naturalfeature:la seine

  • Impatiences anarchistes
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/290619/impatiences-anarchistes

    Entre Ménilmontant et la Seine-Saint-Denis, former des communautés, remettre en cause les rapports de genre, suivre un régime végétarien strict et enfin, échapper à l’État comme au salariat. En 2019 ? Non, au début du XXe siècle, au sein de groupes de femmes et d’hommes anarchistes, lassés d’attendre le Grand Soir et auxquels le livre d’Anne Steiner, « Les En-dehors », donne corps et visages.

    #ESSAIS #anarchisme,_En_attendant_Nadeau,_Belle_époque

  • « Face à l’urgence climatique, les grandes villes doivent arrêter de se faire plaisir avec des projets expérimentaux »
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/05/30/face-a-l-urgence-climatique-les-grandes-villes-doivent-arreter-de-se-faire-p

    Canicules à répétition, risques d’inondation ou au contraire d’étiage de la Seine, pollution de l’air… En septembre 2017, Paris a adopté une stratégie globale de #résilience pour répondre à l’urgence climatique. Ce chantier est piloté par Sébastien Maire, délégué général à la #transition_écologique et à la résilience. Un nouveau métier qui a émergé dans les administrations des grandes villes du monde ces cinq dernières années.

  • L’Art Contemporain de la prospective
    https://www.dedefensa.org/article/lart-contemporain-de-la-prospective

    L’Art Contemporain de la prospective

    28 mai 2019 – Miracle, ô Miracle ! Jusqu’à vendredi 24 mai 24H00, heure officielle de clôture de la campagne Marche-En-France, la perspective d’une “victoire”, si minime fût-elle, de Marine sur Notre-Président apparaissait comme une catastrophe sans retour, une sorte de “marche sur Rome” revue-GJ, un remake de l’incendie du Reichstag transporté sur les rives de la Seine (plus facile tout de même à éteindre).

    Et puis les résultats… Et puis, plus du tout, ce résultat-là qui promettait l’apocalypse est devenu rien de moins qu’une “victoire” (une de plus) de Notre-Président. La chose est simple : en agissant comme il a fait, Macron a verrouillé l’élection de 2022 à un duel avec Le Pen au second tout, et comme Le Pen n’a aucune chance car “diabolisation” oblige... C’est (...)

  • Pollution au béton de la Seine : la région Ile-de-France suspend ses subventions
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/biens-d-equipement-btp-immobilier/pollution-au-beton-de-la-seine-la-region-ile-de-france-suspend-ses-subvent


    Un exemple de gare du RER E.
    (Crédits : DR)

    Le conseil régional d’Ile-de-France a voté, le 22 mai 2019, la suspension de ses subventions au chantier d’extension du RER E, tant que le groupe Vinci « n’a pas apporté la preuve de la remise en état » des berges de Seine de Nanterre touchées par de la pollution au béton. Le géant du BTP s’en défend.

    Des eaux chargées de résidus de béton venant d’une centrale à béton servant à alimenter le chantier d’extension du RER E. Le 24 avril dernier, visé par une plainte déposée par l’Association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) pour "abandon de déchet, rejet en eau douce de substance nuisible au poisson et destruction de frayère", Vinci reconnaissait avoir déversé ces liquides sur les berges de Seine à Nanterre et promettait avoir « mis en œuvre les mesures nécessaires pour stopper cet écoulement ».

    D’après la présidente de l’AAPPMA92, citée par l’AFP, les eaux chargées de résidus de béton rejetées dans la Seine ont cimenté « tout un pan de berge », la transformant en « un désert aquatique ».

    "Les berges, c’est l’endroit le plus intéressant pour la biodiversité, expliquait Sandrine Armirail. « L_à, vu que tout est bétonné sur le fond, il n’y a plus rien. »

    La présidente du conseil régional d’Ile-de-France Valérie Pécresse s’était alors dite « _scandalisée » par cette pollution. Le 22 mai 2019, sans attendre les résultats de l’enquête devant déterminer les responsabilités, la région a adopté en commission permanente un amendement pour suspendre ses subventions au chantier, « tant que le groupe Vinci et son sous-traitant n’auront pas apporté la preuve de la remise en état des berges de Seine et de leur écosystème ».

    Contacté par La Tribune, le géant du BTP assure avoir adressé un courrier dès le 10 mai 2019 à Valérie Pécresse dans lequel il "s’engage" à « remettre en l’état la zone concernée en lien avec la Ville de Nanterre, le Port autonome de Paris et les autorités administratives ».

  • Le Sénat supprime un article sensible du projet de loi pour Notre-Dame
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/05/23/le-senat-supprime-un-article-sensible-du-projet-de-loi-pour-notre-dame_54661


    Ouvriers, techniciens, architectes sont à pied d’oeuvre sur le chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris, dévastée par un incendie le 15 avril.
    STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

    L’article 9 devait permettre de déroger aux règles en matière d’urbanisme, d’environnement, de patrimoine, ou de commande publique.

    A l’Assemblée nationale, lors de la présentation du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, voté en première lecture, le feu couvait déjà dans les rangs de l’opposition. Ce dont rêvaient certain(e)s député(e)s, le Sénat l’a fait. « Convaincue qu’autoriser des dérogations aux règles en vigueur pour faciliter la restauration de Notre-Dame est inutile et se révélerait dangereux à la fois pour l’exemplarité de ce chantier et la crédibilité de notre législation, la commission de la culture a supprimé l’article 9 du projet de loi », a expliqué, mercredi 22 mai dans un communiqué, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de la Chambre haute. La suppression de l’article a été votée à l’unanimité moins les voix de la République en marche, le parti présidentiel.

    Le rapporteur du texte au Sénat, Alain Schmitz (Yvelines, LR), qui avait été particulièrement actif lors de l’audition par la commission, le jeudi 16 mai, du ministère de la culture et de la communication, Franck Riester, s’interroge :
    « Comment les autres propriétaires de monuments historiques pourraient-ils encore accepter de se soumettre aux dispositions de nos codes si l’Etat lui-même est autorisé à s’en affranchir pour lancer l’un des chantiers patrimoniaux les plus emblématiques ? Ce serait ouvrir une véritable boîte de Pandore ».

    Que dit l’article 9 du projet de loi ? « Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toutes dispositions (…) de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes, des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. » Ces ordonnances « peuvent prévoir des adaptations ou dérogations aux règles en matière d’urbanisme, d’environnement, de construction et de préservation du patrimoine (…), aux règles en matière de commande publique (…) ».

    Le caractère impératif de la procédure est notamment lié à l’injonction du président de la République, Emmanuel Macron, qui, dès le lendemain de l’incendie ayant gravement endommagé Notre-Dame le 15 avril, avait publiquement déclaré « [vouloir] que la reconstruction soit achevée d’ici cinq années. » Une décision hâtive, compte tenu de la méconnaissance, alors, de l’ampleur des dégâts et, donc, de la tâche à accomplir, et de sa durée.

    Tout en souhaitant « ne pas voir le ministère de la culture mis hors-jeu », la commission sénatoriale a rappelé, lors de ses échanges avec Franck Riester, comme l’avaient rappelé précédemment les député(e)s, que certaines dispositions actuelles du code du patrimoine permettent de s’adapter à des situations de nature exceptionnelle. « Face à des besoins en urgence impérieuse, nous n’avons pas le temps de faire des appels d’offres », indique Charlotte Hubert, présidente de la compagnie des architectes en chef des Monuments historiques, présente sur le site de Notre-Dame de Paris.

    Comme la loi l’y autorise, la Direction des affaires culturelles (DRAC) Ile-de-France, par l’intermédiaire de la préfecture, a d’ores et déjà réquisitionné des entreprises possédant les compétences nécessaires. Ce fut ainsi le cas pour les maîtres verriers ou les serruriers chargés de la dépose des vitraux hauts de la nef et du chœur. En pareille circonstance, un économiste, au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre, vérifie les tarifs proposés par les prestataires avant de passer commande. La prestation réalisée est aussitôt réglée.

    Dans ses attendus, la commission de la culture a également jugé nécessaire d’inscrire dans la loi une référence aux engagements de la France vis-à-vis de ses obligations internationales en matière de patrimoine. « L’architecture de la cathédrale a été déterminante pour le classement du bien “Paris, Rives de la Seine” au patrimoine mondial de l’Unesco en 1991, a rappelé sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly (Seine-Maritime, UC). Les travaux de restauration de Notre-Dame devront préserver l’authenticité et l’intégrité du bien si nous ne voulons pas prendre le risque de porter atteinte à la valeur universelle exceptionnelle de celui-ci et de perdre le bénéfice de ce classement (…) ».

    La commission a également souhaité lever l’ambiguïté quant à la nature du dispositif spécifique chargé de gérer et de contrôler l’ensemble du projet de restauration. Si, lors de son audition, Franck Riester a évoqué parmi les pistes celle d’une « maîtrise d’ouvrage gérée directement par l’administration centrale », les sénateurs, « dans un souci d’améliorer l’intelligibilité du projet de loi » souhaitent confier cette responsabilité à un nouvel établissement public dont le fonctionnement serait « encadré strictement » : soit « un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la culture » dont la maîtrise d’œuvre – ce qui est déjà le cas sur le site de la cathédrale – serait assurée sous l’autorité de l’architecte en chef des Monuments historiques.

    Au plan politique, enfin, la volonté des sénateurs de supprimer l’article 9, risque, selon Alain Schmitz, de rendre « compliqué » un accord en commission mixte paritaire (CMP). En cas de désaccord persistant lors d’un processus législatif, cette dernière réunit sept élus de chacune des deux chambres, plus éventuellement leurs présidents respectifs, qui valideront – ou pas – l’adoption du projet de loi. Le texte du projet de loi, remanié par la commission de la culture, sera examiné en séance publique par le Sénat en première lecture, lundi 27 mai.

    • Le Sénat s’attaque au projet de loi pour la restauration de Notre-Dame
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/27/le-senat-s-attaque-au-projet-de-loi-pour-la-restauration-de-notre-dame_54679

      Au Sénat, dominé par l’opposition de droite, le texte est critiqué comme « une loi d’exception » rédigée « dans la précipitation ». Le texte a déjà été largement amendé.

      Après l’Assemblée nationale, le Sénat doit examiner en première lecture, lundi 27 mai, le texte encadrant la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont charpente et flèche ont été détruites dans un incendie le 15 avril. Emmanuel Macron a assuré vendredi assumer « totalement » un « calendrier serré, volontariste ».
      […]
      Le texte a déjà été largement amendé en commission, mais les derniers propos du président de la République devraient contribuer à alimenter les débats en séance. Les sénateurs ont ainsi supprimé l’article habilitant le gouvernement à déroger si nécessaire, et dans un souci de rapidité, à certaines règles en matière d’urbanisme, protection de l’environnement, commande publique ou préservation du patrimoine.

      La restauration devra être fidèle au « dernier état visuel connu » du monument avant le sinistre, y compris la flèche, ont déjà acté les sénateurs. Un prérequis qui n’exclurait cependant pas l’utilisation de matériaux et techniques différents.

      Ce point risque de relancer dans l’hémicycle la querelle entre anciens et modernes qui a suivi l’annonce d’un concours d’architecture international pour restaurer la flèche. Vendredi, M. Macron a assuré que le chantier « redonnerait une flèche » à la cathédrale.
      Le texte habilite le gouvernement à créer par ordonnance un établissement public chargé de la conduite du chantier. Les sénateurs l’ont placé sous la tutelle du ministère de la culture.

  • La Butte Rouge : d’un grand Paris social au grand Paris immobilier
    https://chroniques-architecture.com/butte-rouge-chatenay-malabry

    Il était une fois, un idéal social. Un idéal qui voulait que chaque ouvrier puisse bénéficier d’un logement décent entouré de verdure, de culture et de services. Un idéal pour une population ouvrière qui aspirait à un loyer modeste car ne pouvant accéder au marché privé. C’est l’histoire encore aujourd’hui de la Butte Rouge de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).

    Après la 1ère guerre mondiale, Henri Sellier, maire de Suresnes et président de l’office départemental des habitations à bon marché de la Seine, prévoit la construction de 21 cités-jardins. Dans l’entre-deux-guerres, 15 seront finalement construites. Les cités-jardins préfigurent l’idée du Grand Paris de Sellier : un grand Paris social, ouvrier et vert.

    #cité_jardins #urban_matter

  • La Poste en procès pour sa sous-traitance : « On fait le même boulot, sauf qu’on souffre en permanence » (Marianne)
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/16040-la-poste-en-proces-pour-sa-sous-traitance-on-fait-le-meme-boulot-sa

    Comme vous allez le lire, ceci est encore une des conséquences de notre appartenance à l’Union Européen, et à sa concurence libre et non faussé...

    "La Poste s’appuie sur un lit de sociétés éphémères et dépendantes d’elle qui sont là pour pressuriser les employés."

    MYCHELE DANIAU / AFP

    L’entreprise publique était jugée ce lundi 13 mai devant le tribunal de Nanterre. L’affaire a été déclenchée par la mort d’un de ses livreurs, noyé dans la Seine en 2012 alors qu’il tentait de récupérer un colis. Elle met en lumière le système de sous-traitance mis en place par la société.

    Le système derrière le drame. Le 15 décembre 2012, Seydou Bagaga est mort alors qu’il transportait des colis pour La Poste. En livraison sur une péniche, ce Malien de 34 ans a plongé dans la Seine pour récupérer un des (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • Commerces, cafés, incubateur d’entreprises… Comment l’Hôtel-Dieu va être transformé, Grégoire Allix
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/17/commerces-cafes-incubateur-d-entreprises-comment-l-hotel-dieu-va-etre-transf
    le projet du développeur immobilier Novaxia pour rénover l’Hôtel-Dieu NOVAXIA

    L’AP-HP a choisi jeudi le projet du développeur immobilier Novaxia pour rénover l’hôpital parisien, à deux pas de Notre-Dame.

    Sur l’île de la Cité, l’Hôtel-Dieu ne sera bientôt plus uniquement un hôpital. Des terrasses de cafés et de restaurants dans les cours, un jardin central ouvert à la promenade, des commerces… A deux pas de la nef mutilée de Notre-Dame, son austère et imposant voisin se prépare à une spectaculaire métamorphose. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), propriétaire de ce site de 2,2 hectares entre le parvis de la cathédrale et le quai de la Seine, va en confier plus du tiers à des investisseurs privés. Jeudi 16 mai, le jury présidé par le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, a choisi le groupement chargé de réinventer ce patrimoine hospitalier.

    Lauréat de l’appel à projet, le développeur immobilier Novaxia va bénéficier d’un bail à construction lui confiant l’usage de 21 000 mètres carrés bordant le parvis de la cathédrale pour quatre-vingts ans, moyennant un loyer total de 144 millions d’euros. En comptant les travaux, l’investissement atteint 300 millions d’euros. « Nous sommes fous de joie, c’est un lieu mythique, le berceau de Paris », se félicite Joachim Azan, le président de Novaxia.

    Sur le modèle des concours Réinventer Paris, le programme était libre et les candidats invités à former des groupements réunissant promoteur, investisseurs, architectes, exploitants, pour proposer un contenu et une offre financière. Le site avait aiguisé les appétits : Novaxia l’a emporté face à Bouygues, Eiffage, Emerige et Quartus. Créée en 2006, la société a connu une croissance exponentielle (+ 223 % entre 2014 et 2017) en se spécialisant dans la transformation immobilière et la valorisation de sites complexes.

    Trois pôles
    « Nous avons cherché à créer un lieu d’échange, à faire se rencontrer différents univers et pas simplement à juxtaposer plusieurs pôles », décrit M. Azan. Autour de trois grandes cours et du jardin de l’Hôtel-Dieu bordé de galeries aux arcades florentines, Novaxia prévoit d’installer d’ici à 2025 trois pôles d’activités, au gré d’un lifting du bâtiment signé par l’architecte Anne Démians avec le concours de l’architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier. L’Hôtel-Dieu n’est pas classé, mais la proximité de Notre-Dame le place sous le contrôle des architectes des bâtiments de France (ABF). En janvier, un premier jury avait renvoyé les candidats à leur planche à dessin pour avoir pris trop de liberté avec le monument.

    Premier pôle : le gestionnaire d’actifs Amundi implantera, dans les rez-de-chaussée, des commerces, des cafés, un restaurant gastronomique et un « food court solidaire », en espérant bien capter une partie des 13 millions de visiteurs annuels de Notre-Dame. Au moins une des cours intérieures sera couverte par une verrière pour accroître la surface utile de ces espaces commerciaux. « On ne veut pas de grandes enseignes mondialisées, la priorité ira au made in France, à l’artisanat, aux circuits courts », assure M. Azan. La Ville de Paris et l’AP-HP garderont un droit de regard sur le choix des enseignes.
    Le deuxième pôle, autour de la santé, associera sur 10 000 mètres carrés un incubateur de laboratoires de biotechnologies et d’entreprises du secteur médical, un espace de coworking sur l’intelligence artificielle, un auditorium et se veut un lieu de rencontre entre hôpital et secteur privé, médecins, chercheurs, entrepreneurs, financiers… Porté par l’incubateur américain Biolabs, qui y installera son siège européen, ce « cluster » veut créer un « écosystème » unique en France entre recherche publique et privée. « Il faut atteindre une taille critique pour attirer des investisseurs du monde entier », explique le président de Novaxia.

    Troisième axe enfin : un pôle habitat et services, avec une crèche, une résidence étudiante et une « maison du handicap », sera développé par Toit et joie, un bailleur social du groupe La Poste.

    « C’est un projet qui respecte le patrimoine, crée une synergie avec l’hôpital, ouvre le site sur la ville et va diversifier le public de ce quartier très touristique et redynamiser l’île de la Cité », apprécie l’adjoint de la maire de Paris chargé de l’urbanisme, Jean-Louis Missika, qui faisait partie du jury. Avant que ce programme voit le jour, la municipalité doit lancer une enquête publique d’ici à la fin de 2019, pour modifier son plan local d’urbanisme et le faire approuver en Conseil de Paris. Un vote qui n’aura sans doute lieu que sous la prochaine mandature.

    « Hôpital du XXIe siècle »
    Dans l’intervalle, l’AP-HP va pouvoir démarrer le chantier de restructuration de la partie du site appelée à rester un hôpital. Un projet de refonte hospitalière tourné vers les publics précaires et le traitement des maladies chroniques, avec un service d’accueil des urgences, un plateau de consultation pluridisciplinaire, un pôle de psychiatrie et un autre de santé publique.
    « Ce sera notre premier hôpital du XXIe siècle : ouvert sur la ville, faisant se rencontrer soins et entrepreneuriat , mélangeant les activités. Je suis très heureux d’avoir résisté à tous ceux qui voulaient purement et simplement vendre l’Hôtel-Dieu comme à ceux qui voulaient le refaire à l’identique, alors qu’il ne correspond plus à l’offre de soins nécessaire à Paris », revendique Martin Hirsch. Le dossier est sensible : en 2013, le projet de transformation de l’Hôtel-Dieu en siège de l’AP-HP avait coûté son poste à la prédécesseure de M. Hirsch, Mireille Faugère.

    L’AP-HP va investir 100 millions d’euros pour financer cette transformation et rénover le bâtiment. Les cours, envahies au fil des décennies de constructions hétéroclites, vont être « nettoyées » pour laisser place à des bâtiments discrets et fonctionnels, équipés pour accueillir les activités médicales. Les ailes historiques, elles, recevront les fonctions support, les activités de recherche, la pharmacie centrale…

    Difficile de lancer ce chantier en fanfare alors qu’à quelques mètres Notre-Dame expose ses blessures. L’AP-HP et Novaxia ont proposé de mettre des espaces à la disposition de l’archevêché pour accueillir des pèlerins ou pour des événements culturels, le temps que leur projet se concrétise. Exit en revanche l’idée d’un centre d’accueil permanent des visiteurs de la cathédrale, avec librairie et centre de conférence, défendue notamment par le président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval. Oubliée aussi la proposition portée par Jean Deleuze, rédacteur en chef de La Revue du praticien et médecin à l’hôpital Cochin, de recréer dans l’Hôtel-Dieu un grand musée d’histoire de la santé, que l’AP-HP a fermé en 2012 pour vendre l’hôtel particulier qui l’abritait. Place à l’avenir, les collections resteront dans leurs cartons.

    #Ville_de_Paris

  • Essonne : sur la route, des drones traquent les motards (Le Parisien)
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/16025-essonne-sur-la-route-des-drones-traquent-les-motards-le-parisien

    Ces petits appareils volants ont été utilisés ce mardi sur l’A126, reliant l’A6 et l’A10 vers Wissous, pour permettre des contrôles routiers. En deux heures, 64 infractions ont été enregistrées. À la clé, un PV de 135 euros et trois points en moins pour les motards !

    Des pilotes de deux-roues qui remontent une file de voitures ignorant la ligne blanche, sans se soucier des véhicules arrivant à contresens… Ce mardi, pour la première fois dans l’Essonne, une opération de contrôle a été mise en place sur l’A126, cet axe reliant l’A6 et l’A10 à hauteur de Wissous, avec l’appui de drones pour traquer les comportements dangereux des motards. Ces engins volants, capables de filmer à plus d’un kilomètre de distance, avaient déjà été utilisés ces derniers mois pour verbaliser dans le Val-d’Oise, la Seine-et-Marne et (...)

  • Comme certaines et certains boycottent FB ici, je me permets parfois de retranscrire ds contributions quand je les trouve utiles :

    Un témoignage d’Eric Lenoir signalé par notre copine Emma Walter

    On me demande de trier ce que l’on me force à acheter emballé.

    On me demande d’acheter des ampoules basse consommation et d’éteindre ces ampoules qui ne consomment rien alors que je vois fleurir partout des écrans publicitaires lumineux, qui fonctionnent 24h/24 et consomment autant qu’une famille.

    On m’interdit le glyphosate pour ma cour alors que des millions d’hectares en sont aspergés sur ma nourriture.

    On met ma voiture fonctionnelle pour bosser au rencard parce qu’elle pollue un peu trop mais on agrandit les aéroports.

    On me demande de consommer local et sain tout en signant des traités qui permettent l’importation massive de denrées de mauvaise qualité à bas coût qui envahiront les étals et les plats des cantines de mes enfants.

    On me demande d’arrêter de boire de l’eau en bouteille mais l’eau à mon robinet est polluée, et Nestlé peut légalement assoiffer Vittel.

    On me demande de limiter mes déplacements quand l’air est irrespirable, mais on autorise encore ce qui le sature de poisons.

    On me demande d’arrêter le feu de bois pour ne plus émettre de particules fines, mais je vois passer des avions pleins de touristes survoler des champs recevant des engrais volatils.

    On augmente le prix de mon carburant qui me sert à travailler ou déplacer mes enfants dont l’école est lointaine, mais les bateaux qui amènent les biens inutiles depuis la Chine le font avec un carburant détaxé en polluant à chaque voyage autant que le parc automobile mondial.

    On me demande de comprendre qu’il est normal d’attendre aux urgences des infirmiers et médecins épuisés et rares car on n’a plus d’argent, et l’on déploie des forces de polices inouïes qui coûtent des millions pour juguler toute contestation sociale.

    On me dit de ne pas boire trop d’alcool et de ne pas fumer parce que c’est cancérigène, mais on me vend encore alcool et cigarettes en prélevant des taxes dessus.

    On me dit que je coûte trop cher à l’État quand je suis malade d’un cancer, mais on installe la 5 G, on n’a pas encore fait la liste des produits émis par l’industrie, on n’a pas encore testé la nocivité de 90% des ingrédients des produits ménagers et cosmétiques du quotidien.

    On m’interdit de manger le poisson de la Seine parce qu’il est dangereusement pollué aux PCB, mais on vend partout celui pêché à son estuaire, où les mêmes polluants sont bien plus concentrés.

    On me dit que mon élevage est non conforme aux normes de bien-être animal , alors qu’on m’a subventionné pour le construire ainsi et que je suis endetté pour une vie de l’avoir ainsi réalisé, conformément aux souhaits du législateur et de la chambre d’agriculture.

    On m’accuse d’être un monstre parce que j’élève du bétail, mais on hurle dès qu’on coupe une haie ou que disparaît le bocage.

    On me demande d’être à jour de mes cotisations sans retard, mais on en invente toujours plus, tout en rendant les aides auxquelles j’ai droit toujours plus difficiles à obtenir, en ne les distribuant qu’avec un retard parfois effarant.

    On me demande de faire barrage à l’extrême-droite et de soutenir la démocratie, quand celle-ci tabasse ses manifestants et noie les migrants à ses frontières pour ne pas les voir arriver sur son sol.
    On me demande d’obéir, alors que chaque jour je vois que les puissants ne le font pas.

    On me demande de payer des impôts dont les plus grandes entreprises parviennent à s’affranchir.

    On demande à ma famille d’être un ensemble de consommateurs responsables, mais on l’assomme de messages publicitaires incessants pour l’inciter à acheter de la merde, des aliments mauvais, des marchandises inutiles ou destructrices.

    On me demande d’être en règle sur tout, mais on m’a privé d’interlocuteurs en chair et en os pour y parvenir, en les remplaçant par des robots ou des algorithmes auxquels je ne comprends rien.

    On me demande de vieillir sans emmerder personne et en continuant de consommer aussi tard que possible, mais on rend ma vieillesse terrible à force de dénuement, de peur d’un monde qui court et d’isolement.

    On me demande d’être compétitif, mais on ne me dit pas en quoi j’en vivrai mieux, et je n’en profite pas.

    On me demande de travailler à n’importe quel poste, pourvu que je puisse consommer, mais on ne punit pas les entreprises géantes qui détruisent les emplois tout en ayant touché aides et subventions, tout en ayant été affranchies des taxes locales que payent les petits entrepreneurs locaux qui, eux, créent plus d’emplois proportionnellement à leur chiffre d’affaires.

    Dès lors, pourquoi ferais-je un quelconque effort ? Pourquoi changerais-je ma façon de faire tandis qu’on me méprise, qu’on ne m’écoute ni me comprend, tandis qu’on laisse faire à d’autres des choses dix fois pires que les pires que je pourrais commettre, et qu’on me rend la vie bien plus compliquée qu’à eux tout en continuant de les enrichir ?

    Peut-être par civisme, par conviction, par citoyenneté consciente.
    Parce que je ne veux pas laisser le déchet d’une vie dégueulasse pour avenir à ceux qui me suivent.

    Mais, nom de dieu, qu’il m’est insupportable de devoir tolérer que la rigueur et le civisme doivent être majoritairement supportés par le petit peuple, les classes moyennes et supérieures basses tandis que les tenants du reste de la puissance économique peuvent à ce point s’en affranchir.

    Qu’on se nappe de jaune fluo, de vert ou de rien du tout, l’enjeu social actuel pour lequel nous nous battons est celui-ci : établir ou rétablir l’équité. Et notre société n’est actuellement équitable ni face aux services publics, ni face aux enjeux environnementaux.

  • Vinci reconnaît avoir déversé des eaux polluées dans la Seine
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/04/24/vinci-reconnait-avoir-deverse-des-eaux-polluees-dans-la-seine_5454284_3244.h

    Le géant du #BTP #Vinci, visé par une plainte déposée par une association de pêche et de protection de la nature, a reconnu mercredi 24 avril avoir déversé des eaux chargées de résidus de béton sur les berges de la Seine à Nanterre.

    Un garde-pêche a repéré l’écoulement le 19 mars, lors d’une promenade de routine, a rapporté l’Association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA), confirmant une information d’Europe 1.

    Le déversement provenait d’une centrale à béton, propriété de Vinci Construction, servant à alimenter le chantier Eole d’extension du RER E vers l’ouest parisien. Le point de sortie des eaux sales « était bien caché » et facilité par « une ouverture dans le grillage », a déclaré à l’AFP Sandrine Armirail, directrice de la Maison de la pêche et de la nature et présidente de l’AAPPMA 92. L’association a déposé plainte pour « abandon de déchet, rejet en eau douce de substance nuisible au poisson et destruction de frayère ».

    #pollution #pollueur

  • Entre douleur et délire, les cathos se sentent aimés - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2019/04/19/entre-douleur-et-delire-les-cathos-se-sentent-aimes_1722477

    Si les croyants ont vu dans l’incendie de Notre-Dame un signe funeste, ils ont aussi été rassurés par la réaction de la population et des politiques de tous bords.

    Entre douleur et délire, les cathos se sentent aimés

    Plusieurs jours après l’incendie ravageur, l’émotion étreint encore. « Nous avons vécu un traumatisme », n’hésite pas à dire Priscilla. Lundi soir, tandis que les premières flammes dévoraient les combles et la toiture de la cathédrale, la quinquagénaire sortait à peine de son bureau de la maison diocésaine, rue du Cloître-Notre-Dame, tout près de l’édifice. Trois heures durant, elle n’a pu détacher ses yeux du brasier, envoyant à intervalles réguliers des photos et des nouvelles à la directrice de la communication du diocèse, Karine Dalle, et à l’archevêque de Paris, Michel Aupetit(lire ci-contre).

    Chaque catholique, cette nuit-là, a eu peur. « Je me suis couché lorsqu’on a appris à la télévision que la cathédrale était sauvée », raconte l’avocat Jean-Pierre Mignard. « Nous avons tous ressenti une émotion difficilement contrôlable », appuie de son côté l’éditeur Marc Leboucher. Il y a ceux qui se sont mis à prier. Parfois même sur les ponts de la Seine, gardant à portée de regard, dans la nuit, les deux tours encore debout, indifférents aux caméras du monde entier qui retransmettaient en direct les dernières nouvelles de la catastrophe.

    Alors, ce soir du 15 avril, devant le brasier, un immense fatalisme a d’abord prédominé chez les catholiques. De quoi l’effondrement de la flèche construite au XIXe siècle par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc était-il le signe ? « Nous avons eu le sentiment que tout pouvait s’écrouler. La cathédrale brûlait, rien ne nous était épargné », raconte Erwan Le Morhedec, alias « Koz », un catholique très influent sur les réseaux sociaux.
    « Dramatisation »

    Etait-ce le signe avant-coureur de la fin de l’Eglise catholique en France ? L’incendie, comme l’aboutissement de mois horribles ? Confronté à la crise des abus sexuels, le catholicisme français n’en finit pas de trembler sur ses bases, secoué par les procès, la condamnation du cardinal Philippe Barbarin, les révélations sur les viols commis à l’encontre de religieuses ou encore le dévoilement de l’homosexualité des prélats du Vatican. Pour beaucoup, la date de l’incendie a aussi un sens. « Lundi, c’était le début de la semaine sainte, contribuant à la dramatisation de l’événement », remarque Marc Leboucher. A l’extrême, certains ont même évoqué un temps de persécution, se référant à la vague de profanations d’églises qui a eu lieu ces derniers mois, voire, dans une vision très apocalyptique, à une gigantesque bataille entre le bien et le mal. « J’ai quand même l’impression que ces lectures-là sont marginales », tempère Marc Leboucher.

    Mais l’affliction née de la catastrophe s’est aussi doublée d’une certaine consolation. Notre-Dame, ce n’est pas seulement un lieu de culte catholique. Loin de là, comme l’a montré l’émotion qui a saisi l’opinion face au brasier. La preuve vivante et spontanée que par son histoire, la cathédrale de Paris incarne une sorte d’« église de la nation ». « L’affection portée à Notre-Dame est multiple. Chacune s’alimente à différentes sources et chacune est légitime », reconnaît Jean-Pierre Mignard. Même le très laïc Jean-Luc Mélenchon a communié : « L’incendie de Notre-Dame poignarde l’esprit de tous », tweetait-il.

    Lundi soir, contenant ses larmes, le recteur de la cathédrale, Patrick Chauvet, est apparu aux côtés de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qu’il appelait par son prénom. Dans ses heures sombres, la République se tenait aux côtés de l’Eglise. La détresse des catholiques, c’était celle de la France tout entière. Erwan Le Morhedec : « Je me suis dit alors que l’Eglise catholique n’était pas, cette fois-ci, associée à quelque chose de négatif. Quelque chose demeurait qui pouvait nous rassembler, le catholicisme n’était pas encore arrivé à un point de rejet total. »
    « Frustrés »

    De fait, a posteriori, l’incendie du 15 avril apparaît comme un moment où le catholicisme, vilipendé et marginalisé, a réintégré le récit national. En cinquante ans, l’Eglise catholique a vécu une révolution silencieuse. Les temps de la chrétienté étant désormais révolus, elle est entrée dans une culture de la minorité. « Ce qu’on a vu, ces derniers jours, c’est que le catholicisme demeure encore un registre d’expression du sentiment national », estime le sociologue Yann Raison du Cleuziou. « Pour les catholiques, cela a été un soulagement, poursuit la sociologue des religions Céline Béraud. Ces milieux sont souvent frustrés du manque de reconnaissance de ce qu’ils apportent à la société. »

    Politiquement, le moment est quand même périlleux. A l’instar d’un Philippe de Villiers qui dit dans l’hebdomadaire conservateur Famille chrétienne que l’incendie est « un signe que la France peut mourir », les milieux identitaires catholiques ont la tentation de ressusciter la rhétorique polémique et exclusiviste des racines chrétiennes. Sans trouver encore réellement d’écho. L’obsession identitaire se focalise sur la question d’une reconstruction à l’identique de la cathédrale, défendue toutes griffes dehors par les très catholiques Laurent Wauquiez et François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux élections européennes. « Une droite catholique essaie de prendre le train en marche, remarque Yann Raison du Cleuziou. La réaffirmation des racines chrétiennes est une manière pour elle de contrer la marginalisation sociale du catholicisme. »

    Prudemment, soucieuse de ne pas se faire récupérer, la hiérarchie épiscopale se tient à l’écart de ces débats. Pour elle (et la majorité de ses ouailles), loin des instrumentalisations politiques, le véritable enjeu qui se joue ces temps-ci est que le catholicisme demeure vivant. Le vrai drame serait qu’il ne soit plus qu’un patrimoine culturel. Avec le risque d’être réduit en cendres en quelques heures…

    #catholicisme

    • A Paris, un projet spectaculaire pour l’île de la Cité, 2016
      https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/A-Paris-un-projet-spectaculaire-pour-l-ile-de-la-Cite-833143

      Le parvis de Notre-Dame recouvert d’une immense dalle de verre au-dessus de la crypte archéologique ; aux pieds de la cathédrale, un débarcadère et des plates-formes flottantes accueillant piscine, cafés, restaurants, salles de concert ; le long de la Seine, une longue promenade végétalisée, débarrassée des voitures, reliant les pointes aval et amont de l’île ; deux nouvelles passerelles qui franchissent le fleuve ; un peu partout, des verrières, des passages couverts, des galeries souterraines, des atriums en sous-sol…

      Voilà quelques-unes des 35 propositions – spectaculaires – contenues dans le rapport remis vendredi soir au président de la République et à la maire de Paris dans les salons de l’Élysée. Ce document de 56 pages, que le JDD a consulté en avant- première, a été rédigé par l’architecte Dominique Perrault (le concepteur de la BNF, à Paris) et le président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval. Le tandem avait reçu en décembre 2015 une lettre de mission de François Hollande, « en accord avec Mme Anne Hidalgo », demandant une vision de l’île de la Cité « à l’horizon des vingt-cinq prochaines années ». Dans la lignée des grands projets présidentiels…

  • Profession : chargeur de trottinettes, dernier-né des petits boulots de l’ubérisation
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/09/profession-chargeur-de-trottinettes-dernier-ne-des-petits-boulots-de-l-uberi

    Yacine, 39 ans, est chargeur de trottinettes, ou « juicer » – juice signifie électricité en argot anglais. Un nouveau petit boulot de l’ubérisation – la mise en relation, par des plates-formes numériques, de clients et d’indépendants – apparu en France à l’été 2018, quand des sociétés (sept aujourd’hui) ont commencé à semer leurs trottinettes électriques en libre-service dans les villes. Depuis novembre 2018, Yacine travaille pour l’entreprise américaine Lime, la marque au citron. Il n’est pas salarié, mais autoentrepreneur. Il ne reçoit pas de fiche de paie, mais une rémunération journalière qui dépend du nombre de trottinettes collectées dans la journée, rechargées à son domicile la nuit et redéployées au petit matin.

    Yacine n’a pas de patron, si ce n’est l’algorithme de l’application Lime sur son smartphone. C’est l’appli qui donne la marche à suivre : où trouver les trottinettes, où les replacer, combien elles rapportent (entre 5 et 6 euros l’unité). C’est aussi elle qui lui attribue une note de satisfaction dont dépend le nombre maximal de trottinettes qu’il est autorisé à recharger chaque jour. Un couac, un retard, et ce plafond baisse. La paye aussi.

    #Travail #Uberisation #Jobs_à_la_con #Autoentrepreneur #Néomanagement #Algorithmes

    • lemonde.fr
      Profession : chargeur de trottinettes, dernier-né des petits boulots de l’ubérisation
      Stéphane Lauer éditorialiste au « Monde »
      8-11 minutes

      Économie
      Où va le travail ?

      Avec le déploiement des trottinettes électriques en libre-service dans les villes, un nouvel emploi est apparu : celui de « juicer », ou chargeur de trottinettes.

      Par Aurélie Collas Publié le 09 mars 2019 à 08h40 - Mis à jour le 09 mars 2019 à 08h40

      Lecture 5 min.

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      Yacine est « juicer », ou chargeur de trottinettes électriques, à Paris.
      Yacine est « juicer », ou chargeur de trottinettes électriques, à Paris. CYRIL ABAD POUR "LE MONDE"

      A bord de sa camionnette blanche, Yacine quitte Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, pour rejoindre le centre de la capitale. Il est 14 heures, jeudi 21 février, et sa journée de travail commence : six heures de chasse aux trottinettes que les usagers ont laissées à moitié déchargées, ici ou là, au détour d’une rue. Six heures à tourner dans les artères de la ville comme un poisson dans un bocal. Saint-Michel, Raspail, Saint-Germain, puis encore Saint-Michel, Châtelet, Rivoli…

      Yacine, 39 ans, est chargeur de trottinettes, ou « juicer » – juice signifie électricité en argot anglais. Un nouveau petit boulot de l’ubérisation – la mise en relation, par des plates-formes numériques, de clients et d’indépendants – apparu en France à l’été 2018, quand des sociétés (sept aujourd’hui) ont commencé à semer leurs trottinettes électriques en libre-service dans les villes. Depuis novembre 2018, Yacine travaille pour l’entreprise américaine Lime, la marque au citron. Il n’est pas salarié, mais autoentrepreneur. Il ne reçoit pas de fiche de paie, mais une rémunération journalière qui dépend du nombre de trottinettes collectées dans la journée, rechargées à son domicile la nuit et redéployées au petit matin.

      Yacine n’a pas de patron, si ce n’est l’algorithme de l’application Lime sur son smartphone. C’est l’appli qui donne la marche à suivre : où trouver les trottinettes, où les replacer, combien elles rapportent (entre 5 et 6 euros l’unité). C’est aussi elle qui lui attribue une note de satisfaction dont dépend le nombre maximal de trottinettes qu’il est autorisé à recharger chaque jour. Un couac, un retard, et ce plafond baisse. La paye aussi.
      Etudiants ou salariés en quête d’un complément de revenu
      Yacine vient de récupérer deux trotinnettes à recharger.
      Yacine vient de récupérer deux trotinnettes à recharger. CYRIL ABAD POUR "LE MONDE"

      A voir les cernes dissimulés dans l’ombre de sa casquette, le boulot est éreintant. « On finit tard le soir, on commence tôt le matin, raconte ce père de trois enfants. Et puis c’est physique. Les trottinettes pèsent 20 kg. Je me suis musclé depuis que je fais ça ! »

      Ses efforts, dit-il, sont « récompensés » chaque matin, lorsqu’il reçoit son dû. Quarante trottinettes – son plafond actuel – rapportent à Yacine autour de 200 euros par jour, auxquels il faut soustraire les charges : l’amortissement du camion (acheté 3 500 euros), l’assurance, l’essence, l’électricité, les cotisations… A la fin du mois, il lui reste environ 1 800 euros.

      A 15 heures, l’application indique une trottinette déchargée sur un trottoir entre le pont des Arts et le pont du Carrousel. Yacine cherche à se garer, ne trouve qu’un arrêt de bus, met ses feux de détresse. Il risque une contravention, mais pas le choix. Le stationnement gênant fait partie des risques du métier dont il doit endosser l’entière responsabilité : « Si je ne fais pas ça, je ne travaille pas. » Arrivé au lieu indiqué, Yacine scanne le code de la trottinette. 5,80 euros dans la tirelire.

      Direction ensuite le boulevard Raspail, où deux trottinettes ont les batteries à plat. La première lui passe sous le nez : un autre « juicer » est en train de la monter dans son fourgon. La seconde a déjà filé. La concurrence entre chargeurs est de plus en plus forte à mesure que leur nombre s’accroît.

      « Ce job permet de travailler dehors, d’être libre de son temps, de ne pas avoir de patron »

      Mais Yacine reste positif. « Faut pas se mentir, il n’y a pas que des inconvénients », assure-t-il. A 17 heures, de passage sur les quais, il sourit en contemplant les monuments longeant la Seine : « Voilà, c’est mon bureau ! » Yacine aime Paris et conduire. « Ce job permet de travailler dehors, d’être libre de son temps, de ne pas avoir de patron », explique-t-il.

      Son CV accumule les expériences d’autoentrepreneur : marchand, gérant d’un food truck, conducteur de taxi… En novembre 2018, lorsqu’il a entendu parler de l’activité de « juicer », il était au chômage. « C’est venu au bon moment, dit-il. Au début, Lime payait sept euros la trottinette. Je gagnais bien, j’envisageais de me développer, de prendre quelqu’un. » Mais loi de l’offre et de la demande oblige, le prix a baissé. « Sept euros, c’était honnête. Cinq euros, c’est juste. Je pense chercher autre chose. »

      En réalité, peu de chargeurs de trottinettes vivent de cette activité. Beaucoup sont étudiants ou salariés à la recherche d’un complément de revenu. C’est le cas de Yazid, gardien d’immeuble. « Je fais ça quand je peux, quand je vois quelques trottinettes le soir dans le quartier, raconte-t-il. Je prends ma voiture, j’en mets cinq dans le coffre et les branche dans le salon. » Montant du gain : 25 à 30 euros par nuit. « Ça évite d’être dans le rouge. »
      « Je ne pense pas qu’on puisse en vivre »

      « Au début, c’était amusant, comme lorsqu’on cherche des Pokémon dans le jeu Pokémon Go ! », explique Jason. Sauf que cet étudiant n’a pas trouvé de « nid » (zone de dépôt) près de chez lui pour replacer les trottinettes le matin. Il a laissé tomber au bout d’un mois.

      Anis, un chômeur de 22 ans, conclut, à l’issue de trois mois d’expérience, à une « super arnaque » : « Une fois payés la location du camion, du local pour charger les trottinettes, le plein d’essence, il ne restait quasiment rien des 100 euros que j’avais gagnés dans la journée. »
      Chaque nuit, sur le parking de son immeuble à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), Yacine recharge dans son camion plus de 40 trottinettes.
      Chaque nuit, sur le parking de son immeuble à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), Yacine recharge dans son camion plus de 40 trottinettes. CYRIL ABAD POUR "LE MONDE"

      « Cette activité ne me choque pas tant qu’elle reste un job d’étudiant, estime Grégoire Leclercq, cofondateur de l’Observatoire de l’ubérisation. Le problème, c’est quand on la propose à des gens qui cherchent un revenu décent. Là, on les piège. D’abord, parce qu’à l’exception d’une minorité qui industrialise l’activité, je ne pense pas qu’on puisse en vivre. Ensuite, parce que ces personnes n’ont pas la protection sociale qu’offre un contrat de travail. »

      « Toutes les sécurités constitutives du droit du travail n’existent pas pour ces gens-là »

      Pas de mutuelle, pas de chômage, pas de congés payés, pas de salaire minimum, pas d’indemnisation en cas de maladie ou d’accident du travail… « Toutes les sécurités constitutives du droit du travail n’existent pas pour ces gens-là », renchérit Karim Amellal, auteur de La Révolution de la servitude (Demopolis, 2018). Pour les sociétés du secteur, le recours à des indépendants permet de disposer d’une main-d’œuvre à moindre coût. Contacté, Lime n’a pas donné suite à nos sollicitations.

      Il est 20 heures. Dans le centre de Paris, le trafic des livreurs Deliveroo à vélo et des chauffeurs privés bat son plein. Yacine s’arrête à Châtelet et fait le bilan. Il a trente-deux trottinettes dans son camion. Il arrivera à atteindre les quarante en en ramassant quelques-unes sur le chemin du retour. Chez lui, il lui faudra une bonne demi-heure pour installer les branchements électriques. Puis il se réveillera à 4 h 30 pour déposer les trottinettes avant 7 heures dans Paris… et ainsi de suite, jusqu’à trouver une activité plus rentable.

      Le secteur, en tout cas, va continuer à se développer : un huitième opérateur vient d’annoncer, jeudi 7 mars, le déploiement de huit cents trottinettes à Paris, et d’autres sociétés devraient encore suivre.

      Aurélie Collas

  • Le tragique destin des « Recluses » de Bordeaux
    https://www.bordeaux-gazette.com/le-tragique-destin-des-recluses-de-bordeaux.html

    Sur l’actuelle place Gambetta, lorsque vos pas vous mènent à l’angle de la rue Judaïque et de la rue du Palais-Gallien, vous êtes tout près de la « Chapelle de la Recluse Saint Ladre » (Saint Lazare) construite au IXème siècle et détruite en 1452 par le Comte anglais John Talbot qui démolit une grande partie du quartier lors de son siège de Bordeaux, avant d’y entrer avec ses troupes.

    La « Mode » des Recluses

    Au Moyen-âge le phénomène des recluses était très répandu. Chaque grande ville en possédait. Installées à Paris sur la rive gauche de la Seine et dans le cimetière des Innocents, elles sont aussi à l’époque une bonne dizaine à Lyon. A Bordeaux, il y’en aura trois en même temps au XIIIème siècle, à Saint Ladre, dans la paroisse de Saint Eloi dont la demeure bordait la rue Saint-James et aussi dans la paroisse Puy-Paulin.
    Exilées aux portes des cités, « sentinelles » spirituelles, la plupart du temps issues des classes populaires, pauvres et affectées soit d’une maladie, soit d’un deuil, en somme des personnes n’ayant plus grand-chose à perdre. Comment donc espérer pour ces femmes ou hommes déjà pauvres, devenir saints et faire vœu d’humilité si ce n’est en se privant de tout et en sacrifiant leur vie même.

    La vie des « Recluses »

    Les « recluseries » étaient des petites loges situées à l’entrée des bourgs ou des villes, hors de l’enceinte et souvent sur des ponts. La personne qui consentait à y vivre, s’y enfermait, demeurait seule et n’en sortait qu’à l’état de cadavre. La Recluse (ou le Reclus) était là pour prier Dieu, afin d’épargner à la cité tous les maux (guerres, famines, épidémies), de quoi à l’époque rassurer les habitants, grâce à cette protection surnaturelle.
    La séquestration dans un cube de maçonnerie humide et étroit, souvent envahi par le froid, l’impossibilité de s’y mouvoir, sont le lot de la recluse, elle n’a de nourriture que ce qu’on voudra bien lui porter et se trouve réduite à converser à travers une grille avec ceux qui veulent bien lui faire l’aumône de la parole. Très souvent, elle ne résiste pas très longtemps à de telles conditions de vie. L’aspiration au sacrifice, l’utilité de la souffrance pour obtenir les récompenses célestes ont cependant à l’époque fait germer les « recluseries ».
    Extrait du plan de Bordeaux en 1450
    Le choix des « Recluses »

    Les recluseries recevaient indistinctement hommes ou femmes, les plus méritants l’emportant ! Le plus souvent il s’agissait de femmes, très souvent des veuves qui semblaient résister bien davantage que les hommes. Une lente torture solitaire exigeant certainement une foi profonde et austère pour aller jusqu’à l’abandon de soi en vue d’une mort sainte et désirée, ainsi peut peut-être s’expliquer une abnégation religieuse bien étrange de nos jours, mais tout à fait admise au XIIIème siècle.
    Très peu de choses de cette époque restent encore visibles à Bordeaux, si ce n’est une niche dans un coin de mur à pan coupé, à l’angle de la rue Judaïque et de la rue du Palais-Gallien (qui s’est d’ailleurs appelée auparavant rue de la Croix de l’Epine) et une impasse (Saint-Lazare) qui donne dans cette même rue, un peu plus loin sur la gauche.

    Source : Contes et Légendes du Vieux Bordeaux Michel Colle.

    #historicisation #recluses #femmes

    • Le résumé parle plutot de l’araignée recluse Loxosceles reclusa , une espèce à la morsure mortelle. Vu le contexte de l’orphelinat j’imagine qu’il y a peut etre une recluserie dans l’intrigue. J’ai jamais lu Fred Vargas, merci pour le conseil @vuca

    • Tant qu’on parle de recluses, j’ai réalisé il y a peu que c’est ainsi qu’est morte Erzsébet Báthory , la comtesse sanglante des Carpates.

      La fiche wikipédia est assez vague sur ce point,

      Élisabeth, jamais poursuivie au tribunal, reste assignée à résidence dans une seule pièce de son château et ce jusqu’à sa mort.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_B%C3%A1thory#Derni%C3%A8res_ann%C3%A9es_et_mort

      Mais d’autres sources parlent bien de réclusion forcée

      La condition nobiliaire d’Élisabeth lui permit d’échapper à son procès, mais pas aux foudres de la justice. Le tribunal la condamna à la réclusion perpétuelle dans une pièce de son château où ne pénétraient ni l’air ni les rayons du soleil. Elle ne communiquait avec le monde extérieur qu’à travers une petite fente, par laquelle on la ravitaillait en pain et en eau.

      Voyant que ses forces déclinaient, Élisabeth rédigea son testament en juillet 1614, en présence de ses geôliers. Elle mourut le 21 août de la même année. Il fut question de l’inhumer dans l’église de Cˇachtice, mais les habitants du village s’opposèrent à ce qu’elle fût enterrée en terre sainte. Situé dans le nord-est de la Hongrie, le village d’Ecséd, berceau de sa famille, accepta finalement de recevoir la défunte dans son cimetière. Le patrimoine de la comtesse fut intégralement reversé à la Couronne.

      https://www.nationalgeographic.fr/histoire/elisabeth-bathory-la-comtesse-sanglante

      Pour Báthory, on commence à prendre au serieux la théorie de Lászlo Nagy qui soutiens qu’Erzsébet aurait été la victime d’un complot politique fomenté par Matthias Ier de Habsbourg. Vu qu’il a récupéré l’integralité de son patrimoine et qu’il mouille dans l’assassinat de Ferenc Nádasdy, époux d’Erzsébet, il y a de fortes présomption contre l’empereur.

    • CIMETIERE DES INNOCENTS - tome 1 - Grand Angle - BD
      https://www.angle.fr/bd-cimetiere-des-innocents-tome-1-9782818943823.html

      CIMETIERE DES INNOCENTS
      Tome 1 : Oriane et l’ordre des morts
      Scénario : Philippe CHARLOT
      Dessin : Xavier FOURQUEMIN
      Couleur : HAMO
      Paru le 10 Janvier 2018

      Emmurée vivante, elle détient le pouvoir de la lumière face aux obscurantistes

      Dans un pays ravagé par les guerres de religions, un alchimiste est persuadé d’avoir créé la pierre philosophale. Enivré par le succès, il se laisse aller à des paroles antireligieuses. Sommé de s’expliquer sur sa découverte, il échoue, malgré l’aide de sa fille Oriane. Lui est condamné à mort pour blasphème, sa fille sera emmurée vivante au cimetière des Innocents, le plus grand cimetière de Paris. Elle sera maintenue en vie par la maigre pitance que lui fourniront les passants qui vénèrent les recluses comme des saintes. Mais la pierre de son père, si elle ne peut pas changer le plomb en or, semble dotée d’étranges pouvoirs et être prête à accomplir tous les miracles.

    • CIMETIERE DES INNOCENTS - tome 2 - Grand Angle - BD
      https://www.angle.fr/bd-cimetiere-des-innocents-tome-2-9782818949924.html

      CIMETIERE DES INNOCENTS
      Tome 2 : Le bras de Saint Anthelme
      Scénario : Philippe CHARLOT
      Dessin : Xavier FOURQUEMIN
      Couleur : HAMO
      Paru le 04 Juillet 2018

      Emmurée vivante, elle détient le pouvoir de la lumière face aux obscurantistes.

      Dans le Cimetière des Innocents, Oriane, l’emmurée vivante que l’on prend pour une sainte, découvre le pouvoir extraordinaire de la pierre qui lui a léguée son père. Lorsqu’elle et elle seule la met en contact avec les restes d’un disparu, elle parvient à le faire revenir d’entre les morts. Une aubaine pour le curé qui ourdit un plan machiavélique : convaincre Oriane et proposer à la Saint-Ligue catholique une procession au cours de laquelle se produirait l’apparition miraculeuse de Saint-Louis. De quoi acquérir une notoriété dans toute la chrétienté !

    • CIMETIERE DES INNOCENTS - tome 3 - Grand Angle - BD
      https://www.angle.fr/bd-cimetiere-des-innocents-tome-3-9782818966884.html

      CIMETIERE DES INNOCENTS
      Tome 3 : Le grand mystère de l’au-delà
      Scénario : Philippe CHARLOT
      Dessin : Xavier FOURQUEMIN
      Couleur : HAMO
      Parution le 27 Mars 2019

      Qui mieux qu’un père peut connaître les recoins mystérieux du cœur de sa fille ?

      Oriane délaisse le pouvoir de la pierre dont elle redoute les retombées incontrôlables. Du fond de sa cellule, elle se retrouve face aux plus ignobles soupçons de sorcellerie. Car parmi le petit peuple du cimetière des Innocents, les miraculés guéris par la Sainte Recluse semblent l’objet d’une malédiction. Ils disparaissent tour à tour dans les circonstances les plus horribles. Le seul espoir d’Oriane réside en la personne de Jonas, devenu un bien piètre agent infiltré dans la lutte interne contre les papistes.

    • Le cimetière des Saints-Innocents et ses emmurées vivantes – Savoirs d’Histoire
      https://savoirsdhistoire.wordpress.com/2018/01/19/le-cimetiere-des-saints-innocents-et-ses-emmurees-vivant


      la vignette n’est pas présente sur la page web, mais cette illustration provient du tome I de la BD ci-dessus

      […] Cependant, outre les mendigots tendant leur sébile, les vendeurs à la sauvette et, bien sûr, les dévotes gens qui venaient enterrer leurs morts ou écouter les prêches des prédicateurs lors des grandes fêtes, le cimetière des Innocents abritait aussi de curieuses résidentes permanentes : les recluses.

      Parmi les édifices du cimetière des Saints-Innocents, il existait en effet une sorte de petite loge exiguë accolée à la chapelle et portant le nom de reclusoir. Et figurez-vous que c’est confinées dans cet étroit réduit que se sont succédé, durant des siècles, des femmes enfermées vivantes à perpétuité. Dans le roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris, dans le chapitre «  Le trou aux rats  » (livre 6e, chap. 2) Hugo nous parle d’une recluse médiévale, «  squelette vivant  » pourrissant dans son reclusoir, qui «  dormait dans la cendre, sans même avoir une pierre pour oreiller, vêtue d’un sac noir, et ne vivant que de ce que la piété des passants déposait de pain et d’eau sur le rebord de sa lucarne  ». On retrouve bien là l’imaginaire macabre cher à Hugo et plus généralement aux auteurs romantiques. Mais qu’en était-il, réellement ? Grâce aux patientes recherches de l’historienne Paulette L’Hermite-Leclercq nous allons pouvoir approcher du sombre reclusoir, flambeau à la main, et faire la lumière sur cette étrange histoire d’emmurées vivantes.


      Perceval et la recluse, Manuscrit de Tristan en prose, vers 1450, BM de DIJON, Ms. 0527 folio 084.

      Si, dans les premiers temps, les reclus étaient principalement des hommes issus d’ordres religieux, à partir du XIe siècle la réclusion devient un phénomène majoritairement féminin et laïque. Il s’agit bien souvent de femmes en proie à de vifs tourments qui, à un moment de leur vie, ont décidé de poursuivre leur pèlerinage de vie humaine en cette «  vallée de larmes  » dans l’isolement et la solitude, à l’écart du monde. Un choix d’existence pour le moins atypique puisque les recluses, après avoir fait le vœu de clôture perpétuelle par dévotion, étaient emmurées dans leur petite cellule grise pour le restant de leurs jours. À partir de ce moment, elles étaient considérées comme «  mortes au monde  » et vivaient dans l’ascèse et la pénitence en vue du salut. La réclusion était pour elles une forme de pénitence salvatrice.

      le reste de l’article, je vous le laisse découvrir…

      EDIT : … si vous ne l’avez pas déjà lu, il y a 2 ans, pointé par @mad_meg en commentaire de https://seenthis.net/messages/560726

    • Pour Paulette L’Hermitte-Leclercq, divers ouvrages, dont sa thèse, un volumineux, Le Monachisme féminin dans la société de son temps. La Celle-lès-Brignoles, XIe-début XVIe siècles, Éditions Cujas, 1989 et,…

      Elle a en préparation une grosse étude sur Reclus, recluses. La réclusion volontaire dans l’Occident chrétien médiéval.

      dont je ne trouve pas trace,…

      texte extrait de la courte description d’auteur pour son article de 1998, Les femmes dans la vie religieuse au Moyen Âge. Un bref bilan bibliographique
      http://journals.openedition.org/clio/323

  • Arrivera-t-on à nourrir Paris avec des fermes urbaines ?

    Manifestement non, mais jardiland veut bien nous vendre des kits loisir-déco pour potagers d’intérieur.
    https://www.liberation.fr/france/2019/02/14/arrivera-t-on-a-nourrir-paris-avec-des-fermes-urbaines_1709305

    Voici donc Philippe Pont-Nourat, directeur des relations internationales de Sodexo France. Chaque jour, ce leader de la restauration collective nourrit 2,5 millions de personnes en France (dont Libération). Vu la nature de son activité, cette firme n’est pas étanche aux débats du moment. « Et donc, on s’est dit qu’on allait faire un potager sur le toit de notre siège, à Issy-les-Moulineaux [dans les Hauts-de-Seine] », a ainsi annoncé Philippe Pont-Nourat.
    Rendement bas

    Ce n’est pas gratuit, cela coûtera 31 000 euros, y compris les dispositifs de communication. Mais surtout, c’est un métier. « On a commencé au printemps et cette année, le climat n’était pas formidable. En plus, comme on est en hauteur, on n’avait pas prévu l’effet du vent. » Bref, le rendement était tellement bas que « la botte de persil aurait même été trop chère pour un chef étoilé ! »

    Néanmoins, « l’impact sur les salariés a été très intéressant. Ils ont découvert l’hydroponie, allaient voir où en étaient les carottes. Et ils pouvaient réserver des paniers ». On ignore quelle a été la part de ces musettes dans le budget alimentation des salariés de Sodexo.

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    Mais pour la population générale, il ne faut pas se faire d’illusions : « Ce n’est pas avec des fermes urbaines que l’on va nourrir des villes comme Paris. » Qui dit ça ? Le directeur général d’InVivo « premier groupe agricole coopératif français » dixit son site, Thierry Blandinières. Certes, admet-il, il existe une forte demande de production locale et « ça permet à beaucoup d’agriculteurs dans des exploitations de petite taille de trouver là un revenu de complément ».
    « Prouesse »

    Cela dit, pour lui, il n’y a aucun doute : « Le tout bio est impossible pour nourrir 9 milliards d’habitants », chiffre probable de la population mondiale à brève échéance (les Nations unies tablent sur une population de 9,7 milliards d’individus en 2050). Mais comme InVivo est aussi propriétaire des jardineries Gamm Vert, Jardiland et Delbard, il n’est pas question de désespérer le client. « Nous avons décidé de réinventer le potager à partir de nos magasins. » Ah oui ? « Nous leur ajoutons des boutiques où l’on trouve les produits des cultivateurs locaux. »

    A lire aussiAgriculture urbaine : plus bêle la ville

    Très bien. D’ailleurs, même le président directeur général de la Semmaris (le marché de Rungis), Stéphane Layani, le reconnaît : « Je suis sûr qu’il y a une demande de produits locaux et de circuits courts. » Au demeurant, « Rungis écoule les deux tiers de la production agricole de l’Ile-de-France ». Mais là encore, pas d’illusions à se faire : « Cela équivaut à 1,2% des besoins alimentaires de l’Ile-de-France. Donc, vous ne nourrirez pas la ville avec des toits plantés. » Et même pas avec le maraîchage de la Seine-et-Marne. Mince.

    Consolons-nous avec « le succès du modèle de Rungis à l’international ». Le site, au sud de Paris, « est plein comme un œuf » mais, son patron l’assure : « Des métropoles viennent nous voir pour reproduire ce modèle. » A savoir : « C’est une prouesse de nourrir chaque jour les Franciliens. Avec notre système d’approvisionnement, qu’il pleuve, qu’il neige, tous les matins, vous aurez du bonheur dans votre assiette ! » Un instant de lyrisme dans un colloque. Très rare.

    #alimentation #industrie #agro-alimentaire #ferme-usines #urbanisme

  • #Violences_policières : « On est dans le #mensonge_d’Etat »

    Pour #David_Dufresne (@davduf), spécialiste de la question du #maintien_de_l’ordre, la #répression menée contre les « #gilets_jaunes » « laissera des traces dans toute une génération ».

    Hémorragie cérébrale d’un homme de 47 ans à Bordeaux, traumatisme facial d’un manifestant à Toulouse, fracture au front d’un lycéen à Orléans… L’écrivain et documentariste David Dufresne, auteur de l’enquête Maintien de l’ordre (Fayard, 2013), recense et signale les bavures policières observées lors des manifestations des « gilets jaunes ». Il dénonce le « déni politique et médiatique » de ces violences, selon lui profondément « antirépublicain ».

    Quelle est la particularité de la gestion du maintien de l’ordre en #France ?

    David Dufresne : Pendant longtemps, la France a été considérée comme la championne du maintien de l’ordre, pour une raison simple : face à des manifestations particulièrement nombreuses dans le pays, la police est entraînée. Sauf que c’est aujourd’hui un #mythe, qui s’est écroulé sous nos yeux. Le maintien de l’ordre est devenu depuis une dizaine d’années extrêmement offensif, brutal, avec des policiers qui vont au contact. Jusqu’ici, la clé était de montrer sa #force pour ne pas s’en servir.

    En Allemagne, en Angleterre, les forces de maintien de l’ordre ont mis en place tout un processus de dialogue avec les manifestants, et de #désescalade. La France a fait le choix inverse, dont découlent ces drames : environ 2 000 manifestants blessés depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », à la mi-novembre.

    La France utilise par exemple des #armes proscrites ailleurs en Europe pour ce type d’interventions, et considérées par certains fabricants comme des armes de guerre : les# lanceurs_de_balles_de_défense [les « #Flash-Ball » font partie de cette famille, mais ne sont plus utilisés que par certains policiers municipaux], les grenades #GLI-F4, qui contiennent une petite dose de #TNT et arrachent des mains. Celles-ci sont d’autant plus dangereuses qu’elles ne sont pas létales et donc utilisées de manière massive par des policiers qui pensent, de bonne foi, qu’ils ne vont pas tuer. Mais l’on assiste à des #mutilations en série, qui font le déshonneur du maintien de l’ordre à la française. Le mythe, sur lequel les politiques continuent de surfer, ne résiste pas aux faits.

    Vous effectuez un comptage des #blessés, quel est votre objectif ?

    Ce #recensement est parti d’un effet de sidération devant les violences policières exercées et devant le #silence politique et médiatique. C’est une démarche de documentariste, d’observateur de la police et de lanceur d’alerte. J’essaie de contextualiser au mieux les images que je repère. De plus en plus, les victimes ou leur famille m’envoient directement des informations. Je signale au ministère de l’intérieur les #violences, mais aussi les manquements à la #déontologie_policière. Tous ceux qui sont blessés au visage peuvent porter #plainte, car, comme l’expliquent les manuels de maintien de l’ordre, il est interdit de viser la tête.

    Sur les 300 signalements recensés [sur son compte Twitter], je compte au moins 100 #blessés_graves, dont une quinzaine de personnes éborgnées et plusieurs mains arrachées, mais aussi des #insultes et #menaces lancées par des policiers ou encore des destructions de téléphones portables. Les émeutes de 2005 se sont déroulées tous les jours, toutes les nuits, trois semaines durant, et elles ont engendré moins de débordements que lors des manifestations hebdomadaires des « gilets jaunes ».

    Que retenez-vous de ce silence autour des violences policières ?

    Aujourd’hui, ce n’est plus du silence, c’est du #déni. M. #Castaner lui-même [le ministre de l’intérieur], lundi soir, nous explique qu’il ne connaît « aucun policier qui ait attaqué un “gilet jaune” » : on est dans le mensonge d’Etat. Il y a bien des violences policières, elles sont gravissimes. Il faut remonter à octobre 1961 pour arriver à un tel déchaînement – sans comparer la situation actuelle avec les morts de la répression au métro Charonne et les Algériens jetés dans la Seine.

    La police républicaine ne peut pas tirer sur la foule sans avoir de comptes à rendre. Mais j’ai reçu quelques procès-verbaux d’audition à l’#IGPN [inspection générale de la police nationale] : elle va faire son travail d’étouffoir. Pourtant, 78 plaintes sont instruites, beaucoup plus que lors des manifestations contre la loi travail ou les émeutes de 2005, ce qui montre l’étendue des dégâts. Il y a une gêne de la police.

    Le silence médiatique fait aussi partie de la violence exercée, c’est ce qui remonte des témoignages que j’ai reçus. La police s’autorise aussi ces coups parce qu’il n’y a pas de répercussion médiatique. Ce déni politique et médiatique est antirépublicain.

    Quel est le lien entre politique et maintien de l’ordre ?

    Ce lien s’explique par l’histoire. La France est un pays de contestation. La fête nationale, c’est la prise de la Bastille, une émeute. Pour le maintien de l’ordre, la police agit sur ordre politique. Les préfets, donc l’Etat, et non pas les commissaires, décident du déploiement des forces. Ceux-ci prennent leurs ordres auprès du ministère de l’intérieur, qui les prend à l’Elysée.

    Répondre massivement aux manifestations des « gilets jaunes » est donc un #choix_politique. L’Etat fait appel à des policiers qui ne sont pas formés au maintien de l’ordre : de la #BAC [#brigade_anticriminalité], de la #BRI [#brigades_de_recherche_et_d’intervention], des #gardiens_de_la_paix… Ils ont l’habitude d’être face à des délinquants, pas des manifestants. Pour eux, la #foule est délinquante. C’est un point clé pour comprendre la centaine de blessés graves.

    Comment la doctrine a-t-elle évolué avec la crise des « gilets jaunes » ?

    J’observe que les forces de l’ordre visent de plus en plus les journalistes, empêchent les secouristes volontaires d’agir, et cassent volontiers des #téléphones_portables de personnes qui filment, comme dans une volonté d’empêcher toute #documentation des événements.

    C’est une doctrine qui va vers l’#affrontement, et donc extrêmement dangereuse. Elle laissera des traces dans toute une génération. Tous ceux qui manifestent aujourd’hui se souviendront de cette #répression_policière, qui est terrifiante.

    L’appel à des policiers non formés, le recours à des armes dangereuses, des crispations et une fatigue des forces de l’ordre, des discours martiaux du politique et un déni par Castaner de ce qui se passe – c’est un cocktail explosif. On a complètement changé d’échelle : le nombre d’interpellations, de gardes à vue, de tirs, de policiers mobilisés…

    La sortie se fera par le politique, pas par la répression, c’est évident. Tous les samedis, des gens partent manifester en sachant qu’ils peuvent perdre un œil. Tout est fait pour les dissuader de venir, ils viennent quand même.


    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/01/16/violences-policieres-on-est-dans-le-mensonge-d-etat_5409824_3224.html
    #bavures_policières #déni_politique #déni_médiatique

    • La domesticité au 19è et début du 20ème siècle (1)
      http://magenealogie.eklablog.com/la-domesticite-au-19e-et-debut-du-20eme-siecle-1-a127087950

      Il faut bien comprendre qu’au 19ème siècle toute la bourgeoisie, de la plus modeste à la plus haute, a SA servante ; n’oublions pas en effet que dans la société bourgeoise du 19ème siècle la bonne est une nécessité sociale : « sans bonne on ne serait pas bourgeois ».

      La domesticité au 19è et début du 20ème siècle (1)

      L’employé de maison est donc le signe distinctif de la promotion sociale. « N’être pas servi vous rejette du côté des prolétaires ».

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      La domesticité au 19è et début du 20ème siècle (2)
      http://magenealogie.eklablog.com/la-domesticite-au-19e-et-debut-du-20eme-siecle-2-a127088180
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      La domesticité au 19è et début du 20ème siècle (3)
      http://magenealogie.eklablog.com/la-domesticite-au-19e-et-debut-du-20eme-siecle-3-a127088356

      Et que penser des propos de Mme Caro-Delvaille, fervente féministe, qui répond en juillet 1899 à un article du journal « La Fronde » qui proposait de loger les servantes dans les appartements des maîtres : elle déclare que pour l’instant c’est impossible car les bonnes sentent trop mauvais !

      Le juriste Marcel Cusenier notait en 1912 : « Les maitres ravalent les domestiques à un rang intermédiaire entre les hommes et les choses. Devant eux point de pudeur. Ils s’efforcent de détruire leur personnalité au dehors comme au dedans….on ne regarde les domestiques comme des humains que pour les soupçonner. On met en doute leur probité leurs mœurs leur appétit. »

      Un exemple entre tous : le maître va jusqu’à changer le prénom de son domestique si celui-ci porte celui d’un membre de la maisonnée ou si son prénom ne fait pas assez bien.

      Le « Manuel des pieuses domestiques » de 1847 demande de refréner ses sentiments et d’être charitable envers ses maitres : « la charité est une vertu chrétienne que vous êtes obligé de pratiquer bien plus envers vos maitres qu’envers tout autre quel que soient leur caractère ou leurs mauvaises habitudes. Dieu ne vous demandera pas compte des péchés de vos maitres mais des vôtres. La charité doit donc vous porter à excuser à supporter avec patience ceux que vous avez choisi pour les servir ».

      –—

      Jean-Pierre Gutton. Domestiques et serviteurs dans la France de l’Ancien Régime.
      https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1982_num_140_1_450260_t1_0118_0000_2
      –---

      Abel Châtelain, « Migrations et domesticité féminine urbaine en France, XVIIIe siècle- XXe siècle », Revue d’histoire économique et sociale, 1969
      https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1972_num_27_4_422593_t1_1220_0000_2

      –----

      "Bonnes à tout faire"

      Allemandes du XIXe siècle et Espagnoles des Trente Glorieuses en France

      http://www.histoire-immigration.fr/agenda/2011-08/bonnes-tout-faire
      #conférence

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      Valérie PIETTE, Domestiques et servantes. Des vies sous condition. Essai sur le travail domestique en Belgique au 19e siècle, Bruxelles
      https://journals.openedition.org/clio/600

    • Liste de servantes assassines
      – Les soeurs Papin

      – Hélène Jegado - recette du gateau breton d’Hélène Jegado http://papillesalaffut.com/gateau-breton-dhelene-jegado
      http://www.psycho-criminologie.com/helene-jegado-l-empoisonneuse-a-l-arsenic.html

      – Henriette Cornier -

      Meurtre par une domestique d’une fillette de dix-neuf mois, le 4 novembre 1825 rue de la Pépinière. Déclarée coupable d’homicide volontaire commis sans préméditation, Henriette Cornier est condamnée aux travaux forcés à perpétuité et à la flétrissure

      – Anaïs Dubois - tue sa sœur dont elle était la domestique.

    • L’invention du crime de haine sociale en France (1880-1940)

      Les servhttps://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2011-1-page-39.htmantes : le crime de haine sociale par excellence

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      En 1908 est publiée la première étude sur les crimes commis par les servantes [37]
      [37]R. de Ryckère, La servante criminelle, étude de criminologie…
      . Le vol domestique était déjà très sévèrement puni puisque le législateur considérait que, au-delà des aspects matériels, c’était la hiérarchie sociale et la confiance qui se trouvaient bafouées [38]
      [38]Sur le vol domestique voir en particulier V. Piette,…
      . Certaines domestiques parfois privées de leurs gages se remboursaient en partie sur la nourriture, gardaient pour elles de la vaisselle ou de menus objets, comme un vase ou un parapluie. Il arrivait que des domestiques portent la main sur leurs maîtres ou les assassinent, mais sans jamais faire l’objet d’une étude particulière, or les crimes de certaines bonnes sont considérés comme des crimes de haine prenant la forme d’une profonde aversion pour leur employeur, ou l’un de leurs proches. Il s’agit aussi d’un crime illustrant la révolte primitive contre le sort et les conditions sociales de la société bourgeoise.

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      Au xixe siècle de nombreuses femmes prennent le chemin de la capitale ou se dirigent vers une grande ville pour se placer. Il existe des foires aux domestiques et des bureaux de placement. Les condamnations des bonnes illustrent les mouvements migratoires, les mobilités sociales et les itinéraires féminins. Toutefois, vers 1900, les domestiques, pour l’essentiel des femmes – on compte moins de 20 % d’hommes – sont globalement moins nombreux, au point de provoquer une crise de la domesticité. Pour autant, les bonnes parisiennes forment une sorte de peuple invisible, souvent méprisé par les ouvrières. Dans ce contexte de changement social et de raréfaction des candidates, une femme qui ne trouve pas à louer ses services devient suspecte. Une domestique singulière ne parvient pas à garder une place fixe. Elle rêve en secret de se mettre au service d’un célibataire assez âgé qui finirait par l’épouser. Mais son projet s’avère une chimère et dans l’immédiat, elle ne reste guère longtemps chez les mêmes employeurs. Au point que « le fiel s’était accumulé jusqu’au jour de l’explosion finale ». Présentée comme une « Cendrillon de 40 ans » au physique disgracieux : « Laide, acariâtre, n’ayant jamais pu se fixer dans aucune place. » Une de ses sœurs, restée au pays, donne d’elle un portrait peu flatteur. « Elle parle de vos emportements, de vos haines ; quand vous étiez en colère, vous vous pressiez, dit-elle, comme une véritable furie ! Vous l’avez menacée un jour de lui crever les yeux [39]
      [39]A. Bataille, Causes criminelles et mondaines de 1892, Paris,…
      . » Ne pouvant se venger contre ses patronnes, puisqu’elle ne reste jamais longtemps, elle finit par haïr une autre de ses sœurs qui l’héberge à Paris. Demi-mondaine, cette dernière vit dans une opulence relative, va dans le monde, possède de jolies toilettes et se trouve à la tête d’une petite fortune, environ 60 000 francs. L’hébergement devient régulier, la domestique sans employeurs, vivant de plus en plus souvent chez sa sœur. Progressivement, elle devient sa domestique : « Oui, elle avait honte de moi ! Elle ne me traitait pas comme une sœur, mais comme une servante. Elle ne me donnait même pas de quoi me raccommoder [40]
      [40]Ibid., p. 363.
      . » Sa sœur représente à la fois la famille qui la rejette et l’humilie et la patronne qui l’exploite. Les différents témoignages contredisent cette thèse, mais peu importe. Anaïs Dubois, qui sera déclarée « parfaitement responsable », décide de tuer sa sœur parce qu’elle la déteste au-delà de tout.

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      Toutefois le crime social par excellence est celui perpétré dans la ville du Mans par les sœurs Papin en 1933. L’aînée, considérée comme relativement indépendante, ayant rompu avec sa mère, ne fréquentant plus l’église, refusant qu’on use du tutoiement avec elle, finit par assassiner sauvagement sa patronne et l’une de ses filles, âgée de 28 ans. Le crime est l’un des plus effroyables des annales judiciaires. Entre février et novembre 1933, il a suscité une abondante littérature [41]
      [41]Pour une mise au point, voir F. Chauvaud, Le crime des sœurs…
      . De nombreux observateurs et commentateurs se sont demandés s’il ne s’agissait pas d’un crime de haine sociale.

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      La « classe des capitalistes » exploite à domicile les filles du peuple. Cette version est celle de L’Humanité. Les sœurs Papin, pour le quotidien communiste, sont certes coupables, mais elles sont avant tout des « victimes de l’exploitation capitaliste ». Elles ont été privées des jeux de l’enfance et leur jeunesse s’en est trouvée « atrophiée ». En effet, elles n’ont connu que la « servitude continuelle ». De la sorte, le ressort du crime est tout trouvé. Pendant toutes ces années, privées de distraction et d’éducation, elles ont accumulé un « ressentiment farouche » qui s’est transformé en « haine bestiale ». La thèse du crime de classe est lancée et l’idée du crime de haine surgit ainsi dès le début de l’affaire. Les pages de l’organe du parti communiste reflètent les affrontements sociaux dont la ville devient un enjeu nouveau. Les faits divers acquièrent un nouveau statut. Ils éclairent les évolutions économiques et sociales et donnent du sens aux drames ordinaires. Dans cette perspective, l’affaire du Mans permet de dénoncer le servage moderne : « On peut voir des types d’esclaves comme la plus haute Antiquité n’en pouvait montrer de pire. » Dans les articles du quotidien prend corps plus aisément une image de la bonne soumise et des patronnes cyniques et égoïstes. Les Lancelin sont présentées comme des « patronnes hautaines et méchantes pour qui une bonne, même modèle, ça n’est fait que pour obéir aux moindres désirs de “madame” ».

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      Pour le journal Détective les deux sœurs Papin sont présentées comme des victimes de la violence ordinaire d’un monde étriqué et plein de morgue. Lorsqu’elles « racontent » leur vie, elles « remontent » en quelques instants « le cours de vingt années de haine ». Elles sont dépeintes comme des sortes de fantômes depuis leur enfance. Le journaliste écrit que les deux bonnes « devaient supporter sans rien dire les accès de nervosité, les reproches plus ou moins justifiés, les ordres blessants ». Face à l’adversité, elles se montraient humbles et adoptaient les codes de la soumission : « Elles baissaient la tête sous les ordres et les réprimandes, mais leurs mains rudes et gercées avaient parfois des tremblements d’impatience. » Le journaliste tente, par la pensée, de les rejoindre dans leur chambre mansardée, il les voit sous un autre jour, et les montre laissant « éclater leur cœur opprimé », faisant le compte des « souffrances latentes », s’exaltant l’une et l’autre au point de ne plus connaître de retenue : « La haine qui couvait en elles éclatait alors en paroles maudites et en terribles projets de vengeance. » Le lendemain matin, elle avait quitté le masque de l’exaltation pour reprendre celui qui convient lorsque l’on se présente devant ses maîtres : terne, fermé, inerte. Il fallait avoir non seulement l’échine souple, mais aussi le geste docile. La plus jeune des sœurs Papin déclare qu’elle ne sortait jamais, que « madame était hautaine et distante. Elle ne nous adressait jamais la parole que pour nous faire des reproches. Elle nous faisait apporter par sa fille les ordres écrits sur une feuille de papier ». Mais ce n’est pas tout, il s’agit bien de transformer la maison de la rue Bruyère en théâtre minuscule de la cruauté ordinaire. Madame Lancelin était toujours derrière notre dos, fait dire encore le journaliste à Léa Papin, elle nous surveillait sans cesse et épiait nos gestes. Et d’ajouter le détail qui fait authentique : elle comptait les morceaux de sucre qui restaient.

      23
      La thèse de la révolte primitive, dont l’énergie est la haine comprimée, prête à éclater à la moindre rebuffade ou vexation supplémentaire, s’impose donc dès les premiers jours de février 1933.

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      Le responsable de l’asile du Mans demande à Christine, lors d’un interrogatoire en prison, pourquoi, « si l’on en croit les déclarations d’instruction », elle a été chercher un marteau et un couteau ? Elle lui explique qu’elle était « noire » de colère et qu’elle voulait « taper les os de ses victimes. Il s’agirait d’un crime de colère ». Cet accès de colère n’est pas le résultat d’un ressentiment recuit et porté à ébullition. Il n’est pas davantage la manifestation d’une « explosion ultime » de haine sociale. La crise de colère ne relève pas non plus d’un état psychopathologique permanent, aussi peut-on écarter l’hypothèse d’un « état de colère ». Alors que reste-t-il ? L’idée d’une « poussée coléreuse » ? Ou plus sûrement d’une haine inconsciente [42]
      [42]J. et J. Tharaud, « Maîtres et serviteurs », 1933. Le magazine…
      contre des patronnes dans la société des années 1930 où les bourgeoises sont malmenées [43]
      [43]G. Duby (sous la direction de), Histoire de la France urbaine,…
      et où les « invisibles » des univers sociaux urbains revendiquent une place.

      25
      Des années 1880 aux années 1930 la haine est évoquée dans les prétoires, les manuels de psychiatrie, les comptes rendus de procès. Il ne s’agit plus de la haine recuite décrite par Balzac ou quelques romanciers, observateurs des liens familiaux et de voisinage. Pour autant, le « crime de haine » n’apparaît pas comme une catégorie psycholégale, mais comme une forme de « crime de colère » retenu dans nombre de procès. D’autres fois, elle fait partie, au même titre que la vengeance et la colère, des états émotifs dont « l’action » débouche sur un geste criminel. Si la haine peut apparaître éternelle et semble promise à un bel avenir : « Partout l’homme éprouve des affections et des haines [44]
      [44]J. Maxwell, Le crime et la société, Paris, Flammarion, 1924…
       », ses formes et ses circonstances ne sont pas identiques. L’étiquette « haine » est aussi une façon de rationaliser des comportements tout en les réduisant à des actions purement individuelles. De la sorte, elle suppose la liberté de l’individu qui y cède, l’entretient et l’exprime. Enfin la haine est révélatrice des changements sociaux et des peurs d’une époque. Les objets de haine et leur déplacement renseignent ainsi sur les tensions, l’économie psychique et les normes d’une société [45]
      [45]Selon Norbert Elias, le crime de haine échapperait en partie au…
      .

    • Ressources sur Hélène Jegado -
      https://www.youtube.com/watch?v=i3-DeqrdL7o


      L’affaire Hélène Jégado mis en scène au théâtre de Plouhinec
      –---
      En votre âme et conscience - E50 - Le Cas d’Hélène Jegado
      https://www.ina.fr/video/CPF86633234
      #paywall
      –---
      docu-fiction
      https://www.youtube.com/watch?v=jaDC9awjrtQ

      –----
      gateau Jegado -
      https://www.20minutes.fr/gastronomie/2277823-20180527-video-rennes-quoi-secret-succes-gateau-helene-jegado-seri
      –—
      fleur de tonnerre - film - bande-annonce
      https://www.youtube.com/watch?v=AXOVtWxoJAk

    • Chômage des simples servantes et délinquance

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      Maria Casalini insiste sur la vulnérabilité des servantes sans réseau familial local et leurs risques de marginalisation lorsqu’elles étaient licenciées : ces femmes se retrouvaient au chômage, souvent con-traintes à se prostituer pour vivre. Elles étaient alors pourchassées par la police des mœurs, au xixe siècle, à Florence comme à Paris, et comme toujours, dans les grandes villes européennes (Benabou, 1987 ; Corbin, 1978). Le fait que la grande majorité des servantes fût immigrée en ville ne faisait que renforcer les risques de dégradation sociale qu’elles encouraient, en particulier dans les capitales. À Rome, ville d’hommes, les recensements anciens permettent d’évaluer le nombre des prostituées, alors qu’en général leur présence n’est pas facile à détecter dans les listes nominatives anciennes. La ville papale comptait plus de 1 000 prostituées entre 1630 et 1650 (Schiavoni et Sonnino, 1982, 96). Après 1760, le clergé – sans doute de guerre lasse – cesse de noter leur activité quotidienne dans les Status animarum. Il faut alors chercher à les identifier dans les archives de la police et de la justice. Les travaux de Lotte van de Pol permettent de savoir qu’à Amsterdam, chez les prostituées, la part des anciennes domestiques oscillait autour de 20 % entre 1690 et le début du xviiie siècle (van de Pol, 2000).

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      D’après Ma ?gorzata Kamecka, étudiant les archives judiciaires des villes polonaises de l’époque moderne, les femmes domestiques figuraient aussi bien comme victimes de violence (proxénétisme, viol, séduction), que comme accusées (d’infanticide, d’adultère ou de prostitution) (Kamecka, 1997, 46). Leurs contacts avec les marginaux, leur instabilité professionnelle, l’incertitude du lendemain et leurs difficultés à améliorer sensiblement leur situation matérielle étaient à l’origine de la fréquence de leurs démêlés avec la loi. Les études consacrées par Marcin et Anna Kamler à la structure et aux dimensions des milieux de délinquants dans quelques grandes villes polonaises (Pozna ?, Cracovie, Lublin) aux xvie et xviie siècles ont montré qu’un bon tiers des criminelles (infanticides, prostituées, voleuses) appartenait au départ au milieu du personnel domestique (Kamler, 1991 ; Kamler, 2005). Kuklo a trouvé qu’à Varsovie, au xviiie siècle, la plupart des mères d’enfants illégitimes étaient servantes ; comme ailleurs, pour garder leur emploi, beaucoup abandonnaient leurs enfants nés hors mariage (Kuklo, 1998).

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      La statistique nationale italienne citée par Casalini pour 1890 donne un pourcentage de 30 % d’ex-servantes parmi les prostituées recensées, alors qu’à Marseille leur proportion atteignait jusqu’à 40 % dans les années 1880 (Corbin, 1978, 79). Les archives de Florence confirment au total que le milieu de la domesticité fournissait, au xixe siècle, une bonne partie des prostituées de cette grande ville : les « servantes au chômage », dont Casalini a reconstitué le parcours de vie, y formaient presque la moitié des femmes arrêtées pour prostitution clandestine entre 1860 et 1890, évaluation proche de celle de Corbin pour la Seine-et-Oise en 1902 (Corbin, 1978). À Paris, l’haussmannisation a sans doute fait reculer la mixité sociale des vieux quartiers, mais un travail sur les meublés de Marseille, dû à Anne-Marie Arborio (2004), met en évidence que, dans les grandes villes françaises du xixe siècle, la prostitution n’était pas confinée aux quartiers réservés : elle s’exerçait aussi dans les immeubles haussmanniens. L’abondance des archives les concernant, en Italie comme en France, correspond à un souci de renforcer le contrôle de la prostitution clandestine dans les dernières années du xixe siècle et la première décennie du xxe siècle : le souci de contrôle moral s’est doublé de préoccupations d’hygiène publique quand s’est développée la conscience du péril vénérien.
      Les foyers bourgeois (petits et grands) ne pouvaient fonctionner (avant l’ère des robots ménagers) sans une domesticité minimum, principalement provinciale et immigrée, de plus en plus nombreuse, de plus en plus féminine et venant de plus en plus loin, grâce au chemin de fer. Et les gares étaient justement des lieux privilégiés pour l’exercice de la prostitution et l’incitation « à la débauche ». Ainsi, la « Gare de l’Ouest » ou gare Montparnasse – à deux pas du Bal Bullier, célèbre lieu de rendez-vous – voyait débarquer quotidiennement ces très jeunes bretonnes étudiées en détail par Leslie Moch (2004), filles à la merci des recruteurs-maquereaux et dont les carrières parisiennes ne seront pas toutes identiques à celle de la brave Bécassine, bonne à tout faire mais surtout bonne d’enfant. Quant aux nounous « sur lieu » qui passaient des heures au jardin du Luxembourg, femmes mariées, venues souvent du Morvan, qui n’étaient pas censées avoir de relations sexuelles, elles y flirtaient ouvertement avec les soldats en permission, tout en allaitant le nourrisson dont elles avaient la charge (Faÿ-Sallois, 1980). Ces femmes venues de loin exerçaient à Paris un véritable métier, bien que temporaire puisqu’en principe lié à leurs grossesses répétées et à leurs relations conjugales espacées. Quant aux nourrices de campagne qui n’allaitaient pas toujours au sein, on peut dire que les biberons et autres bouillies qu’elles préparaient pour les bébés nés à la ville (avant Pasteur) faisaient aussi d’elles de sinistres professionnelles.

      https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2009-1-page-5.htm

  • La défense des juifs, ultime morale des pouvoirs que leurs peuples désavouent | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/171594/gilets-jaunes-antisemitisme-pretexte-pouvoir-vigilants

    par Claude Askolovitch

    La haine de la plèbe chez les bourgeois honnêtes m’a toujours amusé ; elle est une pensée décorative qui distrait de la peur, et comme ce pouvoir cède et cède encore à quiconque le menace, policiers en préavis de grève ou « gilets jaunes » qui répondent en brutes de bal populaire à la violence légitime de l’État, comme le président est allé plier le genou virtuel sur la pétition web d’une « gilet jaune » et lui a écrit que finalement, elle avait raison, les marcheurs dépités ont bien droit à un réconfort verbal. Ils se requinquent en stigmatisant l’antisémite, et n’auront pas peur de combattre les quenelliers ! Ah, les braves gens.

    Au demeurant, la quenelle est une saloperie. Mais, oserais-je, la quenelle des salopards n’est qu’un instant des « gilets jaunes », que seule l’acrimonie élitaire décrète signifiant.

    On aurait pu, a contrario, passer en boucle sur nos télévisions ces « gilets jaunes » savoyards qui s’enlaçaient sur « La foule » de Piaf, dans une scène douce et onirique, le soir où des gendarmes émus levaient leur barrage, et on aurait alors commenté leur ressemblance avec les occupants d’usines du Front populaire ? On aurait pu chanter la fraternité de ces veillées de Noël où des « gilets jaunes » se sont tenu chaud, et l’humanité émouvante de ces désormais plus que rien. Mais concernant le peuple ici et maintenant, spontanément, une bourgeoisie préfère voir la chemise brune sous le gilet jaune. Et je ne pourrais, juif, que m’en inquiéter.

    J’appelle ici « vigilants » ces femmes et ces hommes cultivés et engagés qui, je n’en doute pas, ne me veulent, juif, que du bien, et qui recherchent, cherchent encore et trouvent toujours –la haine est irréfutable– l’antisémitime qui rongerait le pays. Les vigilants sont des éclairagistes d’influence. Ce qu’ils sortent de l’ombre devient indiginité nationale. On ne saurait discuter leurs affolements qui, mis bout à bout, deviennent une lecture admise de la société. Les vigilants, cette saison, ont éclairé les « gilets jaunes » d’une lumière implacable.

    Avant les quenellards du samedi parisien, ils avaient ainsi mis à jour une banderole, photographiée dans le Rhône, qui attestait l’ambiance. On y lisait, en contrebas d’un barrage de « gilets jaunes », cette équation sordide et clairement anti-juive : « Macron = Drahi = Attali = Banques = Medias = Sion », les « s » étant calligraphiés façon nazie, les « a » suggérant un triangle franc-maçon. Indubitablement odieuse et fasciste, cette banderole fit florès. Pourtant, elle ne disait rien des barrages, ni de celles et ceux qui les tenaient.

    Le Progrès, 20 minutes ou l’AFP en firent justice dans des articles enquêtés. La banderole, saleté éphémère, n’avait été en place que peu de temps ; les « gilets jaunes » qui tenaient le barrage, l’ayant découverte, l’avaient détruite eux-mêmes. Elle ne venait pas d’eux. Elle était, cette banderole, l’œuvre de provocateurs malins, squatteurs pervers et anonymes d’un mouvement peu structuré.

    Mais –puissance de la vigilance et de la pulsion de bavardage de nos élites– la banderole, démontée, vécut avec une intensité rare et fut une tendance sur les réseau sociaux, la première preuve de l’antisémitisme des contestataires, avant la confirmation quenellarde, point d’orgue du « on le savait bien ».

    J’ai, juif, un point de vue sur les vigilants : ils m’enferment bien plus qu’ils ne me protègent, et travestissent bien plus qu’ils ne révèlent. Ils m’exposent à des combats dont je ne veux pas et dont je deviens le prétexte. Ils me singularisent, affolent ma mère et avec elles toutes celles et ceux, juifs, qui à force de matraquage pensent que toute l’actualité, encore et toujours, converge contre nous. C’est heureusement inexact, quand bien même nos paysages ne sont pas joyeux.

    Dans une France d’abandon et de rancœurs, de rumeurs et d’inquiétude, les crapuleries d’un Soral ou d’un Dieudonné peuvent se glisser en folklore sordide. Mais ce n’est pas l’antisémitisme qui mène ce bal, simplement l’envie de vulgarité qui anime les hommes que l’on oublie, et qui s’oublient.

    C’est triste pour la France, mais est-ce périlleux pour les juifs ? Ces malheureux idiots ne nous détestent pas de préférence, en dépit de leurs gourous, et il serait absurde d’entrer dans leur perversité et de la nourrir d’indignations forcées. La scène du Sacré-Cœur était laide bien avant d’être antisémite. Sans doute ne l’était-elle pas, et celle du métro, possiblement, pas davantage. De la viande bête, de la viande saoule, entonne un air vulgaire et reproduit un geste de pornographie politique.

    La vieille dame du métro n’a pas voulu porter plainte et conteste que les pochtrons imbéciles qu’elle avait chapitré ait prononcé des mots anti-juifs. Il n’y avait, pour nous juifs, pas grand-chose à dire ; on a dit pourtant, et c’est ici que je redoute un danger, si d’habitudes, de paresses, d’automatismes, de vigilance, de cynisme, on mobilisait l’offense faite aux juifs pour punir les « gilets jaunes », en les écrasant d’une épithète infâmante.

    Cela a commencé, cela a pris, le bavardage est le propre de la politique. C’est, manifestement, une méchanceté et un mensonge. Croit-on vraiment que sur les barrages, il n’y a pas de tendresse ni de beaux sentiments ? Croit-on que dans la foule, il n’est pas d’espérance ni d’humanité ?

    Mais on brosse à petites touches, de petits faits vrais mais choisis, un tableau sordide d’une France des provinces lumpenisée et trumpisée, perméable au complotisme, acquise à l’antisémitisme, mue par la haine de l’élite et des Rothschild qui furent les patrons de Macron, et tout, alors, serait limpide, et tout serait plié.

    Que l’on prenne garde : ce discours est performatif plus que descriptif. Il ne raconte pas le mouvement, mais l’emprisonne et peut le remodeler. Il anticipe ce qui n’est pas et n’a pas lieu d’être, mais qui sait ? Il fabriquera l’horreur, s’il apparaît qu’effectivement, la question juive est le prétexte des gouvernants contre les réfractaires, si pour disperser cette révolte qui l’empoisse, les beaux chevaliers de la forteresse assiégée du pouvoir m’empoignent, moi, juif, et m’utilisent comme leur arme suprême, me jettent à la figure des enragés. La haine, alors, viendra.

    L’antisémitisme n’est pas une vue de l’esprit. Il existe dans les replis de notre société, blesse et parfois tue. Mais il n’est qu’une violence minoritaire, marginale et condamnée –et instrumentalisée aussi bien. L’antisémitisme est cette aubaine que la vigilance offre aux gouvernants en souci. Nous y sommes, exactement. Pris en flagrant délit de mépris puis de reculade, le pouvoir –ses hérauts– s’oublie et se grise de vertu, tel un doux ivrogne qui chasse ses faiblesses dans la dive bouteille.

    Soyons clairs, ici. Les juifs français, une poignée de centaines de milliers d’individus citoyens, ne participent pas à cette construction. On la leur amène, on la leur impose, on les y enferme, dans les façons des vigilants, dans la complaisance des politiques à nous témoigner des sollicitudes, et chacun se félicite d’une si bonne entente.

    Tout ceci est humain et parfois de bonne compagnie, mais pas exempt de danger ni de folies. Depuis des années –la montée des actes antisémites en attestait–, on expliquait aux juifs et à propos des juifs que l’islamiste, le musulman, l’immigré par extension, le migrant, l’homme de la banlieue islamisée et ensauvagée, était l’ennemi du juif comme de la République, et l’ennemi des ensauvagés était notre gardien.

    Les vigilants cultivaient la bourgeoisie libérale et d’autorité, qu’elle fut socialiste ou de l’ex-UMP. D’autres allaient plus loin et, avec une certaine logique, affirmaient que face à l’ennemi, les juifs devaient résolument pencher à droite, le plus à droite possible, et devenir avec le triste Zemmour et le joyeux Goldnadel les flancs-gardes des Le Pen, Wauquiez ou Dupont-Aignan, car les ennemis de mes ennemis sont mes amis, comme dirait Benyamin Netanyahou, qui préfère Orbán et Bolsonaro au juif cosmopolite Soros et aux mollassons démocrates. Nous ne jouions plus Crémieux puis Lacoste, si l’on parlait de l’Algérie, mais l’OAS ; il fallait bien cela pour nous épargner l’islam et ses ensauvagés des cités, nos repoussoirs communs.

    Ils brossent, ces vigilants, le tableau d’une France dont Soral rêverait, qui n’existe pas mais qu’il fabriquent de leur jactance, que des médias de Panurge prolongent et que des politiques sans structure entérinent.

    Je devrais, juif, éviter aussi bien la Somme que la Seine-Saint-Denis, redouter Trappes comme Carcassonne. Je devrais, dans une terre qui a oublié mon martyre, me résigner à ne vivre qu’à l’amitié des riches, des puissants et des cyniques, et accepter, pour mon bien, que mon histoire serve à repousser le musulman comme le « gilet jaune », que certains ici veulent traiter en ennemi.

    Tariq Ramadan d’un côté, la quenelle de l’autre, les épouvantails à juifs quadrilleraient le territoire, et seul le pouvoir, seuls les possédants, seuls les libéraux, seuls les macronistes, seuls ceux qui possèdent le monde, pourraient me tolérer.

    Réalise-t-on –je parle en juif et en républicain– ce que portent ces logiques susurrées, instillées, admises, commentées et retweetées ? Rarement la vérité simple d’un pays aura été niée à ce point par un discours prétendu vertueux –et j’en serais, juif, l’objet, et ils en sont, les vigilants, coupables.

    Réalise-t-on pourtant quel malheur nous préparons –je parle en juif–, si venons à penser que dans notre pays, seuls les riches nous agréeraient, si nous oublions que ce peuple mal embouché nous cacha, jadis, quand les élites prêtaient serment à Pétain ?

    Pouvons-nous, juifs, vivre heureux en France dans l’idée que le peuple nous rejette, si nous participons ensuite à son humiliation, et si nous consentons aux opportunismes des politiques et aux manipultions des vigilants ? Nos ancêtres, sous l’autocrate russe, savaient être tolstoïens et ne haïssaient pas le moujik au prétexte des progromes, pourtant réels ceux-là.

    Posons pour finir. Nul ne prétend que le pays est simple, ou la période.

    Nul ne prétend que le mouvement baptisé « gilets jaunes » est exempt de laideurs populacières, qui s’entremêlent aux insurrections populaires.

    Nul ne croit que Dieudonné ou Soral sont des illusions.

    Nul le croit que les peuples sont commodes, et joyeux les dilemmes des juifs.

    Nul ne pense qu’il est facile d’être de gauche au Royaume-Uni, quand Jeremy Corbyn, ayant rendu le Labour aux masses, grasseye le plus stupide des tiers-mondismes et, croyant aimer la Palestine, autorise le malheur des vieux juifs du travaillisme.

    Nul ne pense qu’il est pimpant de se vouloir insoumis, quand le populaire François Ruffin fait résonner des thèmes étranges et ne veut pas comprendre qu’Étienne Chouard, complotiste et un temps soralien, n’est plus de son monde. Mais s’il l’était ? Et de cette question, je suis, comme d’autres, et en dépit de moi, contaminé.

    #Antisémitisme #Manipulation #Médias #Gilets_jaunes

    • Je ne peux pas dire que je suive de très près l’actualité, je crois qu’au contraire j’ai pris de très mauvaises bonnes habitudes en 2016-2016 en décidant de tout ignorer de la catastrophe électorale en cours alors, mais lors de mes exercices de dyslexie créative, j’ai bien vu passer un article ou l’autre à propos de ces incidents antisémites relatifs aux gilets jaunes (qu’on met toujours entre guillemets dans Le Monde, comme si la chose était salissante), et j’ai été surpris de ma propre réaction, je me suis dit, ah ben tiens comme c’est curieux, l’antisémitisme comme dernière cartouche du discrédit et puis de vieux réflexes plus prudents m’ont dit que sans doute il fallait que je fasse un choix sur cette affaire, soit je me documentais, j’essayais d’en savoir un peu plus sur le sujet pour me forger une opinion qui soit un peu plus qu’une réaction, soit je retournais dans mon garage faire de l’html avec des bouts de trucs à moi et je décidais de n’en rien penser, j’ai choisi, évidemment, la deuxième solution. Et puis je tombe sur cet article dans mon fil de seenthis et j’en suis drôlement reconnaissant à Claude Askolovitch qui confirme bien ce que je pensais tout bas, le tout en continuant de jouer dans mon garage.

  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      icf-habitat

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

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      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

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      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • [THREAD] Quel est le poids des origines et du lieu de résidence dans le choix du conjoint des parisien-ne-s ? Un sondage @IfopOpinion
    https://twitter.com/IfopOpinion/status/1074965806524612608


    @Cam4 révèle une réticence des parisien-ne-s aux unions interraciales qui affecte avant tout les hommes « noirs », « arabes » et « asiatiques »
    On observe un clivage Est-Ouest assez net concernant les parisien-ne-s qui refuseraient de se mettre en couple avec quelqu’un originaire d’un pays d’Afrique sub-saharienne, le refus étant plus marqué dans l’Ouest. Ce clivage recoupe le clivage politique gauche/droite.

    Coucheriez-vous avec un mec du 9-3 ? Enquête sur le poids des origines et du lieu de résidence dans le choix du conjoint des Parisiens - IFOP
    https://www.ifop.com/publication/coucheruez-vous-avec-un-mec-du-9-3-enquete-sur-le-poids-des-origines-et-du-lie

    Hommes blancs seulement”, “Pas de femmes africaines” [1], “Désolée, je n’aime pas les Asiates”[2]… La multiplication des témoignages de victimes de préjugés raciaux sur les applis de rencontre[3] tout comme la publication d’études y mettant en lumière la moindre désirabilité de certaines minorités ethniques[4] soulève de plus en plus la question des considérations raciales qui président aux choix des rencontres amoureuses.

    Afin d’en savoir plus sur un problème souvent occulté par les sites de rencontre, le département « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop a interrogé les habitants de la capitale qui peuvent être, de par la plus grande diversité de la population de leur région[5], plus confrontés que la moyenne des Français à ce type de situation.

    Réalisée auprès d’un échantillon de taille conséquente (2 000 personnes âgées de 18 ans et plus), cette étude met en lumière les formes d’endogamie géographique qui jouent dans la formation des couples parisiens ainsi que les logiques d’ethnocentrisme dont sont victimes les personnes étrangères ou d’ascendance étrangère, notamment lorsqu’elles apparaissent très éloignées de la population majoritaire sur le plan social et culturel.

    LES CHIFFRES CLÉS DE L’ENQUETE

    Un hiatus entre des discours valorisant la mixité sociale et ethnique sur le plan sexuel et la réalité des choix conjugaux

    Si les discours des Parisien(ne)s ont tendance à valoriser une certaine ouverture à la mixité sur le plan social, géographique ou ethnique, celle-ci est, en réalité, peu pratiquée dans les faits.

    Rares sont les Parisien(ne)s à reconnaitre que le lieu de résidence est un critère déterminant dans leur choix d’un conjoint (8%). De même, ils sont loin de donner beaucoup d’importance à des éléments comme sa religion (26%) ou ses origines ethniques (23%). A l’inverse, ils déclarent plutôt prendre en compte « l’éducation/les manières » (59%), les « hobbys » (38%) ou la situation parentale (31%) lorsqu’ils font le choix d’une personne avec laquelle ils souhaiteraient être en couple.

    Or, lorsqu’on demande aux Parisien(ne)s actuellement en couple où résidait leur partenaire lorsqu’ils l’ont rencontré pour la première fois, ils sont plus des deux tiers (69%) à indiquer que ce dernier résidait dans Paris intra-muros au moment des faits. Et cette forme d’endogamie s’avère plus fréquente dans les arrondissements aisés de l’Ouest (75% dans le 15e, 74% dans les 7/8/16/17e) que dans les arrondissements plus populaires de l’Est (56% dans le 12e, 66% dans les 18/19/20e).

    À Paris, le souci de distinction se traduit-il donc par un rejet des banlieusards ? Ca dépend lesquels… Si, au total, près d’un quart (23%) des Parisien(ne)s est en couple avec quelqu’un résidant en banlieue au moment de leur rencontre, ils ont beaucoup plus tendance à avoir trouvé leur partenaire dans des départements « aisés » comme les Hauts-de-Seine (6%) que dans un département « populaire » et « métissé » comme la Seine-Saint-Denis (3%).

  • Quand, pour la dernière fois, les forces de l’ordre ont-elles tiré sur une foule en France ? - Libération
    https://www.liberation.fr/checknews/2018/12/07/quand-pour-la-derniere-fois-les-forces-de-l-ordre-ont-elles-tire-sur-une-

    En France métropolitaine, les derniers tirs de policiers sur une foule remontent au 17 octobre 1961, lors d’une mobilisation à Paris appelée par la branche française du FLN. « Tout le monde a en tête les Algériens jetés dans la Seine, mais beaucoup ont été tués ou blessés par des tirs de la police, notamment au pont de Neuilly », explique à CheckNews l’historien Emmanuel Blanchard (2).

    Ce jour-là, les manifestants bravent le couvre-feu imposé à l’époque aux seuls Français musulmans d’Algérie. Pour les empêcher de pénétrer dans Paris, et notamment dans les beaux quartiers, à l’Ouest de la capitale, des barrages de police sont érigés sur plusieurs ponts enjambant la Seine. Au pont de Neuilly arrivent de nombreux manifestants, venus entre autres des bidonvilles de Nanterre. « La police ouvrira alors le feu de manière abondante, explique Emmanuel Blanchard. Plusieurs tués ou blessés par balle seront ensuite jetés dans le fleuve ». Alors que le bilan officiel évoquera 3 à 4 morts, les historiens considèrent qu’il y aurait eu plusieurs dizaines de victimes.

    #maintien_de_l’ordre

  • Dans les lycées, le grand tohu-bahut - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/12/06/dans-les-lycees-le-grand-tohu-bahut_1696497

    « Il y a de réels facteurs d’inquiétude. Nous faisons face à des situations d’une extrême violence, comme nous n’en avons jamais connues au sein de l’Education nationale, s’alarme Gabriel Attal, secrétaire d’Etat en charge de la jeunesse auprès du ministre de l’Education, dans une interview à Libération. Jeudi matin, par exemple, un appel à la guérilla a été lancé sur les réseaux sociaux à Clermont-Ferrand. » A Vénissieux, près de Lyon, « des individus s’en sont pris physiquement à des personnels de l’Education nationale qu’ils ont poussés à terre et aspergés d’essence. Les limites du tolérable sont largement dépassées et nous appelons tout le monde à la responsabilité ».

    La situation est aussi très tendue à Toulouse, Lille ainsi qu’en région parisienne, dans les Yvelines, le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis. A La Courneuve, « des individus cagoulés ont jeté jeudi matin des cocktails Molotov et des bouteilles de verre sur les CRS », raconte Gabriel Attal, qui ajoute qu’une cellule de crise a été activée depuis une semaine, en lien avec le ministère de l’Intérieur, pour « réagir au plus vite ». A Mantes-la-Jolie, 148 personnes ont ainsi été interpellées dans un seul et même lycée… Le commissaire de police a voulu « interrompre un processus incontrôlé », a-t-il déclaré à l’AFP.

    "la Fédération des parents d’élèves (FCPE) regrette que « le gouvernement n’ait pas réussi à stopper la spirale de la violence lycéenne. Depuis trois semaines, la situation devant les établissements n’a cessé de se dégrader, des lycéens se retrouvent en garde à vue, certains sont blessés voire hospitalisés ». La FCPE demande que des consignes soient données aux forces de l’ordre « pour que les lycéens puissent manifester en toute sécurité sans qu’aucun d’entre eux ne finisse à terre »."

  • Gilets jaunes : ne croyez pas la télé !
    André Gunthert 2 décembre 2018 - 9 h 06 min

    Les préoccupations de décompte du nombre de manifestants sont totalement obsolètes. Car l’occupation spatiale des gilets n’a rien à voir avec le regroupement en bataillon d’une foule sur une avenue. Si la métaphore guerrière pouvait venir à l’esprit, c’était plutôt dans sa dimension tactique. Malgré ou plutôt à cause des blocages policiers, la signature visuelle des gilets jaunes se déplaçait sans cesse, en petits groupes mobiles, inscrivant sa souveraineté sur le territoire parisien, franchissant la Seine sans souci des itinéraires balisés, et venant interrompre la circulation à la vitesse de l’éclair, malaisément suivie par le cordon policier.

    Qu’on était loin de l’obéissance syndicale, incarnée par le respect du tracé préfectoral Bastille-Répu, et par la pression des rangées de CRS venues intimider les manifestants. Grâce à cette mobilité tactique, hier, ce qui sautait aux yeux, c’est que les gilets jaunes avaient pris Paris.

    #giletsjaunes #médias #police #tactiques #répression #syndicats #gilets_jaunes #harcèlement #cortègedetête #province #campagne #nasse #techniques_policières #répression #précariat #salariat

    http://imagesociale.fr/6807?subscribe=error#blog_subscription-3

    • Comme mes amis photographes sur Facebook, aimantés par le pittoresque des situations d’affrontement et par la rassurante identification d’une figure connue – l’apocalypse sur fond d’incendie –, l’information privilégiait le schéma des violences émeutières, aplatissant l’intelligence et la nouveauté du mouvement par l’imposition du filtre de la casse. Pas étonnant qu’une mobilisation qui refuse toute médiation soit si mal traitée par les médiateurs professionnels, qui sont en réalité aussi dépassés que la police par les caractères inédits de l’action.

  • L’honneur perdu d’une institution – hommage à Brigitte Lainé | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/opinion/2018/11/28/lhonneur-perdu-dune-institution-hommage-a-brigitte-laine

    Pour avoir témoigné en faveur de Jean-Luc Einaudi lors d’un procès intenté par Maurice Papon à propos de son rôle dans le massacre du 18 octobre 1961, et avoir confirmé à la barre l’existence de documents incommunicables attestant des ordres donnés directement par le préfet de police, Brigitte Lainé fut placardisée le restant de sa carrière. Elle est morte le 2 novembre dernier. Hommage à une archiviste héroïques et remarques vives sur son institution, les Archives.

    Rappelons les faits.

    Jean-Luc Einaudi avait consacré un livre à la répression policière de la manifestation des Algériens qui eût lieu à Paris le 17 octobre 1961. Un massacre. Des corps jetés dans la Seine. Officiellement trois ou quatre, sept tout au plus, et encore laissait-on entendre qu’il s’agissait de règlements de compte entre les combattants algériens. En réalité, des centaines. Le grand mérite de Jean-Luc Einaudi fut de sortir de l’oubli un événement sur lequel aucun historien professionnel ne s’était jusque-là penché. Il croisa pour cela quantité de témoignages, puis poursuivit son enquête, fréquenta les Archives de Paris, détentrices des archives judiciaires. Les dossiers de cette période n’étaient pas légalement communicables, sauf dérogation accordée individuellement après instruction du dossier du lecteur. Jean-Luc Einaudi n’essuya que des refus ou pire, ne fut même pas honoré d’une réponse.

    Le 20 mai 1998, il parla dans Le Monde du « massacre perpétré par une police aux ordres de Papon », alors préfet de Paris en 1961. Ce dernier, qui venait d’être condamné à Bordeaux pour son rôle dans la déportation des Juifs de la Gironde entre 1942 et 1944, se saisit de l’occasion. Il lui intente un procès en diffamation. Il sait que la loi sur l’accès aux archives le protège dès lors que les archives ne sont pas communicables : que Jean-Luc Einaudi apporte la preuve que la police a agi sous ses ordres ! C’est alors que l’avocat du chercheur va demander à Brigitte Lainé et Philippe Grand de venir corroborer, en tant que conservateurs de ces documents dont ils connaissent le contenu, les propos de Jean-Luc Einaudi. Le témoignage de Brigitte Lainé (Philippe Grand en fera un par écrit) sera décisif. Les centaines de morts, ils les ont sous les yeux. Papon sera débouté. Le soir même Brigitte Lainé et Philippe Grand seront accusés par leur hiérarchie de manquement au « devoir de réserve ». Ils encourent pour cela un an de prison et une lourde amende. Mais voilà : quiconque est régulièrement cité par un magistrat en qualité de témoin est relevé ipso facto de l’obligation au secret professionnel. Privée de poursuite pénale, l’administration n’a d’autres moyens de sévir que la persécution administrative. Alertés, les inspecteurs généraux des Archives de France déclenchent l’enquête administrative avec la perspective d’un conseil de discipline et de toute une série de sanctions allant jusqu’à la révocation. En attendant, Brigitte Lainé et Philippe Grand sont « placardisés ».

    #Archives #17_Octobre #Histoire

    Pour autant, rétive à la pensée réflexive, la corporation des archivistes, de même que celle des agents de l’Etat d’une manière générale, ne pourra faire longtemps l’économie d’un retour sur ses pratiques. Les scandales, qu’on transforme en « affaires » pour mieux les étouffer, ne cessent de s’accumuler. À la découverte du Fichier juif, par Serge Klarsfeld, en novembre 1991, a succédé celle de l’élimination d’archives concernant des biens juifs sous l’Occupation par les Archives de Paris en 1998 puis, comme le soulignèrent dans une lettre ouverte le 29 mai 2001 à Lionel Jospin, alors Premier ministre, Brigitte Lainé et Philippe Grand, la disparition de documents (toujours aux Archives de Paris) qui auraient permis l’enquête sur le massacre du 17 octobre 1961 (il n’existe plus un seul exemplaire du rapport du Préfet de police). On se demande encore où sont les rapports de la brigade fluviale qui pourraient contenir le nombre de manifestants noyés le soir du 17 octobre 1961. La « sale guerre » a du mal à émerger des archives lorsqu’elles existent encore. C’est seulement aujourd’hui que resurgit un fichier de mille et plus combattants algériens morts sous la torture à l’instar de Maurice Audin, alors que l’enquête sur la disparition de ce dernier n’a jamais été close !

    Dans chaque cas, on s’interroge sur la responsabilité de l’institution des Archives.