• Corona Chroniques, #Jour34 - davduf.net
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    Terrible photo dans Le Monde, prise à quelques kilomètres de Paris l’opulente, dans une petite ville arpentée dans une autre vie, bien avant Avant. Je crois reconnaitre certaines tours, le talus, les arbres, et tout près de là, la ville mitoyenne, #Montfermeil, c’est le décor des Misérables, d’Hugo et de Ladj Ly, le cliché du Monde a été pris à Clichy-Sous-Bois, épicentre de la révolte populaire des quartiers en 2005 (« révolte populaire des #quartiers » : c’est ainsi que la direction centrale des Renseignements généraux avait qualifiée les trois semaines de soulèvement des banlieues françaises, le rapport avait tant amusé le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas le Pyromane, que le directeur central des RG s’était rapidement fait limoger, le service bientôt couper la tête, avant que les événements soient dépolitisés et requalifiés un peu partout en #émeutes sans cause).

    La photo montre une file d’attente sans fin, des morts-de-faim, venus chercher un sac de vivres, quelques boissons, le minimum pour s’en sortir. Le Monde raconte les destins fauchés en un Corona, l’argent qui ne rentre plus, l’intérim même plus intérimaire. A la première distribution d’aide alimentaire, « 190 personnes se sont présentées, 490 la deuxième, puis 750. » Du reportage, des noms remontent, non pas fantômes, mais tenaces, des braves et des déterminés, comme à l’époque de #Zyed et #Bouna. L’association AC Le Feu, toujours vaillante.

    (Souvenirs émus de Claude Dilain, maire de la ville, pédiatre et socialiste, si seul et si désolé deux ans après les événements, abandonné par la plupart des pontes de la rue Solférino et des bonnes âmes, parties en campagne ailleurs)

    (...)

    A 20h, #OnGifle.

    Et à minuit, nouvelles alertes de terreur. A #Villeneuve_la_Garenne, un motard percute une voiture banalisée, sur le grand boulevard central, pas loin de la mairie. Des témoins racontent : lui roulait sans casque, un policier aurait délibérément ouvert sa portière, choc, jambe explosée ; sur une vidéo, on entend des cris de douleurs, un uniforme fait un garrot à la victime, le ton monte, des rumeurs circulent. La fachosphère se croit au Maryland, et se met en ordre de bataille, ordurière, sûre d’elle et des sondages de repli qui, partout, se multiplient. Au cœur de la nuit, un jeune homme enfourche un Vélib’ et courre chercher l’information, street-reporter d’une guerre qui ne dit pas son nom. C’est Taha Bouhafs, l’intrépide.

  • Corona Chroniques, #Jour29 - davduf.net
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    A 20h, #OnGifle. A 20h02, #OnMacronne en silence. Le Président met une éternité à nous donner l’éternité. Le déconfinement, qui ne dit plus son nom, ce sera le 11 mai, dans un mois. Un mois. Un mois. Un mois.

    A 20h30, ça jacasse déjà sur tous les sites d’info. Partout, on salue l’humilité du Président. Être humble, il faut être humble, l’humilité comme seul guide : depuis des jours, ces éléments de langage se sont imposés, à droite, à gauche, comme aux extrêmes (-droite, -gauche et -centre), dans un geste barrière inespéré entre ceux qui ont le pouvoir, et qui n’ont rien fait, et ceux qui le lorgnent, et qui ne sauront quoi en faire. Dans Le Coupable, Georges Bataille (trop offensif surréaliste pour que Breton le Pape le conservât dans l’équipe) écrit : « L’orgueil est la même chose que l’humilité : c’est toujours le mensonge. »

  • Corona Chroniques, #Jour23 - davduf.net
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    Dans les #Ehpad, c’est l’hécatombe. Plus rien ni personne ne peut cacher ces morts qu’on ne saurait voir. Maintenant, on sait. Sous l’acronyme, le retour des mouroirs. Les bilans macabres doublent : 1500 morts disparus dans la journée, dont la moitié en asiles de vieux/usines à cash. Il y a ceux qui meurent de fièvre, ou d’asphyxie ; ceux qui meurent, littéralement, de chagrin — et tous : qui meurent seuls. A la radio, s’échappent parfois des pleurs d’enfants, hommes et femmes eux-mêmes parents, qui n’ont pu embrasser une dernière fois leur parent. Chaque pleur est un avertissement. Une insupportable rumeur.

    Comme par magie noire, les décomptes ne donnent pas de reportages télé à l’italienne, quand les mêmes déflagrations touchaient nos voisins. C’est la règle journalistique du mort kilométrique (qui veut, en temps normal, que plus la mort est locale, plus elle fait la manchette) qui est désormais inversée. Ici, ce soir, c’est la tchernobylisation (le nuage de morts s’est étatiquement et médiatiquement arrêté aux frontières). Je prends des nouvelles de ma mère (chez elle, la vaillante). Contre les vents mauvais, on cause de demain, de cet été, quand on sera bien.

    A 20h, #OnGifle.

  • Corona Chroniques, #Jour19 - davduf.net
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    Didier en #Lallement. Il est chez lui (à Paris, et en direct sur BFM), cassant, dominateur, sorti d’on ne sait quelle caserne d’arrogance, caporal de briefing, fixant le périphérique à ses pieds, comme on foule ses propres limites ; il expose ses rêves de puissance élargie et d’autorité étendue jusque sur la moindre route secondaire de France, de Navarre et de Virus (le message : « à ceux qui persisteraient sur leur intention stupide » de partir en vacances, « nous serons là au départ, nous serons là pendant le trajet et nous serons là à leur arrivée »). C’est morgue contre morgue, celle du préfet versus la chambre bientôt froide de nos libertés. Il a les circonstances pour lui — les exigences sanitaires — mais nous avons l’Après #Corona à sauvegarder.

    • Casquette de militaire nord-coréen

      Cerise sur le gâteau, Didier Lallement, le tristement célèbre préfet de Paris qui a choisi son camp (qui n’est pas le nôtre, comme il le répète à l’envi) y va de sa petite tirade fielleuse : « Ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés sont ceux qui, au début du confinement, ne l’ont pas respecté. » Il y a quelque chose de fascinant à voir éclore à l’air libre une saloperie chimiquement pure, à entendre la jouissance badine dans ce propos. Ce mélange de cruauté rance et de stupidité à front bas restera dans les annales. Il faudrait avoir un minimum d’empathie pour comprendre que ceux qui arrivent en suffoquant dans les services de réa aujourd’hui peuvent avoir été contaminés par leurs proches en confinement, ou en étant obligés de travailler pour faire fonctionner le pays, ou en soignant des malades. Mais Lallement est trop occupé à jubiler pour réfléchir. Et c’est à des hommes de cette trempe qu’on donne le pouvoir de faire tirer sur la foule. Emmanuel Macron, vous avez pour vous entourer un incroyable talent.

      Big up quand même à votre équipe de gestion de crise pour la conférence de presse qui suivit, où, ayant délaissé son costume Hugo Boss pour une simple chemise blanche, sa casquette de militaire nord-coréen pour une perruque blondinette espiègle qui lui donnait l’air d’un fils Le Quesnoy dans La vie est un long fleuve tranquille, son rictus habituel pour une douceur contrite, Lallement y alla de ses regrets et présenta ses excuses. Depuis l’épisode Benalla, rasé et cerclé de fines lunettes relooké en gendre idéal en langues orientales à Sciences-Po, on n’avait pas vu tel foutage de gueule.

      https://www.liberation.fr/france/2020/04/06/encore-un-peu-et-vous-serez-intubes-par-des-gynecologues_1784329