D’abord, pourquoi des mots, apparemment contraires, ainsi associés ? Pourquoi des personnes comme #Pierre-Rabhi, #Serge-Latouche ou d’autres ont-ils adjoint heureuse à #sobriété ? A mon avis parce que, dans nos sociétés de #croissance, de nombreux mots ont été détournés par un système de #production d’une avidité permanente.
Le dictionnaire nous dit qu’une personne est sobre, si elle boit et mange avec modération, si elle vit sans excès, sans luxe ou si elle agit avec mesure. Je n’y vois rien de négatif, ni de triste. Presque tous les philosophes, passés comme présents, valorisent cette sobriété-là qui permet de faire la différence entre l’utile et le futile, entre l’usage justifié et le gaspillage, etc.
Ce qui s’est passé c’est que notre système, basé sur la croissance, a eu tendance à dévaloriser la sobriété ou la frugalité pour une raison facile à comprendre : ces mots s’opposent à la croissance perpétuelle du chiffre d’affaires, des ventes, de la production de tout et n’importe quoi. A mon avis, donc, ceux qui qualifient d’heureuse la sobriété veulent simplement retrouver le sens originel du mot sobriété qui n’a rien à voir avec l’austérité.
Seconde remarque, vous trouvez cette idée de sobriété heureuse culpabilisante. Ce le sera si l’on fait peser sur le seul consommateur individuel le poids des changements nécessaires, changements qui doivent porter beaucoup plus sur des orientations collectives que sur de petits gestes individuels pour la planète. Et puis je trouve, moi aussi, qu’il serait indécent de demander à des gens qui vivent déjà très modestement - c’est-à-dire au moins 1/3 des Français - de se mettre à la frugalité. Mais, à mon avis, la plupart des avocats de la sobriété ne tombent pas dans ces travers. Par exemple, lorsqu’ils parlent de sobriété énergétique, certes ils disent qu’il faut veiller individuellement à ne pas surchauffer les logements mais ils demandent, surtout, d’engager des investissements massifs d’isolation thermique, source d’emplois utiles, de bien-être pour tous, y compris par la réduction des factures énergétiques.
Enfin, je ne crois pas que ces thèmes soient portés par des bobos aisés. Ça a pu être en partie vrai dans le passé mais, je le constate, ça ne l’est plus. Le public vient très nombreux dans les débats sur ce que j’appelle l’objection de croissance, et encore plus depuis que nous sommes en crise profonde. Or le public est désormais composé de personnes très diverses, en particulier de jeunes qui sont très loin d’appartenir aux catégories aisées. Au contraire même, ils sont plus proches du seuil de #pauvreté que du seuil de richesse.