes de sécurisation du palais. La police assurant déjà la sécurité de certains palais, le transfert s’est fait naturellement. Le fonctionnement horaire des gendarmes et des policiers n’étant pas le même, il a fallu adapter les lieux à cette nouvelle décision [mettre en place des vestiaires pour que les policiers se changent par exemple, ce qui a entraîné un retard supplémentaire] », explique-t-on en interne à la chancellerie.

    Sans compter que le nouveau personnel ne semble pas avoir la même expérience. « A l’ancien palais les conditions de travail étaient bien plus difficiles, les locaux plus exigus mais aucun incident n’a été signalé à l’ordre ces dernières années, déplore le vice-bâtonnier Me Basile Ader. Ce sont des policiers qui sont jeunes et moins bien formés qui sont au dépôt. Or c’est un exercice particulier car ils ont affaire à des prévenus souvent nerveux car ils vont être jugés. Il faut donc du calme et de la maîtrise. » Une source confirme : « Tous les policiers sont très jeunes, ils sortent d’école et sont peu encadrés à la différence des gendarmes qui étaient plus expérimentés et appartenaient à des unités mobiles donc n’étaient jamais les mêmes toute l’année. » Ce contexte de tension peut aussi s’expliquer par un sous-effectif important : actuellement 107 postes sont vacants au #TGI de Paris (compensés par quelques dizaines de gendarmes). Des renforts auraient été promis pour la mi-septembre.
    Julie Brafman

    Tout est parti de là : https://twitter.com/ConfBarrParis/status/1021449212502986757
    Les excuses sur le mode « ils sont violents parce qu’inexpérimentés » ça me saoule au plus haut point !
    On remarquera aussi que la demande de nullité de la comparution immédiate n’a même pas été acceptée et que le prévenu se retrouve du coup en prison : c’est vraiment la double peine

    #violences_policières #tribunal #racisme #comparution_immédiate

  • le 15 mai à Cannes

    Manal Issa, candeur nature
    Par Julie Brafman — 10 mai 2018 à 20:06
    http://next.liberation.fr/cinema/2018/05/10/manal-issa-candeur-nature_1649249

    Dans l’inépuisable série des hasards qui mènent au tapis rouge, cette histoire-là est savoureuse : une élève de l’Institut des sciences et techniques de l’ingénieur à Angers (Istia) est repérée sur Facebook par une réalisatrice insatisfaite des castings. Elle devient actrice, est nommée révélation aux césars, ne s’arrête plus de tourner. « C’était une photo banale, je faisais un câlin à un arbre, rigole Manal Issa. Quand j’ai reçu le message du producteur, je me suis dit "c’est bizarre" et puis "bon, j’essaie". » Comme un clin d’œil, le film était intitulé Peur de rien… Trois ans plus tard, elle est à Cannes pour Mon Tissu préféré de la réalisatrice syrienne Gaya Jiji. Elle campe Nahla (rôle pour lequel elle a pris 12 kilos « en m’empiffrant de chocolat »), une jeune femme syrienne secrète et renfrognée, qui erre entre fantasmes d’ailleurs et désir de rien.

    « On pourrait penser que c’est prétentieux mais quand j’ai lu le scénario, je me suis dit qu’il n’y avait que moi pour faire ce rôle. Il est tellement intérieur, tellement différent de ce qu’on voit au cinéma. Nahla n’a de comptes à rendre à personne, elle s’en fout. » Nahla, c’est une moue boudeuse entourée de deux joues rondes, des robes aux couleurs fanées et peu de mots. Manal Issa est l’inverse : fluette et dynamique, rigolote et un peu paumée.

    #marcheduretour

    • Publié le 16 mai 2018 à 13h25 | Mis à jour le 16 mai 2018 à 13h25
      Manal Issa soutient Gaza sur le tapis rouge à Cannes

      « Stop the attack on Gaza » : la photo de la Libanaise Manal Issa brandissant une affiche de soutien aux Palestiniens sur le tapis rouge cannois faisait parler d’elle mercredi, même si l’actrice a refusé de commenter son geste.

      « Elle ne souhaite pas s’exprimer car elle veut attirer l’attention sur Gaza et pas sur elle-même », a indiqué à l’AFP l’entourage de l’actrice, au lendemain de son geste sur le tapis rouge, lors de la montée des marches pour Solo, le dernier opus de Star Wars.

      Au pied des marches du Palais des festivals, Manal Issa, 26 ans, a déplié une grande feuille de papier blanche, avec en rouge ce message : « Stop the attack on Gaza !! » (« Arrêtez l’attaque sur Gaza »). Une référence aux près de 60 manifestants palestiniens tués lundi, dans de violents affrontements entre soldats israéliens et Palestiniens, le même jour que l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine, déménagée de Tel Aviv à Jérusalem.

  • Les Baumettes, deux taules à angles morts - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/04/11/les-baumettes-deux-taules-a-angles-morts_1642700

    « Libération » s’est rendu dans la prison « historique » de Marseille, symbole de vétusté et d’inhumanité, qui fermera ses portes en juin, ainsi qu’aux Baumettes 2, inaugurées en 2017. Ce centre pénitentiaire, présenté comme « moderne et digne » mais déjà engorgé, est loin d’améliorer les conditions de vie des détenus et le travail des gardiens.

    Dans le jargon, on appelle ça un « moulon ». Dans les faits, cela signifie qu’un homme a été lynché à mort. C’est ainsi que Ramses Aly Elsayed, 21 ans, a perdu la vie en décembre dans la cour des Baumettes 2 (B2) à Marseille. Le premier homicide dans un établissement flambant neuf (lire page 19). On repense aux mots enthousiastes du directeur interrégional des services pénitentiaires lors de l’inauguration, en mai 2017 : « Les détenus vont changer de siècle. » C’est plutôt une mise à mort moyenâgeuse qui a été filmée en direct par les caméras de surveillance. Sans que personne ne soit en mesure de l’empêcher. Sans qu’elle ne suscite de réactions outragées. Sans qu’elle ne provoque de remise en cause interne. Exactement du même type que celles qui ont pu se dérouler par le passé dans les angles morts de la prison voisine et quasi ancestrale des Baumettes historiques (BH).

    Pour quelques mois encore, ce sont deux mondes qui se dressent côte à côte avec, d’une part, BH, prison mythique devenue le triste symbole de la vétusté et de l’inhumanité, qui fermera ses portes dans quelques semaines et, de l’autre, B2 « moderne et digne », fleuron de ces établissements rutilants censés remédier à la surpopulation. Autrement dit, les #Baumettes, bouillon de misère. Et les Baumettes coquettes. En enquêtant sur cette hydre bicéphale, Libération a voulu questionner la façon dont on incarcère, le poids de l’architecture sur le sens de la peine, les conséquences de la surpopulation sur la vie des détenus. Sur les pas du député Gauche démocrate et républicaine (GDR) des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville, nous sommes entrés dans le centre pénitentiaire afin de mieux en comprendre le fonctionnement et les difficultés. Comment peut-on encore y mourir en 2018 ? En parallèle, nous avons œuvré à découvrir ce qu’il est impossible de voir lors de la visite d’un élu : la peur derrière les portes ou le mal-être derrière les poignées de main. Plusieurs des témoins rencontrés hors visite officielle seront cités de manière anonyme.

    « Cache-misère » aux Baumettes historiques

    Au commencement, il y a cette situation géographique hors du commun qui pourrait passer pour une insolence de l’architecte : l’établissement a été construit dans les années 30, à proximité des calanques de Morgiou, dans un décor extérieur aussi grandiose que l’intérieur est aujourd’hui miséreux. Le directeur actuel, Guillaume Piney, récapitule : « Les Baumettes historiques ont pu accueillir jusqu’à 2 000 détenus, aujourd’hui ils sont moins de 600, tous condamnés. Ils sont dans des conditions mauvaises, disons qui ne correspondent pas aux standards acceptables… » Un euphémisme pour désigner un cauchemar long de quatre-vingts ans. Les Baumettes historiques fermeront leurs portes en juin - des transferts sont prévus vers d’autres établissements pénitentiaires de la région tels que Draguignan ou Aix-Luynes 2 - pour laisser place à Baumettes 3 (B3) à l’horizon 2021. Une façon de rayer l’abomination du paysage. Celle qui n’a cessé de susciter des constats alarmistes. Celle dont un surveillant disait dans Libé, en décembre 2012 : « C’est la pire prison que j’ai vue, et de très loin. La taule, c’est la taule : il n’y a rien de mieux pour casser un mec. Mais si, en plus, il débarque ici pour une première peine, c’est terrible. Ce n’est pas humain. »

    En 1991, le Comité de prévention de la torture dénonçait « un traitement inhumain et dégradant » des détenus. En 2006, le Conseil de l’Europe parlait « d’endroit répugnant » dont la rénovation « ne peut plus attendre ». En 2012, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, ressortait d’une visite profondément choqué par la crasse, les cafards et le délabrement. A tel point que fin 2012, le tribunal administratif de #Marseille condamnait l’Etat à faire des travaux de grande ampleur. « Ils n’ont pas été faits : ils ont juste rajouté des cloisons pour séparer les toilettes du reste de la cellule ou mis un coup de peinture par-ci, par-là », insiste Amid Khallouf, coordinateur sud-est de l’Observatoire international des prisons (OIP). « Du cache-misère », confirme Olivier, surveillant CGT, en poste depuis 1995.

    On le croit aisément en gravissant les escaliers décatis qui mènent au second étage du bâtiment A, où étaient initialement enfermés les détenus incarcérés pour des infractions à caractère sexuel. En haut, quelques mots sont inscrits au feutre noir sur un mur blanc : « J’aimerais être un corbeau, je suis mal dans ma peau. » Désormais, il ne reste plus que 37 détenus en attente de leur transfert vers le bâtiment B, « en moins mauvais état », selon le directeur. Pas de surveillant. Pas de vie. Pas de bruit. A part un léger écho de rap qui émane du bout de la coursive, il règne une ambiance de fin du monde. Lorsque Pierre Dharréville demande à s’entretenir avec un détenu, l’une des portes en bois s’ouvre sur ce qui relève davantage d’un cachot.

    Des couvertures sont disposées en guise de paravent pour masquer la vue depuis l’œilleton. Apparaît un homme de 19 ans, cheveux bruns bouclés, jogging gris et tee-shirt rayé, debout devant une plaque chauffante allumée qui fait office de calorifère. Un lit triple rappelle des temps où trois détenus étaient entassés dans ces 8 m2. « Comment se passe la vie en détention ? » questionne l’élu. « C’est dur », souffle le garçon aux traits adolescents expliquant qu’il dort avec sa veste tellement il a froid. « Vous pensez que ça sert à quelque chose ? » « Ça fait réfléchir à ce qu’il ne faut pas faire », réplique-t-il, bon élève. Quand il sortira, dans une semaine environ, il voudrait « travailler, avoir des enfants et une maison, comme tout le monde ». « Qu’est-ce qui est le plus dur ? » insiste Pierre Dharréville. « C’est de rester là. » La porte se referme.

    Cellule « cercueil » et « bains de sang »

    Avant la visite, Libération a pu entrer en contact par téléphone avec S., également incarcéré au bâtiment A avec les derniers Mohicans de cette taule d’un autre âge. Hors de la présence de la délégation, il parle plus librement. Désormais seul en cellule, il évoque « la peinture gonflée et les taches d’humidité », « les fils qui pendent partout et auxquels tu t’électrocutes ». Puis résume en quelques mots : « Les gens appellent ma cellule "le cercueil" parce que le plafond est arrondi comme dans un cercueil. » La référence n’est pas fausse tant les Baumettes sont le fruit d’une architecture moralisatrice et répressive héritée du XIXe siècle, qui forge les prisons comme un lieu d’expiation. S. ne cesse de dire qu’il « a peur », raconte les couteaux qui tournent « partout ». « C’est la prison la plus dangereuse que je connaisse et j’en ai fait quelques-unes, ajoute-t-il, d’une voix quasiment éteinte. Il y a eu des morts et des morts, elle est hantée. » Il a été témoin de « bains de sang » dans les douches collectives constellées de moisissures et surnommées « Apocalypse Now » tant elles sont devenues le lieu de règlements de comptes. Interrogée par Libération, une intervenante dans une association confirme la violence endémique : « J’ai rencontré des victimes de "moulons" dont un jeune homme avec une béquille. Il s’est pris un coup de couteau en promenade. Certains détenus restent tétanisés dans leur cellule, ne sortent plus, même pour prendre une douche. »

    Au tournant des années 90, l’arrivée des caïds des cités a profondément bouleversé les rapports hiérarchiques. Fini le temps où régnaient les grands noms du milieu phocéen : « Mémé » Guérini, Tany Zampa, Francis le Belge. « J’ai 60 ans. On était des hommes d’honneur. Aujourd’hui les jeunes de quartiers n’ont plus de loi ni de morale. Ils sont capables de vous tuer pour un rien », relate un ancien détenu « fiché au grand banditisme » contacté par téléphone. Il conserve le même souvenir cuisant de son passage aux Baumettes en 2011. « J’étais à l’isolement. J’ai vécu avec des détritus et des rats, les douches sur le palier. C’est un monde à part. Rien que l’odeur pestilentielle qui vous saisit… »

    De son côté, S. sera prochainement transféré vers le bâtiment B en attendant la fermeture de l’établissement. « Là-bas, ils se tuent pour un paquet de cigarettes. Des gens se balafrent tous les jours pour un rien », s’effraie-t-il. Quant aux conditions d’incarcération, elles n’y sont guère meilleures : « Les cellules sont complètement crasseuses. Je nettoie le sol, il y a des cafards. J’ai même trouvé des rats dans une poubelle, c’est écœurant, je n’ai jamais ressenti ça, ajoute-t-il. On est traité comme des animaux ici. Je comprends que les gens recommencent quand ils sortent. Moi, ce n’est pas uniquement ma liberté qu’ils m’ont enlevée, c’est tout le reste. »

    Aux Baumettes 2, « tout est compliqué »

    Désormais, tous les regards sont tournés vers les Baumettes 2, qui regroupent l’intégralité des services : l’unité de soin, les parloirs, la bibliothèque, la salle de sport… Depuis BH, on accède à l’avenir carcéral par un long tunnel en béton gris, sorte de voyage dans le temps qui s’achève dans un halo de lumière. Le contraste est saisissant : ici, les murs sont blancs et verts pomme, entourés de quelques timides bosquets. On entend des cris d’une fenêtre à l’autre, on voit les « yoyos » constitués de bouts de draps qui flottent au vent. L’intérieur exhale l’hôpital avec son sol en lino jaune, ses portes colorées et ses vastes coursives épurées. Même l’acoustique est différente : les bruits sont faibles, presque étouffés. Pierre Dharréville sourit en évoquant la série de science-fiction Trepalium qui met en scène une société où les chômeurs et les actifs sont séparés par un mur. Ici, on est censés être du « bon côté ».

    Lors de l’inauguration, l’ancien garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a souligné qu’on « respecte la philosophie de la peine » : « Payer sa dette mais surtout avoir un temps pour se reconstruire pour revenir dans la société. » En filigrane, la célèbre phrase de Valéry Giscard d’Estaing : « La prison, c’est la privation de la liberté d’aller et venir et rien d’autre. » Pas l’effroi et la terreur, pas la privation de dignité, pas les cellules « cercueil ».

    Même les architectes des Baumettes nouvelle génération évitent d’employer le champ lexical de l’enfermement. Sur le site du projet, il est écrit : « L’air, l’espace et la lumière naturelle sont le fer de lance du parti architectural de ce projet. C’est une prison qui respire. » Il n’est pas certain que les détenus massés à deux dans 8 m2 soient du même avis… A B2, ils sont en effet 850 prévenus - c’est-à-dire en attente de leur procès - pour 573 places. Olivier, surveillant CGT, précise : « A l’origine, le principe de l’encellulement individuel devait prévaloir. Sauf que dès que ça a ouvert, les cellules étaient déjà doublées… » Le directeur, lui, a une formule qui résume bien la situation : « Une maison d’arrêt est un hôtel qui n’affiche jamais complet. » Ici, progrès notable, les douches sont dans les cellules. Celles-ci sont rutilantes avec étagères intégrées, lits superposés - à la place des lits simples - et un petit bureau au vernis jaune criard. Soit un style « camping-car » pour reprendre les termes d’Olivier. Mais, à deux détenus dans un espace aussi confiné, l’atmosphère devient étouffante. Il ne reste aucun endroit pour circuler, obligeant chacun à rester allongé sur son lit. Derrière une porte, D., avec ses lunettes rafistolées, son jogging bleu et son air perdu, explique à Pierre Dharréville que « ça se passe très mal ». « C’est le souk dans ma tête », lance-t-il en jetant un regard éperdu autour de lui. En larmes, il se désole : « Regarde comme c’est petit ! » Lors de la visite, Olivier précise : « Environ 30 % des détenus souffrent de problèmes psychiatriques. Ces gens n’ont pas leur place en prison. »

    Comme pour illustrer les statistiques, un jeune homme, l’air hagard derrière ses lunettes rondes, erre dans un couloir en attendant un rendez-vous médical. Il murmure qu’il est incarcéré avec de « faux détenus juste là pour la castagne ». Il y a aussi cet autre prisonnier devenu paranoïaque entre les murs : « Un détenu menace ma famille, il veut me tuer. Je suis observé dans ma cellule, on regarde tout ce que je fais tout le temps », dit-il. Tous les personnels interrogés dépeignent une prison « déshumanisée », « mal pensée ». « Certes, c’est neuf, il n’y a pas de bruit et tout est propre. Mais il n’y a plus de vie collective pour les surveillants. Et tout est compliqué, le moindre déplacement prend un temps fou. On a complètement perdu le côté humain des Baumettes historiques », déplore Olivier. Il n’y a qu’à voir la promenade sans table ni banc. Ou les nombreux sas de sécurité, les traversées infinies, les boutons qui ne répondent pas, les détenus qui poireautent de longues heures en salle d’attente. Une infirmière s’agace aussi : « On travaillait mieux aux Baumettes historiques, on était au cœur de la détention. Là on est en dehors, complètement coupés. Certes il n’y a pas de bruits de clés et de hurlements mais on ne sait plus ce qu’il se passe. »

    Certains lancent de sombres prophéties : à voir le délitement galopant des lieux, dans dix ans, B2 ne vaudra pas mieux que BH. Au gré de la visite, les malfaçons sautent aux yeux : des bassines au sol recueillent l’eau qui goutte, une porte en placo a été défoncée par un coup de poing, une large tache d’humidité s’étend au plafond. Et puis il y a toutes celles que l’on ne voit pas : pendant longtemps, les détenus n’ont pas eu d’eau chaude, il y a eu une inondation dans la salle informatique, une autre dans les parloirs dédiés aux familles, les serrures électriques tombent régulièrement en panne. « Il y a encore des problèmes d’eau chaude. On n’est pas entré dans une phase contentieuse avec le fabricant mais c’est complexe, explique Guillaume Piney, le directeur. C’est méritoire de vouloir faire de l’architecture moins carcérale mais là, ça pose quelques problèmes… » Des voix dénoncent plus prosaïquement l’utilisation de « matériaux de merde ». « Il a fallu changer toutes les cartes mères des ascenseurs parce qu’ils ont pris les premiers prix, explique Lyriane, surveillante CGT. On passe notre vie à attendre derrière les grilles. Tout est beaucoup plus long. » Une éducatrice souligne qu’elle met vingt minutes à atteindre son bureau depuis l’entrée, le temps de passer tous les sas, douze au total. Dans un courrier datant de mai 2017 que Libération a pu consulter, un avocat alertait le bâtonnier sur les multiples dysfonctionnements des parloirs au lendemain de l’ouverture : les détenus qui n’arrivent jamais à destination, le nombre insuffisant de places en salle d’attente et la pièce « conçue en dépit du bon sens ». Les conseils sont en effet enfermés avec leurs clients dans des boxes sans fenêtre « au détriment de toute règle d’hygiène et de sécurité ».

    Quant aux surveillants, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour gérer à la fois les mouvements internes et le standard téléphonique pour les parloirs. « On est un peu en tension pour faire tourner les vieilles Baumettes et B2 mais cela devrait s’arranger », justifie Guillaume Piney. Le personnel semble plus sceptique. « On a une nouvelle structure mais on a gardé le fonctionnement de l’ancienne. Moi, j’ai vingt-cinq ans d’ancienneté, aujourd’hui, je dirais aux jeunes de se barrer, les pouvoirs publics n’ont rien compris », s’agace David, surveillant CGT. Tous décrivent un quotidien marqué par une hausse de la violence et les affres du sous-effectif. Lyriane, qui travaille en prison « depuis des décennies », parle d’une « nouvelle génération de détenus qui n’a plus le respect de l’uniforme », d’un jeu de « poker menteur » où elle « feint d’avoir de l’assurance » : « Un jour, en rentrant de la promenade, un détenu a foncé vers moi. Et là, j’ai pensé : "s’il me choppe à la carotide, c’est fini". Tous les agents sont isolés dans leur secteur. Si on utilise l’alarme, on sait bien que personne ne va arriver, on n’est pas assez nombreux. »

    Libération a pu lire le contenu d’un conseil de discipline qui retranscrit une scène presque banale. C’est le détenu E. qui raconte la promenade du 4 août 2017 au quartier hommes de la maison d’arrêt : « Ils me sont tombés à plusieurs dessus, j’ai été roué de coups, je n’ai rien compris. » D’après le compte rendu, deux détenus l’ont attendu dans un coin avant de lui porter un coup à la tête, puis « un enchaînement de coups de poings et de pieds ». Il a été entièrement déshabillé, frappé à nouveau au visage et traîné par terre par les cheveux. « Le détenu E. s’est ensuite présenté, nu, devant l’entrée de la cour pour pouvoir être évacué. » Ramses Aly Elsayed, quant à lui, ne s’est jamais relevé lorsqu’il a été tabassé en décembre.

    « Dans quel état les gens vont ressortir d’ici ? »

    Ce n’est peut-être pas un hasard si l’architecte a choisi de placer la statue de la « colère » - parmi celle des sept péchés capitaux qui ornent la façade - à côté de la porte de la prison. C’est cette étrange pythie qui accueille et salue le visiteur, celle qui verra partir Pierre Dharréville « avec beaucoup de questions ». « La situation des Baumettes historiques est profondément révoltante, c’est insupportable. La perspective qu’elles soient fermées est rassurante mais qu’on ait tenu jusque-là est indigne de la condition humaine. La vraie question, c’est le sens de la peine et ce qu’elle produit : dans quel état les gens vont ressortir d’ici ? »

    Bientôt, des murs tomberont et d’autres les remplaceront. BH disparaîtra pour laisser place aux Baumettes 3. « En 2022, l’intégralité du site, qui par sa capacité constituera le troisième centre pénitentiaire de France, sera rénovée, offrant ainsi des conditions de détention plus dignes et des conditions de travail améliorées pour le personnel pénitentiaire » , promet déjà la brochure du ministère.
    Julie Brafman Envoyée spéciale à Marseille Photos Olivier Sarrazin. Hans Lucas

    Très bon article. Les photos sont à voir dans l’article.
    #prison #administration_pénitentiaire

  • Prison : des téléphones fixes vont être installés dans chaque cellule - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/01/02/prison-des-telephones-fixes-vont-etre-installes-dans-chaque-cellule_16199

    Pour endiguer le trafic de #portables et favoriser le maintien des liens familiaux, le ministère de la Justice a lancé un appel d’offres pour équiper progressivement les cellules. Les détenus pourront ainsi appeler quatre numéros autorisés par un juge ou l’administration.

    En août, peu de temps après sa nomination, la ministre de la Justice Nicole Belloubet s’était illustrée par une déclaration plutôt audacieuse. Tranchant avec le discours de ses prédécesseurs, elle avait estimé, au sujet des téléphones en prison, que l’idée n’avait « rien d’absurde. […] Il faut donner aux détenus des moyens de communication. Par des portables contrôlés ou des lignes fixes ». Un flot de fantasmes carcéraux et réactions politiques hostiles n’avaient pas tardé, dont celle de Georges Fenech, ancien député et secrétaire national du parti Les Républicains, s’enflammant sur Twitter : « Stupéfaction ! La ministre de la Justice favorable au portable en prison ! La garantie du lien avec Daech. »

    Cinq mois plus tard, la ministre confirme son intention et tranche : ce ne seront pas des portables bridés mais des lignes fixes qui feront leur apparition dans les cellules. Contactée par Libération, la chancellerie résume : « L’idée est de maintenir le lien avec la famille et d’apaiser les tensions en détention. » Chaque détenu pourra appeler des correspondants parmi une liste de quatre numéros préalablement validés par les magistrats ou l’administration pénitentiaire. Selon les révélations du Monde, ce mardi, le ministère a lancé un appel d’offres en novembre – qui s’inscrit dans le cadre d’un renouvellement de concession du marché des « point-phones » – afin d’équiper les 45 000 cellules (en dehors des quartiers disciplinaires). Le contrat devrait être signé au printemps.

    « Point-phones » ou portables clandestins

    C’est une petite révolution dans le monde carcéral. « Nous saluons cette initiative qui va renforcer les liens et les possibilités de communication vers l’extérieur », déclare François Bès, coordinateur du pôle enquête à l’Observatoire international des prisons (OIP). Le sujet est en effet sensible, comme tous ceux qui ont trait à la délicate articulation entre libertés fondamentales et exigences de sécurité. Pour preuve, le téléphone a fait une entrée tardive entre les murs. Il a fallu attendre la loi pénitentiaire de 2009 pour que les condamnés, mais aussi les prévenus, puissent y avoir accès. « Les personnes détenues ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Elles peuvent être autorisées à téléphoner à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire », précise l’article 39. Aujourd’hui, les détenus disposent non pas de cabines mais de « point-phones », répartis dans les coursives et les promenades et dont l’utilisation est strictement contrôlée. Chacun doit respecter une liste de contacts autorisés et des créneaux définis (généralement de 9 à 11 heures, puis de 14 à 16 heures). Cet encadrement génère plusieurs difficultés : le manque de confidentialité des échanges, le coût élevé de communication, la difficulté à joindre un conjoint qui travaille ou des enfants à l’école.

    Par conséquent, les « point-phones » sont volontiers délaissés au profit des portables clandestins qui fourmillent en détention : on estime que chaque détenu en possède un. Selon l’administration pénitentiaire, au premier semestre 2017, 19 339 téléphones et accessoires (puces, chargeurs, etc.) ont été découverts. Ils franchissent souvent les murailles par la voie des airs ou se faufilent discrètement via les parloirs. Certains surveillants ont également été épinglés pour corruption. C’est donc non seulement pour favoriser le maintien des liens familiaux, essentiels pour la réinsertion des détenus, mais aussi pour lutter contre ces trafics que la chancellerie a opté pour l’installation de postes fixes. A l’origine du projet, il y a une expérimentation, depuis 2016, dans les 290 cellules de la prison de Montmédy (Meuse). Si l’on ne peut pas parler d’éradication des portables, les effets sont tout de même encourageants : les saisies ont baissé de 30% sur le premier trimestre 2017. « Ça ne règle pas le problème des trafics mais ça les apaise », explique-t-on en interne.

    « Des factures de 150 à 200 euros par mois »

    Reste à savoir quels seront les tarifs en vigueur concernant les nouvelles installations. « L’appel d’offres parle de facturation à la minute, remarque François Bès. Or aujourd’hui, on est autour de 70 centimes dans la plupart des établissements. Certains détenus, à Réau en Seine-et-Marne, nous ont raconté qu’ils avaient des factures de 150 à 200 euros par mois ! Certes, à Montmédy, les tarifs ont été négociés à 20% à la baisse mais ça reste cher ». D’après la chancellerie, la société choisie prendra financièrement en charge l’ensemble de l’opération et sera rémunérée par le prix des communications payées par les détenus. « La concession sur dix ans devrait leur permettre d’avoir des tarifs plus abordables qu’à Montmédy », explique-t-on. Pour autant, cela ne marque pas la fin de la chasse aux portables illégaux. En parallèle, des brouilleurs « rebootés en permanence pour s’adapter aux nouvelles technologies » seront installés dans tous les établissements pénitentiaires.
    Julie Brafman

    Je les trouve totalement à côté de la plaque ! Pourquoi passer par un tel système avec des appels aussi chers et qui plus est placés sur écoute alors qu’on peut avoir un portable clandestin qui sera beaucoup plus pratique et moins cher ? Sûrement parce que ça nécessite encore une fois de passer par une entreprise privée qui va pouvoir s’en mettre plein les poches !
    #prison #administration_pénitentiaire #téléphone

  • Box sécurisés dans les tribunaux : la fronde continue - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/12/11/box-securises-dans-les-tribunaux-la-fronde-continue_1615935

    Un magistrat du tribunal correctionnel de Créteil a refusé lundi que les prévenus jugés en comparution immédiate comparaissent dans un box vitré. Une décision symbolique qui s’inscrit dans la contestation de plus en plus importante de ces « cages de verre » .

    Le mouvement de protestations contre les box ultra-sécurisés commence à gagner plusieurs juridictions. Lundi, il a même pris un tournant inédit : un magistrat a accédé à la demande des avocats de faire comparaître le prévenu en dehors d’un box entièrement vitré. La scène – qui revêt une haute valeur symbolique – se passe aux comparutions immédiates de Créteil : le président, Matthieu Bonduelle, membre du Syndicat de la magistrature (SM) a invité le prévenu à s’avancer à la barre pour être jugé. Selon l’AFP, il a justifié cette décision en évoquant « certains problèmes pratiques et juridiques » et rappelé que « le président a la police de l’audience ».

    La phrase fait écho à un incident étonnant qui s’est produit à Toulouse au début du mois. La présidente avait demandé à entendre le prévenu hors du box vitré, et s’est alors vu opposer un refus… de la part de l’escorte. Les policiers ont argué « qu’ils avaient des ordres et ont refusé de sortir mon client du box », a témoigné un avocat indigné auprès de France 3 région. Le prévenu a donc comparu derrière la vitre.

    Bocal en verre, barreaux, filins

    Dans la France entière, les robes noires s’insurgent contre les « cages de verre », ou celles de fer, qui fleurissent dans les salles d’audience depuis quelques années. Décrites comme un « enclos de verre », une « cellule au sein de la salle d’audience » ou un « aquarium », elles posent un problème tant symbolique (l’atteinte à la présomption d’innocence, à la dignité et aux droits de la défense) que pratique : l’acoustique est souvent très mauvaise. Il y a quelques semaines Libération racontait, la genèse sécuritaire de ces box de plus en plus hermétiquement fermés. Il suffit de faire un rapide tour de France pour en répertorier quelques exemples. A Grenoble ou à Meaux, on voit un bocal en verre avec quelques petites lucarnes. A Colmar, ce sont des barres horizontales qui ont provoqué l’ire des avocats, aboutissant à leur remplacement par du verre. A Alençon, des barreaux. A Nîmes, même dispositif, avec des filins au plafond qui lui valent le surnom de « fosse ».

    Le mouvement de rébellion a commencé à la rentrée de septembre à Nanterre lorsque les avocats ont découvert à leur retour de congés, le nouveau dispositif : une cage de verre « avec deux fentes ridicules », entièrement clos, avec un seul accès vers la geôle. Me Fabien Arakelian, du barreau des Hauts-de-Seine, interrogé par Libération, a alors raconté des scènes ubuesques : dans un sens, le son passe mal, impossible de s’entretenir avec le client ; dans l’autre, le micro fixé trop bas oblige le prévenu à s’asseoir pour communiquer avec ses juges, ce qui le soustrait en même temps à leur vue. Après avoir déposé (en vain) des conclusions écrites auprès du tribunal, les avocats des Hauts-de-Seine ont décidé, le 12 octobre, de saisir le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Ils ont aussi assigné en référé la garde des Sceaux.

    « Risques d’agression » et « tentatives d’évasion »

    De son côté, la chancellerie répond que ces nouvelles boîtes ultrasécurisées correspondent à la « mise en œuvre de mesures exceptionnelles décidées en 2015 pour répondre à la menace terroriste ». Elles sont le fruit des plans de lutte contre le terrorisme (Plat) 1 et 2. « La sécurisation des box a été jugée prioritaire », explique-t-on. Cet été, 18 box ont été renforcés dans sept TGI d’Ile-de-France : Créteil, Bobigny, Meaux, Melun, Evry, Pontoise, Nanterre. Budget : 2 millions d’euros. Et le porte-parolat de préciser à Libération : « Il existe une pluralité d’acteurs qui rédigent le cahier des charges en fonction des contraintes et des demandes locales, liées à la configuration des salles d’audience, en fonction du guide élaboré par la Direction des services judiciaires (DSJ) et des besoins liés à la sûreté de la juridiction ».

    Il s’agit notamment de lutter contre les « risques d’agression » et les « tentatives d’évasion ». D’après des données qui viendraient d’être communiquées au porte-parolat par la DSJ, le nombre de tentatives d’évasion dans l’enceinte des palais de justice est passé de 11 à 21 entre 2015 et 2016. Mais il est redescendu à 16 en 2017. De plus, il faut noter que le chiffre regroupe à la fois des faits survenus dans une salle d’audience mais aussi dans les cabinets. Il est donc difficile à exploiter.

    La sécurisation des box participe, en tout cas, à un mouvement plus général touchant l’ensemble de l’architecture judiciaire. Il suffit d’observer les nouveaux palais de justice : matériaux modernes, accès sécurisés, badges nécessaires pour franchir chaque porte, ambiance high-tech. C’est toute la symbolique judiciaire qui est concernée. Dans une lettre ouverte à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, publiée le 23 octobre, le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature protestaient ainsi contre « une vision architecturale des futurs palais qui exclut le justiciable, qui le déshumanise en le réduisant à une dangerosité supposée, nécessitant de limiter autant que possible ses contacts avec les acteurs de l’institution judiciaire ».

    « Architecture sécuritaire »

    Le 15 novembre, la grogne est montée d’un cran : le SAF a assigné la garde des Sceaux et l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE), devant le tribunal de grande instance de Paris, à jour fixe, pour faute lourde. L’audience se tiendra le 15 janvier 2018. Les avocats ont demandé le retrait des dispositifs de sécurité installés dans plusieurs salles d’audience françaises. En parrallèle, d’autres initiatives locales, comme à Nanterre ou Créteil, se multiplient. C’est ainsi que la section d’Aix-en-Provence du SAF, s’est réunie le 30 novembre pour dénoncer « ce recours systématique et endémique à une architecture sécuritaire » qui « heurte les principes fondamentaux de la présomption d’innocence et d’un exercice effectif des droits de la défense ».

    Il faut dire que le box des comparutions immédiates est particulièrement frappant : il s’agit d’une sorte de cellule miniature avec barreaux de fer. Dans le communiqué du SAF, il est rappelé que l’article 318 du code de procédure pénale prévoit une comparution libre sous la garde de l’escorte policière. « Nous projetons d’intervenir à l’audience correctionnelle le 22 décembre pour demander la comparution des prévenus détenus en dehors de la "cage de fer" implantée dans la salle d’audience », précise Me Julien Gautier. Le passé compte quelques précédents victorieux : en 2003, les avocats parisiens obtinrent que la vitre faciale du box de la 10e chambre correctionnelle soit remplacée par des lamelles.
    Julie Brafman

    Arguer de la lutte contre le terrorisme dans ces affaires alors que les comparutions immédiates ou correctionnelles n’ont rien à voir avec les affaires liées au terrorisme… Ça sert vraiment à tout le terrorisme c’est ça qui est pratique ! Et puis 2 millions d’euros dépensés sans état d’âme alors que les palais de justice manquent de tout, même de budget photocopies, on hallucine…
    #justice #SAF #avocats #présomption_d_innocence