• C’est pas le gros drame, mais ça me semble la suite du psycho-drame de Carnon qui veut faire payer le parking du Grand Travers, mais qui est (était ?) bloqué parce que le terrain ne lui appartient pas (ça appartient au Littoral)… : hier donc il faisait 28°, alors évidemment entre les vacances, le week-end et la chaleur, tout #Montpellier s’était donné rendez-vous à la plage. Et la plage familiale de Montpellier, c’est le Grand Travers, entre Carnon et la Grande Motte.

    Arrivé là, le parking du Grand Travers (le grand parking gratuit de 1000 places que la municipalité rêve de rendre payant) est fermé, depuis des mois, pour cause de « travaux ». Et l’autre parking (le payant, un peu plus petit), hé ben il est fermé aussi (pourquoi ? on ne sait pas).

    Donc hier, toutes les familles de Montpellier en train d’errer pour réussir tenter de trouver une place pour se garer. (Mission impossible : j’ai déposé la familia à la plage et je suis allé dessiner à La Grande Motte.)

    (Et pour les ceusses qui ne suivraient pas : Carnon, c’est aussi un de ces bleds qui ne veulent surtout pas faire partie de la Métropole de Montpellier et qui refusent absolument que le tram aille jusqu’à la mer. J’y ai habité pendant mes études : c’est même pas vraiment une ville qui existe avec des habitants : c’est une station balnéaire vide la plupart de l’année, avec des studios à louer l’été. Le reste du temps, c’était la même ambiance que dans 28 Jours plus tard. La seule raison d’être de ce truc, c’est de maximiser le pognon soutiré aux touristes, mais en ne vivant surtout pas là. Et donc, autant que possible, éviter que les habitants de Montpellier et la région viennent profiter de la plage, parce que ce ne sont pas les consommateurs captifs dont on veut.)

  • L’aménagement forestier, un fiasco franco-camerounais
    https://afriquexxi.info/L-amenagement-forestier-un-fiasco-franco-camerounais
    par #Fanny_Pigeaud

    Le #Cameroun, recouvert à 40 % de forêts tropicales qui fournissent aujourd’hui des produits de base traditionnels à environ 8 millions de personnes selon la Banque mondiale, devient au milieu des années 1990 le pays-pilote de ce modèle. Il n’a pas vraiment le choix : sous ajustement structurel, il y est contraint par ses bailleurs de fonds occidentaux, dont la France et la Banque mondiale. En 1994, le Cameroun est le premier État d’#Afrique_centrale à faire entrer dans sa législation le modèle d’#aménagement_forestier conçu par Paris.

    Le dispositif mis en place prévoit que l’État confie aux #entreprises_forestières, sous le régime de #concession et en général pour trente ans, de vastes superficies de forêts appelées « unités forestières d’#aménagement » (UFA). Chaque UFA couvre jusqu’à 200 000 hectares et est divisée en blocs qui sont exploités les uns après les autres, au fil des ans, sur la base d’un inventaire des #essences. L’objectif final : alimenter le marché mondial du bois. Quasiment tout ce qui sera extrait des UFA, bien souvent par des multinationales, quittera le pays.

    [...]

    Le temps a fini par faire tomber certaines croyances. « Quand la #sylviculture_tropicale moderne est née [au lendemain de la Seconde Guerre mondiale], on pensait que les forêts tropicales étaient beaucoup plus productives, que des cycles de coupe sur 30 ou 40 ans étaient suffisants pour une reconstitution durable sur le long terme du stock de #bois prélevé. Les données scientifiques dont on dispose aujourd’hui montrent que ce n’est pas le cas », explique Plinio Sist, écologue des #forêts_tropicales spécialisé sur l’Amazonie et chercheur du #Cirad.

  • Recension par Maël Rannou de Mélanie BOURDAA (2021), Les fans. Publics actifs et engagés
    https://journals.openedition.org/communication/17493

    Spécialiste française reconnue des études de fans (fan studies), dans un pays où elles sont encore assez peu exploitées, Mélanie Bourdaa avait déjà dirigé un passionnant dossier à ce sujet dans le numéro sept de la Revue française des sciences de l’information et de la communication (novembre 2015). Avec ce livre, qui s’appuie sur des réflexions tirées de nombreux articles, associées à de nombreux éléments nouveaux, elle publie sa première synthèse personnelle. Celle-ci s’annonce dès le sous-titre armé d’un parti pris fort : celui de fans comme acteurs particulièrement créatifs et investis, à l’opposé d’une image négative de « nerd » passif avalant un produit culturel sans aucun recul.

    2La structure de l’ouvrage est simple : deux parties, « Politique(s) du et des fans » et « Pratiques de fans », mêlent posture définitionnelle et exemples de l’engagement social des fans dans ces cadres. La première se fixe plus sur le rapport des fans au monde ou sur la façon dont s’incarne leur lien aux objets de passion à l’externe (jusqu’à l’engagement militant, central dans le deuxième chapitre, mais aussi le dans le troisième sur la question de la représentation). La seconde partie se penche plutôt sur le rapport des fans entre eux, sur la naissance de communautés et de réseaux extrêmement forts, notamment pour célébrer, archiver ou analyser ce qui a déclenché cette passion. Si cela peut donner lieu à une communication externe, le but initial diffère. Les démonstrations sont appuyées par un grand nombre d’exemples concrets, issus de tel ou tel fandom, parfois enrichies d’entretiens qualitatifs et de sondages. Fidèles à la plupart des travaux de l’autrice, les fandoms utilisés sont en général ceux des séries télévisées, plus largement de pop culture audiovisuelle.

    Parmi les aspects passionnants de la première partie, notons le troisième chapitre, consacré aux représentations et à l’identification des spectateurs. Il se concentre sur les aspects LGBTQI+, et plus particulièrement sur les processus de coming out des personnages auprès de leurs différents cercles de proximité. Sans surprise, les spectateurs des séries se reconnaissant dans cette communauté sont particulièrement investis dans ces épisodes, et des témoignages montrent que pour certains il s’agit d’une révélation de leur normalité. Ce progressisme des séries s’accompagne cependant d’un revers avec le phénomène « bury your gay / dead lesbian syndrome », qui désigne la forte mortalité des personnages LGBT dans les séries. Face à ce trope, l’autrice décrit un phénomène fascinant, conceptualisé dans les cercles de fans comme « the gay migration », soit dans le cas étudié comment des fans lesbiennes passent d’une série à une autre une fois les personnages lesbiens morts ou évincés.

    La seconde partie étudie particulièrement les créations de fans, dans leurs aspects très divers. Si la fanfiction (récits de fans prolongeant l’univers) ou le cosplay (pratique de costume en personnages de séries pouvant atteindre un niveau semi-professionnel) en sont les incarnations les plus connues, l’autrice dépasse largement ces seuls aspects. Elle propose ainsi des analyses pertinentes, appuyées sur des études fines, des entretiens, des musées virtuels, wiki et des bases de données constituées par des fandoms clairement actifs et experts, qui constituent des milliers d’heures de travail bénévoles et participent fortement aux rebonds des œuvres. De la même manière, elle dévoile des aspects parfois inattendus des réseaux sociaux.

    À travers l’exemple de Mad Men, elle rapporte l’amusante contradiction du service de juridique de la chaîne AMC qui a forcé des fans à fermer les comptes Twitter de personnages de la série, qui échangeaient donc comme s’ils étaient réels, avant que le service marketing demande leur réouverture, face à l’évident intérêt promotionnel. Un acte qui sonne autant comme une reconnaissance de l’importance du fandom et de son influence que comme une possible récupération commerciale d’un espace qui, s’il est fan, sait normalement aussi être libre et parfois critique

    L’un des derniers points intéressants de cet ouvrage est incontestablement son aspect « état de l’art ». Première somme réelle sur les études de fans en France, le texte donne à voir un grand nombre de références, d’articles et de concepts qui paraîtront complètement nouveaux pour un lecteur curieux qui n’est pas spécialiste.

    #Mélanie_Bourdaa #Fans #Séries_télévisées

  • Recension : Mélanie Bourdaa, Les Fans. Publics actifs et engagés
    https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/34121

    Depuis l’avènement de l’internet et des réseaux sociaux numériques, les habitudes de téléspectateurs et notamment celles des fans de séries télévisées sont en pleine reconfiguration. La consommation de programmes audiovisuels sur diverses plateformes permet dorénavant aux publics de pouvoir interagir, émettre leur avis à propos du contenu, favorisant par ce fait une construction du sens. Il émerge donc une nouvelle catégorie de publics beaucoup plus actifs et dotés d’une capacité critique des offres médiatiques notamment des séries télévisées. La culture de la participation, encore appelée culture fan au sens d’Henry Jenkins, ouvre une nouvelle voie des travaux de recherche sur cette question en mobilisant les références se situant « à la jonction des Cultural Studies et des sciences de l’information et de la communication » (p. 19).

    #fans #Mélanie_Bourdaa

  • Les jeux vidéo rendent-ils violent ?
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/les-jeux-video-rendent-ils-violent-9209352

    En août dernier après une énième fusillade, Donald Trump évoquait « les jeux vidéo horribles et macabres qui sont devenus banals » comme incitateurs à la violence.

    Depuis la massification des jeux vidéo à la fin des années 1980, hommes politiques et médias les accusent régulièrement d’être nocifs et de rendre les joueurs violents. Un phénomène qui serait à mettre en relation avec les tueries de masse aux États-Unis, dont les auteurs, typiquement de jeunes hommes mal dans leur peau et violents, seraient adeptes. 

    Quand ce n’est pas pour leur incitation à la violence que les jeux vidéo sont pointés du doigt, c’est pour leur côté addictif et abrutissant pour ceux qui y passent des journées ou des nuits entières.

    Nous avons demandé à Vanessa Lalo, psychologue clinicienne et spécialiste des comportements numériques, de faire le point avec nous sur les jeux vidéo et leurs effets.

    Les jeux vidéo rendent-ils violent ?

    Vanessa Lalo : « Les jeux vidéo ne rendent pas violent. En tout cas, les études ne montrent pas de lien de causalité entre un jeu violent et un comportement violent. »

    Souvent les jeunes auteurs de tueries aux États-Unis jouaient à des jeux violents, non ?

    Vanessa Lalo : « 90% des jeunes aujourd’hui jouent aux jeux vidéo tout court. Donc, c’est extrêmement difficile de mettre en avant cet argument-là. Ce qu’on peut montrer, c’est que le jeu vidéo avec la compétition que ça induit, parce qu’on veut dépasser l’autre, qu’on veut le tuer, être meilleur que lui, va pouvoir créer une certaine agressivité. Mais que ce soit sur Candy Crush, sur Mario Kart ou sur un jeu vidéo où on tue à la 1re personne, le résultat sera le même. Le jeu vidéo ne va pas rendre violent à proprement parler. Au contraire on a pu prouver depuis les années 1990, qu’à chaque sortie de jeu vidéo violent on observe une baisse de la criminalité, en tout cas aux États-Unis. »

    #Jeux_vidéo #Violence #Fantasmes

  • Israeli intelligence report claims four UNRWA staff in Gaza involved in Hamas kidnappings | World News | Sky News
    https://news.sky.com/story/israeli-intelligence-report-claims-four-unrwa-staff-in-gaza-involved-in-ha

    Le chapeau :

    Sky News has been shown Israeli documents which make a string of allegations against the UN agency, including claims it is “assisting Hamas with securing humanitarian aid that is transferred to the Gaza Strip”.

    Puis rappel des accusations, re-rappel des accusations, re-re rappel des accusations… puis hop ! Surgi de nulle part :

    The Israeli intelligence documents make several claims that Sky News has not seen proof of and many of the claims, even if true, do not directly implicate UNRWA.

    #fantastique

  • #Boris_Vian - La vache enragée
    https://www.partage-noir.fr/boris-vian-la-vache-enragee

    Boris Vian n’a jamais eu un statut d’écrivain reconnu. Il reste tou­jours pour les esprits obtus un « obsédé sexuel », auteur de récits sa­diques (voir à ce sujet : Pierre de Boisdeffre dans les premières éditions de son Histoire vivante de la littérature). Rien ne lui a été épargné ; pour certains il était un métèque (russe ou arménien), un divorcé (ce qui m’arran­ge rien), un existentialiste (parce qu’il jouait de la trompette à Saint-Germain-des-Prés ?) qui n’avait aucun respect ni pour (...) #Soleil_Noir

    / Boris Vian, #Fanzinothèque, Soleil Noir (fanzine)

    #Soleil_Noir_fanzine
    https://www.partage-noir.fr/IMG/pdf/soleilnoir1990_19920901_n010_2_.pdf

  • « Pas un #euro aux #nazis d’#Israël » :-D :-D :-D

    Ca vole pas très haut, au niveau des interlocuteurs... particulièrement les #fanatiques #sionistes

    « Pas un #shekel aux nazis de #Gaza » : Israël gèle une partie des fonds de l’#Autorité_palestinienne

    « Israël a gelé le remboursement de plus de 100 millions de dollars appartenant à l’Autorité palestinienne en affirmant que ces fonds auraient pu servir au #Hamas, le mouvement #islamiste qui contrôle la bande de Gaza.

    En Israël, le gouvernement de Benyamin #Netanyahou s’est livré à tour de passe-passe financier. Sous la pression constante de #Bezalel_Smotrich, le ministre des #Finances et chef d’un parti d’#ultradroite, le remboursement de 120 millions de dollars à l’Autorité palestinienne a été gelé sur un compte en Norvège. (...) »

    #politique #occident #monde #marchands_du_temple #marchandage #confiscation #l_argent_ca_va_ca_vient #seenthis #vangauguin

    https://www.marianne.net/monde/proche-orient/pas-un-shekel-aux-nazis-de-gaza-israel-gele-une-partie-des-fonds-de-l-auto

  • 🧵Listing government reactions to the ICJ order for provisional measures on Gaza today (will limit this to European & Western govts) 👇
    https://twitter.com/martinkonecny/status/1750951151099367876?s=48&t=Iwn4bpiKIJHEjLmmCl0aaQ

    […]

    🇪🇸Spain: “We welcome the decision of the ICJ and ask the parties to apply the provisional measures it has decreed.” (NB: ICJ measures are all addressed to Israel, not “parties”, though it does also call for release of Israeli hostages.)

    […]

    🇩🇪Germany - quite measured in comparison to earlier statement against S Africa case.

    ICJ’s provisional measures “are binding under international law. Israel must abide by them.”

    🇫🇷France - the most muddled one so far: supporting ICJ and int’l law but fails to urge implementation of the measures.

    Also: you can’t argue for narrower interpretation of genocide after you’ve argued for broader one in the Myanmar case
    @steph_

    […]

  • Ocasio-Cortez dénonce l’#AIPAC qui a critiqué son positionnement à l’égard de #Gaza - The Times of Israël
    https://fr.timesofisrael.com/ocasio-cortez-denonce-laipac-qui-a-critique-son-positionnement-a-l

    La Démocrate progressiste a déclaré que le groupe pro-israélien était « #raciste », « #fanatique » et « #extrémiste » et l’a accusé de déstabiliser la démocratie américaine

  • The New Enemies of Argentina’s Far Right: Taylor Swift and BTS Fans - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2023/11/04/world/americas/argentina-election-swift.html

    Javier Milei, a far-right libertarian economist, has stayed aloft in Argentina’s presidential campaign on the wings of the youth vote.

    To win the runoff election this month, he will need to hold on to that key demographic, pollsters say. But now, a major hurdle stands in his way: Swifties.

    Squadrons of Argentine fans of the pop star Taylor Swift have gotten political. They have trained their online sights on Mr. Milei and his rising libertarian party, framing them as a danger to Argentina, while Ms. Swift herself is preparing to arrive in Argentina next week for the launch of her Eras Tour outside North America.

    “Milei=Trump,” said one post from a group called Swifties Against Freedom Advances, which is the name of Mr. Milei’s party.

    But it isn’t just Swifties who are organizing against Mr. Milei. He and his running mate, Victoria Villarruel, are also contending with criticism from legions of loyal fans of another musical juggernaut, the K-pop band BTS. They are so active and organized on the internet that they have become known as the BTS Army.

    Last week, the fury of that army was unleashed upon Ms. Villarruel after a series of her tweets denigrating the K-pop group resurfaced. In 2020, she likened the name BTS to a sexually transmitted disease. She also mocked the dyed pink and green hair of some members.

    Those tweets prompted such a fierce response from BTS fans, accusing her of xenophobia, that a large BTS fan club in Argentina felt compelled to try to calm their fellow fans down. “The message that BTS always transmits is one of respect to oneself and everyone else,” said a statement from the club, which has been viewed 1.9 million times, according to X.

    Ms. Villarruel’s only reaction online to the BTS blowback has been a post in which she called her S.T.D. post part of “funny chats” from “a thousand years ago.”

    Mr. Milei’s political base is particularly reliant on young voters. One survey of 2,400 people in October showed that nearly 27 percent of his support came from people ages 17 to 25, versus less than 9 percent for Sergio Massa, the center-left economy minister who opposes Mr. Milei in the runoff. People under 29 account for 27 percent of all eligible voters in Argentina.
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    Many young voters said they see Mr. Milei, who has taken to wearing leather jackets and wielding a chain saw at his campaign events, as the “cool” outsider candidate who has also become a sort of online meme.

    #Fans #K-Pop #Election_Argentine #Taylor_Swift

  • Dans les #lagons polynésiens, les #déchets invisibles du temps du nucléaire

    En trente ans de présence sur le territoire polynésien puis à la suite de son démantèlement, le #Centre_d’expérimentation_du_Pacifique a produit de très nombreux déchets. Si certains ont été enterrés, d’autres ont été jetés dans le lagon. Les #risques que représentent ces déchets contaminés restent difficile à établir.

    Combien de tonnes de déchets gisent au fond des lagons polynésiens ? Difficile à dire. Il existe bien des #chiffres de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) : « 3 200 tonnes de déchets radioactifs ont ainsi été immergées dans les eaux territoriales françaises en Polynésie. » Mais prennent-ils réellement en compte l’ensemble des déchets jetés dans l’océan à l’époque des #essais_nucléaires ? Rien n’est moins sûr. Une partie de ces déchets n’ont sans doute pas été comptabilisés car ils n’ont simplement pas été inventoriés.

    Entre 1966 et 1996, 193 essais nucléaires ont été menés en #Polynésie, sur les #atolls de #Moruroa et #Fangataufa, dans l’#archipel_des_Tuamotu. Ces tirs aériens dans un premier temps, puis souterrains à partir de 1975, ont généré une très grande quantité de déchets plus ou moins radioactifs, c’est-à-dire qui ont la particularité d’émettre des rayonnements pouvant présenter un risque pour l’homme et l’environnement. Ces déchets sont très hétérogènes, ce sont à la fois les avions qui récupéraient les #poussières_radioactives dans les nuages, des moteurs d’engins, des matières plastiques, des tenues et des chaussures, des déchets inertes (gravats, terre…).

    Jeter dans le #lagon : une solution rapide et peu coûteuse

    L’immersion des déchets, soit le dépôt sur les #fonds_marins, est, à l’époque, une pratique commune. On parle « d’#océanisation » des déchets. En Polynésie, ces derniers sont ainsi stockés sur plusieurs sites entre les atolls d’#Hao et Moruroa, à partir de 1967. Une fosse de 2 500 mètres de profondeur est d’abord creusée à 8 km de Hao. Selon les chiffres de l’Andra, 310 tonnes de déchets radioactifs conditionnés en fûts de béton et 222 tonnes de #déchets_radioactifs en vrac ont été immergées sur le site nommé #Hôtel. Deux sites (#November et #Oscar) sont utilisés à Moruroa, pour procéder à des immersions de plusieurs tonnes déchets à partir d’hélicoptères et de bateaux.

    Mais pourquoi avoir pollué les eaux polynésiennes ? Selon l’Andra, « l’#évacuation en mer a été un moyen de gestion de tout type de déchets. Les déchets radioactifs n’ont pas fait exception à cette règle. Cette solution était considérée à l’époque comme sûre par la communauté scientifique car la dilution et la durée présumée d’isolement apportées par le milieu marin étaient suffisantes ».

    En l’absence de filière de gestion, l’océanisation apparaît comme la seule solution. L’éloignement des sites explique aussi ce choix, selon Jean-Marie Collin, directeur de la Campagne ICAN en France (Campagne Internationale pour Abolir les Armes Nucléaires) : « Ramener les déchets jusque dans l’Hexagone était une solution plus coûteuse et plus complexe. Creuser un trou dans le désert en Algérie ou jeter par-dessus bord en Polynésie étaient une alternative bien plus simple », regrette-t-il.

    Dans le livre Des bombes en Polynésie, l’historien Renaud Meltz détaille la pratique : « Les militaires tiennent l’inventaire à la Prévert, mois après mois, des quelques tonnes de petits matériels (900 paires de gants, 272 kg ; 883 combinaisons, 618 kg, 200 paires de pataugas 200 kg, etc.) et des milliers de tonnes de gros matériel sont livrés à l’océan. »

    En 1972, la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers interdit l’immersion de déchets fortement radioactifs. Elle entre en vigueur en août 1975. Mais les Français font fie des réglementations internationales. Alors que l’immersion au large des côtes métropolitaines s’arrête en 1969, elle continue en Polynésie jusqu’en 1986.

    Des conditionnements sommaires

    Mais si ces déchets posent problème c’est aussi parce que leur #conditionnement a souvent été négligé. Pourtant, une procédure impose que « tous les déchets radioactifs doivent être déposés dans des sacs en vinyles soudés ou fermés hermétiquement par bandes adhésives. Ces sacs sont ensuite placés dans des fûts ou autres récipients lestés (ciment ferrailles). »

    En théorie, les déchets doivent donc être conditionnés selon leur #radioactivité. Dans les faits, tous ne le sont pas. « Seuls ceux dont la taille permet d’être entreposé dans des fûts profitent d’un conditionnement, les autres restent en vrac. Aussi, une partie des résidus, produits au fond des puits ou les bombes détonnaient n’ont jamais été remontés », écrit le chercheur spécialiste du nucléaire Teva Meyer dans l’ouvrage Des bombes en Polynésie.

    En 1970, huit fûts provenant des laboratoires de Mahina sont immergés sans conditionnement, après avoir été percés pour éviter l’éclatement. À partir de mars 1975, cinq avions Vautour utilisées pour traverser les nuages des explosions pour récupérer les poussières radioactives, sont coulés.

    En 1982, le rapport de la #mission_Haroun_Tazieff pointe les problèmes liés aux déchets dans le lagon, entraînés par la tempête en mars 1981. En 1988, la #mission_Calypso, dirigé par le commandant Cousteau, indique que Moruroa n’est pas un bon site de #stockage de déchets radioactifs. Ils considèrent qu’« il n’y a aucune raison de croire que si certains critères de confinement semblent nécessaires au stockage des déchets des centrales nucléaires civiles, ils ne soient plus nécessaires pour stocker les déchets des essais nucléaires militaires. » Trop tard, les immersions ont été faites, trop souvent sans protection.

    Quels #risques pour la population ?

    Aujourd’hui, les déchets datant de l’époque du nucléaire n’ont pas disparu des eaux polynésiennes. Représentent-ils un risque pour les populations ? Selon l’Andra, ces 3 200 tonnes de déchets radioactifs immergés représentent une activité totale inférieure à 0,1 TBq (térabecquerel).

    Le département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires (DSCEN) en lien avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) effectue une surveillance radiologique de Moruroa et Fangataufa depuis 1998. « Les #radionucléides d’origine artificielle mesurés dans les échantillons sont présents à des niveaux très faibles et souvent inférieurs ou voisins de la limite de détection des appareils de mesure de la radioactivité. Les concentrations mesurées dans le milieu terrestre et les sédiments marins gardent la trace des essais atmosphériques effectués sur les atolls de Moruroa et Fangataufa. Les niveaux d’activité dans ces compartiments restent stables, voire en légère diminution », note le rapport de 2021 du Ministère des Armées.

    « Mais qu’est-ce qu’un faible taux ? », s’interroge Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements. « Un taux est acceptable lorsqu’il est socialement accepté par la population ? Toute radioactivité a un impact sanitaire sur l’humain, le végétal, l’animal, sur la vie en général ».

    Selon Patrick Bouisset, directeur du laboratoire d’étude et de suivi de l’environnement à l’IRSN (Institut de radioprotection de sûreté nucléaire), les déchets immergés ne représentent pas de risque particulier puisque la radioactivité s’est « diluée dans l’océan ». Quant aux déchets contenus dans des fûts, même « s’ils vont fuir avec le temps car rien n’est hermétique à l’échelle de quelques siècles », ces pollutions ne seront « pas visibles » considère ce physicien, chargé d’évaluer l’exposition radiologique en Polynésie hors des sites de Moruroa et Fangataufa.

    L’#imperméabilité des conditionnements inquiète aussi Bruno Chareyron, ingénieur et directeur du laboratoire de la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) : « Il est difficile d’anticiper les conséquences de l’immersion des déchets. Ce qui est certain, c’est qu’on aurait dû les conditionner sur des sites capables de garantir le confinement pendant des dizaines et des milliers d’années. Balancer des déchets en mer, sans emballage particulier, comme pour les avions Vautour, ou même en considérant une enveloppe en vinyle, c’est dérisoire pour des éléments à très longue période physique. »

    Une étude indépendante pour confirmer l’absence de danger

    « Le problème c’est qu’on ne connaît pas la quantité exacte de déchets immergés », pointe Jean-Marie Collin qui regrette que les études concernant la radioactivité soient menées par « des instituts qui appartiennent à l’État ». « D’après les études réalisées, il semblerait qu’il n’y a pas de danger concernant ces déchets immergés. Je suppose donc qu’il n’y a pas de danger. Mais il serait intéressant que des études indépendantes soient menées pour corroborer les études existantes et ainsi assurer la sécurité et rétablir la confiance des Polynésiens ».

    Les impacts sanitaires et environnementaux découlant des déchets immergés sont ainsi difficiles à établir. Reste que, Moruroa et Fangataufa demeurent des atolls contaminés, où le plutonium subsiste dans les sols comme en surface. Hao, longtemps considéré comme« la poubelle du CEP » subit aussi d’importantes pollutions aux hydrocarbures.

    Durant plus de trente ans, si une partie des déchets ont été océaniser, les autres ont été enterrés ou abandonnés. Radioactifs ou pas, ces déchets portent « la charge symbolique des essais », estime Teva Meyer. « Ils demeurent souillés, voire ‘nucléaires’ pour certains, qui demandent qu’ils soient traités comme tels ».

    https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/dossier-dans-les-lagons-polynesiens-les-dechets-invisibles-du-temps-du
    #pollution #santé #contamination #France

  • Adam Shatz · Vengeful Pathologies · LRB 20 October 2023
    https://www.lrb.co.uk/the-paper/v45/n20/adam-shatz/vengeful-pathologies

    What happened on 7 October was not an explosion; it was a methodical act of killing, and the systematic murder of people in their homes was a bitter mimicry of the 1982 massacre by Israeli-backed Phalangists in Sabra and Shatila in Lebanon. The calculated posting of videos of the killings on the social media accounts of the victims suggests that revenge was among the motives of Hamas’s commanders: Mohammed Deif, the head of Hamas’s military wing, lost his wife and two children in an airstrike in 2014.

    One is reminded of Frantz Fanon’s observation that ‘the colonised person is a persecuted person who constantly dreams of becoming the persecutor.’ On 7 October, this dream was realised for those who crossed over into southern Israel: finally, the Israelis would feel the helplessness and terror they had known all their lives. The spectacle of Palestinian jubilation – and the later denials that the killing of civilians had occurred – was troubling but hardly surprising. In colonial wars, Fanon writes, ‘good is quite simply what hurts them most.’

    #Fanon #persécuté #persécuteur ##Gaza #vengeance

    • Determined to overcome its humiliation by Hamas, the IDF has been no different from – and no more intelligent than – the French in Algeria, the British in Kenya, or the Americans after 9/11. Israel’s disregard for Palestinian life has never been more callous or more flagrant, and it’s being fuelled by a discourse for which the adjective ‘genocidal’ no longer seems like hyperbole.

      In just the first six days of air strikes, Israel dropped more than six thousand bombs, and more than twice as many civilians have already died under bombardment as were killed on 7 October. These atrocities are not excesses or ‘collateral damage’: they occur by design .

      As Israel’s defence minister, Yoav Gallant, puts it, ‘we are fighting human animals and we will act accordingly.’ ( Fanon: ‘when the colonist speaks of the colonised he uses zoological terms’ and ‘refers constantly to the bestiary ’.)

    • Fanon : « le colonisé est un persécuté qui rêve constamment de devenir persécuteur. »

      [...]

      It is, of course, true that Fanon advocated armed struggle against colonialism, but he referred to the use of violence by the colonised as ‘disintoxicating’, not ‘cleansing’, a widely circulated mistranslation. His understanding of the more murderous forms of anti-colonial violence was that of a psychiatrist, diagnosing a vengeful pathology formed under colonial oppression, rather than offering a prescription. It was natural, he wrote, that ‘the very same people who had it constantly drummed into them that the only language they understood was that of force, now decide to express themselves by force’. Evoking the phenomenological experience of anti-colonial fighters, he noted that in the early stage of revolt, ‘life can only materialise from the rotting cadaver of the colonist.’

      But Fanon also wrote hauntingly of the effects of war trauma – including the trauma suffered by anti-colonial rebels who killed civilians. And in a passage that few of his latter-day admirers have cited, he warned that

      racism, hatred, resentment and the ‘legitimate desire for revenge’ alone cannot nurture a war of liberation. These flashes of consciousness which fling the body into a zone of turbulence, which plunge it into a virtually pathological dreamlike state where the sight of the other induces vertigo, where my blood calls for the blood of the other, this passionate outburst in the opening phase, disintegrates if it is left to feed on itself. Of course the countless abuses by the colonialist forces reintroduce emotional factors into the struggle, give the militant further cause to hate and new reasons to set off in search of a ‘colonist to kill’. But, day by day, leaders will come to realise that hatred is not an agenda.

      To organise an effective movement, Fanon believed, anti-colonial fighters would have to overcome the temptations of primordial revenge, and develop what Martin Luther King, citing Reinhold Niebuhr, called a ‘spiritual discipline against resentment’. In line with this commitment, Fanon’s vision of decolonisation embraced not only colonised Muslims, freeing themselves from the yoke of colonial oppression, but members of the European minority and Jews (themselves a formerly ‘indigenous’ group in Algeria), so long as they joined the struggle for liberation. In A Dying Colonialism, he paid eloquent tribute to non-Muslims in Algeria who, together with their Muslim comrades, imagined a future in which Algerian identity and citizenship would be defined by common ideals, not ethnicity or faith. That this vision perished, thanks to French violence and the FLN’s authoritarian Islamic nationalism, is a tragedy from which Algeria still has not recovered. The destruction of this vision, upheld by intellectuals such as Edward Said and a small but influential minority of Palestinian and Israeli leftists, has been no less damaging for the people of Israel-Palestine.

      ‘What fills me with dread,’ the Palestinian historian Yezid Sayigh told me in an email,

      is that we are at an inflection point in world history. Deep ongoing shifts over at least the past two decades that have been giving rise to right-wing and even fascist movements (and governments) were already building up, so I see Hamas’s slaughter of civilians as roughly equivalent to Sarajevo 1914 or maybe Kristallnacht 1938 in accelerating or unleashing much broader trends. On a ‘lesser scale’, I’m furious at Hamas for basically erasing all we fought for over decades, and aghast at those who can’t maintain the critical faculty to distinguish opposition to Israeli occupation and war crimes, and who turn a blind eye to what Hamas did in southern Israeli kibbutzim. Ethno-tribalism.

      The ethno-tribalist fantasies of the decolonial left, with their Fanon recitations and posters of paragliders, are indeed perverse. As the Palestinian writer Karim Kattan wrote in a moving essay for Le Monde, it seems to have become impossible for some of Palestine’s self-styled friends to ‘say: massacres like those that took place at the Tribe of Nova festival are an outrageous horror, and Israel is a ferocious colonial power.’ In an age of defeat and demobilisation, in which the most extreme voices have been amplified by social media, a cult of force appears to have overtaken parts of the left, and short-circuited any empathy for Israeli civilians.

      #culte_de_la_force #persécution #répétition

  • Lettre ouverte au président de la République française - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1354010/lettre-ouverte-au-president-de-la-republique-francaise.html

    Lettre ouverte au président de la République française
    OLJ / Par Dominique EDDÉ, le 20 octobre 2023 à 10h30

    Monsieur le Président,

    C’est d’un lieu ruiné, abusé, manipulé de toutes parts, que je vous adresse cette lettre. Il se pourrait qu’à l’heure actuelle, notre expérience de l’impuissance et de la défaite ne soit pas inutile à ceux qui, comme vous, affrontent des équations explosives et les limites de leur toute puissance.

    Je vous écris parce que la France est membre du Conseil de sécurité de l’ONU et que la sécurité du monde est en danger. Je vous écris au nom de la paix.

    L’horreur qu’endurent en ce moment les Gazaouis, avec l’aval d’une grande partie du monde, est une abomination. Elle résume la défaite sans nom de notre histoire moderne. La vôtre et la nôtre. Le Liban, l’Irak, la Syrie sont sous terre. La Palestine est déchirée, trouée, déchiquetée selon un plan parfaitement clair : son annexion. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les cartes.

    Le massacre par le Hamas de centaines de civils israéliens, le 7 octobre dernier, n’est pas un acte de guerre. C’est une ignominie. Il n’est pas de mots pour en dire l’étendue. Si les arabes ou les musulmans tardent, pour nombre d’entre eux, à en dénoncer la barbarie, c’est que leur histoire récente est jonchée de carnages, toutes confessions confondues, et que leur trop plein d’humiliation et d’impotence a fini par épuiser leur réserve d’indignation ; par les enfermer dans le ressentiment. Leur mémoire est hantée par les massacres, longtemps ignorés, commis par des Israéliens sur des civils palestiniens pour s’emparer de leurs terres. Je pense à Deir Yassin en 1948, à Kfar Qassem en 1956. Ils ont par ailleurs la conviction – je la partage – que l’implantation d’Israël dans la région et la brutalité des moyens employés pour assurer sa domination et sa sécurité ont très largement contribué au démembrement, à l’effondrement général. Le colonialisme, la politique de répression violente et le régime d’apartheid de ce pays sont des faits indéniables. S’entêter dans le déni, c’est entretenir le feu dans les cerveaux des uns et le leurre dans les cerveaux des autres. Nous savons tous par ailleurs que l’islamisme incendiaire s’est largement nourri de cette plaie ouverte qui ne s’appelle pas pour rien « la Terre sainte ». Je vous rappelle au passage que le Hezbollah est né au Liban au lendemain de l’occupation israélienne, en 1982, et que les désastreuses guerres du Golfe ont donné un coup d’accélérateur fatal au fanatisme religieux dans la région.

    Qu’une bonne partie des Israéliens reste traumatisée par l’abomination de la Shoah et qu’il faille en tenir compte, cela va de soi. Que vous soyez occupé à prévenir les actes antisémites en France, cela aussi est une évidence. Mais que vous en arriviez au point de ne plus rien entendre de ce qui se vit ailleurs et autrement, de nier une souffrance au prétexte d’en soigner une autre, cela ne contribue pas à pacifier. Cela revient à censurer, diviser, boucher l’horizon. Combien de temps encore allez-vous, ainsi que les autorités allemandes, continuer à puiser dans la peur du peuple juif un remède à votre culpabilité ? Elle n’est plus tolérable cette logique qui consiste à s’acquitter d’un passé odieux en en faisant porter le poids à ceux qui n’y sont pour rien. Écoutez plutôt les dissidents israéliens qui, eux, entretiennent l’honneur. Ils sont nombreux à vous alerter, depuis Israël et les États-Unis.

    Commencez, vous les Européens, par exiger l’arrêt immédiat des bombardements de Gaza. Vous n’affaiblirez pas le Hamas ni ne protégerez les Israéliens en laissant la guerre se poursuivre. Usez de votre voix non pas seulement pour un aménagement de corridors humanitaires dans le sillage de la politique américaine, mais pour un appel à la paix ! La souffrance endurée, une décennie après l’autre, par les Palestiniens n’est plus soutenable. Cessez d’accorder votre blanc-seing à la politique israélienne qui emmène tout le monde dans le mur, ses citoyens inclus. La reconnaissance, par les États-Unis, en 2018, de Jérusalem capitale d’Israël ne vous a pas fait broncher. Ce n’était pas qu’une insulte à l’histoire, c’était une bombe. Votre mission était de défendre le bon sens que prônait Germaine Tillion « Une Jérusalem internationale, ouverte aux trois monothéismes. » Vous avez avalisé, cette même année, l’adoption par la Knesset de la loi fondamentale définissant Israël comme « l’État-Nation du peuple juif ». Avez-vous songé un instant, en vous taisant, aux vingt et un pour cent d’Israéliens non juifs ? L’année suivante, vous avez pour votre part, Monsieur le Président, annoncé que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme. » La boucle était bouclée. D’une formule, vous avez mis une croix sur toutes les nuances. Vous avez feint d’ignorer que, d’Isaac Breuer à Martin Buber, un grand nombre de penseurs juifs étaient antisionistes. Vous avez nié tous ceux d’entre nous qui se battent pour faire reculer l’antisémitisme sans laisser tomber les Palestiniens. Vous passez outre le long chemin que nous avons fait, du côté dit « antisioniste », pour changer de vocabulaire, pour reconnaître Israël, pour vouloir un avenir qui reprenne en compte les belles heures d’un passé partagé. Les flots de haine qui circulent sur les réseaux sociaux, à l’égard des uns comme des autres, n’exigent-ils pas du responsable que vous êtes un surcroît de vigilance dans l’emploi des mots, la construction des phrases ? À propos de paix, Monsieur le Président, l’absence de ce mot dans votre bouche, au lendemain du 7 octobre, nous a sidérés. Que cherchons-nous d’autre qu’elle au moment où la planète flirte avec le vide ?

    Les accords d’Abraham ont porté le mépris, l’arrogance capitaliste et la mauvaise foi politique à leur comble. Est-il acceptable de réduire la culture arabe et islamique à des contrats juteux assortis – avec le concours passif de la France – d’accords de paix gérés comme des affaires immobilières ? Le projet sioniste est dans une impasse. Aider les Israéliens à en sortir demande un immense effort d’imagination et d’empathie qui est le contraire de la complaisance aveuglée. Assurer la sécurité du peuple israélien c’est l’aider à penser l’avenir, à l’anticiper, et non pas le fixer une fois pour toutes à l’endroit de votre bonne conscience, l’œil collé au rétroviseur. Ici, au Liban, nous avons échoué à faire en sorte que vivre et vivre ensemble ne soient qu’une et même chose. Par notre faute ? En partie, oui. Mais pas seulement. Loin de là. Ce projet était l’inverse du projet israélien qui n’a cessé de manœuvrer pour le rendre impossible, pour prouver la faillite de la coexistence, pour encourager la fragmentation communautaire, les ghettos. À présent que toute cette partie du monde est au fond du trou, n’est-il pas temps de décider de tout faire autrement ? Seule une réinvention radicale de son histoire peut rétablir de l’horizon.

    En attendant, la situation dégénère de jour en jour : il n’y a plus de place pour les postures indignées et les déclarations humanitaires. Nous voulons des actes. Revenez aux règles élémentaires du droit international. Demandez l’application, pour commencer, des résolutions de l’ONU. La mise en demeure des islamistes passe par celle des autorités israéliennes. Cessez de soutenir le nationalisme religieux d’un côté et de le fustiger de l’autre. Combattez les deux. Rompez cette atmosphère malsaine qui donne aux Français de religion musulmane le sentiment d’être en trop s’ils ne sont pas muets.

    Écoutez Nelson Mandela, admiré de tous à bon compte : « Nous savons parfaitement que notre liberté est incomplète sans celle des Palestiniens, » disait-il sans détour. Il savait, lui, qu’on ne fabrique que de la haine sur les bases de l’humiliation. On traitait d’animaux les noirs d’Afrique du Sud. Les juifs aussi étaient traités d’animaux par les nazis. Est-il pensable que personne, parmi vous, n’ait publiquement dénoncé l’emploi de ce mot par un ministre israélien au sujet du peuple palestinien ? N’est-il pas temps d’aider les mémoires à communiquer, de les entendre, de chercher à comprendre là où ça coince, là où ça fait mal, plutôt que de céder aux affects primaires et de renforcer les verrous ? Et si la douleur immense qu’éprouve chaque habitant de cette région pouvait être le déclic d’un début de volonté commune de tout faire autrement ? Et si l’on comprenait soudain, à force d’épuisement, qu’il suffit d’un rien pour faire la paix, tout comme il suffit d’un rien pour déclencher la guerre ? Ce « rien » nécessaire à la paix, êtes-vous sûrs d’en avoir fait le tour ? Je connais beaucoup d’Israéliens qui rêvent, comme moi, d’un mouvement de reconnaissance, d’un retour à la raison, d’une vie commune. Nous ne sommes qu’une minorité ? Quelle était la proportion des résistants français lors de l’occupation ? N’enterrez pas ce mouvement. Encouragez-le. Ne cédez pas à la fusion morbide de la phobie et de la peur. Ce n’est plus seulement de la liberté de tous qu’il s’agit désormais. C’est d’un minimum d’équilibre et de clarté politique en dehors desquels c’est la sécurité mondiale qui risque d’être dynamitée.

    Par Dominique EDDÉ. Écrivaine.

  • D’où nous vient cette habitude de fantasmer des relations entre des personnages de série ? | Slate.fr
    https://www.slate.fr/story/253071/ship-fan-fiction-couples-personnages-series-televisees-sculder-harmony-byler-c

    Depuis des dizaines d’années, les fans donnent vie aux couples platoniques qu’ils voudraient voir exister sur le petit écran. Une manière créative de consommer.

    1993. X-Files et son iconique duo d’agents spéciaux Fox Mulder et Dana Scully, campés par David Duchovny et Gillian Anderson, débarque sur le petit écran. Il y a entre les deux personnages une alchimie et une tension sexuelle palpables, mais leur relation reste relayée au second plan durant six longues saisons. Impatients de voir cette attirance se concrétiser, les fans développent eux-mêmes l’histoire du couple « Sculder ». Le shipping, un terme qui désigne les relations fantasmées entre des personnages fictionnels, est né.

    Avant l’apparition des imbrications de noms propres telles que Sculder (mélange de Scully et Mulder), les fans utilisaient le caractère slash pour parler des relations fictionnelles qu’ils imaginaient. On parlait alors de « fiction slash » : « Aux origines du shipping il y a la fiction slash, qui démarre traditionnellement dans les années 1970 et dont le couple le plus célèbre est celui de Kirk et Spock [deux personnages de Star Trek, ndlr]. C’est au départ une façon pour des téléspectateurs, majoritairement féminins ou gays, de s’approprier des récits de science-fiction dans lesquels les relations d’amitié masculines sont bien plus développées que les relations hommes-femmes », explique Marjolaine Boutet, historienne spécialiste des représentations médias et pop culture.

    Grâce à la fiction slash, le public se réapproprie des bromances pour mieux s’y retrouver. « Dans les années 1970, c’était une façon de remettre de la romance et de l’égalité entre les personnages dans ce qui se présentait comme des films d’action avec des actions viriles. Ça manquait cruellement de sentiments », ajoute la spécialiste. Parmi ces duos fantasmés : Spock et Kirk (Star Trek), Starsky et Hutch, Maverick et Iceman (Top Gun)...

    Fantasmer des relations platoniques

    Au milieu des années 1990, avec le couple Sculder, les usages changent et le terme « ship » apparaît au sein de la communauté de fans de la série. Dans la continuité du slash, la pratique du shipping concerne surtout des œuvres pour ados et de science-fiction, et c’est un public principalement féminin qui y a recours.

    Mais alors que le slash mettait surtout en scène des relations homosexuelles, ce n’est plus le cas avec le shipping : on peut imaginer n’importe quel couple, une relation incluant trois personnages ou plus, ou des membres d’une même famille (de manière non romantique, comme c’est le cas avec le couple Beltavia, pour Bellamy et Octavia Blake de The 100). On peut même se livrer à des « ship wars » (des « guerres des ships ») pour défendre la relation fantasmée que l’on estime être la meilleure : du côté des fans de The 100, les partisans du couple composé de Clarke Griffin et de Lexa (Clexa) s’opposaient ainsi aux supporters du couple Clarke Griffin-Bellamy Blake (Bellarke).

    Là où les intrigues diffusées à l’écran laissent de côté la romance ou montrent des relations souvent prudes, en ne faisant que suggérer l’acte sexuel, des shippeurs s’affranchissent par ailleurs de la pudeur pour basculer dans l’érotisme ou la pornographie. C’est par exemple le cas d’une fan-fiction de l’internaute GoOasis726 dans laquelle Bella (de Twilight) organise un plan à quatre avec un couple d’amis pour l’anniversaire de Jacob.

    Les fans pallient les manques des séries télévisées

    Plus récemment, les fans ont prêté à Will Byers et Mike Wheeler une autre relation que celle qu’on leur connaissait dans Stranger Things. Si l’on a depuis appris que Will est amoureux de Mike, les shippeurs avaient déjà repéré « la relation qu’ils partagent et la manière dont ils se réconfortent mutuellement lorsqu’ils éprouvent des sentiments partagés ou face à leurs traumas personnels », détaille le site Shipping Wiki.

    Une complicité établie qui leur a servi de point de départ pour pousser bien plus loin le couple Byler au travers de fan-fictions, parfois illustrées de dessins représentant les deux adolescents en train de se tenir la main ou de s’embrasser, les joues rouges de désir.

    Plus inclusives par rapport aux années 1970 qui ont vu la fiction slash éclore, tant au niveau des personnages que des relations entre eux, les séries n’en restent pas moins un incroyable vivier pour des fans à l’imagination débordante.

    « Les relations égalitaires ont quantitativement évolué, c’est certain, confirme Mélanie Bourdaa, docteure en sciences de l’information et de la communication spécialisée dans les pratiques culturelles des téléspectateurs. Mais qualitativement, il reste encore des progrès à faire dans les représentations et en particulier dans celles des minorités sexuelles, de genre et ethno-raciales. Le shipping permet aux fans de visibiliser ces groupes sociaux et il est toujours autant utilisé pour mettre en avant des couples qui ne sont pas canoniques à l’écran mais dont les fans aimeraient qu’ils le soient. »
    De la fan-fiction à la fiction

    Outil créatif et émancipateur, le shipping fait pleinement partie de la culture fan : ces récits alimentent les fandoms (communautés de fans) et leur imaginaire collectif. Les shippeurs développent ces relations sur des forums où ils postent des épisodes entiers qu’ils ont écrits, dans des illustrations (les fanarts), au travers de montages vidéos au fond sonore assurément kitsch. « Il y a une vraie dimension créative et le shipping, comme le cosplay d’ailleurs, permet aux gens de trouver du sens. Ça montre que les téléspectateurs ne sont pas passifs », note Marjolaine Boutet.

    Plus que simplement stimulantes, ces fictions créent du lien entre les fans et viennent flouter la frontière entre producteurs et téléspectateurs. Dans son ouvrage Digital Fandom – New Media Studies, Paul Booth, professeur en études médiatiques à Chicago, qualifie ainsi de « produsers » ces fans impliqués dans la culture participative, qui créent et diffusent des contenus quasiment professionnels par le biais des nouvelles technologies.

    Il arrive d’ailleurs que l’émulation 2.0 autour de deux personnages s’affranchisse des communautés de fans pour toucher l’ensemble des téléspectateurs : « Pour la série Xena, la guerrière, les producteurs ont repéré l’engouement des fans pour un couple à travers les nombreuses fan-fictions qui mettaient en avant une relation amoureuse entre les deux personnages, et ils ont décidé de leur faire des clins d’œil dans la série, puis d’officialiser la relation dans la saison 6 », retrace Mélanie Bourdaa. Qui sait, la relation platonique qui vous frustre à l’écran finira peut-être par dégager sueur et phéromones. Mais pour cela, il va falloir être productif.

    #Fans #Mélanie_Bourdaa #Séries #Romance #Couples

  • Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.

    *

    Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».

    C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.

    L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».

    Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».

    Déconstruire le « nous », oser le « je ».

    Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.

    C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.

    Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.

    Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.

    Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.

    Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].

    Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.

    Repenser l’accueil, oser l’égalité.

    Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.

    Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.

    Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles

    Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].

    Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».

    À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.

    Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).

    Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.

    Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.

    Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.

    Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».

    Redevenir moraux, enfin.

    Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.

    Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.

    Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente

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    • « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : la vraie histoire de la citation de #Michel_Rocard reprise par #Macron

      Le président de la République a cité, dimanche 24 septembre, la célèbre phrase de Rocard. L’occasion de revenir sur une déclaration à laquelle on a souvent fait dire ce qu’elle ne disait pas.

      C’est à la fois une des phrases les plus célèbres du débat politique français, mais aussi l’une des plus méconnues. Justifiant la politique de fermeté vis-à-vis des migrants arrivés à Lampedusa, Emmanuel Macron a déclaré hier : « On a un modèle social généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

      https://twitter.com/TF1Info/status/1706009131448983961

      La citation est un emprunt à la déclaration de Michel Rocard. La droite aime à citer cette phrase, ce qui est une manière de justifier une politique de fermeté en matière d’immigration en citant un homme de gauche. Tandis que la gauche a souvent tendance à ajouter que le Premier ministre de François Mitterrand avait ajouté un volet d’humanité en rappelant que la France devait aussi « prendre sa part » (ou « s’y efforcer »), et donc que sa formule, loin d’être un appel à la fermeture des frontières, était en réalité un appel à l’accueil.

      En réalité, comme Libération l’avait expliqué en détail il y a quelques années, les choses sont moins simples. Contrairement à ce que la gauche aime dire, cette déclaration de Michel Rocard n’était, initialement, pas vraiment humaniste, et était invoquée par le responsable socialiste pour justifier la politique draconienne vis-à-vis de l’immigration du gouvernement d’alors.

      On retrouve la trame de cette formule dans un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (page 1 797 du document) : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles », déclare ce jour-là Michel Rocard, avant d’ajouter qu’il faut « résister à cette poussée constante ». Il n’est nullement question alors d’un quelconque devoir de prendre part à cet afflux.

      A l’époque, le climat est tendu sur la question de l’immigration. L’exclusion d’un collège de Creil de trois élèves musulmanes ayant refusé d’ôter leur foulard a provoqué, en octobre 1989, un vif débat national. En décembre, le FN écrase la législative partielle de Dreux. Les discours sur l’immigration se durcissent. Celui du PS n’échappe pas à la règle, d’autant que la gauche se voit reprocher d’être revenue sur les lois Pasqua. François Mitterrand déclare dans une interview à Europe 1 et Antenne 2, le 10 décembre 1989, que le « seuil de tolérance » des Français à l’égard des étrangers « a été atteint dans les années 70 ». Se met en place le discours qui va être celui du PS pendant quelques années. D’un côté, une volonté affichée de promouvoir l’intégration des immigrés réguliers en place (c’est en décembre 1989 qu’est institué le Haut Conseil à l’intégration). De l’autre côté, un objectif affirmé de verrouiller les flux migratoires, avec un accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas seulement. Dans la même interview à France 2 et Europe 1, Mitterrand explique ainsi que le chiffre de « 4 100 000 à 4 200 000 cartes de séjour » atteint selon lui en 1982 ne doit, « autant que possible, pas être dépassé ».

      C’est dans ce contexte, le 3 décembre 1989, que Michel Rocard prononce la formule qui restera dans les mémoires. Michel Rocard est l’invité d’Anne Sinclair dans l’émission Sept sur sept sur TF1. Il précise la nouvelle position de la France en matière d’immigration et le moins qu’on puisse dire c’est que ses propos sont musclés. La France se limitera au respect des conventions de Genève, point final, explique-t-il : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts. »

      Après l’émission, Michel Rocard décline la formule à l’envi lors de ses discours les mois suivants, pour justifier de sa politique d’immigration. Le 13 décembre 1989, il déclare ainsi à l’Assemblée nationale : « Puisque, comme je l’ai dit, comme je le répète, même si comme vous je le regrette, notre pays ne peut accueillir et soulager toute la misère du monde, il nous faut prendre les moyens que cela implique. » Et précise les moyens en question : « Renforcement nécessaire des contrôles aux frontières », et « mobilisation de moyens sans précédent pour lutter contre une utilisation abusive de la procédure de demande d’asile politique ».

      Il la répète quelques jours plus tard, le 7 janvier 1990, devant des socialistes d’origine maghrébine réunis à l’occasion d’un colloque sur l’immigration. « J’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule. Il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement. Aujourd’hui je le dis clairement. La France n’est plus, ne peut plus être, une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme, quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », martèle-t-il devant un parterre d’élus pas très convaincus. Avant de conclure : « Le temps de l’accueil de main-d’œuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu. » Le reportage de France 2 consacré au colloque insiste sur le silence qui s’installe alors dans l’auditoire, avec un gros plan sur le visage dubitatif de Georges Morin, en charge du Maghreb pour le PS et animateur des débats.

      Le Premier ministre recycle son élément de langage dans un discours sur la politique d’immigration et d’intégration prononcé dans l’hémicycle le 22 mai 1990 : « Nous ne pouvons pas – hélas – soulager toutes les misères de la planète. » Le gouvernement reprendra aussi à son compte la petite phrase rocardienne, à l’image de Lionel Stoléru, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Plan, qui, face à Jean-Marie Le Pen sur la Cinq le 5 décembre 1989, déclare : « Le Premier ministre a dit une phrase simple, qui est qu’on ne peut pas héberger toute la misère du monde, ce qui veut dire que les frontières de la France ne sont pas une passoire et que quel que soit notre désir et le désir de beaucoup d’êtres humains de venir nous ne pouvons pas les accueillir tous. Le problème de l’immigration, c’est essentiellement ceux qui sont déjà là… » On retrouve le double axe de la politique que revendique le gouvernement : effort pour intégrer les immigrés qui sont présents et limitation au maximum de toute nouvelle immigration.

      Il faudra attendre le 4 juillet 1993 pour une rectification tardive de Michel Rocard, en réaction à la politique anti-immigration de Charles Pasqua, raconte Thomas Deltombe, auteur d’un essai sur l’islamophobie dans les médias, dans un article du Monde diplomatique : « Laissez-moi lui ajouter son complément, à cette phrase », déclare alors Rocard dans Sept sur sept. « Je maintiens que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La part qu’elle en a, elle prend la responsabilité de la traiter le mieux possible. »

      Trois ans plus tard, dans une tribune publiée dans le Monde du 24 août 1996 sous le titre « La part de la France », l’ex-Premier ministre assure que sa formule a été amputée et qu’elle s’accompagnait à l’époque d’un « [la France] doit en prendre fidèlement sa part ». Ce qu’il répète dans les pages de Libé en 2009, affirmant ainsi que sa pensée avait été « séparée de son contexte, tronquée, mutilée » et mise au service d’une idéologie « xénophobe ». Pourtant, cette seconde partie — censée contrebalancer la fermeté de la première — reste introuvable dans les archives, comme le pointait Rue89 en 2009. Une collaboratrice de Michel Rocard avait alors déclaré à la journaliste : « On ne saura jamais ce qu’il a vraiment dit. Lui se souvient l’avoir dit. En tout cas, dans son esprit, c’est ce qu’il voulait dire. Mais il n’y a plus de trace. On a cherché aussi, beaucoup de gens ont cherché mais on n’a rien. »

      Quelques années plus tard, en 2013, le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand (désormais à Libération) a reposé la question à Michel Rocard, qui a alors assuré avoir retrouvé le texte d’un discours prononcé en novembre 1989 lors du cinquantenaire de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) . C’est là, affirme le Premier ministre, que la phrase aurait été prononcée. Voici ce que Rocard dit avoir déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut pas ne pas prendre. » Sauf que le verbatim de son discours n’a jamais été publié. Le site Vie publique ne donne qu’un résumé très sommaire de son intervention (« mise en cause du détournement du droit d’asile et importance de la rigueur dans l’admission des réfugiés »).

      Mais que ces mots aient été, ou pas, prononcés, devant la Cimade, ne change rien au fait qu’entre 1989 et 1990, la phrase a bien été assénée par Michel Rocard sans cette seconde partie, comme une justification de sa fermeté vis-à-vis de l’immigration. Et non comme un encouragement à l’accueil des immigrés.

      https://www.liberation.fr/checknews/on-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-du-monde-la-vraie-histoire-de-l
      #Emmanuel_Macron

  • Fanfiction : chez Tolkien, un copyright pour les gouverner tous
    https://actualitte.com/article/113378/droit-justice/fanfiction-chez-tolkien-un-copyright-pour-les-gouverner-tous

    Début 2022, la Tolkien Estate s’inscrivait résolument contre la pratique de la fanfiction, en indiquant sur son site officiel : « [V]ous ne pouvez copier aucune partie des écrits ni des images de Tolkien ni créer des documents faisant référence aux personnages, histoires, lieux, événements ou autres éléments contenus dans l’une de ses œuvres. »

    Une application particulièrement stricte du copyright qui avait choqué les fans de la saga, puisqu’elle condamnait de fait l’écriture amateur de textes poursuivant l’histoire de la Terre du Milieu, racontant les événements de la saga du point de vue de tel ou tel personnage ou imaginant des récits alternatifs. Cette pratique amateur, la fanfiction, est centrale au sein de la pop culture.

    #Fanfiction