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  • Grèce : à Lesbos, le camp réservé aux migrants « est un monstre qui ne cesse de s’étendre » - Libération
    https://www.liberation.fr/planete/2018/09/20/grece-a-lesbos-le-camp-reserve-aux-migrants-est-un-monstre-qui-ne-cesse-d

    Alors que les dirigeants européens sont réunis à Salzbourg pour évoquer notamment les questions migratoires et la création de « centres fermés », les hotspots surpeuplés des îles grecques se trouvent dans une situation explosive.

    L’annonce n’aurait pu mieux tomber : mardi, le gouvernement grec s’est enfin engagé à transférer 2 000 migrants de l’île de Lesbos vers la Grèce continentale d’ici la fin du mois. Une décision censée décongestionner quelque peu le camp surpeuplé de Moria qui abrite près de 9 000 personnes, dont un tiers d’enfants. Or, depuis plusieurs jours, les ONG installés sur place ne cessent d’alerter sur les conditions de vie abjectes dans ce camp, aux allures de caserne, prévu au départ pour 3 000 personnes.

    Car #Moria est censé accueillir l’immense majorité de réfugiés et migrants qui accostent sur l’île (ils sont aujourd’hui plus de 11 000 au total à Lesbos), en provenance des côtes turques qu’on distingue à l’œil nu au large. Généraliser les #hotspots, ou centres fermés, en Europe : c’est justement l’une des options envisagées par les dirigeants européens réunis jeudi et vendredi à Salzbourg en Autriche. En Grèce, les hotspots créés il y a plus de deux ans, ont pourtant abouti à une situation explosive.

    Moria, comme les autres hotspots des îles grecques, n’est certes pas un centre fermé : ses occupants ont le droit de circuler sur l’île, mais pas de la quitter. En mars 2016, un accord inédit entre l’Union européenne et la Turquie devait tarir le flot des arrivées sur cette façade maritime. Comme Ankara avait conditionné le rapatriement éventuel en Turquie de ces naufragés à leur maintien sur les hotspots d’arrivée, les îles grecques qui lui font face se sont rapidement transformées en prison. Condamnant les demandeurs d’asile à attendre de longs mois le résultat de leurs démarches auprès des services concernés. Certains attendent même une réponse depuis déjà deux ans. Et plus le temps passe, plus les candidats sont nombreux.

    Silence

    Si le deal UE-Turquie a fait baisser le nombre des arrivées, elles n’ont jamais cessé. Rien que pour l’année 2018, ce sont près de 20 000 nouveaux arrivants qui ont échoué sur les îles grecques, où l’afflux des barques venues de Turquie reste quasi quotidien. Selon le quotidien grec Kathimerini, 615 personnes sont arrivées rien que le week-end dernier. Pour le seul mois d’août, Lesbos a accueilli plus de 1 800 nouveaux arrivants. Des arrivées désormais peu médiatisées alors que les dirigeants européens se sont écharpés cet été sur l’accueil de bateaux en provenance de Libye. Et pendant ce temps à Lesbos, la situation vire au cauchemar dans un silence assourdissant.

    Il y a une semaine, 19 ONG, dont Oxfam, ont pourtant tiré la sonnette d’alarme dans une déclaration commune, dénonçant des conditions de vie scandaleuses, et appelant les dirigeants européens à abandonner l’idée de créer d’autres centres fermés à travers l’Europe.

    « Moria, c’est un monstre qui n’a cessé de s’étendre. Faute de place on installe désormais des tentes dans les champs d’oliviers voisins, des enfants y dorment au milieu des serpents, des scorpions et de torrents d’eau pestilentiels qui servent d’égouts. A l’intérieur même du camp, il y a une toilette pour 72 résidents, une douche pour 80 personnes. Et encore, ce sont les chiffres du mois de juin, c’est pire aujourd’hui », dénonce Marion Bouchetel, chargée sur place du plaidoyer d’Oxfam, et jointe par téléphone. « Ce sont des gens vulnérables, qui ont vécu des situations traumatisantes, ont été parfois torturés. Quand ils arrivent ici, ils sont piégés pour une durée indéterminée. Ils n’ont souvent aucune information, vivent dans une incertitude totale », ajoute-t-elle.

    Avec un seul médecin pour tout le camp de Moria, les premiers examens psychologiques sont forcément sommaires et de nombreuses personnes vulnérables restent livrées à elles-mêmes. Dans la promiscuité insupportable du camp, les agressions sont devenues fréquentes, les tentatives de suicide et d’automutilations aussi. Elles concernent désormais souvent des adolescents, voire de très jeunes enfants.

    « Enfer »

    « J’ai travaillé quatorze ans dans une clinique psychiatrique de santé mentale à Trieste en Italie », explique dans une lettre ouverte publiée lundi, le docteur Alessandro Barberio, employé par Médecins sans frontières (MSF), à Lesbos. « Pendant toutes ces années de pratique médicale, jamais je n’ai vu un nombre aussi phénoménal qu’à Lesbos de gens en souffrance psychique », poursuit le médecin, qui dénonce la tension extrême dans laquelle vivent les réfugiés mais aussi les personnels soignants. Sans compter le cas particulier des enfants « qui viennent de pays en guerre, ont fait l’expérience de la violence et des traumatismes. Et qui, au lieu de recevoir soins et protection en Europe, sont soumis à la peur, au stress et à la violence », renchérit dans une vidéo récemment postée sur les réseaux sociaux le coordinateur de MSF en Grèce Declan Barry.

    « Comment voulez vous aider quelqu’un qui a subi des violences sexuelles ou a fait une tentative de suicide, si vous le renvoyez chaque soir dans l’enfer du camp de Moria ? Tout en lui annonçant qu’il aura son premier entretien pour sa demande d’asile en avril 2019 ? Actuellement, il n’y a même plus d’avocat sur place pour les seconder dans la procédure d’appel », s’indigne Marion Bouchetel d’Oxfam.

    Il y a une dizaine de jours, la gouverneure pour les îles d’Egée du Nord avait menacé de fermer Moria pour cause d’insalubrité. Est-ce cette annonce, malgré tout difficile à appliquer, qui a poussé le gouvernement grec a annoncé le transfert de 2 000 personnes en Grèce continentale ? Le porte-parole du gouvernement grec a admis mardi que la situation à Moria était « borderline ». Mais de toute façon, ce transfert éventuel ne réglera pas le problème de fond.

    « Il a déjà eu d’autres transferts, au coup par coup, sur le continent. Le problème, c’est que ceux qui partent sont rapidement remplacés par de nouveaux arrivants », soupire Marion Bouchetel. Longtemps, les ONG sur place ont soupçonné les autorités grecques et européennes de laisser la situation se dégrader afin d’envoyer un message négatif aux candidats au départ. Lesquels ne se sont visiblement pas découragés.
    Maria Malagardis

    Cette photo me déglingue ! Cette gamine plantée là les bras collés contre le buste, jambes et pieds serrés, comme au garde à vous. Et ce regard, cette expression, je sais pas mais je n’arrive pas à m’en détacher ! Et forcément le T-shirt ! Et le contexte du camp avec l’article, ça me flingue.

    #immigration #grèce #Lesbos #camps #MSF #europe

  • Rwanda : « On était venus empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/03/15/rwanda-on-etait-venus-empecher-la-victoire-de-ceux-qui-combattaient-les-g

    Guillaume Ancel, capitaine de l’armée française en 1994, a participé à l’opération « Turquoise ». Il publie aujourd’hui un livre sur cette intervention qui, d’après son témoignage, visait à protéger le gouvernement rwandais en déroute.

    C’est un soupçon monstrueux qui ne cesse de ressurgir, depuis près de vingt-cinq ans : la France a-t-elle déclenché une opération humanitaire dans un pays d’Afrique avec comme but inavoué de sauver un gouvernement qui venait tout juste de massacrer près d’un million de personnes ? L’accusation peut paraître énorme. Elle revient pourtant régulièrement, comme un serpent de mer qui interroge, encore et encore, le rôle pour le moins ambigu de la France lors du génocide qui s’est déroulé au Rwanda en 1994.

    Cette année-là, dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs, une extermination est déclenchée contre la minorité tutsie du pays. Pour y mettre un terme, alors que la communauté internationale a vite plié bagage, il n’y aura que l’offensive d’un mouvement rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR), formé quatre ans plus tôt par des exilés #tutsis. Contre toute attente, le #FPR fait reculer le gouvernement génocidaire. Et c’est au moment où le FPR semble proche de la victoire finale que la France décide soudain d’intervenir. Sous label « humanitaire ». Guillaume #Ancel y était. Officier intégré dans une unité de la Légion étrangère, il a participé à cette opération « #Turquoise », dont il raconte la face cachée, dans le livre qu’il publie aujourd’hui (1).

    Depuis que vous avez quitté l’armée en 2005, et même encore récemment, vous avez souvent témoigné sur l’opération Turquoise. Pourquoi publier encore un livre aujourd’hui ?
    Pour empêcher que le silence ne devienne amnésie, et sur les conseils d’un historien, Stéphane #Audoin–Rouzeau, qui m’a aidé à écrire ce livre. C’est le témoignage écrit cette fois-ci, de ce que j’ai vécu, ce que j’ai vu. En nous envoyant là-bas, personne ne nous a briefés avant le départ. On ne savait rien. C’est totalement inédit dans les pratiques de l’armée. Et ce n’est qu’en arrivant sur place qu’on a compris : en guise « d’action #humanitaire », on était d’abord venus pour stopper le FPR, donc empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires. Qu’on a tenté de remettre au pouvoir, puis qu’on a aidé à fuir, avant de les réarmer de l’autre côté de la frontière au Zaïre [aujourd’hui république démocratique du Congo, ndlr]. C’est comme si à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le corps expéditionnaire français avait été envoyé aux côtés des nazis pour stopper, par exemple, l’avancée des troupes russes. En aidant les nazis à se réarmer, faute d’avoir pu finalement les réinstaller au pouvoir. L’opération Turquoise a été menée « au nom de la France ». Mais vingt-quatre ans plus tard, on refuse toujours d’en ouvrir les #archives. Pour quelle raison, si ce n’était qu’une simple opération humanitaire ?

    Au sein de l’armée il y a d’autres témoignages qui contredisent le vôtre…
    En réalité, il y a surtout très peu de témoignages. Beaucoup se taisent car il existe une culture du silence dans l’armée française, qu’on ne retrouve pas d’ailleurs chez les Anglo-Saxons. Il y a pourtant cet ancien officier du GIGN qui a raconté l’horreur d’avoir compris qu’il avait formé des troupes qui commettront ensuite le génocide. Parmi les anciens de Turquoise, certains, en revanche, répètent la parole officielle, par peur d’être mis en cause. Mais il y a aussi cet ancien commandant de marine qui, lui, explique clairement qu’il était là pour aider ceux qui commettent les massacres ! J’ai également des camarades qui avaient écrit au ministre de la Défense, à l’époque de l’opération, pour dénoncer le réarmement des troupes génocidaires en déroute. Ils se sont fait tacler.

    Mais pour quelle raison la France se serait-elle fourvoyée dans ce bain de sang ?
    Aucun responsable ne s’est réveillé un matin, en se disant « tiens je vais aider ceux qui commettent un #génocide ». Mais il y a eu une part d’aveuglement, dans le cercle étroit autour du président François #Mitterrand. Quand le génocide commence, la France vient de passer quatre ans aux côtés du régime rwandais. Sur place on a vu le fichage des Tutsis, on a su pour l’entraînement des miliciens, les premiers pogroms, simple répétition du « grand soir ». Et on n’a pas réagi. En revanche dès le début du génocide, des divergences apparaissent au sein même des services de renseignements : la #DGSE pointe tout de suite la responsabilité du pouvoir en place dans l’organisation de massacres et conseille de s’en dissocier. Puis, la direction du renseignement militaire va contredire cette analyse, tenter de détourner l’attention sur la responsabilité du FPR dans l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal #Habyarimana [attentat du 6 avril 1994, considéré comme l’événement déclencheur du génocide] avec une photo de missiles qui avait tout d’une manip.

    Or quand l’avion du président Habyarimana est abattu, après des mois de tensions, ce dernier venait justement d’accepter de partager le pouvoir avec le FPR. Au fait, pourquoi n’a-t-on jamais retrouvé la boîte noire ? L’un des premiers sur les lieux du crash, c’est un officier français : Grégoire de Saint Quentin. Mais quand je l’ai rencontré et que je lui ai demandé ce qu’était devenue la boîte noire, il s’est brusquement refermé comme une huître. Il n’est pas en cause, on lui a ordonné de se taire.

    Vous refusez d’accuser vos anciens compagnons d’armes, qui n’auraient fait qu’« obéir aux ordres », mais vous évoquez aussi ce prisonnier qui aurait été jeté d’un hélicoptère pendant l’opération Turquoise. Est-ce que l’armée n’est pas parfois hors contrôle dans ces opérations ?
    C’est un cas particulier. Une équipe qui, je pense, a disjoncté toute seule. Pour le #Rwanda, ce qui est inquiétant, c’est ce lourd silence qui continue à s’imposer, et la gravité des faits qui pourrait impliquer une complicité de génocide. Mais aujourd’hui, alors que les questions sécuritaires sont de plus en plus fortes, on est de moins en moins informé sur les opérations militaires, en #Afrique notamment. Sur le moment c’est parfois périlleux de dévoiler les détails d’une opération. Mais après coup ? Si l’opinion, les médias, ne se montrent pas plus exigeants sur ce qui est fait en notre nom à tous, c’est la démocratie qui est en péril.
    (1) Rwanda, la fin du silence (éditions les Belles Lettres), 21 euros
    Maria Malagardis

    En parlant de soupçon au début de l’interview c’est comme si Libération découvrait ce que de nombreux livres, chercheurs et témoignages n’ont cessé de répéter depuis plus de 20 ans. Ce ne sont pas des soupçons, ce sont des faits avérés mais niés par les responsables politiques français contre toute évidence. Les mots sont importants.
    #françafrique #armée

    • déjà en 2014…

      Guillaume Ancel. Hanté par Turquoise - Libération
      http://www.liberation.fr/planete/2014/07/02/guillaume-ancel-hante-par-turquoise_1055863

      Il atterrit au bord du lac Kivu, à la frontière du Rwanda et de ce qui était alors le Zaïre (devenu république démocratique du Congo). Finalement, il n’y aura pas de raid sur la capitale. « Mais nous étions bien venus pour nous battre et trouver le moyen de sauver le pouvoir en place alors en pleine débandade », souligne-t-il. Quelques jours plus tard, un deuxième ordre pour stopper la progression des rebelles sera aussi annulé in extremis. « Ce n’est qu’après cette deuxième annulation que l’opération Turquoise devient vraiment humanitaire et qu’on va être encouragés à aller sauver des rescapés », explique-t-il. Il en garde le souvenir de s’être enfin rendu utile : « Chaque vie sauvée était une victoire. »Mais au niveau politique, un certain flou demeure. « On a renoncé à sauver ouvertement le régime génocidaire mais on lui a permis de traverser la frontière. Et on lui a fourni des armes », accuse l’ex-officier qui fut le témoin direct d’une livraison d’armes, « cinq à dix camions qui ont franchi la frontière dans la seconde partie de juillet. Moi, ce jour-là, j’étais chargé de "divertir" les journalistes présents sur place. »

  • Ethiopie : « On m’a battu jusqu’à ce que je signe une "confession" » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/02/16/ethiopie-on-m-a-battu-jusqu-a-ce-que-je-signe-une-confession_1630387

    Au lendemain de la démission du Premier ministre, l’état d’urgence a de nouveau été décrété dans le pays, secoué par une contestation populaire et où la répression persiste malgré la libération de prisonniers politiques.

    « Tu te souviens d’avoir pleuré pendant ta détention ? » demande soudain Nathenael à son voisin de table. « Une seule fois, répond Befekadu, après une pause. Le jour où mes parents sont venus me voir en #prison. Je ne voulais rien leur montrer de mes souffrances. Mais quand ils ont quitté le parloir, je me suis effondré », confesse cet homme frêle de 38 ans. « Moi c’est le jour où l’on m’a emmené pour comparaître devant un juge, renchérit à son tour Nathenael. Je venais de passer dix jours en cellule, dans l’isolement le plus total. Dans le fourgon qui m’emmenait au palais de justice, je revoyais pour la première fois le monde extérieur : rien n’avait changé, tout continuait comme avant. Et soudain le monde m’a semblé si indifférent à mes souffrances. Les larmes me sont montées aux yeux », dit-il, en souriant.

    En #Ethiopie, il a longtemps suffi d’évoquer les atteintes aux droits de l’homme pour être emprisonné sans autre forme de procès. Les deux hommes qui échangeaient leurs souvenirs ce soir-là dans le jardin de l’hôtel Taitu, à Addis-Abeba, le savent bien : Befekadu Hailu et Nathenael Feleqe, tous deux membres d’un groupe de blogueurs baptisé Zone9, ont été détenus pendant dix-huit mois, entre avril 2014 et octobre 2015 dans la redoutable prison de Maekelawi, située à un jet de pierres de l’hôtel Taitu. « Quand je repasse devant, j’hésite encore à regarder cet endroit où j’ai été détenu si longtemps. Battu et interrogé tous les jours jusqu’à ce que je signe une "confession" qui ne correspondait en rien à la réalité », expliquait ce soir-là Befekadu Hailu, qui a aussi été emprisonné pendant un mois fin 2016.

    Colère populaire

    Désormais libres, et lavés de toutes les accusations contre eux, ils suivent avec la même perplexité que tous leurs compatriotes les derniers événements qui pourraient faire basculer le destin de leur pays. Vendredi, le gouvernement a décrété l’état d’urgence - que le pays a connu pendant dix mois jusqu’en août 2017 - au lendemain de l’annonce de la démission du Premier ministre et chef du gouvernement, Haïlemariam #Desalegn. Un coup de tonnerre dans un ciel qui n’a plus rien de serein dans l’un des plus anciens Etats d’Afrique. Voilà trois ans que l’Ethiopie est secouée par une contestation inédite qui s’étend dans plusieurs provinces du pays. Face à cette colère populaire, la coalition au pouvoir dominée par les rebelles du Tigré, ceux qui ont pris le pouvoir par les armes en 1991, a fini par lâcher du lest. Annonçant dès janvier la libération de prisonniers politiques, et la transformation de la prison de #Maekelawi en musée.

    En six semaines, plus de 6 000 prisonniers politiques ont ainsi été libérés, parmi lesquels des icônes de l’opposition comme les leaders oromo Merera Gudina et Bekere Nega. Ou encore le journaliste Eskinder Nega qui vient de passer sept ans derrière les barreaux. Tous ont été accueillis par des foules immenses à leur sortie de détention. Mais la pression populaire ne s’est pas relâchée pour autant. En début de semaine, dans la région oromo qui jouxte la capitale, blocages de routes et commerces fermés maintenaient intacte la flamme de la contestation. La démission surprise du Premier ministre jeudi, est-elle le signe d’une nouvelle étape ? Le plus étonnant, c’est que pendant quarante-huit heures au moins, personne n’a su comment interpréter cette annonce. S’agissait-il de permettre « la poursuite des réformes », comme l’a suggéré le Premier ministre lui-même en annonçant son départ ? Ou bien s’agit-il d’une reprise en main des durs du régime ? Dans l’étrange flottement qui a marqué cette fin de semaine à Addis-Abeba, tout le monde soulignait pourtant le calme qui prévalait dans la capitale, où la vie quotidienne suit le rythme des innombrables fêtes religieuses.

    Dieu est partout à Addis, et les appels du muezzin font écho aux chants des églises qui percent la nuit bien avant l’aube. Des processions de silhouettes voilées de blanc se glissent parfois au milieu des embouteillages qui bloquent régulièrement les grandes artères de la capitale. La force des traditions se télescope désormais avec les promesses de l’avenir. Partout, les grues et les immeubles en construction surgissent, renforçant l’impression d’un irrésistible boom économique, alors que l’Ethiopie affiche une croissance insolente. Mais Addis, avec ses cinq millions de citadins, donne-t-elle réellement la mesure d’un pays de 100 millions d’habitants, le deuxième le plus peuplé d’Afrique ? « Il y a une blague qui circule à Addis, rappelle le blogueur Befekadu Hailu. Un homme arrive dans la queue des taxis au centre-ville et réalise qu’une foule énorme attend avant lui. Il se poste alors d’emblée en tête de file et hurle :"Libérons le peuple !" Aussitôt, tout le monde court se cacher. Et notre homme peut tranquillement prendre son taxi. C’est une façon de souligner la timidité de la contestation dans la capitale, mais ça n’empêche pas les gens d’Addis de trouver d’autres moyens de se montrer critiques. Comme d’applaudir à ce genre de blagues. »

    Il y a d’autres signes d’une fronde discrète : dans les rues de la capitale, tout le monde écoute les tubes de Teddy Afro, le chanteur le plus populaire du moment. Longtemps interdit d’antenne et de concert, après une chanson, diffusée en 2005, Jah Yasteseryal, qui évoque la nostalgie du règne du dernier empereur et fut vite perçue comme un tube antigouvernemental. Mais Teddy Afro peut désormais organiser des concerts, comme ce fut le cas mi-janvier pour la première fois depuis six ans.

    Tigréens

    Reste qu’un autre monde se déploie à l’extérieur d’Addis-Abeba. Au-delà des frontières de cette ville en pleine expansion, se trouve ce pays réel, souvent privé d’Internet, qui à coups de manifestations parfois violentes a remis en cause l’ordre établi. Le premier foyer d’insurrection a surgi fin 2015 au cœur du pays oromo, tout proche de la capitale, puis s’est propagé à la région amhara. A elles seules, ces deux ethnies englobent plus de 60 % de la population. Elles revendiquent de plus en plus ouvertement leur volonté d’obtenir un partage plus équitable du pouvoir. L’Ethiopie, seul pays d’Afrique à ne jamais avoir été colonisé, doté d’une riche histoire millénaire, n’a jamais été une véritable démocratie.

    Au cœur de la capitale, le musée de la terreur rouge rappelle le règne meurtrier de la dictature communiste de Mengistu Haïlé Mariam, qui avait renversé le dernier empereur, Haïlé Selassié, en 1974, et sera à son tour balayé par les rebelles tigréens qui contrôlent le régime actuel. « Après 1991, l’Ethiopie a vu se créer un système qui n’existe nulle part ailleurs en Afrique. Chaque ethnie a désormais son Etat, dans un ensemble fédéral. C’est le deal qui a permis à la minorité tigréenne, 6 % de la population, de s’imposer au pouvoir », rappelle l’économiste de Guinée-Bissau Carlos Lopes, un temps en poste à la Communauté économique africaine des Nations unies, dont le siège est à Addis.

    Officiellement, le pouvoir est détenu par une coalition où cohabitent un parti tigréen, un parti #oromo, un autre pour les #Amhara et un dernier regroupant tous les autres, soit plus de 80 ethnies qui forment la nation éthiopienne. Mais en réalité, seuls les #Tigréens contrôlent réellement le pouvoir et notamment l’important secteur sécuritaire et militaire. Cet équilibre est aujourd’hui remis en cause par les manifestations qui enflamment les provinces et ont fait plusieurs centaines de victimes depuis trois ans. Mais c’est moins la pression populaire que son impact à l’intérieur de la coalition qui peut faire vaciller le pouvoir. Car, pour la première fois, les partis « officiels » oromo et amhara refusent de continuer à jouer les marionnettes pour justifier la main mise des Tigréens. Enhardis par la contestation, ils ont eux aussi tendance à élever la voix et à rejoindre les oppositions ethniques qui en province descendent dans la rue pour réclamer plus de liberté. Pour la première fois en 2016, Opdo, le parti oromo de la coalition au pouvoir a ainsi élu ses dirigeants, en refusant les « suggestions » venues de l’appareil central.

    Lemma Megersa, son nouveau jeune leader, est vite devenu très populaire. Bien plus que le Premier ministre sortant qui n’a jamais eu l’aura intellectuelle de son prédécesseur, Meles Zenawi, mort en 2012 et considéré comme l’inspirateur du « développementalisme » à l’éthiopienne. « Le pire danger pour un mauvais gouvernement, c’est le moment où il décide d’entamer des réformes », notait un internaute éthiopien sur Twitter, le jour où le Premier ministre a annoncé sa démission. En ouvrant les portes des prisons pour apaiser la contestation, le régime est-il en train de perdre la main ? A la veille du week-end, la plupart des commentateurs doutaient d’un changement de cap radical. D’autant que le régime, ou plutôt le système mis en place, peut encore se targuer d’une assise solide.

    Bras de fer

    « Le régime actuel a fait le pari du développement, avec un modèle original, souligne ainsi Carlos Lopes. On a libéralisé l’économie tout en protégeant certains secteurs clés, comme les services. Il n’y a toujours pas de banque étrangère en Ethiopie. Ce nationalisme économique a payé en mobilisant efficacement les ressources du pays, sans aucune pression extérieure, pour investir dans le social, la santé, l’éducation. L’un des plus grands projets actuels, le barrage de la Renaissance, censé assurer l’autonomie énergétique du pays, a été entièrement financé par l’appel à l’épargne populaire qui a permis de récolter plus de 400 millions de dollars ! » rappelle encore l’économiste. Mais les promesses du développement, ici comme ailleurs, engendrent de nouvelles attentes.

    Venu d’une famille pauvre du Nord, Betele n’est guère impressionné par l’université où il étudie l’histoire de l’Afrique. « Certes, beaucoup de jeunes ont désormais accès aux études, mais pour l’instant, c’est la quantité plus que la qualité qui prime. On se bat pour avoir une place assise à la bibliothèque ; il n’y a pas d’ordinateurs ; la vie coûte cher », se lamente le jeune homme, indifférent aux multiples constructions, souvent réalisées par les Chinois, qui découpent le paysage d’Addis-Abeba. « L’Ethiopie est la Chine de l’Afrique », faisait d’ailleurs remarquer le 9 janvier un éditorial du Financial Times. « Comme la Chine, son histoire remonte à des milliers d’années et comme la Chine, ce pays africain se considère comme un géant politique. Comme la Chine il y a trente ans, l’Ethiopie a mis en place un plan rigoureux de développement fondé sur l’amélioration des niveaux d’éducation et de santé, l’amélioration de la politique agricole et l’industrialisation », poursuit le journal, ajoutant : « Malheureusement, comme la Chine, ce pays a un gouvernement autoritaire qui réprime son peuple pour rester au pouvoir. Il y a cependant une différence essentielle : l’Ethiopie ne sera pas capable de combiner indéfiniment croissance économique et répression politique. »

    On pourrait croire que le Premier ministre sortant en était arrivé aux mêmes conclusions. Mais en attendant de savoir qui lui succédera, c’est plutôt un bras de fer silencieux qui se poursuit, comme un mouvement de balancier entre ouverture et crispation. « En Ethiopie, les gens sont souvent fatalistes, ça vient en partie de la religion. Mais il faut se méfier des gens passifs ou trop gentils, lorsqu’ils se réveillent », avertissait, début février, un jeune guide devant la tombe du dernier empereur, Haïlé Selassié.
    Maria Malagardis Envoyée spéciale à Addis-Abeba

    #opposants #torture

    • Gael Faye ce qui lui plaît
      Maria Malagardis, Libération, le 13 février 2013
      http://next.liberation.fr/musique/2013/02/13/gael-faye-ce-qui-lui-plait_881630

      Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir connu dès l’enfance, le paradis puis l’enfer, d’avoir griffonné ses premiers textes « sous les obus et les balles traçantes », à la veille d’un exil brutal. Et, bien des années plus tard, d’avoir soudain renoncé aux mirages de la City de Londres pour assumer une passion pour le rap, née à l’adolescence. Une façon de choisir enfin son destin. Gael Faye a 30 ans et déjà une vie bien remplie. Celle-ci forme la trame de son premier album solo, qui évite les clichés sur le métissage pour décliner les différentes facettes d’une existence de caméléon, sur des rythmes swinguants, mélangeant la rumba congolaise et un zeste de jazz-soul, au rap le plus affirmé. Une réussite d’autant plus notable que Gael Faye reste avant tout un auteur,« virevolteur de mots plein d’amertume », comme il se décrit lui-même dans le titre A-France, écrit il y a déjà dix ans et qui fut « la première vraie chanson » de cet album, rappelle ce jeune homme à l’allure presque sage et au visage encore enfantin.

      Faye parle de clivage entre deux cultures et deux mémoires. Cela peut sembler banal, c’est tout le contraire. Peut-être parce qu’exilé à 13 ans, un âge où l’on commence quand même à penser, il a une conscience claire de ses origines et prend un vrai plaisir à faire découvrir « son » Burundi natal, petit pays de l’Afrique des Grands Lacs qu’il a fallu abandonner du jour au lendemain. C’est à ce moment-là, en avril 1995, qu’il commence à écrire, dans une atmosphère de guerre civile. Des textes d’ado, alors que la mort des premiers Blancs vient de sonner l’heure du départ pour tous les Occidentaux. Le jeune Gael, lui, est métis. Avec un papa « croissant-beurre » et une maman « pili-pili » (nom du piment local), dont il raconte les amours contrariées dans la chanson qui donne son titre à l’album. En guise de « croissant beurre », le père est un personnage atypique : enraciné en Afrique, gérant aussi bien une réserve naturelle qu’une troupe de théâtre locale, et surnommé « Crocodile Dundee » depuis qu’il a tenté d’attraper Gaspard, le gigantesque caïman mangeur d’hommes du lac Tanganyika, sur les rives duquel se trouve Bujumbura, la capitale du Burundi. En l’occurrence, c’est la mère, qui rêve de Paris et finit par abandonner mari et enfants, longtemps avant les troubles qui conduiront à l’exil.

      Larmes.
      Bien des années plus tard, c’est donc dans l’urgence d’une évacuation que Gael Faye retrouve sa mère et découvre Saint-Quentin-en-Yvelines. Adieu l’Afrique, voici « l’A-France », « l’asile et l’exil ». Pour la première fois de sa vie, le garçon se découvre Noir, et trompe son angoisse en noircissant des pages d’écolier. On lui conseille de s’inscrire à l’atelier d’écriture de la MJC locale, « un atelier de rap, cette année-là. C’est comme ça que j’ai découvert cette musique », raconte-t-il. Très vite, il réalise aussi que, vu d’ici, l’Afrique est un gros trou noir perdu dans une lointaine galaxie, et c’est pour tromper cette ignorance complaisante qu’il prend plaisir à évoquer dans ses chansons les quartiers de « Buja » (Bujumbura), à remplir ses textes de noms de lieux et d’amis disparus.

      Gael Faye a tourné sur place, au Burundi, les clips de deux titres : Ça bouge à Buja, évocation endiablée d’une capitale réputée pour sa vie nocturne, et le sublime Petit Pays, qui arrachera des larmes à ceux qui connaissent l’Afrique des Grands Lacs. En réalité, le texte évoque un pays voisin, victime d’un autre drame : le Rwanda, dévasté par un génocide en 1994. C’est aussi l’autre patrie de Gael Faye, car sa mère était, au Burundi, une exilée rwandaise qui avait fui les premiers pogroms contre la minorité tutsie dans les années 60. Beaucoup de chansons sont d’ailleurs hantées par cette tragédie, dont il n’a découvert la genèse que longtemps après : « A l’époque, en 1994, on disait juste "les événements" devant les enfants », souligne-t-il. Le génocide hante aussi indirectement le magnifique Président,auquel participe le légendaire musicien angolais Bonga, dont la voix enrobe de rumba lusophone cette dénonciation des dérives du pouvoir sur le continent noir.

      Rencontres.
      Les thèmes d’inspiration remontent à l’adolescence. Ils ont eu le temps de mûrir avant que Gael Faye ne se décide à franchir le pas, larguer une vie de gestionnaire de hedge funds à Londres et cesser de ne considérer le rap que comme une passion intime. Bientôt, il crée avec Edgar Sekloka, un copain d’origine camerounaise, le groupe Milk Coffee & Sugar, qui produit un premier album, déjà prometteur. L’histoire de Gael Faye est faite de rencontres. Celle de ses potes, qui l’ont aidé à chaque étape à construire ce groupe, puis cet album solo. Celle de sa compagne, à laquelle il rend hommage (Ma Femme), mère de sa fille (Isimbi, autre titre empreint de tendresse). Elle est métisse, franco-rwandaise, et ses parents à elle traquent les présumés auteurs du génocide rwandais cachés en France. Au jeu de l’oie de la vie, on retombe toujours sur la case départ, semble suggérer ce jeune homme inspiré qu’on a envie de suivre, même quand il chante Je pars.

    • Gaël Faye, le paradis perdu à hauteur d’enfant
      Maria Malagardis, Libération, le 23 septembre 2016
      http://next.liberation.fr/livres/2016/09/23/gael-faye-le-paradis-perdu-a-hauteur-d-enfant_1507806

      Il s’étonne encore, parfois, de ce qui lui arrive. Du succès foudroyant de ce premier livre, publié cet automne, qui lui vaut emballement médiatique et cascade de consécrations. A peine Petit Pays vient-il d’être couronné du prix Fnac, vite suivi du prix Cultura, que Gaël Faye, auteur de 34 ans, apprenait qu’il figure sur la première liste du prix Goncourt comme du prix Médicis. Trois jours après notre rendez-vous, il se retrouvera également sur celle du Femina. Belle prouesse pour ce jeune homme au visage d’enfant, qui vit si loin des salons parisiens, au Rwanda. Sur la carte du monde, ce n’est qu’un petit cercle à peine plus grand que la Bretagne, dans le flanc du continent africain. Un pays au destin intense, en partie évoqué dans le roman sans en être le sujet principal, où il a fini par s’installer il y a un an, après tant d’années en banlieue parisienne. D’abord parce que sa femme y avait trouvé un nouveau job. A l’époque, il venait de rendre son manuscrit. Et c’est de loin, depuis ce pays « où l’idée d’écrire un livre vous fait passer pour un excentrique », qu’il a découvert le succès si rapide de Petit pays. Le livre n’était pas encore paru en France qu’il avait déjà été vendu à une vingtaine de maisons d’édition étrangères qui se sont parfois livrées une féroce concurrence. Comme en Allemagne, où dix éditeurs étaient en lice pour obtenir les droits du livre, en partie autobiographique. Depuis la parution en France, Gaël Faye enchaîne les interviews et les signatures, avec un agenda de rockstar auquel ce jeune homme discret n’était pas forcément préparé. Ce samedi soir, le voilà même invité chez Ruquier. Et on a du mal à l’imaginer jonglant avec la dérision et les provocs qui font la renommée de l’émission, lui qui a voulu raconter une histoire a priori empreinte de gravité : celle, exprimée à travers le regard d’un enfant, du basculement tragique, du paradis vers l’enfer, de son « petit pays » natal, le Burundi. Derrière lequel se profile très vite, le destin terrible d’un autre « petit pays » : le Rwanda voisin, dont la page la plus sombre, celle du génocide de 1994, fait également partie de la trame de ce premier roman.
      De la musique à la littérature

      En principe, pas vraiment de quoi se marrer sur le canapé du salon face au petit écran. En arrivant au café où l’on s’est donné rendez-vous ce jour-là au centre de Paris, il montre ébahi un exemplaire d’un magazine people qui lui consacre une page entière, suite au choix d’Isabelle Adjani qui a beaucoup aimé le livre. Elle aussi. Qu’est-ce qui fait que « la sauce prend » ? Qu’au milieu de la rentrée littéraire, un Petit pays se distingue soudain dans l’avalanche de parutions et suscite un enthousiasme unanime ?

      Il est vrai que dans la vie de Gaël Faye, il y a déjà eu beaucoup de rebondissements inattendus. Des bons et des moins bons. A commencer bien sûr par la fin d’une enfance enchantée au cœur de l’Afrique, celle qui inspire la fiction. Suivie d’un exil forcé en banlieue parisienne pour ce petit métis, fils d’un père français et d’une mère rwandaise, elle-même exilée au Burundi. Fruit d’une identité indécise (trop blanc en Afrique, trop noir en France), il cherchera longtemps son destin. Il y a six ans, on s’était déjà retrouvés dans ce même café. A l’époque, il poussait le landau de sa fille aînée et s’efforçait de percer sur la scène du rap. Sans regretter son choix : avoir quitté une vie confortable de trader à Londres, pour se consacrer à sa passion, la musique. La vie n’était pas forcément facile, mais Gaël appréhendait alors les difficultés de la vie d’artiste avec la même sérénité qu’il affiche aujourd’hui face à ce succès littéraire inespéré. Sur la scène rap, il finira par connaître une certaine reconnaissance. Notamment grâce à Petit Pays, titre d’une chanson qui suscitera un réel engouement et qui préfigure évidemment déjà certains thèmes de son livre.

      La musique reste sa passion. Ses chansons ont raconté les étapes et les émotions de sa vie, plus concrètement que son premier roman. Il a chanté, avec une sensibilité touchante, ses fantômes, ses interrogations comme son amour pour sa femme, et son émerveillement à la naissance de son premier enfant. Son roman est bien plus pudique sur sa vie privée. Il lui ouvre pourtant le sésame de la célébrité, comme jamais la musique n’a pu le faire. Désormais, lorsqu’il se produit en concert, « les librairies de la ville concernée m’appellent souvent pour me proposer d’animer dans la foulée une signature », s’amuse-t-il.

      En réalité, de la musique à la littérature, le lien est encore plus direct. Dans les vrais contes de fées, le hasard est l’autre nom du destin. Donc, il était une fois une éditrice indépendante dont le fils écoutait du rap à la maison. Un jour, la voilà intriguée par ce jeune chanteur à la peau café au lait qui plaît tant à son fils, et dont les thèmes d’inspiration sortent des poncifs habituels sur la vie de banlieue. Il y a aussi cette façon d’agencer les mots, de donner du sens aux paroles, qui suggérait, peut-être, un vrai talent d’écriture. « Catherine Nabokov m’a écrit une lettre en 2013, puis on s’est vus deux ou trois fois, de façon informelle. Elle m’a poussé à écrire. Mais moi à l’époque, j’étais très pris par les tournées. Je venais de sortir mon premier album en solo, j’avais aussi un groupe, Milk, Coffee & Sugar. Et, surtout, je n’avais pas d’idée très précise sur ce que je pouvais lui proposer : un recueil de nouvelles ? De la poésie ? J’ai longtemps hésité, je tâtonnais », raconte Gaël. Un an plus tard, il profite des vacances d’été pour écrire enfin quelques pages : ce sera le prologue du roman. C’est sur cette seule base, mais après de nombreuses discussions, qu’un contrat est signé avec Grasset fin 2014. « J’avais en principe trois mois pour écrire un roman, et cette deadline m’a donné un bon coup de pied aux fesses », se remémore Gaël, qui ne cache pas avoir beaucoup souffert : « Au début je m’arrêtais sur chaque phrase, je pouvais passer une journée à écrire dix lignes. C’était déprimant, poussif. Jusqu’au jour, où je me suis décidé à dérouler tout en vrac sans me poser de questions et peu à peu les personnages et l’histoire ont pris corps. »

      Comme Gaby, le narrateur du roman, Gaël a vécu la séparation de ses parents peu avant que les passions ne se déchaînent dans son pays natal. Comme celle de Gaby, la mère de Gaël est une Rwandaise, membre de la minorité tutsie, contrainte de fuir son pays natal, lors des premiers pogroms contre les Tutsis à l’aube des années 60. Les ressemblances formelles s’arrêtent globalement là. Le reste est un kaléidoscope où l’imagination et les souvenirs s’entremêlent pour brouiller les pistes. Au fond, la seule « vérité », c’est ce petit pays tant aimé, où la haine va peu à peu gangrener les cœurs, obligeant chacun à prendre position.
      Une impasse de Bujumbura

      Tout s’est déroulé très vite, en quelques mois, il y a une vingtaine d’années. A la façon d’un jeu de dominos fatal. Le premier président démocratiquement élu du Burundi est sauvagement assassiné, le pays s’embrase. Quelques mois plus tard, c’est au tour du dirigeant du Rwanda voisin d’être victime d’un attentat. Les extrémistes proches du défunt y trouvent le prétexte pour déclencher une solution finale contre la minorité tutsie. Le Rwanda sombre dans l’apocalypse. Une déflagration qui se répercute au Burundi voisin, qui plonge encore plus vers l’abîme.

      C’est cette mécanique implacable du « eux contre nous » que raconte le roman, lequel réserve une surprise, lourde de sens, assénée à la dernière phrase. Si surprenante et tellement déchirante. Quand on a soi-même vécu une période aussi bouleversante, peut-on échapper à l’impérieuse nécessité de la raconter ? La vie de Gaël Faye est évidemment à jamais marquée par cette enfance brisée au Burundi, par le deuil et le traumatisme du génocide au Rwanda voisin, qui a emporté tant de proches. Ceux de sa propre famille et de celle de sa femme, dont les parents traquent depuis quinze ans sans relâche les responsables du génocide, qui ont tenté de se faire oublier et de recommencer une nouvelle vie en France.

      A table, lors des retrouvailles familiales, pourtant souvent joyeuses en apparence, il y a toujours des fantômes qui s’invitent de manière subliminale. C’est le destin des familles de rescapés. Et celles de Gaël et de sa femme n’y échappent pas. Même les prénoms qu’on choisit pour les enfants porteront la marque de cette mémoire qui ne vous lâche jamais. Certaines scènes du livre s’inspirent d’ailleurs, au détail près, d’événements qu’ont vécu ses beaux-parents, avant ou pendant le génocide. Mais le jeune auteur a réussi à résister à la tentation d’un livre dénonciateur, comme à toute fascination pour la mort. « Je ne voulais pas faire uniquement un récit des violences qui ont embrasé cette région, explique Gaël. Les moments heureux méritaient eux aussi d’être évoqués. J’ai voulu y mettre la même douceur que celle que j’essaye d’insuffler dans mes chansons, sans minimiser bien sûr l’impact de la tragédie. »

      On retrouve dans ce premier roman bien plus que les thèmes d’inspiration qui habitent le musicien : un tempo, un style qui s’imposent parfois dans des formules lapidaires (« l’Afrique a la forme d’un revolver », « La guerre, sans qu’on lui demande, se charge de nous trouver un ennemi »). Elles alternent toutefois avec des moments, magnifiques, où le temps semble suspendu. Juste avant le drame : « Les vieilles ne disaient rien. Maman fermait les yeux, elle se massait les tempes. La radio des voisins diffusait des chants liturgiques. On entendait nos fourchettes tinter dans les assiettes ». Des instants où la vie semble en apesanteur, avant de basculer brutalement.

      Est-ce propre à l’Afrique ? Quand on écrit son premier livre à Paris, pendant l’hiver 2015, d’autres événements se télescopent fatalement. « J’ai situé l’univers du narrateur dans une impasse de Bujumbura [la capitale du Burundi, ndlr] », rappelle-t-il. « Mais ce n’est pas un souvenir personnel. L’idée s’est imposée le 7 janvier 2015, le jour de l’attaque contre Charlie Hebdo. Ce jour-là, j’avais rendez-vous avec le cofondateur de mon groupe, qui m’a annoncé qu’il voulait mettre un terme à notre collaboration. C’était la fin de notre aventure, de nos projets communs. Et pendant cette discussion très pénible, on voyait aussi défiler les tweets de plus en plus alarmistes sur l’attaque. On était concentrés sur nos préoccupations, alors que tout notre univers était soudain en train d’exploser. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de cette impasse où habiteraient mon héros et sa bande de copains. Un monde clos, préservé, au départ, d’une violence qui fait soudain irruption et bouleverse tout. La France à ce moment-là se croyait à l’abri du danger avant d’être projetée dans la terreur. Comme le sera le petit monde dans lequel évolue mon narrateur. »
      Des victimes qui nous ressemblent

      A quel monde appartient-on ? A celui de nos origines ou bien à celui que le destin nous impose ? Et sont-ils vraiment si différents ? Bujumbura-Paris, en aller simple : catapulté en France après son évacuation d’urgence, le jeune Gaël sera souvent agacé d’être toujours réduit aux mêmes images exotiques : « Quand je suis arrivé en France, on m’interrogeait sans cesse sur les baobabs et les girafes, alors que moi j’avais grandi dans une culture dominée par Nike et Michael Jordan. » Dans le premier chapitre du roman, le narrateur mélancolique et tourmenté par son passé se retrouve dans un bar où défilent les images des réfugiés qui arrivent en masse aux frontières de l’Europe. Encore un autre drame qui a marqué l’année 2015. « On ne dira rien du pays en eux », constate Gaby en observant ces groupes de réfugiés désespérés. A sa façon, Petit pays tente de réparer cette injustice, celle de l’ignorance ou de l’indifférence face au passé des « autres ». Mais le livre révèle aussi combien les victimes de ces tragédies lointaines, au fond, nous ressemblent.

      Et c’est peut-être dans cette facilité d’identification avec le narrateur et ses amis, que réside la clé de l’engouement pour ce premier roman d’un jeune auteur inconnu. Gaby n’est pas un petit Africain, c’est un enfant du monde emporté par la fureur du destin. Notre hantise commune. Une fois la saison des prix et promotions achevée, Gaël Faye repartira pour Kigali au Rwanda. Retrouver sa femme et ses deux enfants. Il y est heureux, apprécie le retour à la paix dans ce pays qui s’est reconstruit de manière impressionnante. Seule ombre au tableau : depuis le printemps 2015, le Burundi voisin sombre à nouveau dans la violence. L’enfer côtoie toujours le paradis. C’est ce que nous réserve, trop souvent, notre époque tourmentée. Là-bas comme ici.

  • RDC : au Kasaï, massacres à huis clos - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2017/12/28/rdc-au-kasai-massacres-a-huis-clos_1619377

    La Fédération internationale des droits de l’homme a recueilli les témoignages glaçants de survivants d’attaques qui ciblent majoritairement l’ethnie #luba, dans une province réputée pour être un foyer d’opposition au régime du président Kabila.

    Lorsque l’infirmier est retourné à l’hôpital, juste après l’attaque, il y a découvert le corps de sa femme. Elle était morte, dénudée, un bâton en bois enfoncé dans son sexe. A proximité, une commerçante qui avait l’habitude de vendre des beignets non loin de l’entrée du centre de santé, gisait sur le sol, éventrée. Deux fœtus avaient été extraits de son ventre et découpés à la machette. Un médecin qui a survécu au massacre racontera avoir découvert « une montagne de cadavres » à l’intérieur de l’hôpital. Et, notamment, « des hommes émasculés, dont le pénis avait été déposé sur leur front ». Ce jour-là, à Cinq, un simple village situé dans le sud de la république démocratique du Congo (RDC), près d’une centaine de personnes ont trouvé la mort dans des conditions atroces, rien qu’à l’hôpital. La salle d’opération a été incendiée alors que 35 patients se trouvaient à l’intérieur. A la maternité, une dizaine de femmes ont été massacrées, dont deux qui avaient accouché le matin même, et dont les bébés n’ont pas été épargnés. Mais l’hôpital n’a pas été le seul lieu du carnage, et c’est en réalité tout le village de Cinq, à peine 10 000 habitants, qui a été soudain plongé dans un bain de sang ce 24 avril. Il y a déjà sept mois.

    « Chaos organisé »

    Personne n’aurait entendu parler de ce massacre à huis clos si les enquêteurs de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) n’avaient recueilli les témoignages des survivants qui ont fui de l’autre côté de la frontière, en Angola. « Une femme de 50 ans a raconté l’exécution de douze membres de sa famille, tués par balle et à coups de machettes. […] Une autre femme de 41 ans a indiqué que six de ses enfants et quatre de ses petits-enfants ont été exécutés, certains par balle, d’autres à coups de machettes et de couteaux », décrivent ainsi les enquêteurs de la FIDH, dans un rapport accablant publié fin décembre. Et Cinq n’est qu’un exemple parmi d’autres massacres, restés eux aussi impunis. « C’est simplement celui pour lequel nous avons le plus de témoignages », explique-t-on à la FIDH, dont le rapport vise d’abord à dénoncer « le chaos organisé » qui, depuis plusieurs mois, déstabilise tout le #Kasaï. Cette province grande comme le Portugal est réputée depuis longtemps être un foyer d’opposition au régime du président Joseph Kabila.

    Aujourd’hui, les enquêteurs de la FIDH sont formels : après avoir identifié une cinquantaine de noms, ils accusent « les forces armées congolaises et les miliciens progouvernementaux de Bana Mura », une milice soudain apparue début 2017, d’avoir orchestré le massacre de Cinq, comme de plusieurs autres localités du Kasaï.

    Dans quel but ? « Affaiblir une région où la population est hostile au président #Kabila et empêcher la tenue des élections l’an prochain. Elles ont déjà été reportées cette année sous prétexte que le recensement électoral était impossible, notamment au Kasaï, dans un tel contexte d’insécurité », accuse Paul Nsapu, secrétaire général de la FIDH pour l’Afrique. Aujourd’hui exilé à Bruxelles, ce Congolais a fait partie de la mission dépêchée en Angola auprès des réfugiés du Kasaï. Une région qu’il connaît bien, puisqu’il y est né et y a grandi.

    « Éradication »

    Il semble que l’immense majorité des victimes appartient à l’ethnie luba. Ce n’est pas un hasard : le gouvernement congolais assimile désormais tous les Lubas aux « Kamuina Nsapu », du nom d’une chefferie locale dont les membres ont pris les armes après l’assassinat de leur chef coutumier en août 2016. Ce dernier, Jean Pierre Mpandi, un médecin revenu d’exil en Afrique du Sud après avoir été désigné à la tête des Kamuina Nsapu, avait refusé de faire allégeance au président Kabila. Mais son meurtre, loin de dissuader ses fidèles, les a au contraire conduits à s’attaquer aux symboles de l’Etat dans une véritable guérilla, qui a aussi fait son lot de victimes depuis un an. « Face à cette insurrection, le régime de Kinshasa a noyauté toutes les administrations en écartant ceux qui sont hostiles au pouvoir, mais aussi les Lubas, soupçonnés de sympathie pour les rebelles », explique encore Paul Nsapu. Dans ce cycle d’attaques et de représailles sans fin, les #massacres orchestrés dans certaines localités viseraient ainsi, pour la FIDH, à instaurer un climat de terreur, censé affaiblir « les forces négatives », selon la formule employée à Kinshasa.

    « Mais à Cinq, comme ailleurs, il ne s’agit plus seulement de faire peur. C’est une véritable stratégie d’éradication qui a eu lieu », souligne Tchérina Jerolon, responsable adjointe du bureau Afrique de la FIDH.

    Depuis son indépendance, en 1960, la RDC, autrefois baptisée Zaïre, a rarement été un pays tranquille. Aussi vaste que l’Europe de l’Ouest, ce géant toujours instable a été depuis plus d’un demi-siècle « violé, pillé, ravagé, ruiné, corrompu, sanguinaire, dupé, ridiculisé, réputé sur tout le continent pour son incompétence, sa corruption et son anarchie », écrivait, en 2006, le romancier britannique John Le Carré dans le Chant de la mission. Paul Nsapu n’a d’ailleurs pas oublié « les tentatives des colons belges de retarder leur départ en suscitant eux aussi des foyers d’instabilité au Kasaï et au Katanga, toujours grâce à la manipulation des ressentiments ethniques ».

    Mais sur la base des informations recueillies en Angola, les enquêteurs de la FIDH sont en mesure d’affirmer que les massacres perpétués ces derniers mois placent le curseur encore plus haut dans l’échelle des violences auxquelles ce pays est accoutumé : ils relèveraient en effet désormais d’une « stratégie de planification et d’extermination, constitutive de crimes contre l’humanité », insiste Safya Akorri, l’avocate de la FIDH, qui envisage de solliciter la Cour pénale internationale (CPI).

    De nombreux témoignages recueillis en Angola évoquent en effet des « réunions destinées à préparer les tueries ». Et notamment à Cinq, où la FIDH a identifié au moins sept responsables locaux, accusés d’avoir rassemblé les représentants des communautés qui ne sont pas Lubas et de les avoir radicalisés en désignant un ennemi de circonstance : les Lubas, soudain « désignés comme des étrangers qui ont volé des terres », affirme le rapport de la FIDH.

    Les rescapés se rendront d’ailleurs compte après l’attaque que la plupart des familles tchokwé, pende et tetela avaient quitté le village quelques jours auparavant. Comme s’ils savaient ce qui allait se produire dans ce petit village où les communautés vivaient jusque-là en bonne entente. Seuls certains hommes reviendront le jour du massacre, pour assister les tueurs. Lesquels auront pris soin, toujours selon les témoignages recueillis, de bloquer toutes les sorties du village, afin d’éliminer ceux qui auraient tenté de s’échapper.

    « Boucs émissaires »

    Dans une région d’Afrique, qui reste hantée par le génocide au Rwanda en 1994, ces massacres à huis clos rappellent de mauvais souvenirs. La FIDH, qui avait en son temps dénoncé les signes avant-coureurs du génocide rwandais, en est pleinement consciente. Ici aussi, comme au Rwanda à l’époque, « le gouvernement semble avoir désigné des groupes ciblés devenus des boucs émissaires pour justifier son maintien au pouvoir », croit savoir Paul Nsapu.

    Comment évaluer l’étendue du désastre ? La mission de la FIDH a été dissuadée de se rendre au Kasaï même, se contentant des témoignages des réfugiés de l’autre côté de la frontière.

    Les autorités de Kinshasa refusent d’accueillir des missions d’enquête internationales indépendantes. Et l’assassinat, en mars, de deux experts occidentaux de l’ONU a refroidi les velléités de ceux qui veulent faire la lumière sur ce qui se passe réellement au Kasaï. Michael Sharp et Zaida Catalán ont été tués lors d’une mission sur le terrain dans cette région où 87 fosses communes ont été découvertes. Kinshasa avait immédiatement accusé les Kamuina Nsapu de ce double meurtre.

    « Témoins gênants »

    Pourtant, mi-décembre, une enquête conjointe menée par la radio RFI et l’agence de presse Reuters était en mesure de révéler que la mission des deux experts a été infiltrée dès le départ par deux agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Lesquels auraient persuadé les Occidentaux de se rendre dans une zone, pourtant déconseillée par les interlocuteurs locaux. Ces conseils de prudence n’ont pas été traduits et rapportés aux experts pendant une séance préparatoire, par chance enregistrée, et dont les journalistes ont pu avoir le compte rendu. « Après la découverte des corps, sous la pression internationale, les autorités ont procédé à des arrestations et ont organisé un procès, actuellement suspendu. Mais ce ne sont pas les vrais coupables qui se retrouvent face aux juges. Juste des sous-fifres. L’ANR manipule tout, et elle fait disparaître les protagonistes comme les témoins gênants », accuse Paul Nsapu, qui voit dans l’explosion du Kasaï la confirmation d’une dérive qui gangrène tout le pays. « Ces horreurs résultent d’une situation politique et sécuritaire qu’on retrouve en réalité sur tout le territoire congolais. Et notamment dans l’est du pays, en Ituri, autour de la ville de Beni, où les massacres sont récurrents. Même chose dans le nord du Katanga, où des foyers d’insécurité sont apparus et où l’armée exacerbe les conflits ethniques », énumère le secrétaire général de la FIDH Afrique. Et de conclure : « Chaque jour, nous entendons des cris venus de ce pays. Pour dire qu’on a enlevé quelqu’un, qu’un autre a été arrêté ou qu’il a disparu. Quand est-ce qu’on va enfin réagir pour mettre un terme à ce cauchemar ? »
    Maria Malagardis

    #Congo #RDC

  • Clingendael report : EU external migration policies misaligned with reality

    On the February 1, Dutch think tank #Clingendael released a report on the relationship between irregular migration and conflict and stability in Mali, Niger and Libya. The report’s main finding is that current EU policies are misaligned with the reality of trans-Saharan migration.

    The report argues that European external migration policies fail to take into account the diverse socio-political dynamics of intra-African migration. EU policies focus on stemming migration flows through securitised measures as a means to stop human smuggling. However, it disregards local actors such as transportation companies facilitating irregular movements, local security forces gaining income by bribery and road taxes, political elites facilitating irregular migration in exchange for money and local population offering to sell food and lodging to earn a living. Ignoring such essential local dynamics prevents the establishment of effective migration management policies. A worrying mistake given the EU’s increased focus on the external dimension of migration in the context of the Partnership Framework.

    The report encourages the EU to focus on peace building processes and invest in both conflict- and politically sensitive state building as well as regional cooperation.

    http://www.ecre.org/clingendael-report-eu-external-migration-policies-misaligned-with-reality
    #rapport #externalisation #asile #migrations #réfugiés #Libye #Sahel #Gao #Agadez #Niger #routes_migratoires #Mali #Tamanrasset #Niamey #Sebba #Arlit #Séguédine #Algérie #Murzuq #Ghadames #Ghat #Tripoli #EU #UE #Union_européenne #détention_administrative #rétention #passeurs #trafiquants #trafic_d'êtres_humains #gardes-côtes

    Lien vers le rapport :


    https://www.clingendael.nl/sites/default/files/turning_the_tide.pdf

    cc @isskein @reka

    • Our analyses from January: externalisation of migration control

      We pay but others do it. This first and foremost has been the response of the European Union
      to the so
      –called “refugee crisis”. Under the title of the
      European Agenda on Migration
      , in May
      2015 the European Commission proposed a series of measures to stop what
      it called “the
      human misery created by those who exploit migrants.” This document established as a priority
      cooperation with third countries to jointly address the causes of emigration. In practice, this
      cooperation has been limited to promoti
      ng the readmission of irregular migrants, border control
      and the reception of asylum
      –seekers and refugees in third countries. The EU’s agreements
      with Turkey (March 2016) and more recently with Niger, Nigeria, Senegal, Mali and Ethiopia
      (June 2016) represent the implementation of this approach.

      http://www.statewatch.org/analyses/no-305-viewpoint-migration-more-externalisation.pdf

    • Ecco l’accordo con la Libia sui migranti…

      Praticamente si chiede di far soffrire, di far subire violazioni, magari anche di uccidere, o di estorcere soldi ai migranti lontano dai nostri confini. Lontano dalle macchine fotografiche dei giornalisti, lontano da chi può raccontare cosa succede.


      http://www.africarivista.it/ecco-laccordo-con-la-libia-sui-migranti/111726

    • Profughi: un piano studiato per tenerli lontano, ad ogni costo

      Ora è operativo. Dal pomeriggio del 2 febbraio, con la firma congiunta del premier Gentiloni e del presidente del Governo di Alleanza di Tripoli, Fayez Serraj, è entrato in vigore a tutti gli effetti il piano sull’immigrazione concordato tra Italia e Libia dal ministro Minniti all’inizio di gennaio. Lo hanno chiamato memorandum sui migranti. Gentiloni lo ha presentato come “una svolta nella lotta al traffico degli esseri umani”, sollecitando il sostegno politico e finanziario dell’Unione Europea. In realtà è un piano di respingimento e deportazione, da attuare in più fasi e in modi diversi, a seconda delle condizioni e delle circostanze: l’ultima di tutta una serie di barriere messe su da Roma e da Bruxelles, negli ultimi dieci anni, per esternalizzare le frontiere della Fortezza Europa, spostandole il più a sud possibile e affidandone la sorveglianza a Stati “terzi” come, appunto, la Libia. Sorveglianza remunerata con milioni di euro, ben inteso: milioni per affidare ad altri il lavoro sporco di bloccare i profughi, non importa come, prima che raggiungano il Mediterraneo e, ancora, di “riprendersi” quelli respinti dall’Europa, con l’obiettivo, poi, di convincerli in qualche modo a ritornare “volontariamente” nel paese d’origine. A prescindere se il “paese d’origine” è sconvolto da guerre, terrorismo, dittature e persecuzioni, miseria e fame endemiche, carestia.

      http://habeshia.blogspot.ch/2017/02/profughi-un-piano-studiato-per-tenerli.html

    • La « forteresse » Europe commence en #Afrique_du_nord

      Le 3 février 2017, les représentants de l’Union européenne réunis à Malte se sont séparés après avoir entériné un plan d’action destiné à freiner – et éventuellement arrêter - les arrivées de réfugiés en provenance de #Libye principalement. Face à une situation incontrôlable dans ce pays, les dirigeants européens se tournent de plus en plus vers les pays voisins, la #Tunisie, l’#Egypte et l’#Algérie afin de les pousser à respecter ou intégrer les dispositifs de gestion des flux migratoires qu’ils ont mis en place. La chancelière allemande Angela Merkel a fait personnellement le déplacement pour convaincre les responsables de ces Etats à coopérer moyennant de substantielles aides matérielles et financières. Si les rencontres n’ont pas abouti aux résultats escomptés, force est de constater que les pratiques de contrôle et de répression de ces pays se professionnalisent et s’adaptent progressivement aux exigences de leurs partenaires du Nord.

      http://www.algeria-watch.org/fr/article/analyse/mellah_forteresse.htm

    • L’Afrique du Nord, dernier recours de l’Europe ?

      Depuis que l’accord controversé, conclu entre la Turquie et l’Union européenne (UE) en mars 2016, a largement réussi à empêcher les demandeurs d’asile d’atteindre l’Europe par la Méditerranée orientale, les dirigeants européens se sont tournés vers la partie centrale de cette mer. Avec les élections qui approchent dans plusieurs États de l’Union et les craintes suscitées par la perspective de voir de nouvelles vagues de migrants entrer en Europe au printemps, les responsables politiques tentent de trouver des solutions rapides pour montrer qu’ils sont capables de gérer la crise.

      Au-delà de ce contexte électorale, l’UE dans son ensemble est pressée de formuler, et pas seulement des solutions d’urgence, une vision stratégique de long à même de relever le défi que présente la question migratoire. Et pour trouver de telles solutions, elle est contrainte de se tourner vers les pays nord-africains.

      http://www.alternatives-economiques.fr/lafrique-nord-dernier-recours-de-leurope/00077792

      En anglais : carnegieendowment.org/sada/68097

    • Migration monitoring in the Mediterranean region – Libyan military to be linked up to European surveillance systems

      The Mediterranean countries of the EU are establishing a network to facilitate communication between armed forces and the border police. Libya, Egypt, Algeria and Tunisia are also set to take part. This would make them, through the back door, part of the surveillance system #EUROSUR. Refugees could then be seized on the open seas before being returned to Libya.

      https://digit.site36.net/2017/04/25/migration-monitoring-in-the-mediterranean-region-libyan-military-to-be

    • Security and migration amongst EU priorities for cooperation with “modern, democratic” Egypt

      Joint priorities adopted today by the EU and Egypt for 2017 to 2020 include a commitment from the EU to “support the Egyptian government’s efforts to strengthen its migration governance framework, including elements of legislative reform and strategies for migration management,” and to “support Egypt’s efforts to prevent and combat irregular migration, trafficking and smuggling of human beings, including identifying and assisting victims of trafficking.”

      http://www.statewatch.org/news/2017/jul/eu-egypt-priorities.htm

    • Niger : #ingérence et #néocolonialisme, au nom du #Développement

      Le 10 octobre 2016, la chancelière allemande Angela Merkel était reçue en grande pompe à Niamey. Elle ne faisait pas mystère que ses deux préoccupations étaient la « #sécurité » et « l’#immigration ». Il s’agissait de mettre en œuvre des « recommandations » répétées à l’envie : le Niger, « pays de transit », devait être accompagné afin de jouer le rôle de filtre migratoire. Des programmes de « renforcement des institutions locales » feraient advenir cette grande césure entre les « réfugiés » à protéger sur place et les « migrants » à « reconduire » vers leurs « pays d’origine ». Autrement dit, comme l’a récemment exprimé le président français, le Niger et ses voisins (Libye, Tchad…) devaient accepter de se couvrir de camps et de jouer le rôle de #hotspot (voir Note #4). Le #néo-colonialisme d’une telle vision des rapports euro-africains a poussé les très conciliantes autorités nigériennes à rappeler que les intérêts de leurs ressortissants et la souveraineté nationale devaient être l’objet de plus d’égards. Ces négociations inter-gouvernementales sont toujours en cours alors qu’en Libye elles ont été directement menées avec des chefs de milices, prêts à jouer les geôliers à condition de pouvoir capter les fonds qui se déversent sur les gardes-frontières de l’Union européenne (UE).

      http://www.migreurop.org/article2840.html

    • Niger : #Niamey, capitale cernée par les crises

      Exode de migrants, conflits ethniques exacerbés par une guerre contre le jihad et une montée de l’islam politique… Dans la ville, devenue réceptacle des problèmes actuels du Sahel, la tension est omniprésente.

      Ce sont des victimes invisibles. Emportées par un cycle sans fin de représailles dans un coin reculé du monde. La scène de la tuerie est pourtant terrifiante : « Les assaillants sont arrivés vers 17 heures et se sont rendus directement à la mosquée où ils ont tué à coup de mitraillettes automatiques une dizaine de personnes. Puis ils se sont dirigés à l’intérieur du campement nomade où ils ont tiré sur des personnes qu’ils ont croisées », affirme un communiqué officiel relayé par la presse au Niger. Bilan ? 17 morts, vendredi à Inates, un bled perdu dans le sud de ce pays sahélien et proche de la frontière avec le Mali. A part les autorités du pays, aucun témoin extérieur, journaliste ou humanitaire, n’a pu se rendre seul sur place. Car Inates se trouve dans cette nouvelle zone de tous les périls, située au nord de Niamey, la capitale. Le 11 avril, Joerg Lang, un humanitaire allemand, pensait pouvoir s’y rendre incognito en dissimulant son visage sous un keffieh, foulard traditionnel, et en circulant à bord d’une voiture banalisée. Il a été enlevé sur la route du retour, non loin d’Inates.

      L’attaque du 19 mai n’est que la dernière d’une longue série, qui oppose depuis peu des nomades, touaregs et peuls, de chaque côté de la frontière qui sépare le Niger et le Mali. « Il y a trois semaines, de jeunes Peuls, venus du Niger, ont exécuté 18 Touaregs de l’autre côté de la frontière, au Mali. Cette fois-ci, les assaillants voulaient en tuer autant chez les Peuls, en représailles. Sauf que l’une des victimes a finalement survécu », indique Mohamed Bazoum, ministre de l’Intérieur du Niger. Les forces de sécurité sont pourtant loin d’être absentes dans ce pays, qui est même devenu le nouveau hub militaire régional d’une coalition internationale en lutte contre les forces jihadistes au Sahel. A Niamey, la capitale, située à seulement 250 kilomètres d’Inates, des gaillards musclés aux cheveux très courts ont remplacé les touristes dans les hôtels, qui ne désemplissent pas. On y croise des Français, des Américains, et même désormais des Allemands.
      Théories complotistes

      C’est au Mali, pays gangrené depuis plusieurs années par les mouvements jihadistes, et désormais aussi au Burkina Faso voisin, que se joue l’essentiel de cette guerre asymétrique. Mais c’est bien au Niger que s’implantent de plus en plus les bases arrières étrangères engagées dans cette bataille du Sahel. Pourtant le Niger n’a jamais connu de mouvement jihadiste autochtone. Son point faible, ce sont justement ses frontières. Et notamment celles avec le Mali et le Burkina Faso, dans ce petit triangle où se trouve aussi Niamey. Une capitale en apparence assoupie, particulièrement en ce mois de mai où la température frôle souvent les 45 °C. Mais le calme de la ville est trompeur. Tous les accès extérieurs sont verrouillés par des barrages, les fameuses « ficelles ». Et les entrées et les sorties sont fortement contrôlées. Les dunes orange qu’on aperçoit parfois au loin évoquent ainsi un monde potentiellement hostile, qui donne à la capitale nigérienne un air de forteresse isolée guettant l’ennemi, comme dans le roman de l’Italien Dino Buzzati, le Désert des Tartares. Mais qui est exactement l’ennemi ?

      A Niamey, nombreux sont ceux qui s’interrogent : « Les Américains ont construit une immense base à Agadez [à 950 kilomètres au nord-est de Niamey, ndlr]. Les Français et les Allemands renforcent leurs installations près de l’aéroport. Visiblement, ils sont là pour rester longtemps. Mais dans quel but ? Est-ce seulement pour notre sécurité ? » s’inquiète Abdoulaye, un jeune entrepreneur de la capitale. Les intentions « réelles » des Occidentaux au Niger font l’objet de nombreuses conversations et les théories complotistes ne manquent pas. Pourtant, même dans ce cas de la tuerie d’Inates, c’est bien l’influence des jihadistes qui est aussi en jeu. « Les Peuls se sont fait piéger. Depuis quelques années, la pression démographique et la raréfaction des terres pastorales les ont poussés vers le nord du Mali. Mais en s’y implantant, ils ont dû choisir leur camp dans un conflit purement malien. Et se sont laissé instrumentaliser par les forces jihadistes de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest alors qu’une partie des Touaregs soutient désormais la coalition internationale », affirme le général Abou Tarka qui dirige la Haute Autorité pour la consolidation de la paix, un organisme né lors des rébellions touaregs des années 90 et qui tente aujourd’hui de désamorcer cette bombe communautariste parée des oripeaux jihadistes. « C’est une guerre de pauvres, de populations qui se sentent souvent abandonnées », confie le général.

      Le conflit dans le sud-ouest est récent. Mais dans le sud-est du pays, une autre zone dessine depuis plus longtemps un front sensible avec la présence de la secte Boko Haram qui a infiltré la région de Diffa, en provenance du Nigeria voisin. Il existe d’autres frontières sensibles dans ce vaste « pays de sable, en apparence immobile », comme le décrit le père Mauro, un prêtre italien très investi aux côtés des migrants. Les Nigériens immigrent peu, et encore moins vers l’Europe. Mais depuis longtemps, le pays est une zone de passage pour tous ceux qui veulent tenter la traversée de la Méditerranée à partir des côtes libyennes. Depuis 2016, les Européens ont fait pression sur le pouvoir en place pour restreindre ces mouvements. En criminalisant les passeurs, mais aussi en faisant de Niamey et d’Agadez des « hot spots » censés dissuader les traversées clandestines, grâce à l’espoir d’un passage légal vers l’Europe, du moins pour ceux qui peuvent prétendre au statut de réfugié. Ces derniers mois, des charters ont même ramené au Niger des candidats à l’asile en Europe, jusqu’alors détenus dans les geôles libyennes. « Mais aujourd’hui ces rotations sont quasiment à l’arrêt car les autorités se sont rendu compte que les Européens, et notamment les Français, n’acceptaient les réfugiés qu’au compte-gouttes, malgré leurs promesses », explique un responsable du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) à Niamey.

      Cette nouvelle stratégie impose aussi un tri entre « bons » et « mauvais » migrants. Dans une rue ombragée du centre de la capitale, des hommes prennent l’air, assis devant une maison gardée par des vigiles. Les visages sont maussades, les regards fuyants, et les gardiens ont vite fait d’éconduire les visiteurs étrangers qui tentent de parler à ces migrants rapatriés de Libye et qui ont, eux, accepté de rentrer dans leur pays. Ceux qui refusent ce retour « volontaire » se dispersent dans la ville, formant une cohorte invisible qui échappe aux radars. « En réalité, les passages de migrants ne se sont pas arrêtés. Il y a de nouvelles routes, plus dangereuses », confie un officiel nigérien. En revanche, la création des hot spots attire désormais d’autres candidats à l’exil. Début mai, des centaines de Soudanais ont ainsi envahi les rues d’Agadez dans l’espoir d’obtenir le sésame miraculeux de l’asile en Europe. Mais, excédées par ces arrivées massives, les autorités de la ville ont envoyé de force, le 12 mai, 145 d’entre eux à la frontière libyenne, en plein désert. Depuis, leur sort est inconnu.
      Arrestations

      En privé, les responsables nigériens se moquent parfois de l’autosatisfaction des Européens sur les mirages de cette nouvelle politique migratoire. Et fustigent les faux-semblants de l’aide, en principe massive, accordée au pays : « On nous dit que le Niger est désormais le pays d’Afrique le plus aidé par l’Europe. Mais ce sont les ONG étrangères qui captent toute cette aide », peste un haut responsable. Ce n’est pas le seul mirage financier dans l’un des pays les plus pauvres de la planète. En décembre, un grand raout organisé à Paris avait permis en principe au Niger d’engranger 23 milliards de dollars (19 milliards d’euros) de promesses d’investissements. Six mois plus tard, les promesses sont restées… des promesses : « La concrétisation des projets est effectivement assez lente », reconnaît, un peu gênée, la responsable d’une agence onusienne. Reste qu’en raison des enjeux sécuritaires et migratoires, le Niger est bien devenu « le chouchou de la communauté internationale », comme le rappelle Issa Garba, porte-parole local de l’association Tournons la page.

      Au début de l’année, la société civile avait organisé des manifestations dans les rues de Niamey pour protester contre une loi de finances qui instaure de nouvelles taxes et augmente les prix de l’électricité et de l’eau. Mais à partir du 25 mars, le mouvement a été brutalement décapité avec l’arrestation d’une vingtaine de leaders de la société civile. « Ils ne représentent rien, ils veulent juste créer le chaos et susciter un coup d’Etat militaire », balaye Mohamed Bazoum, le ministre de l’Intérieur. « Tout ce que nous demandons, c’est une bonne gouvernance et l’abandon de lois qui frappent les plus pauvres », rétorque Issa Garba. Reste que face aux arrestations, la communauté internationale se tait. Et la rue, elle, a compris le message : une journée ville morte décrétée par la société civile le 14 mai a été un échec et les manifestations n’ont pas repris. « Je soutiens ces leaders, mais je n’ai aucune envie de me retrouver moi aussi en prison », résume Mokhtar, un jeune homme très pieux. Dans la base arrière des Occidentaux en guerre contre le jihadisme au Sahel, d’autres influences s’imposent pourtant silencieusement. « Au Niger, l’islam gagne du terrain », souligne un professeur d’université, citant le nombre exponentiel de femmes voilées et de salles de prières dans les facs. « Le jour où les imams nous demanderont de sortir dans la rue, là, j’obéirais. Car l’islam est dans nos cœurs », constate de son côté Mokhtar.


      http://www.liberation.fr/planete/2018/05/23/niger-niamey-capitale-cernee-par-les-crises_1652220

      Signalé par Alizée Dauchy sur la liste Migreurop, avec ce commentaire :

      un article rédigé par Maria Malagardis publié dans Libération le 23 mai :
      http://www.liberation.fr/planete/2018/05/23/niger-niamey-capitale-cernee-par-les-crises_1652220

      et à écouter sur France Culture un podcast avec Maria Malagardis en première partie :
      https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/culturesmonde-du-vendredi-25-mai-2018

      sur la question migratoire :
      Elle revient (min’9) notamment sur ’l’hypocrisie des #hotspot", avec très peu de #réinstallation en Europe, malgré les engagements pris (la France s’est engagée à 3000 #réinstallations jusqu’en 2019).

      Procédure d’asile : Idée admise de trier sur la base de la nationalité à la place des demandes individuelles. Autrement : rapatriement volontaire dans les pays d’origine / les migrants se fondent dans la nature.
      Effet pervers : de nouvelles populations se rendent au Niger pour demander l’asile, exemple des soudanais à #Agadez (Cf. http://www.rfi.fr/afrique/20180526-niger-refugies-soudanais-darfour-agadez-statut-migrants).
      Elle qualifie le Niger de « passoire de mouvements », en « rotation perpétuelle ».

      sur la loi de finance :
      Augmentation des taxes sur l’électricité et l’eau, loi typique d’austérité. Manifestations dans la rue dès la promulgation.
      Interdiction des manifestations par les autorités nigériennes, arrestations d’activistes dès le 25 mars, 26 personnes de la société civile ont été arrêtées.
      Silence de la part de la communauté internationale, elle parle de dérive autoritaire car chèque en blanc de la communauté internationale.

      Loi de finance élaborée avec le parrainage des européens, notamment des français avec des conseillers techniques français du ministère de l’économie.
      « Accord tacite » davantage que « silence tacite ». Communauté internationale a besoin d’un Niger calme et silencieux.

      sur la question jihadiste :
      Pas de mouvement nigérien jihadiste autochtone contrairement au Mali et au Burkina Faso.
      Niger était un exemple de stabilité, où l’on louait le règlement de la question touareg, il est aujourd’hui le pays le plus menacé.

      #hotspots #tri #catégorisation #djihadisme #EI #Etat_islamique

    • « Pour le HCR, l’essentiel est d’aider les pays qui hébergent vraiment les réfugiés, en Afrique ou en Asie »

      Filippo Grandi : « L’essentiel est qu’on nous donne les moyens d’aider les pays qui hébergent vraiment les réfugiés »

      Le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés revient sur les difficultés de l’UE à apporter une solution commune à la crise migratoire et s’inquiète de la diminution de la solidarité en Europe.

      LE MONDE | 09.11.2018
      Propos recueillis par Jean-Baptiste Chastand

      A la tête de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) depuis 2016, Filippo Grandi appelle l’Union européenne (UE) à préserver le droit d’asile et considère que le retour des réfugiés syriens dans leur pays se fera au compte-gouttes.

      La crise migratoire déchirait l’Union européenne depuis 2015. Elle semble être passée au second plan des pré­occupations. Le problème est-il réglé ?

      Il y a eu des manipulations excessives de la part de ceux qui ont parlé d’invasion, de la fin de l’identité européenne ou de menaces sécuritaires. Maintenant que l’intérêt politique se décale, le risque consiste à ne pas faire ce qu’il faudrait pour mieux gérer ces mouvements de populations. L’Europe n’a pas encore donné toutes les réponses. Or, un report ne peut qu’aggraver la situation en cas de nouvelle crise.

      Les « centres contrôlés » et les « plates-formes de débarquement » destinés à centraliser le traitement des demandeurs d’asile paraissent dans l’impasse…

      La convention de Dublin, destinée à éviter le « tourisme de l’asile » en prévoyant que le premier pays d’accueil doit gérer les de­mandes d’asile, est mise à l’épreuve par les arrivées nombreuses dans quelques pays, qui se sont retrouvés pénalisés par rapport aux autres. Il faut passer à autre chose. On a longuement évoqué une répartition entre les 28 Etats, mais ça ne fonctionne pas, car seuls quelques pays y sont prêts. Moins de 100 000 personnes arrivées en Europe en 2018, c’est gérable.

      La prise en charge par des Etats d’une partie des passagers de l’Aquarius, par exemple, ressemble à une forme de partage, sauf que chaque nouveau bateau s’est transformé en crise. Un tel système devrait être décidé au préalable. Le problème est l’absence de consensus sur le lieu où ce partage doit se faire. Ce n’est pas au HCR de déterminer où ces centres d’accueil et de réception doivent se trouver, mais à l’Europe. Le rôle du HCR est de donner tous les instruments pour les gérer de manière correcte.

      Et qu’en est-il de l’idée de « centres ­d’accueil » hors Europe, comme au Maghreb ?

      Le HCR travaille dans tous les pays du monde pour gérer l’asile. Le gérer avec efficacité aide à stabiliser ces flux. Par ailleurs, nous n’accepterons jamais que les demandes d’asile en Europe soient gérées hors de son territoire. L’Europe doit garder ses portes ouvertes. Il faut qu’il y soit toujours possible de demander l’asile, sans être renvoyé vers des pays tiers. Cela dit, si l’Europe est prête à prendre des réfugiés dès le Niger, par exemple, dans le cadre de la « réinstallation » [transfert au sein de l’UE, par des voies sûres et légales, de personnes déplacées ayant besoin d’une protection], ce processus peut être renforcé.

      Vous êtes donc opposé à des plates-formes pour débarquer, en Afrique, des migrants sauvés en Méditerranée ?

      Si quelqu’un est sauvé dans les eaux territoriales tunisiennes, puis renvoyé en Tunisie, c’est légitime. C’est le droit. En Libye, les garde-côtes ont été renforcés par l’Europe de manière plus ou moins transparente. C’est une bonne idée, à condition de renforcer aussi les institutions qui gèrent les migrants, et pas seulement celles qui les empêchent de partir.

      L’Autriche, qui assure ce semestre la présidence tournante de l’UE, cherche à instaurer un accord avec l’Egypte. Y êtes-vous ­favorable ?

      Nous travaillons depuis longtemps en Egypte, qui héberge plus de 250 000 réfugiés. Si les Etats veulent nous aider à y renforcer les structures, c’est une bonne chose, mais cela ne doit pas être un moyen d’empêcher les gens de partir vers l’Europe.

      Pourquoi le HCR participe-t-il à cette politique d’externalisation des frontières européennes ?

      La Turquie héberge 4 millions de réfugiés. Vous voudriez qu’on ne les aide pas ? Au moment de l’accord UE-Turquie, auquel le HCR n’a pas été associé, on nous a demandé de vérifier que son contenu n’allait pas à l’encontre des normes internationales. Le HCR a travaillé avec la Grèce pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’expulsion vers la Turquie de personnes qui pourraient y courir des risques.

      En 2015, l’Europe a lancé l’initiative d’un fonds pour l’Afrique. Il est sous-financé, et la plupart des ressources sont utilisées pour le contrôle des frontières et non pour traiter les causes des départs. Je le regrette.

      La situation de surpopulation et ­d’insalubrité du camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, est catastrophique. Le HCR y participe…

      C’est difficile en effet, d’autant que le nombre d’arrivées continue à augmenter J’en ai parlé au premier ministre grec, Alexis ­Tsipras, et au ministre de l’immigration, qui vont faire un effort pour transférer des personnes sur le continent. J’ai reçu des assurances. Si on arrive à réguler la population dans les îles, on arrivera à mieux gérer la situation.

      Accordez-vous foi aux perspectives démographiques alarmistes du journaliste et chercheur Stephen Smith, qui prévoit une explosion migratoire venue d’Afrique ?

      L’invasion est un peu une légende : 70 % des mouvements de population en Afrique restent à l’intérieur du continent et ne vont pas vers l’Europe. Cela dit, il y aura toujours des migrations : les gens se déplacent toujours vers la prospérité. Quand il n’y a pas de possibilité d’émigrer de manière légale, ne reste que l’asile. Ce n’est pas bien, car ces demandes encombrent les systèmes d’asile et les délégitimisent, en créant dans l’opinion publique une confusion entre immigration et asile.

      Aujourd’hui, 80 % des demandeurs d’asile en Europe sont venus pour des raisons économiques, comment faire ?

      L’un des problèmes est l’impossibilité pour les déboutés du droit d’asile de retourner chez eux. Il faut trouver des accords de réadmission avec les pays d’origine, mais c’est coûteux et politiquement difficile pour ces derniers. En Libye, un accord avec l’Union africaine autorisant le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations d’y travailler, a permis le retour de 30 000 migrants chez eux [depuis début 2017]. Ils ont été réadmis parce que les images terribles des gens exploités dans les prisons libyennes ont eu un impact. Ce processus doit s’élargir.

      Pensez-vous que les réfugiés syriens retourneront dans leur pays ?

      Il y a une petite augmentation des demandes de retour de Syriens vivant en Jordanie et au Liban, mais il ne s’agit que de quelques milliers de personnes sur plusieurs millions. Le droit au retour existe, mais il doit être le résultat d’un choix personnel. Il reste des obstacles sécuritaires et matériels. Les réfugiés ont peur d’être enrôlés pour le service militaire, ils redoutent des représailles ou de ne pas retrouver leurs biens. La situation dans la province d’Idlib [minée par les affrontements inter-rebelles et l’insécurité galopan­te] n’encourage pas non plus les gens à rentrer. La reconstruction de la Syrie est un sujet politiquement sensible, mais j’appelle les pays donateurs à au moins aider les gens qui font le choix du retour.

      Comment jugez-vous la politique migratoire d’Emmanuel Macron ?

      En France, il faut améliorer la mise à l’abri, l’accueil, certains aspects de la procédure, mais la loi asile et immigration [définitivement adoptée à l’Assemblée le 1er août] a permis des progrès. A l’échelle européenne, le discours solidaire du président est très positif [il s’était engagé, en automne 2017, à offrir en deux ans 10 000 places de réinstallation aux réfugiés liés au HCR, notamment au Niger et au Tchad]. L’augmentation relative des places de réinstallation pour les réfugiés et l’action rapide de l’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides] au Niger ont été exemplaires.

      Comprenez-vous que l’afflux massif d’une population culturellement musulmane dans une région majoritairement judéo-chrétienne puisse créer des tensions ?

      Toute absorption de personnes issues d’une culture minoritaire est complexe, mais elle est possible et souhaitable ! Je crois à la diversité, même si je sais que ce n’est pas populaire de le dire. Lors de réunions européennes, en particulier dans l’est de l’Europe, j’ai entendu certains pays parler d’homogénéité. Mais ce n’est pas dans la tradition de l’Europe. Les valeurs chrétiennes sont précisément des valeurs de solidarité et de partage. L’homogénéité est une utopie négative qu’il faut contrer à tout prix. La diversité est un élément d’enrichissement. Les villes vivantes dans le monde sont des villes diverses ; ce sont elles qui sont à l’avant-garde ! Les Européens ont suffisamment d’outils économiques, sociaux et culturels pour gérer cette diversité.

      Etes-vous inquiet de la montée de l’extrême droite en Italie ?

      [Le ministre de l’intérieur italien] Matteo Salvini mène plusieurs batailles. Sur la question de la répartition des migrants en Europe, je suis d’accord avec lui : l’Italie ne peut pas recevoir tout le monde. Mais son discours très agressif, même s’il n’est pas forcément raciste, est susceptible de créer une atmosphère où le racisme peut prospérer. Cela m’inquiète beaucoup. Son langage ouvre la porte à des tendances extrêmes au sein des sociétés.

      La montée du populisme dans le monde pose-t-elle des problèmes pour une organisation multilatérale comme le HCR ?

      Pour l’instant, personne ne nous dit d’arrêter notre travail, qui, il faut le rappeler, est effectué à 90 % hors de l’Europe. Pour nous, l’essentiel est d’obtenir les ressources pour aider les pays qui hébergent vraiment les réfugiés, c’est-à-dire souvent des pays pauvres en Afrique ou en Asie. Je crains que la diminution de la solidarité en Europe et la stigmatisation du droit d’asile aux Etats-Unis donnent un mauvais exemple. Les pays pauvres me demandent de plus en plus pourquoi ils devraient prendre des réfugiés alors que l’Europe n’en veut pas. Or, pour des Etats voisins de pays en guerre, cela signifierait renvoyer des gens dans ces zones de conflit. C’est cela qui m’inquiète le plus.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2018/11/09/filippo-grandi-l-essentiel-est-qu-on-nous-donne-les-moyens-d-aider-les-pays-

      Avec ce commentaire de Emmanuel Blanchard via la mailing-list Migreurop :

      Une interview inquiétante à plus d’un titre : #Filippo_Grandi suggère que le HCR pourrait être plus impliqué encore en Lybie et dans tout pays d’Afrique du Nord prêt à s’impliquer dans des programmes de retours de boat-people et autres projets de gestion de « centres d’accueil et de réception ». Il ouvre même grand la porte pour une collaboration poussée avec l’UE en Egypte, même s’il prévient que le rôle du HCR ne peut pas être de contribuer à « des moyens d’empêcher les gens de partir vers l’Europe ». Il critique en effet à mots couverts certaines dimensions des politiques européennes de contrôle des frontières extérieures (voir passages soulignés en gras).
      A noter que sous couvert « d’équilibre », le journaliste du Monde - qui s’est autorisé une critique de la « politique d’externalisation des frontières européennes » - reprend certains des argumentaires « anti-migrants » les plus éculés.

  • "Extrême droite en Grèce : « Il ne faut plus avoir peur de dire qu’on est fascistes »"
    Par Maria Malagardis - Libération

    http://www.liberation.fr/monde/2015/09/22/extreme-droite-en-grece-il-ne-faut-plus-avoir-peur-de-dire-qu-on-est-fasc

    -Pour Adonis Georgiadis, de Nouvelle Démocratie : « Il ne faut plus avoir peur de dire qu’on est d’extrême droite ou fasciste ! »

    –"Giorgiadis est un éditeur adepte du télé-achat devenu célèbre pour avoir publié en 2006 un livre antisémite Les Juifs : toute la vérité, écrit par le fondateur du national-socialisme à la sauce hellène, Constantin Plevris, dont le fils Thanos est également député de Nouvelle Démocratie. Voridis a longtemps dirigé un mouvement de jeunesse fasciste, à la tête duquel il succédait à Nikos Michaloliákos, leader actuel et fondateur du mouvement neonazi Aube dorée. Voridis avait ensuite lui-même fondé le Front hellénique qui se voulait le cousin grec du Front national, mais qui n’a jamais réussi à percer."

    –"Pourtant c’est l’alliance d’Aléxis Tsípras avec ce petit parti de droite souverainiste (et surtout anti-austérité) que Martin Schultz a cru bon de dénoncer lundi sur France inter. Des propos largement répercutés et commentés en Grèce, où certains s’indignent de cette nouvelle ingérence dans les affaires internes du pays. Alors que d’autres se demandent si le président du Parlement européen suit avec autant d’inquiétude les évolutions internes au sein de Nouvelle Démocratie. Personne en tout cas ne se rappelle l’avoir entendu protester en 2012, lorsque Samarás avait accueilli dans ses rangs deux antisémites notoires, proches du national-socialisme grec et du Front national."

    –"Voridis et Georgiadis sont devenus membres de Nouvelle Démocratie en 2012 après un passage au Laos (l’Alerte populaire orthodoxe), parti d’extrême droite, aujourd’hui disparu, qui avait été le seul avec les socialistes du Pasok à voter en faveur des premières mesures d’austérité en 2010. "

    http://zinc.mondediplo.net/messages/7949 via Nouvel auteur