• Du vin, de la bière, un héritage colonial et un mécano fiscal

    En poussant la porte d’un caviste Nicolas, peu de clients savent qu’ils pénètrent dans une enseigne du groupe Castel, une multinationale qui s’est im- posée comme le premier négociant français de vin, troisième sur le marché international. À la tête de l’entreprise, la très discrète famille Castel compte parmi les dix premières fortunes hexagonales. Mais ce champion vinicole est aussi – et surtout – un vieil empire françafricain de la bière et des boissons gazeuses.

    Note sur : Survie : De l’Afrique aux places offshore
    L’empire Castel brasse de l’or

    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/07/12/du-vin-de-la-biere-un-heritage-colonial-et-un-mecano-fi

    #castel #afrique

  • Fichu néolibéralisme
    https://laviedesidees.fr/Fichu-neoliberalisme.html

    À propos de : Pierre Dardot, Haud Guéguen, Christian Laval, Pierre Sauvêtre, Le choix de la guerre civile : une autre histoire du néolibéralisme, Lux. Le néolibéralisme est-il d’essence martiale ? C’est la thèse que défendent les auteurs de cet ouvrage et qui s’appuient à la fois sur des expériences historiques (comme le #Chili sous Pinochet) et sur l’analyse de textes considérés comme fondateurs. Stimulante, la proposition peine cependant toujours à convaincre.

    #Politique #régime_politique #néo-libéralisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210708_neolib.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20210708_neolib.docx

  • La France #EnMarche EP60 - L’ancien régime contre-attaque Studio Crapulax
    Je croyais l’inspiration disparue à jamais... Et Pierre Jean Chalençon est apparu ! La soupe de crapules est amère mais elle est servie avec bon coeur !

    https://www.youtube.com/watch?v=gszwe_NqLCM&t=3s

    Y a vraiment pas de quoi rire !

    Source : https://twitter.com/Studiocrapulax/status/1389149374777810947

    #France #néo-libéralisme #ordo-libéralisme #injustice #populisme #violences_policières #emmanuel_macron #islamo_gauchisme #Gabriel_Attable #Affaire_Chalençon #covid-19 #coronavirus #santé #france #confinement

  • La garantie d’emploi, un outil au potentiel révolutionnaire | Romaric Godin
    http://www.contretemps.eu/chomage-economie-garantie-emploi-depassement-capitalisme

    L’ouvrage de Pavlina Tcherneva qui inaugure la collection « Économie politique » avance une proposition qui peut paraître a priori insensée : fournir à tous les citoyens qui le souhaitent un travail rémunéré, permettant de vivre décemment. Tout l’intérêt de son propos est de montrer que, précisément, cette proposition n’a rien d’insensé, mais qu’elle est parfaitement réalisable pour peu que l’on se libère de certaines certitudes qui ne sont que des constructions politiques. L’idée que le chômage soit le mode d’ajustement « normal » de l’économie est déjà un choix politique remarquablement déconstruit par l’autrice. Source : (...)

  • La #ville au prisme de la finance
    https://laviedesidees.fr/Pinson-La-ville-neoliberale.html

    À propos de : Gilles Pinson, La ville néolibérale, Puf. Comment le néolibéralisme modifie-t-il notre #espace ? Depuis un demi-siècle, une nouvelle géographie du capital entraîne la mise en concurrence des territoires, la financiarisation de l’immobilier, la gentrification des villes et l’éviction des classes populaires.

    #Société #espace_public #néo-libéralisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202101_hanappe.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210111_hanappe.pdf

  • La valeur d’une vie

    Bientôt les pauvres n’auront plus le droit de parler, les vieux de vivre et les jeunes de chanter. Une alliance inédite entre la science, la rationalité économique et le néolibéralisme autoritaire prépare des monstres que nous ne soupçonnons pas. Cette alliance nous accommode au pire, dont le renoncement aux valeurs et principes qui fondent le vivre ensemble et notre humanité.

    La gestion politique de la #crise_sanitaire est une machine à discriminer. Elle élève au carré les #inégalités sociales et économiques, de classe et de genre, et aujourd’hui les inégalités devant le #droit_à_la_santé et à la vie. Ces inégalités étaient insupportables avant la pandémie. Elles sont aujourd’hui la cause d’un effondrement social, économique et tout simplement moral. Si des études sérieuses (voir celle de l’INSEE ici) montrent que le virus « creuse les inégalités », ce sont avant tout les politiques néolibérales qui causent en priorité la mort des personnes âgées et des plus pauvres, l’exposition et la fragilisation des ouvriers, quand les classes sociales les plus favorisées traversent la pandémie avec infiniment moins de risque.

    Les choix politiques du gouvernement en matière de gestion de la crise sont passés successivement du mensonge d’Etat aux errements criminels, des errements à la bureaucratisation inefficace, de la bureaucratisation à la rationalisation impuissante, et désormais de la rationalisation au contrôle des corps. Cette dernière étape nous fait entrer dans la plus vertigineuse des dystopies. Des hommes politiques et des médecins ont pu concevoir d’interdire la parole dans les transports en commun. Alors que l’impératif sanitaire de la distance (physique et sociale) crée des pathologies de masse, il faudrait encore que les pauvres et le jeunes s’imposent le silence dans les transports en commun. Pourquoi donc l’Etat n’a-t-il pas pris depuis mars 2020 les dispositions qui auraient permis à chaque personne qui prend un bus, un tram ou un métro de bénéficier gratuitement d’un masque FFP2 ? Au lieu de cela on interdit aux plus défavorisés et aux jeunes de porter leur masque artisanal, sans prévoir une campagne et des moyens de protection pour quelques millions de personnes. Le problème n’est pas que l’Etat néolibéral de Macron et Castex serait maladroit, commettrait des erreurs à répétition, improviserait et jonglerait dans les difficultés de gestion d’une crise effroyable – même si ce peut être le cas -, le problème est qu’ils assomment systématiquement les pauvres, les jeunes et les vieux. Ce qui est effroyable, ce n’est pas le virus en lui-même, c’est le capitalisme qui le gère et en développe les conséquences. Parmi celles-ci, il en est une qui doit nous alarmer. La remise en cause du droit à la vie.

    Depuis le début de cette pandémie chaque jour qui passe accroît notre tolérance à l’insupportable. L’insupportable m’a été donné à entendre dans la bouche d’un Chef de service de l’Hôpital Bichat qui s’exprimait au journal de 13h de France-Inter ce dimanche 24 janvier 2021. On peut l’entendre ici, à 12mn et 40 secondes. Les propos de ce médecin ont créé en moi un choc. Un choc d’une grande violence. Ce choc a été provoqué par la rencontre entre la mémoire, l’historicité et la culture d’un côté, et de l’autre une parole médicale, autorisée et publique appelant à choisir la mort de nos aîné.es - et associant ce choix à un « courage » politique. Voici la transcription exacte des propos tenus par ce médecin, qui évoque des alternatives à un reconfinement général :

    « Soit faire des confinements sur des populations extrêmement à risque, soit admettre que ce qu’on vit après 80 ans c’est du bonus.

    Est-ce qu’aujourd’hui est-ce qu’on peut encore s’autoriser ces bonus ?

    Je pense qu’il faut prioriser les jeunes générations, les forces actives de la société, les PME.
    Je pense qu’il faut qu’on fasse des choix qui sont difficiles. » Il parle d’une « vision globale du courage. »

    Il convient de bien comprendre la portée de ces propos. Une portée incalculable et qui échappe certainement, du moins en partie, à celui qui les tient.

    Tout d’abord le médecin use d’un lexique de gestionnaire et fait entrer la question de la valeur d’une vie dans une rationalité comptable : le « bonus », les « forces actives », « s’autoriser » et « les PME ». C’est ici le point de vue d’un gestionnaire du vivant, à savoir très exactement ce qu’ont produit vingt années de massacre managérial et de rationalisation comptable dans les hôpitaux publics.

    Ensuite le médecin, qui est un très bon communiquant – comme tout excellent gestionnaire –, prend soin de surfer sur l’opposition au confinement, le soutien à la jeunesse et à l’économie pour nous arracher un consentement (« admettre ») au moyen d’une question rhétorique (« est-ce qu’on peut encore s’autoriser »), mais jamais au moyen d’un raisonnement ou une démonstration. Car il faudrait demander à ce Chef de service comment il explique que la fin du bonus des plus de 80 ans aiderait en quoi que ce soit à sauver la jeunesse. Quel est son raisonnement ? Pourquoi prioriser les jeunes générations devrait-il conduire à sacrifier nos aîné.es ? Le souci de tous n’exige-t-il pas de travailler au bien de la jeunesse comme à celui des aîné.es ? L’imposition d’un choix, soumis à un impératif totalement subjectif et irrationnel (« il faut », « il faut ») ne serait-il pas ici un moyen de résoudre la situation proprement tragique des personnels hospitaliers et des médecins en première ligne : diminuer la charge sur les hôpitaux par un consentement à laisser mourir les aîné.es dans les Ehpad ou à leur domicile, ce qui s’est produit massivement lors deux premiers confinements ? Le discours est ici celui d’un accommodement avec le pire. La banalisation de la transgression de tous les codes de déontologie et des éthiques médicales est en route. J’invite qui n’aurait pas en mémoire le Serment d’Hippocrate à le relire où à en prendre connaissance : https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/devoirs-droits/serment-dhippocrate . Vous pourrez aisément lister les principes sur lesquels le médecins’assoit. Et les articles du Code de déontologiequ’il appelle à transgresser.

    Enfin il faut vraiment être attentif à ceci que le médecin ne parle pas ici de la question très sensible du choix que font collectivement des équipes médicales confrontées à l’impossibilité de prendre en charge tous les patients. Choix codifié par des règles précises. Il nous parle de tout autre chose : d’un choix à faire pour la société, un choix politique et social, « difficile » et « courageux », une « vision globale ». On se dit alors que cet homme est prêt à entrer en politique ou bien au CA de SANOFI. Car, le médecin, comme bien de ses collègues arpentant les radios et les plateaux de télévision, sort non seulement de la morale, de l’éthique médicale, de la déontologie, mais il sort aussi tout simplement de sa profession (ce qui est une faute), pour s’instituer en manager du politique. C’est ce à quoi on assiste massivement depuis bientôt un an : la fabrique de l’opinion et l’administration politique de la crise sanitaire par les nouveaux managers de la science et une classe très particulière de médecins-experts qui ne font pas honneur à une profession, laquelle est, avec tous les soignants, dans les plus grandes difficultés et qui paye un tribut considérable à cette pandémie.

    Ce déportement de la parole médicale vers le politique, au nom d’une expertise et de l’autorité scientifique, concerne directement la communauté de recherche et d’enseignement.. Allons-nous laisser les nouveaux managers de la science, au demeurant rigoureusement incultes, avilir toutes les règles de l’éthique médicale et de l’intégrité scientifique en les laissant proférer à longueur de journée, énormités, mensonges, contre-vérités, sophismes, paradoxes et dans le cas qui nous occupe une monstruosité absolue, laquelle parvient à rencontrer du crédit chez un nombre significatif de collègues et de citoyens, dont la raison aura certainement été mise à mal par les temps très durs que nous traversons ?

    Bien sûr ce médecin n’est pas le tout de l’Hôpital. Il ne le représente pas. Il n’est pas la vie vivante des soignants qui se battent pour sauver autrui, quel qu’il soit, sans aucune discrimination. Il n’est pas l’infirmière qui se prend le Covid parce qu’elle n’a pas de FFP2. Qui est donc ce médecin, qui est cet homme pour appeler à supprimer les « Èves octogénaires » de Baudelaire ? À en finir avec le bonus, la chance et le bonheur d’être vivant à 80 ans ? Et pourquoi pas 75 ? ou 85 ? ou 90 ? J’aimerais inviter ce médecin, non pas à lire « Les petites vieilles » de Baudelaire, mais simplement à ouvrir une histoire de l’art ou de la littérature (ou même de la science), et à rechercher les œuvres qui ont été créées par des artistes qui avaient plus de 80 ans. Je pourrais l’inviter à considérer les « bonus » de Pierre Soulages ou Bernard Noël. Et ce « bonus » incroyable du sourire de sa propre grand-mère.

    La question qu’il nous revient de nous poser aujourd’hui est double : accepte-t-on de laisser passer, une fois, deux fois, trois fois, le discours de ce médecin jusqu’à la banalisation du Mal, jusqu’à se complaire dans le plus abject des cynismes, au risque de sortir de l’humanité ? Et plus fondamentalement : quelle est la valeur d’une vie ? Quelle valeur accordons-nous à une vie humaine ? Spinoza exposait cette conception de la vie humaine dans son Traité politique : « … une vie humaine, qui n’est pas définie par la seule circulation du sang, et d’autres choses qui sont communes à tous les animaux, mais surtout par la raison, la vraie vertu et la vie de l’Esprit »*.

    Pascal Maillard

    *La traduction est de Henri Meschonnic dans Langage, histoire une même théorie, Verdier, 2012, p.78, chapitre 5. "L’humanité, c’est de penser libre". Ce chapitre est la reprise d’une communication faite au colloque Qu’est-ce que l’humanité organisé à Toulouse les 8-17 mars 2004.

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/260121/la-valeur-d-une-vie
    #droit_à_la_vie #coronavirus #covid-19 #pandémie #néolibéralisme #néo-libéralisme #contrôle_des_corps #discriminations #capitalisme #vieux #jeunes #choix #médecine #politique #éthique

  • Les origines néolibérales de l’antiglobalisme

    « Globalistes » contre « Nationalistes », cette nouvelle ligne de fracture politique masque la vérité : les nationalistes populistes cherchent moins à défendre un modèle social qu’à s’affranchir des contraintes internationales imposés par les règles du #libre-échange. Leur but est en réalité d’aller vers plus de #capitalisme, et de contester le droit des nations non-blanches à intégrer équitablement le jeu du libre-échange mondial.

    Depuis que Trump a installé le conflit entre les « nationalistes » et les « globalistes » comme l’antagonisme politique central, il a été repris en chœur par tous les « populistes » sans exception, de Farage à Orban en passant par Salvini et Bolsonaro. Marine Le Pen a ainsi déclaré dans un récent entretien accordé à Breitbart (le média auparavant dirigé par Bannon) : « Le globalisme est un esprit post-national […] Il porte en lui l’idée que les #frontières doivent disparaître, y compris les protections que ces frontières apportent habituellement à une #nation. Elle repose sur l’idée que ce sont les #marchés tout puissants qui décident de tout. Ce concept de globalisme est poussé par des technocrates qui ne sont jamais élus et qui sont les personnes typiques qui dirigent les choses à Bruxelles dans l’Union européenne. Les gens qui croient aux nations – les nationalistes – c’est exactement le contraire. Ils croient que les nations sont le moyen le plus efficace de protéger la #sécurité, la #prospérité et l’#identité nationales pour s’assurer que les gens prospéreront dans ces nations. »

    À l’intérieur de cette opposition, le « nationalisme » est implicitement compris comme la défense des populations attaquées par la #globalisation_économique, le retour de la #souveraineté de l’#Etat-nation et le « #protectionnisme ». Dans un entretien accordé l’an passé au Figaro, #Emmanuel_Todd estimait qu’un renversement était en train de se produire, aux États-Unis avec le protectionnisme de #Trump : « Une génération avait mis à bas, avec le néolibéralisme de Reagan, la société qu’avait instaurée l’#Etat-providence rooseveltien ; une nouvelle génération d’Américains est en train de balayer aujourd’hui le modèle des années 1980 » ; et au #Royaume-Uni, avec le #Brexit où, alors que « Thatcher était une figure du néolibéralisme aussi importante que Reagan, […] notre plus grande surprise a été de voir la #droite conservatrice assumer le Brexit et discuter à présent ses modalités, et même s’engager à tâtons dans un #conservatisme de “gauche” ».

    Mais la rupture produite par les populistes va-t-elle effectivement dans le sens annoncé par Todd, d’une limitation du #libre-échange, d’un recul du néolibéralisme et d’un #conservatisme_social ? Rien n’est moins sûr dès que l’on s’intéresse à la provenance de ce #nationalisme_anti-globaliste.

    De Thatcher au Brexit : nations souveraines et #libre_entreprise

    Avant d’être soutenu par une partie des ouvriers britanniques déclassés, le Brexit trouve ses origines dans l’#euroscepticisme du Parti conservateur britannique dont la figure de proue a été… #Thatcher. C’est son célèbre discours devant le Collège de l’Europe à Bruges en septembre 1988 qui a fait émerger le think-tank du « Groupes de Bruges » réunissant des Tories eurosceptiques dont #Alan_Sked et #Nigel_Farage, et dont bientôt sortirait le #UKIP conduisant le Royaume-Uni au Brexit. Thatcher tançait dans son discours le « super-État européen exerçant une nouvelle domination depuis Bruxelles », elle opposait l’Europe existante de la #communauté_économique_européenne, celle de la #bureaucratie, du #centralisme et du #protectionnisme à l’#Europe de la #libre-entreprise, du #libre-échange et de la #déréglementation qu’elle appelait de ses vœux.

    Il fallait surtout en finir avec le protectionnisme à l’égard du monde extra-européen de façon à réconcilier les nations européennes avec les « marchés réellement globaux ». La critique de l’Europe ne portait cependant pas seulement sur les contraintes pesant sur la #libre_entreprise, la recherche d’une identité européenne transcendante faisait aussi courir le risque d’une disparition des #identités_nationales avec leurs coutumes et leurs traditions. Contre ce « méga-État artificiel », il fallait concevoir l’Europe comme une « famille de nations ».

    Le libre-échange d’une part et le nationalisme d’autre part que Thatcher opposait à la bureaucratie régulatrice de Bruxelles, n’étaient du reste pas séparés, mais bien d’un seul tenant : « Je n’eus d’autre choix, affirme-t-elle dans ses mémoires, que de brandir le drapeau de la #souveraineté_nationale, de la #liberté_du_commerce et de la #liberté_d’entreprise – et de combattre ». On se situe donc à mille lieux d’un nationalisme qui chercherait à s’établir en rempart contre la #mondialisation économique et le libre-échange : c’est au contraire la récupération de la #souveraineté_nationale qui, en s’affranchissant des contraintes supranationales européennes, doit permettre aux peuples de se réconcilier avec le libre-échange mondialisé.

    Or cette position nationale-néolibérale, qui veut faire de la nation britannique l’actrice directe de son inscription dans la #mondialisation_économique, est celle de tous les principaux brexiters, Farage en tête, mais aussi de tous les défenseurs d’un « hard brexit » parmi l’establishment Tory, de #Boris_Johnson à #Jacob_Ress-Mogg en passant par #Steven_Baker et #Dominic_Rabb. Au deuxième semestre 2018, une enquête de Greenpeace a révélé que #David_Davis, l’ancien secrétaire au Brexit de #Theresa_May, #Owen_Paterson, l’ancien secrétaire à l’agriculture et à l’environnement de David Cameron, et #Shanker_Singham, un expert commercial de l’Institute of Economic Affairs, s’étaient rendus en Oklahoma au cours d’un voyage financé par le lobby agro-industriel américain pour préparer avec des membres de l’administration Trump un accord commercial bilatéral post-Brexit, prévoyant notamment l’importation en Angleterre de #poulet lavé au chlore et de #bœuf aux hormones.

    Paterson, en déplorant qu’un tel accord soit impossible dans le cadre actuel des réglementations de l’Union européenne, a tweeté qu’il était essentiel que « le Royaume-Uni ait le contrôle de ses tarifs et de son cadre réglementaire ». C’est peu de dire qu’on est loin du « #conservatisme_de_gauche » … Au contraire, comme l’avait anticipé Thatcher, la récupération de la souveraineté nationale face à l’#Union_européenne est le moyen de plus de #déréglementation et de libre-échange.

    Anti-globalisme et libre-échangisme mondialisé chez #Rothbard

    Qu’en est-il aux États-Unis ? « La génération qui est en train de balayer le modèle des années 1980 » est-elle, à la différence du Royaume-Uni, en rupture avec le néolibéralisme de Reagan ? La droite radicale qui a contesté l’héritage de Reagan pour finalement aboutir à l’élection de Donald Trump s’est construite au tournant des années 1990 dans les marges du Parti républicain. Réunissant des « paléo-libertariens » autour de #Murray_Rothbard et #Lew_Rockwell et des « paléo-conservateurs » autour de Patrick Buchanan, ce mouvement s’appelait « paléo » parce qu’il revendiquait un retour à la #Droite_originaire (#Old_Right) du Parti républicain entre les années 1930 et 1950 qui défendait l’#isolationnisme et les intérêts de la nation américaine (#America_First) contre l’#interventionnisme_militaire, mais aussi la #liberté_individuelle, le gouvernement minimal et la propriété privée contre le #New_Deal et le #Welfare_state. Il s’était formé pour contester la prise du pouvoir sous #Reagan puis l’hégémonie sous Bush des néoconservateurs et leur imposition du #Nouvel_ordre_mondial. Leur critique s’est incarnée dans les campagnes des primaires républicaines de #Buchanan en 1992 et 1996.

    Ce que ciblaient les paléo dans le Nouvel ordre mondial, c’était un super-étatisme internationaliste, un système mondial de Welfare-warfare state, où l’importation de la « démocratie globale » partout dans le monde par l’interventionnisme américain sous l’égide de l’ONU se conjuguait à un gouvernement économique mondial de type keynésien. Les termes de « globalisme » et de globaloney étaient utilisés notamment par Rothbard au début des années 1990 pour décrier ce système et ils étaient empruntés au vocabulaire de la Old Right pour qui ils désignaient déjà ce complexe internationaliste de l’interventionnisme extérieur onusien et de la perspective d’un New Deal global que ses membres critiquaient dans les politiques de Franklin Roosevelt et Harry Truman.

    Rothbard puisait notamment son inspiration chez un historien révisionniste de la Seconde Guerre mondiale dont il avait été proche, Harry Elmer Barnes. De plus, dans les années 1970, alors que la Guerre du Vietnam était encore en cours, des anti-impérialistes avec qui il collaborait avaient déjà remis au goût du jour la critique du globalisme. Lorsque la globalisation économique se concrétisa dans la première moitié des années 1990 avec l’Alena puis la création de l’OMC, ces nouveaux éléments devinrent partie intégrante de sa critique et les nouvelles cibles de l’attaque contre le « globalisme ». Rothbard dénonçait l’Alena comme du « commerce bureaucratique réglementé » conçu par « un sinistre Establishment centriste dont le dévouement à la liberté et au libre-échange s’apparente à celui de Leonid Brejnev ». L’Alena entraînait en particulier une harmonisation des législations vers le haut qui allait contraindre les entreprises américaines à se soumettre aux normes environnementales et au droit du travail contraignants des législations canadiennes et mexicaines contrôlées par des syndicalistes et des socialistes.

    Tout ce « mercantilisme » ne signifiait rien d’autre selon lui que la spoliation que les élites politiques mondiales opéraient sur le libre-échange véritable au détriment de la masse des gens qui ne pouvaient en jouir directement. Il alertait sur la perte de souveraineté que représentait l’Alena qu’il comparait au « super-étatisme de la Communauté européenne » car cet accord imposait la mise sur pied d’« institutions d’un super-gouvernement internationaliste arrachant la prise de décision des mains des Américains ». Face à cette « politique globaliste » (globalist policy), une « nouvelle coalition populiste » et « un nouveau nationalisme américain » devaient être définis : il fallait abroger l’Alena, se retirer de toutes les agences gouvernementales supranationales (ONU, OIT, UNESCO, etc.), stopper l’aide au développement et durcir les conditions d’immigration qui provoquaient l’élargissement de l’État social, au nom d’authentiques marchés libres.

    Comme chez Thatcher, on est à l’opposé d’une critique du libre-échange ; le nationalisme est au contraire là aussi un moyen de sauver le libre-échange mondialisé qui est confisqué par les institutions supranationales bureaucratiques et socialisantes – en un mot « globalistes ».

    Lorsque les populistes s’attaquent au « globalisme », ils emboîtent le pas d’une critique qui ne visait pas à l’origine la mondialisation des échanges de biens et de services, mais au contraire le super-étatisme des élites politiques mondiales qui parasitent le fonctionnement du libre-échange mondialisé. Une distinction conceptuelle s’impose donc entre le « globalisme » et le « mondialisme », puisque dans les cas des héritages de Thatcher ou de Rothbard, l’anti-globalisme va de pair avec un mondialisme libre-échangiste absolument revendiqué.
    Anti-globalisme et hiérarchie des nations de Buchanan à Trump

    Aux États-Unis, après la seconde campagne de Buchanan pour les primaires républicaines de 1996, les premiers doutes des libertariens ont cependant laissé place à la rupture avec les paléo-conservateurs autour de la question du protectionnisme et des barrières tarifaires. La rupture fut définitivement consommée en 1998 avec la publication du livre de Buchanan The Great Betrayal. How American Sovereignty and Social Justice Are Being Sacrified to the Gods of the Global Economy. C’est dans ce livre que Buchanan affirme son attachement au « nationalisme économique » et qu’il fait du « conflit » entre les « nationalistes » et les « globalistes » le « nouveau conflit de l’époque qui succède à la Guerre froide »[1], définissant la ligne que reprendront littéralement Bannon et Trump. Soutenant le protectionnisme industriel, il déplace le contenu de l’anti-globalisme dans le sens de la défense des intérêts économiques nationaux contre la mondialisation du libre-échange.

    Cependant, l’opposition simple entre le nationalisme économique à base de protectionnisme industriel et le libre-échange illimité mérite d’être approfondie. D’abord, Buchanan est toujours resté un adversaire résolu de l’État-providence et The Great Betrayal est surtout une défense de l’économie américaine pré-New Deal où l’existence de barrières tarifaires aux importations a coïncidé avec une période de croissance. Pour autant, cette période a été marquée par de fortes inégalités économiques et sociales.

    Ensuite, dans le cas de Trump, l’usage qu’il fait du protectionnisme est pour le moins pragmatique et ne relève pas d’une position de principe. Lorsqu’il a baissé drastiquement fin 2017 l’impôt sur les sociétés, il a montré que sa défense de l’emploi américain ne convergeait pas nécessairement avec la « justice sociale ». Ciblant certaines industries correspondant à son électorat comme l’automobile, il se sert surtout des barrières tarifaires aux importations comme d’une arme parfois purement psychologique et virtuelle, parfois effective mais temporaire, dans une guerre commerciale qui peut aboutir à davantage de libre-échange.

    Dans l’USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement), l’accord de l’Alena renégocié, si 75% des composants d’une automobile devront être fabriqués aux États-Unis pour qu’elle soit exemptée de barrières douanières (contre 62, 5% avec l’Alena), en revanche le marché laitier canadien sera davantage ouvert aux fermiers américains, tandis que Trump a récemment supprimé les barrières aux importations d’acier et d’aluminium venant du Mexique et du Canada, pour inciter ces pays à ratifier l’USMCA. S’il continue de se servir des droits de douane punitifs dans la guerre commerciale avec la Chine, il a recherché davantage de libre-échange avec l’Union européenne.

    Enfin, lorsque des journalistes demandèrent à Buchanan de quel économiste il s’inspirait, il répondit qu’il s’agissait de Wilhelm Röpke[2], l’un des principaux fondateurs de l’ordo-libéralisme, la forme prise par le néolibéralisme en Allemagne qui inspira la politique économique de Ludwig Erhardt sous Adenauer. Or Röpke n’était pas un thuriféraire, mais bien au contraire un opposant farouche au « nationalisme économique » et au « protectionnisme » qui représentait des fléaux pour l’ordre économique international qu’il cherchait à construire[3]. Cependant, il estimait que le libre-échange mondial ne pouvait intégrer les nations postcoloniales, car il n’avait été possible avant la première guerre mondiale que parmi le cercle des nations occidentales partageant un même ordre de valeurs culturelles et religieuses.

    Cette insistance sur des conditions extra-économiques morales et spirituelles au développement économique fait qu’il revendique une « troisième voie » appelée « économie humaine » entre le libre-échange purement fondé sur la concurrence et la social-démocratie. En cohérence avec cette « économie humaine », il s’engagea publiquement en faveur du maintien de l’apartheid en Afrique du Sud parce que les Noirs sud-africains se situaient « à un niveau de développement qui excluaient la véritable intégration spirituelle et politique avec les Blancs hautement civilisés »[4].

    Son nationalisme n’était finalement pas dirigé contre le libre-échange, mais pour un ordre hiérarchique international fondé sur des conditions de développement économiques différenciées, ne laissant pas aux nations non blanches les moyens d’intégrer le libre-échange mondial. Lorsque Buchanan tempête contre l’immigration et la reconquista économique mexicaine menaçant la culture américaine, il se situe effectivement dans le sillage de la position nationale-néolibérale de Röpke. Dans un débat télévisé en vue des élections européennes de 2019, Marine Le Pen promettait elle aussi, du reste, d’opposer au « capitalisme sauvage » une « économie humaine ».

    Lorsque des universitaires ou des commentateurs, y compris à gauche, insistent sur les aspects économiques positifs pour les populations, du nationalisme anti-globaliste, ils se méprennent absolument sur les origines comme sur les politiques menées par les populistes nationalistes. Ceux-ci revendiquent la récupération de la souveraineté nationale et critiquent les règles transnationales de la globalisation économique, non pour protéger leur modèle social et le droit du travail de leur population, mais pour s’affranchir de ce qui resterait en elles de contraintes environnementales ou sociales, et s’en servir comme tremplin vers plus de capitalisme et de libre-échange, ou pour contester le droit des nations non-blanches à intégrer équitablement le jeu du libre-échange mondial. Dans cette bataille, ce sont les national-néolibéraux qui affrontent les globalistes néolibéraux, dans une course qui pousse le monde dans une direction toujours plus mortifère, et ne comporte pas le moindre aspect positif.

    https://aoc.media/analyse/2019/10/28/les-origines-neoliberales-de-lantiglobalisme

    #nationalisme #globalisme #anti-globalisme #néolibéralisme #néo-libéralisme #populisme #discours_de_Bruges #industrie_agro-alimentaire #boeuf

    ping @karine4

  • Le néo-populisme est un néo- libéralisme

    Comment être libéral et vouloir fermer les frontières ? L’histoire du néolibéralisme aide à comprendre pourquoi, en Autriche et en Allemagne, extrême droite et droite extrême justifient un tel grand écart : oui à la libre-circulation des biens et des richesses, non à l’accueil des migrants.

    https://aoc.media/analyse/2018/07/03/neo-populisme-neo-liberalisme

    –-> je re-signale ici un article publié dans AOC media qui date de 2018, sur lequel je suis tombée récemment, mais qui est malheureusement sous paywall

    #populisme #libéralisme #néo-libéralisme #néolibéralisme #fermeture_des_frontières #frontières #histoire #extrême_droite #libre-circulation #migrations #Allemagne #Autriche

    ping @karine4 @isskein

    • #Globalists. The End of Empire and the Birth of Neoliberalism

      Neoliberals hate the state. Or do they? In the first intellectual history of neoliberal globalism, #Quinn_Slobodian follows a group of thinkers from the ashes of the Habsburg Empire to the creation of the World Trade Organization to show that neoliberalism emerged less to shrink government and abolish regulations than to redeploy them at a global level.

      Slobodian begins in Austria in the 1920s. Empires were dissolving and nationalism, socialism, and democratic self-determination threatened the stability of the global capitalist system. In response, Austrian intellectuals called for a new way of organizing the world. But they and their successors in academia and government, from such famous economists as Friedrich Hayek and Ludwig von Mises to influential but lesser-known figures such as Wilhelm Röpke and Michael Heilperin, did not propose a regime of laissez-faire. Rather they used states and global institutions—the League of Nations, the European Court of Justice, the World Trade Organization, and international investment law—to insulate the markets against sovereign states, political change, and turbulent democratic demands for greater equality and social justice.

      Far from discarding the regulatory state, neoliberals wanted to harness it to their grand project of protecting capitalism on a global scale. It was a project, Slobodian shows, that changed the world, but that was also undermined time and again by the inequality, relentless change, and social injustice that accompanied it.

      https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674979529

      #livre #empire #WTO #capitalisme #Friedrich_Hayek #Ludwig_von_Mises #Wilhelm_Röpke #Michael_Heilperin #Etat #Etat-nation #marché #inégalités #injustice #OMC

    • Quinn Slobodian : « Le néolibéralisme est travaillé par un conflit interne »

      Pour penser les hybridations contemporaines entre néolibéralisme, #autoritarisme et #nationalisme, le travail d’historien de Quinn Slobodian, encore peu connu en France, est incontournable. L’auteur de Globalists nous a accordé un #entretien.

      L’élection de Trump, celle de Bolsonaro, le Brexit… les élites des partis de #droite participant au #consensus_néolibéral semblent avoir perdu le contrôle face aux pulsions nationalistes, protectionnistes et autoritaires qui s’expriment dans leur propre camp ou chez leurs concurrents les plus proches.

      Pour autant, ces pulsions sont-elles si étrangères à la #doctrine_néolibérale ? N’assisterait-on pas à une mutation illibérale voire nativiste de la #globalisation_néolibérale, qui laisserait intactes ses infrastructures et sa philosophie économiques ?

      Le travail de Quinn Slobodian, qui a accordé un entretien à Mediapart (lire ci-dessous), apporte un éclairage précieux à ces questions. Délaissant volontairement la branche anglo-américaine à laquelle la pensée néolibérale a souvent été réduite, cet historien a reconstitué les parcours de promoteurs du néolibéralisme ayant accompli, au moins en partie, leur carrière à #Genève, en Suisse (d’où leur regroupement sous le nom d’#école_de_Genève).

      Dans son livre, Globalists (Harvard University Press, 2018, non traduit en français), ce professeur associé au Wellesley College (près de Boston) décrit l’influence croissante d’un projet intellectuel né « sur les cendres de l’empire des Habsbourg » à la fin de la Première Guerre mondiale, et qui connut son apogée à la création de l’#Organisation_mondiale_du_commerce (#OMC) en 1995.

      À la suite d’autres auteurs, Slobodian insiste sur le fait que ce projet n’a jamais été réductible à un « #fondamentalisme_du_marché », opposé par principe à la #puissance_publique et au #droit. Selon lui, l’école de Genève visait plutôt un « #enrobage » ( encasement ) du #marché pour en protéger les mécanismes. L’objectif n’était pas d’aboutir à un monde sans #frontières et sans lois, mais de fabriquer un #ordre_international capable de « sauvegarder le #capital », y compris contre les demandes des masses populaires.

      Dans cette logique, la division du monde en unités étatiques a le mérite d’ouvrir des « voies de sortie » et des possibilités de mise en #concurrence aux acteurs marchands, qui ne risquent pas d’être victimes d’un Léviathan à l’échelle mondiale. Cela doit rester possible grâce à la production de #règles et d’#institutions, qui protègent les décisions de ces acteurs et soustraient l’#activité_économique à la versatilité des choix souverains.

      On l’aura compris, c’est surtout la #liberté de l’investisseur qui compte, plus que celle du travailleur ou du citoyen – Slobodian cite un auteur se faisant fort de démontrer que « le #libre_commerce bénéficie à tous, même sans liberté de migration et si les peuples restent fermement enracinés dans leurs pays ». Si la compétition politique peut se focaliser sur les enjeux culturels, les grandes orientations économiques doivent lui échapper.

      L’historien identifie dans son livre « trois #ruptures » qui ont entretenu, chez les néolibéraux qu’il a étudiés, la hantise de voir s’effondrer les conditions d’un tel ordre de marché. La guerre de 14-18 a d’abord interrompu le développement de la « première mondialisation », aboutissant au morcellement des empires de la Mitteleuropa et à l’explosion de revendications démocratiques et sociales.

      La #Grande_Dépression des années 1930 et l’avènement des fascismes ont constitué un #traumatisme supplémentaire, les incitant à rechercher ailleurs que dans la science économique les solutions pour « sanctuariser » la mobilité du capital. Les prétentions au #protectionnisme de certains pays du « Sud » les ont enfin poussés à s’engager pour des accords globaux de #libre_commerce.

      L’intérêt supplémentaire de Globalists est de nous faire découvrir les controverses internes qui ont animé cet espace intellectuel, au-delà de ses objectifs communs. Une minorité des néolibéraux étudiés s’est ainsi montrée sinon favorable à l’#apartheid en #Afrique_du_Sud, du moins partisane de droits politiques limités pour la population noire, soupçonnée d’une revanche potentiellement dommageable pour les #libertés_économiques.

      Le groupe s’est également scindé à propos de l’#intégration_européenne, entre ceux qui se méfiaient d’une entité politique risquant de fragmenter le marché mondial, et d’autres, qui y voyaient l’occasion de déployer une « Constitution économique », pionnière d’un « modèle de gouvernance supranationale […] capable de résister à la contamination par les revendications démocratiques » (selon les termes du juriste #Mestmäcker).

      On le voit, la recherche de Slobodian permet de mettre en perspective historique les tensions observables aujourd’hui parmi les acteurs du néolibéralisme. C’est pourquoi nous avons souhaité l’interroger sur sa vision des évolutions contemporaines de l’ordre politique et économique mondial.

      Dans votre livre, vous montrez que les néolibéraux donnent beaucoup d’importance aux #règles et peuvent s’accommoder des #frontières_nationales, là où cette pensée est souvent présentée comme l’ennemie de l’État. Pourriez-vous éclaircir ce point ?

      Quinn Slobodian : Quand on parle d’ouverture et de fermeture des frontières, il faut toujours distinguer entre les biens, l’argent ou les personnes. Mon livre porte surtout sur le #libre_commerce, et comment des #lois_supranationales l’ont encouragé. Mais si l’on parle des personnes, il se trouve que dans les années 1910-1920, des néolibéraux comme #von_Mises étaient pour le droit absolu de circuler.

      Après les deux guerres mondiales, cette conception ne leur est plus apparue réaliste, pour des raisons de #sécurité_nationale. #Hayek a par exemple soutenu l’agenda restrictif en la matière de #Margaret_Thatcher.

      Même si l’on met la question de l’immigration de côté, je persiste à souligner que les néolibéraux n’ont rien contre les frontières, car celles-ci exercent une pression nécessaire à la #compétitivité. C’est pourquoi l’existence simultanée d’une économie intégrée et de multiples communautés politiques n’est pas une contradiction pour eux. De plus, une « #gouvernance_multiniveaux » peut aider les dirigeants nationaux à résister aux pressions populaires. Ils peuvent se défausser sur les échelons de gouvernement qui leur lient les mains, plus facilement que si on avait un véritable #gouvernement_mondial, avec un face-à-face entre gouvernants et gouvernés.

      Cela pose la question du rapport entre néolibéralisme et #démocratie

      Les néolibéraux voient la démocratie de manière très fonctionnelle, comme un régime qui produit plutôt de la #stabilité. C’est vrai qu’ils ne l’envisagent qu’avec des contraintes constitutionnelles, lesquelles n’ont pas à être débordées par la volonté populaire. D’une certaine façon, la discipline que Wolfgang Schaüble, ex-ministre des finances allemand, a voulu imposer à la Grèce résulte de ce type de pensée. Mais c’est quelque chose d’assez commun chez l’ensemble des libéraux que de vouloir poser des bornes à la #démocratie_électorale, donc je ne voudrais pas faire de mauvais procès.

      Les élections européennes ont lieu le 26 mai prochain. Pensez-vous que l’UE a réalisé les rêves des « globalists » que vous avez étudiés ?

      C’est vrai que la #Cour_de_justice joue le rôle de gardienne des libertés économiques au centre de cette construction. Pour autant, les règles ne se sont pas révélées si rigides que cela, l’Allemagne elle-même ayant dépassé les niveaux de déficit dont il était fait si grand cas. Plusieurs craintes ont agité les néolibéraux : celle de voir se développer une #Europe_sociale au détriment de l’#intégration_négative (par le marché), ou celle de voir la #monnaie_unique empêcher la #concurrence entre #monnaies, sans compter le risque qu’elle tombe aux mains de gens trop peu attachés à la stabilité des prix, comme vous, les Français (rires).

      Plus profondément, les néolibéraux sceptiques se disaient qu’avec des institutions rendues plus visibles, vous créez des cibles pour la #contestation_populaire, alors qu’il vaut mieux des institutions lointaines et discrètes, produisant des règles qui semblent naturelles.

      Cette opposition à l’UE, de la part de certains néolibéraux, trouve-t-elle un héritage parmi les partisans du #Brexit ?

      Tout à fait. On retrouve par exemple leur crainte de dérive étatique dans le #discours_de_Bruges de Margaret Thatcher, en 1988. Celle-ci souhaitait compléter le #marché_unique et travailler à une plus vaste zone de #libre-échange, mais refusait la #monnaie_unique et les « forces du #fédéralisme et de la #bureaucratie ».

      Derrière ce discours mais aussi les propos de #Nigel_Farage [ex-dirigeant du parti de droite radicale Ukip, pro-Brexit – ndlr], il y a encore l’idée que l’horizon de la Grande-Bretagne reste avant tout le #marché_mondial. Sans préjuger des motivations qui ont mené les citoyens à voter pour le Brexit, il est clair que l’essentiel des forces intellectuelles derrière cette option partageaient des convictions néolibérales.

      « L’hystérie sur les populistes dramatise une situation beaucoup plus triviale »

      De nombreux responsables de droite sont apparus ces dernières années, qui sont à la fois (très) néolibéraux et (très) nationalistes, que l’on pense à Trump ou aux dirigeants de l’#Alternative_für_Deutschland (#AfD) en Allemagne. Sont-ils une branche du néolibéralisme ?

      L’AfD est née avec une plateforme ordo-libérale, attachée à la #stabilité_budgétaire en interne et refusant toute solidarité avec les pays méridionaux de l’UE. Elle joue sur l’#imaginaire de « l’#économie_sociale_de_marché », vantée par le chancelier #Erhard dans les années 1950, dans un contexte où l’ensemble du spectre politique communie dans cette nostalgie. Mais les Allemands tiennent à distinguer ces politiques économiques du néolibéralisme anglo-saxon, qui a encouragé la #financiarisation de l’économie mondiale.

      Le cas de #Trump est compliqué, notamment à cause du caractère erratique de sa prise de décision. Ce qui est sûr, c’est qu’il brise la règle néolibérale selon laquelle l’économie doit être dépolitisée au profit du bon fonctionnement de la concurrence et du marché. En ce qui concerne la finance, son agenda concret est complètement néolibéral.

      En matière commerciale en revanche, il est sous l’influence de conseillers qui l’incitent à une politique agressive, notamment contre la Chine, au nom de l’#intérêt_national. En tout cas, son comportement ne correspond guère à la généalogie intellectuelle de la pensée néolibérale.

      Vous évoquez dans votre livre « l’#anxiété » qui a toujours gagné les néolibéraux. De quoi ont-ils #peur aujourd’hui ?

      Je dirais qu’il y a une division parmi les néolibéraux contemporains, et que la peur de chaque camp est générée par celui d’en face. Certains tendent vers le modèle d’une intégration supranationale, avec des accords contraignants, que cela passe par l’OMC ou les méga-accords commerciaux entre grandes régions du monde.

      Pour eux, les Trump et les pro-Brexit sont les menaces contre la possibilité d’un ordre de marché stable et prospère, à l’échelle du globe. D’un autre côté figurent ceux qui pensent qu’une #intégration_supranationale est la #menace, parce qu’elle serait source d’inefficacités et de bureaucratie, et qu’une architecture institutionnelle à l’échelle du monde serait un projet voué à l’échec.

      Dans ce tableau, jamais la menace ne vient de la gauche ou de mouvement sociaux, donc.

      Pas vraiment, non. Dans les années 1970, il y avait bien le sentiment d’une menace venue du « Sud global », des promoteurs d’un nouvel ordre économique international… La situation contemporaine se distingue par le fait que la #Chine acquiert les capacités de devenir un acteur « disruptif » à l’échelle mondiale, mais qu’elle n’en a guère la volonté. On oublie trop souvent que dans la longue durée, l’objectif de l’empire chinois n’a jamais consisté à étendre son autorité au-delà de ses frontières.

      Aucun des auteurs que je lis n’est d’ailleurs inquiet de la Chine à propos du système commercial mondial. Le #capitalisme_autoritaire qu’elle incarne leur paraît tout à fait convenable, voire un modèle. #Milton_Friedman, dans ses derniers écrits, valorisait la cité-État de #Hong-Kong pour la grande liberté économique qui s’y déploie, en dépit de l’absence de réelle liberté politique.

      Le débat serait donc surtout interne aux néolibéraux. Est-ce qu’il s’agit d’un prolongement des différences entre « l’école de Genève » que vous avez étudiée, et l’« l’école de Chicago » ?

      Selon moi, le débat est un peu différent. Il rappelle plutôt celui que je décris dans mon chapitre sur l’intégration européenne. En ce sens, il oppose des « universalistes », partisans d’un ordre de marché vraiment global construit par le haut, et des « constitutionnalistes », qui préfèrent le bâtir à échelle réduite, mais de façon plus sûre, par le bas. L’horizon des héritiers de l’école de Chicago reste essentiellement borné par les États-Unis. Pour eux, « l’Amérique c’est le monde » !

      On dirait un slogan de Trump.

      Oui, mais c’est trompeur. Contrairement à certains raccourcis, je ne pense pas que Trump veuille un retrait pur et simple du monde de la part des États-Unis, encore moins un modèle autarcique. Il espère au contraire que les exportations de son pays s’améliorent. Et si l’on regarde les accords qu’il a voulu renégocier, quels sont les résultats ?

      Avec le Mexique, on a abouti à quelque chose de très proche de ce qui existait déjà. Dans le débat dont j’ai esquissé les contours, il serait plutôt du côté des constitutionnalistes, avec des accords de proximité qui s’élargiraient, mais garderaient la Chine à distance. De façon générale, l’hystérie sur les populistes au pouvoir me semble dramatiser une situation beaucoup plus triviale, qui oppose des stratégies quant à la réorganisation de l’économie mondiale.

      Est-ce que le rejet de la Chine s’inscrit dans la même logique que les positions hostiles à l’immigration de Hayek en son temps, et de Trump ou des pro-Brexit aujourd’hui ? En somme, y aurait-il certains pays, comme certains groupes, qui seraient soupçonnés d’être culturellement trop éloignés du libre marché ?

      On retrouve chez certains auteurs l’idée que l’homo œconomicus, en effet, n’est pas universel. Les règles du libre marché ne pourraient être suivies partout dans le monde. Cette idée d’une altérité impossible à accommoder n’est pas réservée à des ressentiments populaires. Elle existe dans le milieu des experts et des universitaires, qui s’appuient sur certains paradigmes scientifiques comme le #néo-institutionnalisme promu par des auteurs comme #Douglass_North. Cette perspective suppose qu’à un modèle socio-économique particulier, doivent correspondre des caractéristiques culturelles particulières.

      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/100319/quinn-slobodian-le-neoliberalisme-est-travaille-par-un-conflit-interne #WWI #première_guerre_mondiale

  • The Morals of the Market. Human Rights and the Rise of Neoliberalism

    IN THE MID-1980s, Rony Brauman, who, at the time, was the president of the leading humanitarian organization Médecins sans Frontières, established a new human rights group called Liberté sans Frontières. For the inaugural colloquium, Brauman invited a number of speakers, among them Peter Bauer, a recently retired professor from the London School of Economics. Bauer was an odd choice given that he was a staunch defender of European colonialism; he had once responded to a student pamphlet that accused the British of taking “the rubber from Malaya, the tea from India, [and] raw materials from all over the world,” by arguing that actually “the British took the rubber to Malaya and the tea to India.” Far from the West causing Third World poverty, Bauer maintained that “contacts with the West” had been the primary agents of the colonies’ material progress.

    Bauer hammered on this point at the colloquium, claiming that indigenous Amazonians were among the poorest people in the world precisely because they enjoyed the fewest “external contacts.” Taiwan, Hong Kong, Malaysia, and Singapore, he continued, showed proof of the economic benefits such contacts brought. “Whatever one thinks of colonialism it can’t be held responsible for Third World poverty,” he argued.

    In her illuminating new book, The Morals of the Market: Human Rights and the Rise of Neoliberalism, Jessica Whyte recounts this story only to ask why Brauman, a leading humanitarian activist, invited Bauer — whom the Economist had described as being as hostile to foreign aid as Friedrich Hayek had been to socialism — to deliver a talk during the opening event for a new human rights organization. Her response is multifaceted, but, as she traces the parallel histories of neoliberalism and human rights, it becomes clear that the two projects are not necessarily antithetical, and actually have more in common than one might think.

    Indeed, Liberté sans Frontières went on to play a central role in delegitimizing Third World accounts of economic exploitation. The organization incessantly challenged the accusations that Europe’s opulence was based on colonial plunder and that the world economic system made the rich richer and the poor poorer. And while it may have been more outspoken in its critique of Third Worldism than more prominent rights groups, it was in no way an outlier. Whyte reveals that in the eyes of organizations such as Amnesty International and Human Rights Watch, for instance, the major culprit for the woes of postcolonial states was neither Europe nor the international economic order but rather corrupt and ruthless Third World dictators who violated the rights of their populations as they undermined the development of a free economy. This approach coincides neatly with neoliberal thought.

    Whyte contends that we cannot understand why human rights and neoliberalism flourished together if we view neoliberalism as an exclusively economic doctrine that favors privatization, deregulation, and unfettered free markets over public institutions and government. Although she strives to distinguish herself from thinkers like Wendy Brown and Michel Foucault, she ends up following their footsteps by emphasizing the moral dimension of neoliberal thought: the idea that a competitive market was not “simply a more efficient means of distributing resources; it was the basic institution of a moral and ‘civilised’ society, and a necessary support for individual rights.”

    She exposes how neoliberal ideas informed the intense struggle over the meaning of “human rights,” and chronicles how Western rights groups and neoliberals ultimately adopted a similar interpretation, one that emphasizes individual freedoms at the expense of collective and economic rights. This interpretation was, moreover, in direct opposition to many newly independent postcolonial leaders.

    Whyte describes, for instance, how just prior to the adoption of the two 1966 human rights covenants — the International Covenant on Civil and Political Rights and the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights — Kwame Nkrumah, the first president of independent Ghana, coined the term “neo-colonialism” to refer to a series of mechanisms that perpetuate colonial patterns of exploitation in the wake of formal independence. Nkrumah “argued that the achievement of formal sovereignty had neither freed former colonies from the unequal economic relations of the colonial period nor given them political control over their own territories,” thus preventing these states from securing the basic rights of their inhabitants. A “state in the grip of neo-colonialism,” he wrote, “is not master of its own destiny.”

    Nkrumah thought that only when postcolonial states fully controlled their natural resources would they be able to invest in the population’s well-being. In the meantime, neo-colonial economic arrangements were denying African states the ability to provide adequate education and health care as well as other economic and social rights to their populations, thus revealing how these economic arrangements were welded in a Gordian knot with international politics. Any attempt to understand one without the other provided a distorted picture of reality.

    Such combining of the economy with the political, however, was anathema to neoliberal thought. In 1927, exactly three decades before Ghana’s new leader led his country to independence, Hayek’s mentor, economist Ludwig von Mises, had already argued that colonialism took advantage of the superior weaponry of the “white race” to subjugate, rob, and enslave weaker peoples. But Mises was careful to distinguish colonial oppression from the economic goals of a competitive market, noting that Britain was different since its form of colonialism pursued “grand commercial objectives.” Similarly, the British economist Lionel Robbins separated the benign economic sphere from the merciless political one, writing in the 1930s that “[n]ot capitalism, but the anarchic political organization of the world is the root disease of our civilization.”

    These thinkers set the tone for many neoliberal economists who have since defined colonial imperialism as a phenomenon of politics, not capitalism, while casting the market as a realm of mutually beneficial, free, peaceful exchange. In this view, it is the political realm that engenders violence and coercion, not the economic sphere. Yet, during the period of decolonization neoliberals also understood that they needed to introduce moral justifications for the ongoing economic exploitation of former colonies. Realizing that human rights were rapidly becoming the new lingua franca of global moral speak, Whyte suggests that they, like Nkrumah, began mobilizing rights talk — except that neoliberals deployed it as a weapon against states who tried to gain control over their country’s natural resources as well as a shield from any kind of criticism directed toward their vision of a capitalist market.

    Their relation to the state was complicated, but was not really different from the one espoused by their liberal predecessors. Neoliberal thinkers understood that states are necessary to enforce labor discipline and to protect corporate interests, embracing states that served as handmaidens to competitive markets. If, however, a state undermined the separation of political sovereignty from economic ownership or became attuned to the demands of its people to nationalize resources, that state would inevitably be perceived as a foe. The solution was to set limits on the state’s exercise of sovereignty. As Friedrich Hayek, the author of The Road to Serfdom, put it, the “taming of the savage” must be followed by the “taming of the state.”

    Shaping the state so that it advances a neoliberal economic model can, however, be a brutal undertaking, and the consequences are likely to generate considerable suffering for large segments of the population. Freed from any commitment to popular sovereignty and economic self-determination, the language of liberal human rights offered neoliberals a means to legitimize transformative interventions that would subject states to the dictates of international markets. This is why a conception of human rights, one very different from the notion of rights advanced by Nkrumah, was needed.

    In Whyte’s historical analysis the free-market ideologues accordingly adopted a lexicon of rights that buttressed the neoliberal state, while simultaneously pathologizing mass politics as a threat to individual freedoms. In a nutshell, neoliberal economists realized that human rights could play a vital role in the dissemination of their ideology, providing, in Whyte’s words, “competitive markets with a moral and legal foundation.”

    At about the same time that neoliberalism became hegemonic, human rights organizations began sprouting in the international arena. By the early 1970s, Amnesty International and the International Commission of Jurists were already active in numerous countries around the globe, and Americas Watch (a precursor to Human Rights Watch) had just been established. According to Samuel Moyn, a professor of history at Yale and author of the best seller The Last Utopia, it was precisely during this period that human rights first achieved global prominence. That Western human rights organizations gained influence during the period of neoliberal entrenchment is, Whyte argues, not coincidental.

    Although Whyte emphasizes the writings of leading neoliberal thinkers, a slightly more nuanced approach would have framed these developments as the reflection of a conjunctural moment, whereby the rise of neoliberalism and of human rights NGOs was itself part of numerous economic, social, and cultural shifts. Chile serves as a good example of this conjuncture, revealing how a combination of historical circumstances led neoliberal economics and a certain conception of human rights to merge.

    Notwithstanding the bloody takeover, the extrajudicial executions, the disappearances and wholesale torture of thousands of dissidents, Hayek’s response to Pinochet’s 1973 coup was that “the world shall come to regard the recovery of Chile as one of the great economic miracles of our time.” Milton Friedman, a key figure in the Chicago School, later echoed this assessment, describing Chile as an economic and political “miracle.” The two Nobel Prize winners were not detached observers, having provided advice to Pinochet on how to privatize state services such as education, health care, and social security, and it was Friedman’s former students, the “Chicago Boys,” who occupied central positions within the authoritarian regime, ensuring that these ideas became policy.

    What is arguably even more surprising is the reaction of human rights organizations to the bloody coup in Chile. Whyte acknowledges that Naomi Klein covered much of this ground in The Shock Doctrine, where she details how Amnesty International obscured the relationship between neoliberal “shock therapy” and political violence. Characterizing the Southern Cone as a “laboratory” for both neoliberalism and grassroots human rights activism, Klein argued that, in its commitment to impartiality, Amnesty occluded the reasons for the torture and killing, and thereby “helped the Chicago School ideology to escape from its first bloody laboratory virtually unscathed.” While Whyte concurs with Klein’s assessment, she has a slightly different point to make.

    To do so, she shows how Samuel Moyn contested Klein’s claim that the human rights movement was complicit in the rise of neoliberalism; he argued that the “chronological coincidence of human rights and neoliberalism” is “unsubstantiated” and that the so-called “Chilean miracle” is just as much due to the country’s “left’s own failures.” Moyn’s comment, Whyte cogently observes, “raises the question of why, in the period of neoliberal ascendancy, international human rights organisations flourished, largely escaping the repression that was pursued so furiously against leftists, trade unionists, rural organizers and indigenous people in countries such as Chile.”

    She points out that the CIA-trained National Intelligence Directorate had instructions to carry out the “total extermination of Marxism,” but in an effort to present Chile as a modern civilized nation, the junta did not disavow the language of human rights, and at the height of the repression allowed overseas human rights organizations such as Amnesty International and the International Commission of Jurists to enter the country, giving them extensive freedom of movement.

    Whyte explains that in focusing their attention on state violence while upholding the market as a realm of freedom and voluntary cooperation, human rights NGOs strengthened the great neoliberal dichotomy between coercive politics and free and peaceful markets. Allende’s government had challenged the myth of the market as a realm of voluntary, non-coercive, and mutually beneficial relations, and the Chilean leader paid for it with his life. By contrast, the junta with the Chicago Boys’ aid sought to uphold this myth, while using the state both to enhance a neoliberal economic order and to decimate collective political resistance. Whyte acknowledges that in challenging the junta’s torturous means, human rights NGOs arguably helped restrain the worst of its violence, but they did so at the cost of abandoning the economy as a site of political contestation.

    Whyte’s claim is not simply that the human rights NGOs dealt with political violence in isolation from the country’s economic transformations, as Klein had argued. Rather, she shows that the gap between Amnesty’s version of human rights and the version espoused by postcolonial leaders, like Nkrumah, was wide. Indeed, Amnesty International invoked human rights in a way that had little in common with Nkrumah’s program of economic self-determination, and the organization was even hostile to the violent anti-colonial struggles promoted by UN diplomats from postcolonial societies during the same period. The story of human rights and neoliberalism in Chile is not, as Whyte convincingly shows, simply a story of the massive human rights violations carried out in order to allow for market reforms, or of the new human rights NGOs that contested the junta’s violence. It is also the story of the institutionalization of a conservative and market-driven vision of neoliberal human rights, one that highlights individual rights while preserving the inequalities of capitalism by protecting the market from the intrusions of “the masses.”

    Expanding Whyte’s analysis to the present moment (the book focuses on the years between 1947 and 1987) while thinking of the relation between neoliberalism and human rights as part of a historical conjuncture, it becomes manifest that many if not most human rights NGOs operating today have been shaped by this legacy. One of its expressions is that rights groups rarely represent “the masses” in any formal or informal capacity. Consider Human Rights Watch, whose longstanding executive director Kenneth Roth oversees an annual budget of over $75 million and a staff of roughly 400 people. In four years’ time, Roth will outstrip Robert Mugabe’s 30-year tenure in office; while Roth has dedicated most of his adult life struggling against social wrongs, he has never had to compete in elections to secure his post. Indeed, due to the corporate structure of his organization the only constituency to which he is accountable are Human Rights Watch’s board members and donors — those who benefit from neoliberal economic arrangements — rather than the people whose rights the NGO defends or, needless to say, the “masses.” Moreover, Human Rights Watch is not exceptional within the rights-world, and even though rights organizations across the globe say they are interested in what the “people want,” sovereignty of the people in any meaningful sense, wherein the people can control the decisions that affect their lives most, is not really on the agenda.

    Undoubtedly, Human Rights Watch has shed light on some of the most horrendous state crimes carried out across the globe over the past several decades. Exposing egregious violations is not an easy task and is a particularly important endeavor in our post-truth era. However, truth-telling, in and of itself, is not a political strategy. Even if exposing violations is conceived of as a component of a broader political mobilization, the truths that NGOs like Human Rights Watch have been revealing are blinkered. Given that they interpret human rights in an extremely narrow way, one that aligns quite neatly with neoliberal thought, their strategy therefore fails to provide tools for those invested in introducing profound and truly transformative social change.

    From the get-go, most Western human rights NGOs had been attuned to Cold War politics and refrained from advocating for economic and social rights for decades, inventing numerous reasons to justify this stance: from the claim that the right to education and health care were not basic human rights like freedom of speech and freedom from torture, to the assertion that economic and social rights lacked a precise definition, thus rendering them difficult to campaign for. It took close to a decade after the fall of the Berlin Wall and the ongoing campaigning of Third World activists for the leading human rights organizations to acknowledge that economic and social rights, such as the right to health care, education, and social security, were indeed human rights, rights that they should dedicate at least some of its resources to fight for. But even today, almost 20 years after their integration within Human Rights Watch’s agenda, the resources allocated to the protection of these rights is relatively small, and the way that the organization strives to secure them is deeply skewed by the neoliberal view that politics and markets are separate realms and that human rights work should avoid interference with the capitalist structure of competitive markets. Wittingly or not, organizations like Human Rights Watch have not only bolstered the neoliberal imagination, but have produced a specific arsenal of human rights that shapes social struggles in a way that weakens those who aim to advance a more egalitarian political horizon.

    Several years ago, Roth tried to justify Human Rights Watch’s approach, claiming that the issues it deals with are determined by its “methodology,” and that the “essence of that methodology […] is not the ability to mobilize people in the streets, to engage in litigation, to press for broad national plans, or to provide technical assistance. Rather, the core of our methodology is our ability to investigate, expose, and shame.” The hallmark of human rights work, in his view, is uncovering discrimination, while the unequal arrangement of the local and international economy leading to discrimination are beyond the organization’s purview. Not unlike the neoliberal thinkers discussed in Whyte’s book, Human Rights Watch limits its activism to formal equality, adopting a form of inquiry that ignores and ultimately disavows the structural context, which effectively undercuts forms of collective struggle.

    Returning to Rony Brauman and the creation of Liberté sans Frontières, toward the end of the book Whyte recounts how in a 2015 interview he understood things differently than he had in the mid-1980s. “I see myself and the small group that I brought together as a kind of symptom of the rise of neoliberalism […] We had the conviction that we were a kind of intellectual vanguard, but no,” he laughed, “we were just following the rising tendency.”

    Whyte suggests that this assessment is, if anything, too modest: rather than being a symptom, the humanitarians who founded Liberté sans Frontières explicitly mobilized the language of human rights in order to contest the vision of substantive equality that defined the Third Worldist project. Brauman and his organization benefited from the neo-colonial economic arrangements and, she notes,

    were not powerless companions of the rising neoliberals, but active, enthusiastic and influential fellow travellers. Their distinctive contribution was to pioneer a distinctly neoliberal human rights discourse, for which a competitive market order accompanied by a liberal institutional structure was truly the last utopia.

    The destructive legacy that Whyte so eloquently describes suggests that the convergence between neoliberals and rights practitioners has defanged human rights from any truly emancipatory potential. Formal rights without the redistribution of wealth and the democratization of economic power, as we have learned not only from the ongoing struggles of postcolonial states but also from the growing inequality in the Global North, simply do not lead to justice. So if the objectives of a utopian imagination include equitable distribution of resources and actual sovereignty of the people, we urgently need a new vocabulary of resistance and novel methods of struggle.

    https://lareviewofbooks.org/article/how-human-rights-were-defanged-from-any-truly-emancipatory-potentia
    #droits_humains #droits_fondamentaux #néolibéralisme #néo-libéralisme

  • The neoliberal era is ending. What comes next?

    In a crisis, what was once unthinkable can suddenly become inevitable. We’re in the middle of the biggest societal shakeup since the second world war. And neoliberalism is gasping its last breath. So from higher taxes for the wealthy to more robust government, the time has come for ideas that seemed impossible just months ago.

    There are those who say this pandemic shouldn’t be politicised. That doing so is tantamount to basking in self-righteousness. Like the religious hardliner shouting it’s the wrath of God, or the populist scaremongering about the “Chinese virus”, or the trend-watcher predicting we’re finally entering a new era of love, mindfulness, and free money for all.

    There are also those who say now is precisely the time to speak out. That the decisions being made at this moment will have ramifications far into the future. Or, as Obama’s chief of staff put it after Lehman Brothers fell in 2008: “You never want a serious crisis to go to waste.”

    In the first few weeks, I tended to side with the naysayers. I’ve written before about the opportunities crises present, but now it seemed tactless, even offensive. Then more days passed. Little by little, it started to dawn that this crisis might last months, a year, even longer. And that anti-crisis measures imposed temporarily one day could well become permanent the next.

    No one knows what awaits us this time. But it’s precisely because we don’t know because the future is so uncertain, that we need to talk about it.

    The tide is turning

    On 4 April 2020, the British-based Financial Times published an editorial

    likely to be quoted by historians for years to come.

    The Financial Times is the world’s leading business daily and, let’s be honest, not exactly a progressive publication. It’s read by the richest and most powerful players in global politics and finance. Every month, it puts out a magazine supplement unabashedly titled “How to Spend It” about yachts and mansions and watches and cars.

    But on this memorable Saturday morning in April, that paper published this:

    “Radical reforms – reversing the prevailing policy direction of the last four decades – will need to be put on the table. Governments will have to accept a more active role in the economy. They must see public services as investments rather than liabilities, and look for ways to make labour markets less insecure. Redistribution will again be on the agenda; the privileges of the elderly and wealthy in question. Policies until recently considered eccentric, such as basic income and wealth taxes, will have to be in the mix.”

    What’s going on here? How could the tribune of capitalism suddenly be advocating for more redistribution, bigger government, and even a basic income?

    For decades, this institution stood firmly behind the capitalist model of small government, low taxes, limited social security – or at most with the sharpest edges rounded off. “Throughout the years I’ve worked there,” responded a journalist who has written for the paper since 1986,

    “the Financial Times has advocated free market capitalism with a human face. This from the editorial board sends us in a bold new direction.”

    The ideas in that editorial didn’t just appear out of blue: they’ve travelled a very long distance, from the margins to the mainstream. From anarchist tent cities to primetime talk shows; from obscure blogs to the
    Financial Times.

    And now, in the midst of the biggest crisis since the second world war, those ideas might just change the world.
    Literary star

    To understand how we got here, we need to take a step back in history. Hard as it may be to imagine now, there was a time – some 70 years ago – that it was the defenders of free market capitalism who were the radicals.

    In 1947, a small think tank was established in the Swiss village of #Mont_Pèlerin. The #Mont_Pèlerin_Society was made up of self-proclaimed “neoliberals”, men like the philosopher Friedrich Hayek and the economist #Milton_Friedman.

    In those days, just after the war, most politicians and economists espoused the ideas of John Maynard Keynes, British economist and champion of a strong state, high taxes, and a robust social safety net. The neoliberals by contrast feared growing states would usher in a new kind of tyranny. So they rebelled.

    The members of the Mont Pèlerin Society knew they had a long way to go. The time it takes for new ideas to prevail “is usually a generation or even more,” Hayek noted, “and that is one reason why … our present thinking seems too powerless to influence events.”

    Friedman was of the same mind:
    “The people now running the country reflect the intellectual atmosphere of some two decades ago when they were in college.” Most people, he believed, develop their basic ideas in their teens. Which explained why “the old theories still dominate what happens in the political world”.

    Friedman was an evangelist of free-market principles. He believed in the primacy of self-interest. Whatever the problem, his solution was simple: out with government; long live business. Or rather, government should turn every sector into a marketplace, from healthcare to education. By force, if necessary. Even in a natural disaster, competing companies should be the ones to take charge of organising relief.

    Friedman knew he was a radical. He knew he stood far afield of the mainstream. But that only energised him. In 1969, Time magazine characterised the US economist as “a Paris designer whose haute couture is bought by a select few, but who nonetheless influences almost all popular fashions”.

    Crises played a central role in Friedman’s thinking. In the preface to his book Capitalism and Freedom (1982), he wrote the famous words:

    “Only a crisis – actual or perceived – produces real change. When that crisis occurs, the actions that are taken depend on the ideas that are lying around.”

    The ideas that are lying around. According to Friedman, what happens in a time of crisis all depends on the groundwork that’s been laid. Then, ideas once dismissed as unrealistic or impossible might just become inevitable.

    And that’s exactly what happened. During the crises of the 1970s (economic contraction, inflation, and the Opec oil embargo), the neoliberals were ready and waiting in the wings. “Together, they helped precipitate a global policy transformation,” sums up historian Angus Burgin. Conservative leaders like US president Ronald Reagan and UK prime minister Margaret Thatcher adopted Hayek and Friedman’s once-radical ideas, and in time so did their political adversaries, like Bill Clinton and Tony Blair.

    One by one, state-owned enterprises the world over were privatised. Unions were curtailed and social benefits were cut. Reagan claimed
    the nine most terrifying words in the English language were “I’m from the government, and I’m here to help”. And after the fall of communism in 1989, even social democrats seemed to lose faith in government. In his State of the Union address in 1996, Clinton, president at the time, pronounced “the era of big government is over”.

    Neoliberalism had spread from think tanks to journalists and from journalists to politicians, infecting people like a virus. At a dinner in 2002, Thatcher was asked what she saw as her great achievement. Her answer? “Tony Blair and New Labour. We forced our opponents to change their minds.”

    Literary star

    And then came 2008.

    On 15 September, the US bank Lehman Brothers unchained the worst financial crisis since the Great Depression. When massive government bailouts were needed to save the so-called “free” market, it seemed to signal the collapse of neoliberalism.

    And yet, #2008 did not mark a historic turning point.
    One country after another voted down its leftwing politicians. Deep cuts were made to education, healthcare, and social security even as gaps in equality grew and bonuses on Wall Street soared to record heights. At the Financial Times, an online edition of luxury lifestyle magazine How to Spend It was launched a year after the crash.

    Where the neoliberals had spent years preparing for the crises of the 1970s, their challengers now stood empty-handed. Mostly, they just knew what they were against. Against the cutbacks. Against the establishment. But a programme? It wasn’t clear enough what they were for.

    Now, 12 years later, crisis strikes again. One that’s more devastating, more shocking, and more deadly. According to the British central bank, the United Kingdom is on the eve of the largest recession since the winter of 1709.
    In the space of just three weeks, nearly 17 million people in the United States applied for economic impact payments.

    In the 2008 financial crisis, it took two whole years for the country to reach even half that number.

    Unlike the 2008 crash, the coronavirus crisis has a clear cause. Where most of us had no clue what “collateralised debt obligations” or “credit default swaps” were, we all know what a virus is. And whereas after 2008 reckless bankers tended to shift the blame to debtors, that trick won’t wash today.

    But the most important distinction between 2008 and now? The intellectual groundwork. The ideas that are lying around. If Friedman was right and a crisis makes the unthinkable inevitable, then this time around history may well take a very different turn.

    Three dangerous French economists

    “Three Far-Left Economists Are Influencing The Way Young People View The Economy And Capitalism,” headlined a far-right website in October 2019.

    It was one of those low-budget blogs that excel in spreading fake news, but this title about the impact of a French trio of economists hit the nail right on the head.

    I remember the first time I came across the name of one of those three: Thomas Piketty. It was the fall of 2013 and I was browsing around economist Branko Milanović’s blog as I often did because his scathing critiques of colleagues were so entertaining. But in this particular post, Milanović abruptly took a very different tone. He’d just finished a 970-page tome in French and was singing its praises. It was, I read, “a watershed in economic thinking”.

    Milanović had long been one of the few economists to take any interest at all in researching inequality. Most of his colleagues wouldn’t touch it. In 2003, Nobel Laureate Robert Lucas had even asserted that research into questions of distribution was “the most poisonous” to “sound economics”.

    Meanwhile, Piketty had already started his groundbreaking work. In 2001, he published an obscure book with the first-ever graph to plot the income shares of the top 1%. Together with fellow economist Emmanuel Saez – number two of the French trio – he then demonstrated that inequality in the United States is as high now as it was back in the roaring twenties. It was this academic work that would inspire the rallying cry of Occupy Wall Street:

    “We are the 99%.”

    In 2014, Piketty took the world by storm. The professor became a “rock-star economist” – to the frustration of many (with the Financial Times mounting a frontal attack).

    He toured the world to share his recipe with journalists and politicians. The main ingredient? Taxes.

    That brings us to the specialty of number three of the French trio, the young economist Gabriel Zucman. On the very day Lehman Brothers fell in 2008, this 21-year-old economics student started a traineeship at a French brokerage firm. In the months that followed, Zucman had a front row seat to the collapse of the global financial system. Even then, he was struck by the astronomical sums flowing through small countries like Luxembourg and Bermuda, the tax havens where the world’s super-rich hide their wealth.

    Within a couple of years, Zucman became one of the world’s leading tax experts. In his book The Hidden Wealth of Nations (2015), he worked out that $7.6tn of the world’s wealth is hidden in tax havens. And in a book co-authored with Emmanuel Saez, Zucman calculated that the 400 richest US Americans pay a lower tax rate than every single other income group, from plumbers to cleaners to nurses to retirees.

    The young economist doesn’t need many words to make his point. His mentor Piketty released another doorstopper in 2020 (coming in at 1,088 pages),

    but Zucman and Saez’s book can be read in a day. Concisely subtitled “How the Rich Dodge Taxes and How to Make Them Pay,” it reads like a to-do list for the next US president.

    The most important step? Pass an annual progressive wealth tax on all multimillionaires. Turns out, high taxes need not be bad for the economy. On the contrary, high taxes can make capitalism work better. (In 1952, the highest income tax bracket in the United States was 92%, and the economy grew faster than ever.)

    Five years ago, these kinds of ideas were still considered too radical to touch. Former president Obama’s financial advisers assured him a wealth tax would never work, and that the rich (with their armies of accountants and lawyers) would always find ways to hide their money. Even Bernie Sanders’s team turned down the French trio’s offers to help design a wealth tax for his 2016 presidential bid.

    But 2016 is an ideological eternity away from where we are now. In 2020, Sanders’s “moderate” rival Joe Biden is proposing tax increases double what Hillary Clinton planned four years ago.
    These days, the majority of US voters (including Republicans) are in favour of significantly higher taxes on the super-rich.
    Meanwhile, across the pond, even the Financial Times concluded that a wealth tax might not be such a bad idea.

    Beyond champagne socialism

    “The problem with socialism,” Thatcher once quipped, “is that you eventually run out of other people’s money.”

    Thatcher touched on a sore spot. Politicians on the left like talking taxes and inequality, but where’s all the money supposed to come from? The going assumption – on both sides of the political aisle – is that most wealth is “earned” at the top by visionary entrepreneurs, by men like Jeff Bezos and Elon Musk. This turns it into a question of moral conscience: shouldn’t these titans of the Earth share some of their wealth?

    If that’s your understanding, too, then I’d like to introduce you to Mariana Mazzucato, one of the most forward-thinking economists of our times. Mazzucato belongs to a generation of economists, predominantly women,
    who believe merely talking taxes isn’t enough. “The reason progressives often lose the argument,” Mazzucato explains, “is that they focus too much on wealth redistribution and not enough on wealth creation.”

    In recent weeks, lists have been published all over the world of what we’ve started calling “essential workers”. And surprise: jobs like “hedge fund manager” and “multinational tax consultant” appear nowhere on those lists. All of a sudden, it has become crystal clear who’s doing the truly important work in care and in education, in public transit and in grocery stores.

    In 2018, two Dutch economists did a study
    leading them to conclude that a quarter of the working population suspect their job is pointless. Even more interesting is that there are four times more “socially pointless jobs” in the business world than in the public sphere. The largest number of these people with self-professed “bullshit jobs”

    are employed in sectors like finance and marketing.

    This brings us to the question: where is wealth actually created? Media like the Financial Times have often claimed – like their neoliberal originators, Friedman and Hayek – that wealth is made by entrepreneurs, not by states. Governments are at most facilitators. Their role is to provide good infrastructure and attractive tax breaks – and then to get out of the way.

    But in 2011, after hearing the umpteenth politician sneeringly call government workers “enemies of enterprise”, something clicked in Mazzucato’s head. She decided to do some research. Two years later, she’d written a book that sent shockwaves through the policymaking world. Title: The Entrepreneurial State.

    In her book, Mazzucato demonstrates that not only education and healthcare and garbage collection and mail delivery start with the government, but also real, bankable innovations. Take the iPhone. Every sliver of technology that makes the iPhone a smartphone instead of a stupidphone (internet, GPS, touchscreen, battery, hard drive, voice recognition) was developed by researchers on a government payroll.

    And what applies to Apple applies equally to other tech giants. Google? Received a fat government grant to develop a search engine. Tesla? Was scrambling for investors until the US Department of Energy handed over $465m. (Elon Musk has been a grant guzzler from the start, with three of his companies – Tesla, SpaceX, and SolarCity – having received a combined total of almost $5bn in taxpayer money.)

    “The more I looked,” Mazzucato told tech magazine Wired last year, “the more I realised: state investment is everywhere.”

    True, sometimes the government invests in projects that don’t pay off. Shocking? No: that’s what investment’s all about. Enterprise is always about taking risks. And the problem with most private “venture” capitalists, Mazzucato points out, is that they’re not willing to venture all that much. After the Sars outbreak in 2003, private investors quickly pulled the plug on coronavirus research. It simply wasn’t profitable enough. Meanwhile, publicly funded research continued, for which the US government paid a cool $700m.

    (If and when a vaccine comes, you have the government to thank for that.)

    But maybe the example that best makes Mazzucato’s case is the pharmaceutical industry. Almost every medical breakthrough starts in publicly funded laboratories. Pharmaceutical giants like Roche and Pfizer mostly just buy up patents and market old medicines under new brands, and then use the profits to pay dividends and buy back shares (great for driving up stock prices). All of which has enabled annual shareholder payments by the 27 biggest pharmaceutical companies to multiply fourfold since 2000.

    If you ask Mazzucato, that needs to change. When government subsidises a major innovation, she says industry is welcome to it. What’s more, that’s the whole idea! But then the government should get its initial outlay back – with interest. It’s maddening that right now the corporations getting the biggest handouts are also the biggest tax evaders. Corporations like Apple, Google, and Pfizer, which have tens of billions tucked away in tax havens around the world.

    There’s no question these companies should be paying their fair share in taxes. But it’s even more important, according to Mazzucato, that the government finally claims the credit for its own achievements. One of her favourite examples is the 1960s Space Race. In a 1962 speech, former president Kennedy declared

    “We choose to go to the moon in this decade and do the other things, not because they are easy, but because they are hard.”

    In this day and age, we also face tremendous challenges that call for an enterprising state’s unparalleled powers of innovation. For starters, one of the most pressing problems ever to confront the human species: climate change. Now more than ever, we need the mentality glorified in Kennedy’s speech to achieve the transformation necessitated by climate change. It’s no accident then that Mazzucato, alongside British-Venezuelan economist Carlota Perez, became the intellectual mother of the Green New Deal, the world’s most ambitious plan to tackle climate change.

    Another of Mazzucato’s friends, US economist Stephanie Kelton, adds that governments can print extra money if needed to fund their ambitions – and not to worry about national debts and deficits. (Economists like #Mazzucato and #Kelton don’t have much patience for old-school politicians, economists, and journalists who liken governments to households. After all, households can’t collect taxes or issue credit in their own currency.)

    What we’re talking about here is nothing less than a revolution in economic thinking. Where the 2008 crisis was followed by severe austerity, we’re now living at a time when someone like Kelton (author of a book tellingly titled The Deficit Myth) is hailed by none other than the Financial Times as a modern-day Milton Friedman.

    And when that same paper wrote in early April that government “must see public services as investments rather than liabilities”, it was echoing precisely what Kelton and Mazzucato have contended for years.

    But maybe the most interesting thing about these women is that they’re not satisfied with mere talk. They want results. Kelton for example is an influential political adviser, Perez has served as a consultant to countless companies and institutions, and Mazzucato too is a born networker who knows her way around the world’s institutions.

    Not only is she a regular guest at the World Economic Forum in Davos (where the world’s rich and powerful convene every year), the Italian economist has also advised the likes of senator Elizabeth Warren and congresswoman Alexandria Ocasio-Cortez in the US and Scottish first minister Nicola Sturgeon. And when the European Parliament voted to pass an ambitious innovation programme last year, that too was drafted by Mazzucato.

    “I wanted the work to have an impact,” the economist remarked drily at the time.

    “Otherwise it’s champagne socialism: you go in, talk every now and then, and nothing happens.”

    How ideas conquer the world

    How do you change the world?

    Ask a group of progressives this question and it won’t be long before someone says the name Joseph Overton. Overton subscribed to Milton Friedman’s views. He worked for a neoliberal think tank and spent years campaigning for lower taxes and smaller government. And he was interested in the question of how things that are unthinkable become, in time, inevitable.

    Imagine a window, said Overton. Ideas that fall inside this window are what’s deemed “acceptable” or even “popular” at any given time. If you’re a politician who wants to be re-elected, you’d better stay inside this window. But if you want to change the world, you need to shift the window. How? By pushing on the edges. By being unreasonable, insufferable, and unrealistic.

    In recent years, the Overton Window has undeniably shifted. What once was marginal is now mainstream. A French economist’s obscure graph became the slogan of Occupy Wall Street (“We are the 99%”); Occupy Wall Street paved the way for a revolutionary presidential candidate, and Bernie Sanders pulled other politicians like Biden in his direction.

    These days, more young US Americans have a favourable view of socialism than of capitalism
    – something that would have been unthinkable 30 years ago. (In the early 1980s, young voters

    were the neoliberal Reagan’s biggest support base.)

    But didn’t Sanders lose the primaries? And didn’t the socialist Jeremy Corbyn suffer a dramatic election defeat just last year in the UK?

    Certainly. But election results aren’t the only sign of the times. Corbyn may have lost the 2017 and 2019 elections, but Conservative policy wound up much closer to the Labour Party’s financial plans than to their own manifesto.

    Similarly, though Sanders ran on a more radical climate plan than Biden in 2020, Biden’s climate plan is more radical than that Sanders had in 2016.

    Thatcher wasn’t being facetious when she called “New Labour and Tony Blair” her greatest achievement. When her party was defeated in 1997, it was by an opponent with her ideas.

    Changing the world is a thankless task. There’s no moment of triumph when your adversaries humbly acknowledge you were right. In politics, the best you can hope for is plagiarism. Friedman had already grasped this in 1970, when he described to a journalist how his ideas would conquer the world.

    It would play out in four acts:

    “Act I: The views of crackpots like myself are avoided.

    Act II: The defenders of the orthodox faith become uncomfortable because the ideas seem to have an element of truth.

    Act III: People say, ‘We all know that this is an impractical and theoretically extreme view – but of course we have to look at more moderate ways to move in this direction.’

    Act IV: Opponents convert my ideas into untenable caricatures so that they can move over and occupy the ground where I formerly stood.”

    Still, if big ideas begin with crackpots, that doesn’t mean every crackpot has big ideas. And even though radical notions occasionally get popular, winning an election for once would be nice as well. Too often, the Overton Window is used as an excuse for the failures of the left. As in:

    “At least we won the war of ideas.”

    Many self-proclaimed “radicals” have only half-formed plans for gaining power, if they have any plans at all. But criticise this and you’re branded a traitor. In fact, the left has a history of shifting blame onto others – onto the press, the establishment, sceptics within their own ranks – but it rarely shoulders responsibility itself.

    Just how hard it is to change the world was brought home to me yet again by the book Difficult Women, which I read recently during lockdown. Written by British journalist Helen Lewis, it’s a history of feminism in Great Britain, but ought to be required reading for anyone aspiring to create a better world.

    By “difficult”, Lewis means three things:

    It’s difficult to change the world. You have to make sacrifices.
    Many revolutionaries are difficult. Progress tends to start with people who are obstinate and obnoxious and deliberately rock the boat.
    Doing good doesn’t mean you’re perfect. The heroes of history were rarely as squeaky clean as they’re later made out to be.

    Lewis’s criticism is that many activists appear to ignore this complexity, and that makes them markedly less effective. Look at Twitter, which is rife with people who seem more interested in judging other tweeters. Yesterday’s hero is toppled tomorrow at the first awkward remark or stain of controversy.

    Lewis shows there are a lot of different roles that come into play in any movement, often necessitating uneasy alliances and compromises. Like the British suffrage movement, which brought together a whole host of “Difficult Women, from fishwives to aristocrats, mill girls to Indian princesses”. That complex alliance survived just long enough to achieve the victory of 1918, granting property-owning women over age 30 the right to vote.

    (That’s right, initially only privileged women got the vote. It proved a sensible compromise, because that first step led to the inevitability of the next: universal suffrage for women in 1928.)

    And no, even their success could not make all those feminists into friends. Anything but. According to Lewis, “Even the suffragettes found the memory of their great triumph soured by personality clashes.”

    Progress, it turns out, is complicated.

    The way we conceive of activism tends to forget the fact that we need all those different roles. Our inclination – in talk shows and around dinner tables – is to choose our favourite kind of activism: we give Greta Thunberg a big thumbs up but fume at the road blockades staged by Extinction Rebellion. Or we admire the protesters of Occupy Wall Street but scorn the lobbyists who set out for Davos.

    That’s not how change works. All of these people have roles to play. Both the professor and the anarchist. The networker and the agitator. The provocateur and the peacemaker. The people who write in academic jargon and those who translate it for a wider audience. The people who lobby behind the scenes and those who are dragged away by the riot police.

    One thing is certain. There comes a point when pushing on the edges of the Overton Window is no longer enough. There comes a point when it’s time to march through the institutions and bring the ideas that were once so radical to the centres of power.

    I think that time is now.

    The ideology that was dominant these last 40 years is dying. What will replace it? Nobody knows for sure. It’s not hard to imagine this crisis might send us down an even darker path. That rulers will use it to seize more power, restrict their populations’ freedom, and stoke the flames of racism and hatred.

    But things can be different. Thanks to the hard work of countless activists and academics, networkers and agitators, we can also imagine another way. This pandemic could send us down a path of new values.

    If there was one dogma that defined neoliberalism, it’s that most people are selfish. And it’s from that cynical view of human nature that all the rest followed – the privatisation, the growing inequality, and the erosion of the public sphere.

    Now a space has opened up for a different, more realistic view of human nature: that humankind has evolved to cooperate. It’s from that conviction that all the rest can follow – a government based on trust, a tax system rooted in solidarity, and the sustainable investments needed to secure our future. And all this just in time to be prepared for the biggest test of this century, our pandemic in slow motion – climate change.

    Read Rob Wijnberg’s article ‘Why climate change is a pandemic in slow motion (and what that can teach us)’.

    Nobody knows where this crisis will lead us. But compared to the last time, at least we’re more prepared.

    https://thecorrespondent.com/466/the-neoliberal-era-is-ending-what-comes-next/61655148676-a00ee89a
    #néolibéralisme #néo-libéralisme #le_monde_d'après #capitalisme #crise_financière #crise #coronavirus #covid-19 #économie

  • Et si la Loi de Privatisation Programmée de la Recherche c’était demain ?

    Le 5 mars, comme partout en France, les laboratoires et l’université du Mans se sont arrêtées pour manifester contre une série de mesures comme la LPPR (Loi Programmation Pluriannuelle de la Recherche). A peine une semaine plus tard, cet arrêt a été prolongé par la fermeture des sites due au COVID-19. Dans une lettre adressée aux membres de la communauté de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation, publiée le 13 mai, Mme Vidal annonce poursuivre dans son projet de loi LPPR : « Avant le début du confinement, j’ai entendu toutes celles et ceux qui ont vu, à travers la loi « orientation et réussite des étudiants » ou le projet de loi « de programmation pluriannuelle pour la recherche » autre chose que des leviers pour faire vivre et pour enfin faire reconnaître nos missions essentielles. Ce projet de loi concrétisera pour les 10 prochaines années l’un des plus importants mouvements de revalorisation salariale que notre système d’enseignement supérieur et de recherche a connu.”

    Dans un état de crise sanitaire et sociale sans précédent, la ministre s’acharne dans ce projet, malgré la contestation qu’il a soulevée. Il paraît donc d’autant plus important de se mobiliser aujourd’hui pour que demain ne ressemble pas au monde décrit dans les lignes qui vont suivre.

    Prologue de l’apocalypse

    C’est le jour J ! Nous sommes le 11 mai 2021, ils ont bien choisi la date. Résultats des Appels à Projets génériques de l’ANR…
    9h00

    Il règne au laboratoire une ambiance pour le moins électrique. Personne n’ose dire un mot à la machine à café. On regarde le fond de sa tasse, mais on préfère ça plutôt que d’aller s’enfermer seul·e dans son bureau à appuyer sur F5 en espérant voir le nom de son projet apparaître dans la liste des projets retenus. Entre les un·es qui ont vu leur projet rejeté en phase 1 (pas assez disruptif…) et les autres qui gardent un infime espoir d’obtenir un financement pour respirer pendant trois ans, la solidarité est bien la seule chose qui reste aux membres du labo.

    Sur le campus, plus que deux laboratoires. Le nôtre et celui de physique chimie. Les autres ont fermé boutique à peine quelques mois après le passage de la LPPR. Les directeur·trices ont démissionné et personne ne s’est présenté pour reprendre le flambeau. En même temps, qui pourrait les blâmer ? A quoi bon reprendre la direction d’un laboratoire sans financements ?

    On y croyait pourtant… Avec la crise du COVID-19 et les annonces de davantage de financement de la recherche, il y a eu un regain d’espoir ! “La crise du COVID-19 nous rappelle le caractère vital de la recherche scientifique et la nécessité d’investir massivement pour le long terme”, voilà ce que déclarait le Président de la République, le 19 mars 2020. Et puis les annonces se sont suivies de propositions de lois, et ces propositions ont mené à l’adoption de la LPPR reprenant les propositions faites par les groupes de travail dans leurs rapports… pour plus de performance.

    Depuis le passage de la loi, les évaluations et succès aux Appels à Projets ont eu une répercussion directe sur l’attribution des crédits récurrents. Résultat : les labos de l’UFR lettres, langues et sciences humaines ont perdu la moitié de leur fond annuel récurrent attribué par l’université. Pas assez de projets ANR, pas de projets européens, pas assez de publications internationales, pas assez de collaborations avec des partenaires privés. En gros, pas rentable du tout ! Quand la présidence de l’université a été interpellée, elle a répondu : “Pas assez de retours sur investissement”. On en est donc là ?
    10h

    Assise à mon bureau, j’ai devant moi le tableur Excel à remplir pour le rapport HCERES. Même sur mon écran 24 pouces, le tableau est trop grand. Maintenant, l’évaluation, c’est tous les ans ! Une année déjà s’est écoulée depuis la dernière fois que j’ai eu à faire ce travail, même si j’ai l’impression de n’avoir jamais arrêté. Mon travail se résume à courir après les données, remplir des tableaux, calculer des coûts… mais pourquoi ? En fait, on est passé d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, résultats qui se mesurent grâce à ces indicateurs toujours plus nombreux et toujours plus éloignés de notre réalité.

    Quelle part de leur temps les chercheur·ses consacrent-ils réellement à la recherche ? Parce qu’entre la rédaction des projets, le remplissage de tableurs Excel pour ces fameux indicateurs, la recherche de financements divers et variés, les responsabilités administratives… Du temps pour la recherche, ielles n’en ont plus vraiment. C’était déjà un peu le cas avant, mais au moins il y avait des doctorant·es, des post-doctorant·es et des travailleur·ses BIAT·O·SS !
    11h30

    Réunion RH avec le bureau de direction. On prépare les entretiens pour l’unique bourse de thèse établissement que l’Université nous a octroyé via l’Appel à Projet Interne “bourses de thèse”. Cette année, seulement 3 bourses disponibles. Résultat : une pour le labo de physique/chimie, une pour l’informatique et une pour nous. Les critères d’évaluation : financements rattachés à la bourse (collaboration de recherche), débouchés possibles sur projets collaboratifs ou projet ANR, opportunité de publications…

    Après le COVID-19, on a eu deux fois plus de candidatures en doctorat que les années précédentes. Regain d’attractivité des métiers de la recherche ? Pas vraiment, mais une vraie crainte des étudiant·es sortant de Master de rester sur le carreau après l’obtention du diplôme. Pour ce qui est des post-docs, on a réussi à prolonger le financement de certain·es grâce au fait que le COVID ait ralenti les activités du labo. Mais une fois passé cela, on a vu la réalité en face…

    Les enseignant·es-chercheur·ses et chercheur·ses permanent·es commencent à se faire rares. Avec l’amenuisement des budgets alloués aux universités et au CNRS, les départs à la retraite (et les départs tout court d’ailleurs), ne sont plus remplacés. On a vu arriver les “contrats à durée indéterminée de mission scientifique”. Pas si indéterminée que ça la durée du contrat : projet fini, chercheur dehors ! Ces contrats dont la durée dépend de celle du financement font que les chercheur·ses passent en moyenne 3, 4 ou 5 ans dans le laboratoire. Pas assez longtemps pour capitaliser sur les connaissances créées lors du projet…

    Pour pallier ça du coup, la direction du labo a demandé aux chercheur·ses de déposer de plus en plus de projets. Avec 20% de réussite à l’ANR maintenant, on peut obtenir entre 2 et 4 projets par an. Sur ces projets, il y a le financement pour un·e doctorant·e ou un contrat de mission scientifique. Mais pas les deux. Sans parler des tenure tracks, qui font de nos jeunes docteur·es des intermittent·es de la recherche : si tu as publié de bons articles, travaillé sur des projets ambitieux et disruptifs, rapporté des financements, tu peux (peut-être) avoir un poste permanent de prof en plus (Les MCF ne se plaindront pas, ils ont un poste déjà) !

    Mais certainement pas ici ! Ils iront à Saclay, à Aix-Marseille ou toute autre université bonne élève pour recevoir une jolie image sous la forme de financements pour des postes permanents. Et puis la Ville aussi s’y est mise : “Vous avez de moins en moins d’étudiant·es alors forcément, on vous financera d’autant moins. Vous ne faites pas ce qu’il faut pour rendre nos formations attractives et le territoire en pâtit !”.

    Pourtant, c’est pas faute d’avoir essayer de redorer notre image… Campagne de communication par ci, marketing de l’Enseignement Supérieur par là. L’Université est même allée jusqu’à distribuer des mugs, t-shirts et tote bags à la sortie des lycées, pour convaincre les lycéen·nes de venir étudier chez nous. J’avais l’impression de voir ces filles qu’on exploite pour aller distribuer des canettes de Red Bull.

    Il faut dire que les hostilités ont été lancées depuis bien longtemps ! Entre les boutiques en ligne des universités et les masques floqués d’Aix-Marseille… On a fait que prendre le train en marche. La forme est donc devenue plus importante que le fond. Si on présente bien, ça passe !

    Mais combien d’heure de cours ou d’heure de recherche pourrait-on financer avec l’argent dépensé ? Parce que la mission première de l’ESR normalement n’est-elle pas de créer de la connaissance et de la diffuser ? Peut-être que si la qualité de la recherche effectuée et des enseignements dispensés était développée grâce à d’avantage de financements, les étudiants viendraient d’eux-même dans notre université. Mais si ce “peut-être” était réalité, le monde serait probablement différent et la LPPR n’aurait probablement jamais existé.
    12h30

    Pause déj’, enfin ! Avec une collègue, on se décide à aller manger en ville pour une fois. Marre du RU et des repas déconstitués/reconstitués. Les RU sont dépendants des universités maintenant mais les tarifs sont fixés par l’État. Donc peu de financements, économie sur les repas.

    C’est vrai que depuis la baisse des effectifs à l’université, la ville du Mans a perdu en dynamisme. Pas mal de commerces ont fermé, faute d’activité. Et les lycéen·nes dont les familles ont les moyens préfèrent aller faire leurs études supérieures ailleurs, dans les gros pôles d’excellence de l’ESR. Ces mastodontes sont des villes dans des villes contre qui nous n’avons aucune chance, que ce soit pour les Appels à Projet ou bien pour obtenir des financements partenariaux.

    Nous, on fait de l’éducation de proximité. On embauche des “post-doc-enseignement” (les ATER ont été supprimés pour laisser place au CDD post-doc “jeune chercheur·e”). Les enseignant·es-chercheur·ses permanent·es explosent les compteurs d’heures sup’, mais ne s’attendent même plus à ce qu’elles soient toutes payées.

    De toute façon, les financements de l’université vont aux formations dont les entreprises financent une partie. On a vu des fondations se créer ici et là, pour financer les formations en ingénierie, en informatique, en santé, en management, etc. En même temps, quelle utilité le secteur privé aurait-il à investir dans l’histoire médiévale ou dans la poésie classique ? Tout cela pour former de la main d’œuvre et non plus des êtres humains éclairés.

    Nos discussions tournent rapidement autour des résultats de l’ANR et de ce qu’elle est devenue. Aujourd’hui, seule l’ANR peut publier des appels à projets. Ces appels à projet sont pour 75% financés par des entreprises privées qui siègent dans les comités de sélection des projets. Et pour le reste, les directives viennent directement de l’UE. Si l’Europe dit deep techs, les projets retenus parleront de deep tech.
    14h00

    Réunion avec la DRPI (Direction de la Recherche, des Partenariats et de l’Innovation). Revue de projets : ça fait rêver. Garder son calme… Voilà une tâche bien ardue quand on nous parle de pilotage stratégique de la recherche et modèle économique. “C’est dommage, vous n’avez pas fait beaucoup de prestations avec les gros matériels acquis l’année dernière”. Coup d’œil en biais à mon directeur quand s’affiche le graphique soigneusement préparé par le service. Il bouillonne puis perd son calme : “Nous ne faisons pas de prestation, NOUS FAISONS DE LA RECHERCHE”. Il quitte la pièce. C’est la première fois que je le vois s’énerver comme ça.

    Des sous-traitant·es, voilà ce que nous sommes devenu·es ! Des sous-traitant·es de firmes multinationales ou bien de start-ups en recherche de brevets à déposer pour conquérir le marché et de main d’œuvre !

    Et pourtant, à côté de cela, dans chaque communiqué, le ministère de l’ESR se félicite d’avoir atteint les 3% du PIB en dépenses pour la recherche, dont 2% provenant de financements privés. Aujourd’hui, c’est 2/3 des financements de la recherche qui proviennent du secteur privé. Enfin, 2/3 des DIRD comme ils appellent ça maintenant. Encore un acronyme pour mieux en cacher le sens… Dépenses en Innovation, Recherche, et Développement. Donc l’innovation est passé en priorité, avant la recherche. La LPPR a modifié l’ Art. L111-1 du Code de la Recherche … Ils ont juste changé l’ordre des phrases, mais ça a tout changé : “ La politique nationale de la recherche et du développement technologique vise à :

    1° Valoriser les résultats de la recherche au service de la société. A cet effet, elle s’attache au développement de l’innovation, du transfert de technologie lorsque celui-ci est possible, de la capacité d’expertise et d’appui aux associations et fondations, reconnues d’utilité publique, et aux politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et du développement durable ;

    2° Partager la culture scientifique, technique et industrielle ;

    3° Accroître les connaissances ;

    4° Promouvoir la langue française comme langue scientifique.”

    La Loi a aussi renforcé le dispositif de CIR (Crédit Impôts Recherche). Un brevet ? Réduction d’impôt ! Développement d’un nouveau prototype ? Réduction d’impôts ! Embauche d’un ingénieur ? Encore et toujours réduction d’impôts ! Non, ça n’est pas de la recherche ! C’est de l’innovation. De l’innovation technologique générée dans un seul but : toujours plus de liquidité !

    On a juste oublié de leur dire qu’à créer de la technologie pour accroître le volume de leur portefeuille, dans 30 ans, nos connaissances seront dépassées et aucune innovation ne sera possible… Mais il sera déjà trop tard. Pendant que ces entreprises s’enrichissent, les impôts et donc les financements publics pour l’ESR s’amenuisent. Et puis les entreprises sont devenues de plus en plus dures sur les contrats de Propriété Intellectuelle. Elles ont payé pour ces connaissances, alors elles leur appartiennent ! Les chercheurs sont devenus un avantage concurrentiel pour les entreprises. Ils détiennent les compétences clés à la création des connaissances nécessaires à l’innovation. Et pour que cet avantage devienne durable et défendable, les entreprises abondent tant que les résultats sont là. Mais le jour où on dit à ces mécènes intéressés “bah en fait on n’a pas trouvé”, c’est fini…
    16h00

    Vidée, c’est la sensation qui me traverse en sortant de ma énième réunion, avec les Services Financiers ce coup-ci. Direction la machine à café. J’ai envie de fumer une cigarette, même si j’ai arrêté il y a 5 ans et demi. Je me pose la question, la valeur de la recherche se résume donc à une conception purement économique ?

    Cette idée, je n’arrive pas à m’y résoudre ! Toutes les connaissances que j’ai acquises, je les dois à la recherche. Ma façon de penser est née dans mon apprentissage de la recherche. Et cela m’a apporté tellement plus que de l’argent. J’ai appris à être moi-même pour mieux comprendre et aimer ce que sont les autres.

    Si les entreprises réduisent le choix de formations à celles dispensant les compétences dont elles ont besoin, à coup de millions d’euros, où est la liberté pour nos étudiant·es, pour nos enfants, et même pour nous de choisir le sens que l’on veut donner à nos vies et choisir ainsi la formation adaptée ? Si la recherche est orientée pour développer le chiffre d’affaire des entreprises, qui créera et diffusera les connaissances qui développeront le libre arbitre des êtres humains et un monde meilleur ? Parce que la recherche, et plus largement l’université, peut créer un monde meilleur. Elle peut le faire, à condition d’avoir les moyens, mais des moyens donnés sans contrepartie sur la base d’une confiance mutuelle entre société et Université.

    J’avais d’ailleurs commencé une thèse là-dessus mais je ne suis pas allée jusqu’au bout. Doctorante salariée, le compromis idéal ! C’est ce j’ai pensé au début. Salaire fixe, durée de 6 ans, aménagement du temps de travail, et puis en tant que Responsable Administrative de labo, j’étais au plus près de mon sujet “Recherche et sociétés”. Mais le travail a pris le pas sur tout ça. Avec la LPPR, la loi de finances est arrivée et avec cette loi de finances, le contrôle budgétaire s’est renforcé.

    J’en serai presque à être soulagée qu’il n’y ait aucun projet attribué au labo. Non pas que je veuille voir le labo fermer. Mais les règles de justification financière se sont tellement multipliées que gérer le bon déroulé d’un projet sur les plans administratif et financier est devenu invivable. Je récupère tous les justificatifs, que je transmets ensuite à l’Antenne Financière qui les contrôle, puis qui les envoie aux services centraux de l’université qui les contrôlent eux aussi, puis les envoie à l’ANR ou l’UE qui les contrôle à nouveau… Et c’est ça pour chaque dépense, et sur chaque projet !

    Tous les moments conviviaux que l’on partageait autour d’une galette en janvier, ou bien le pot de fin d’année avant les vacances de Noël… FINI ! Les journées du labo pour présenter les travaux réalisés par chaque équipe, INTERDIT ! « Vous vous rendez compte, ce sont des deniers publics que vous dépensez en moments de détente », voilà ce que nous répondent nos contrôleurs de gestion de l’administration centrale.


    Avec la LPPR, l’État a passé la corde autour du cou de l’ESR, il a appuyé sur le levier pour la jeter dans le vide, et il a attendu d’entendre le craquement de sa nuque. Mais l’ESR n’est pas mort. Il est resté là, dans un état végétatif, et ses bourreaux se sont plaints de l’état dans lequel ielles l’avaient mis. Dans une tentative désespérée, ielles ont alors mis l’ESR sous assistance respiratoire à coup de financements privés et “compétitifs”.

    En regardant le fond de ma tasse à café, je repense à tous les livres que j’ai lus en sociologie, épistémologie, économie, pendant ma thèse. Je me disais qu’on avait les cartes en main pour changer le monde parce que des nouveaux modèles, on en a créé plein dans les bouquins ! Mais vu qu’on a plus les moyens d’enseigner ces écrits et encore moins de les vulgariser, personne ne sait, à part nous, qu’il y a des alternatives possibles.
    17h00

    Les résultats tombent enfin ! Trois projets retenus sur seize. On est dans la moyenne. Les trois projets sont en lien avec de grands groupes. On sait ce que ça veut dire. Mais on ira fêter ça autour d’une bière, au Bar’Ouf. Oui, c’est une bonne nouvelle, c’est un peu d’oxygène pour les deux chercheur·es permanent·es qui n’ont pas eu de nouveaux projets depuis presque quatre ans. Plus tard dans la soirée, dans le brouhaha du bar, mes pensées s’échappent et je repense à cette journée du 5 mars 2020 où on a décidé de tout arrêter. On y croyait encore à ce moment-là !

    Et si la recherche, en plus d’être résiliente, devenait résistante ? Parce qu’à ce qu’il paraît, nous sommes en guerre. Je me mets alors à rêver de l’ESR libéré !

    ESR I ❤ you !

    Paola Bertelli, Responsable Administrative du LAUM

    https://universiteouverte.org/2020/05/14/5172

    L’université dans #le_monde_d'après...

    #LPPR #université #facs #France #après-covid-19 #réforme #Vidal

    Ajouté à la métaliste sur la LPPR :
    https://seenthis.net/messages/820330#message820388

    • La guerre de la #LPPR aura donc lieu
      Mise à jour : 4 juin 2020

      Aujourd’hui, les syndicats ont appris leur convocation au Comité technique de l’Enseignement Supérieur et de la recherche le 17 juin 2020. Son objet unique :l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      En direct de la DGRH (15h) : calendrier de la LPPR

      Multilatérale 12 juin matin avec le Cabinet (et la Ministre ?)
      CNESER 12 juin
      CTMESRI 17 juin
      CTU 22 juin
      Passage en Conseil des Ministres : 8 juillet

      Le texte du projet de loi (qui a été présenté dans ses grandes lignes, mais jamais communiqué aux organisations syndicales) devrait être communiqué en toute fin de semaine ou début de semaine prochaine. (Info Sud)

      Ce texte annoncé déjà par la Ministre en mai (https://academia.hypotheses.org/23866), puis récemment par #Philippe_Berta à Newstank1, va donc arriver. Sous quelle forme ? Nul ne le sait. Aucun document n’est parvenu aux organisations représentatives à cette heure.

      Enfin, nous avons une petite idée (https://academia.hypotheses.org/category/politique-de-la-recherche/lppr-notre-avenir)…

      Le #CNESER est également convoqué, par courrier du 4 juin 2020, pour le 12 juin 2020, courrier qui menace de reconvoquer le 19 si le quorum n’était pas atteint à la première réunion. Même ordre du jour, toujours pas de texte.

      Pendant ce temps-là, selon une dépêche AEF n°628931 que nous avons pu consulter, la Ministre — qui fait son petit tour des régions (Hauts de France hier, Brest aujourd’hui) — a écrit aux présidents et aux recteurs le 2 juin 2020, en leur indiquant qu’il « est aujourd’hui essentiel […] d’améliorer |leurs] capacités à agir pour libérer pleinement les initiatives et les énergies ». Avec un vocabulaire inspiré du management nazi (Sur ce vocabulaire, voir Johan Chapoutot,2020, Libres d’obéir : le management, du nazisme à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2020 ?).

      À cette lettre est jointe une « fiche de proposition » permettant aux présidents d’établissement et recteurs de recenser les moyens qui « permettront de lever ces #obstacles, de remédier aux inconvénients signalés et d’assouplir [les] #contraintes ».

      "Vous avez sans doute, écrit la ministre, identifié des difficultés liées à des #normes législatives et réglementaires inadaptées, au caractère trop restreint de votre #autonomie ou de vos compétences, à l’inadéquation de procédures qui vous sont imposées, à vos possibilités trop limitées de faire appel à certains outils, matériels ou technologies qui vous auraient permis de faire mieux, plus vite ou plus efficacement."

      Frédérique Vidal utilise Twitter pour dire des choses encore différentes de ses communiqués, et communiquées rectificatifs, suscitant la colère noire de ses agents4, faisant fi du respect que la Ministre doit à ses agents, qui ont déjà dénoncé l’absence de moyens pour conduire une rentrée 2020, digne des futurs cadres de la nation que l’Université est censée formée5. En revanche, elle utilise d’étranges circuits parallèles pour préparer la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Ainsi, en s’appuyant sur une idéologie nauséabonde que Johann Chapoutot6 a pu mettre tout récemment en évidence, et d’une stratégie connue, depuis Naomi Klein, comme la #stratégie_du_choc, le gouvernement voudrait mettre à profit la réelle fatigue #post-confinement de la communauté universitiare pour faire passer un texte dont personne ne veut, qui viserait en priorité à fragiliser le statut d’enseignant-chercheur.

      Nous avions fait connaître à la Ministre notre appel solennel à ne pas passer des mesures non-urgentes en période de confinement. Samedi 6 juin, le collectif Facs et labos en lutte organise une rencontre dématérialisée dont l’ordre du jour va intégrée ce nouveau calendrier insupportable. À peine sorti·es et encore soumis·es à des restrictions au droit de se réunir et de manifester, nous voici confronté à un texte de loi dont personne n’a encore vu la couleur mais qui va être passé en urgence, avec la complaisante complicité des présidents d’université : sommes-nous encore sous le régime de la Ve République ?

      https://academia.hypotheses.org/24265

    • Commentaire reçu via la mailing-list Facs et Labos en lutte, le 06.06.2020 :

      Oui la LPPR aura lieu . Elle est programmée par l’OCDE dès les années 1995 puis par les instances européennes depuis les années 2000 ; sa mise en pratique est plus ou moins avancée selon les Etats et les conjonctures politiques auxquelles ils ont du faire face mais vaille que vaille elle progresse. mais cela n’a rien à voir avec l’idéologie nazie que le texte mentionne (https://seenthis.net/messages/853898#message858583).

      Cette transformation baptisée « #modernisation » a visé la #réorganisation des #cursus (LMD ou processus de Bologne), la réorganisation de la #recherche (avec la création de l’#ANR), la modification du fonctionnement des universités (#loi_LRU) et, plus récemment, la réforme des #statuts et des activités des universitaires. Cette modernisation repose sur la volonté
      de soumettre les universités à une #gestion_managériale,
      d’organiser les enseignements et la recherche en fonction des besoins du #monde_économique, de diffuser une conception idéologique du monde concevant l’étudiant comme un entrepreneur rationnel (et individualiste), de transformer les conditions nécessaires à la production de connaissances en se défiant des systèmes élaborés par des #disciplines_autonomisées.

      Dans la mesure où la loi LRU et la réforme des statuts des universitaires accroissent, dans des proportions considérables, les pouvoirs du président, la volonté de soumettre un plus grand nombre d’agents aux volontés managériales ne peut que sortir renforcée de ces processus. L’utopie démocratique de l’université, avec ses élections, ses directions collégiales, sa recherche de consensus, son affirmation de valeurs universalistes, a vécu, remplacée qu’elle est par des pratiques directement issues de « l’#esprit_gestionnaire ».

      Enfin, comme dans les fusions d’entreprises, il s’agit bien pour l’Etat, selon le principe du « #benchmarking », de constituer des structures à même d’obtenir une position enviable dans les comparaisons internationales de #productivité universitaire (genre #classement_de_Shanghai) tout en obtenant, à terme, une #rationalisation des dépenses de financement et mieux encore une diminution des coûts.

      Relier tout cela aux relents d’une idéologie nazie serait une erreur, ce serait se tromper de luttes ! il ne s’agit pas d’une pensée passée encore en actes qui serait projetée sur le présent mais d’un présent qu’il faut modifier pour le futur prônée par les instances les plus liées au Capital qui réclame des institutions plus adaptées à son intérêt.

      DERNIER POINT Plutôt que de chercher les sources d’un management dans l’école de formation à la gestion des nazis, il faudrait aller voir, aux USA, du côté du succès des travaux de #Lebon et #Tarde (conceptions opposées a celles de Durkheim) dont le grand patronat était imbu dès le début du XXe siècle, du côté des cabinets d’organisation qui se multiplient à partir de 1928-1929 et qui interviennent pour gérer les conflits. En France il faudrait regarder du côté de #Coutrot qui fonde en 1938 le Centre d’études des problèmes humains dont les patrons ralliés à Pétain raffolent. Après la Seconde Guerre mondiale l’Office of Military Government des Etats-Unis (OMGUS) utilise la #psychosociologie pour ses opérations de déminage psychologique ; mieux le patronat américain et le gouvernement US d’alors se liguent pour importer le "#management " en Europe et en France dans le cadre du Plan Marshall . l’#Office_of_Special_Representatives (#OSR) installé à Paris, l’#Organisation_européenne_de_coopération_économique (#OECE) et sa « branche opérationnelle » : l’#Agence_européenne_de_productivité (#AEP) ; trois institutions étroitement dépendantes de l’Economic Cooperation Administration (ECA), l’organisme officiellement chargée du #Plan_Marshall, serviront à cela. Dans les années 1955, #Paul_Fraisse, #Jacques_Lacan, #Georges_Canguilhem, entre autres, s’opposeront vivement à ce management psychosociologisé.
      Pour le #néo-libéralisme il suffit de lire #Weber ’l’ethique protestante et l’esprit du capitalisme " pour comprendre qu’il n’est qu’une resucée de l’esprit du #capitalisme parée des plumes de la #modernité !

    • Dérégulons encore ! L’appel à propositions de la ministre aux président·es d’université

      Les grandes manœuvres sont lancées au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. En même temps qu’elle accélère soudainement les consultations obligatoires sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), la ministre adresse aux président.e.s d’universités et aux recteurs/rectrices un « appel à propositions d’amélioration des capacités à agir des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ».

      Cet appel, dont Academia parlait hier, nous est enfin parvenu. Au nom des enseignements à tirer de l’épidémie, une grande vague de « simplification » s’annonce, mobilisant une novlangue que l’on pensait passée de mode même dans les cercles d’« innovation publique » les plus caricaturaux : « améliorer vos capacités à agir pour libérer pleinement les initiatives et les énergies » !

      Le message, éculé, est simple à résumer : dérégulons encore. Les « normes législatives et réglementaires » sont « inadaptées », « l’autonomie » et « les compétences » ont un « caractère trop restreint », les « procédures » sont « imposées » et « inadéquates », et les possibilités de « faire appel à certains outils, matériels ou technologie qui […] auraient permis de faire mieux, plus vite ou plus efficacement » sont « trop limitées ». Et pour cela, une seule consigne est donnée aux responsables de l’enseignement supérieur français : lâchez-vous ! « Aucune restriction à la liberté […] de formuler toutes les propositions » n’est posée.

      –—

      Discussion

      La ministre prétend que « la crise sanitaire a révélé des freins, sinon des carcans » dans l’Enseignement supérieur et la recherche.
      Le premier de ces freins est la bureaucratisation généralisée, par construction de mastodontes dont la tête est de plus en plus éloignée de celles et ceux qui font vivre la recherche et de l’enseignement.
      Un second frein est le faible nombre de postes, au profit d’une politique de starification darwinienne qui a sûrement vu son point extrême lors de la visite d’Emmanuel Macron à Didier Raoult.
      Un troisième carcan est l’absence de politique scientifique sur le long terme, la diminution de l’autonomie des chercheurs, notamment par la multiplication de sources d’appels à projets et la précarisation des statuts.
      Malgré son nom, la LPR ne fera qu’amplifier cela. Si, par exemple, l’existence des appels à projet est planifiée, l’obtention de crédits restera hasardeuse et contingente des modes de l’année.

      –—

      Il ne faut pas s’y tromper quant aux objectifs de cette lettre : elle a vocation, en complément de la LPPR, à engager le processus de pérennisation des exceptions au droit universitaire qui ont été établies en période d’état d’urgence sanitaire. Nous l’écrivions dès le lendemain de la publication de l’ordonnance du 27 mars qui appliquait aux universités la loi d’urgence du 23 mars 2020 : les modifications introduites « sont des modifications que le MESRI souhaite introduire ou généraliser depuis des années (examens à distance, et notamment en télésurveillance ; délibérations par visioconférence ; pouvoirs forts des chefs d’établissements ; différenciations entre établissements). Il est très probable, de ce point de vue, que le provisoire actuel se révèle rapidement transitoire : les mesures prévues dans ces ordonnances représentent un galop d’essai fantastique pour le MESRI ».

      On peut donc s’amuser à lancer dès à présent quelques paris sur le contenu des propositions qui ressortiront de cet « appel à propositions ». Pour une première liste, il suffit pour cela de reprendre ce que nous avons dénoncé ces trois derniers mois :

      Renforcement considérable des pouvoirs des présidents, dans la lignée de ce qui a été organisé durant l’état d’urgence sanitaire, à rebours du principe historique de fonctionnement des universités, à savoir la collégialité.
      Court-circuitage des CFVU, désormais conçues comme d’incontrôlables empêcheuses de trier les étudiant·es.
      Généralisation de l’enseignement à distance, aujourd’hui hors des clous, tout comme l’est, d’une façon générale, la continuité pédagogique.
      Pérennisation des comités de sélection à distance.
      Recours accru à la télésurveillance.

      Ajoutons à cela un peu plus de différenciation entre les établissements, dans la lignée de l’ordonnance du 12 décembre 2018 — dont la circulaire est parue hier au Bulletin officiel, signe d’un branle-bas de combat général sur tous les sujets — et quelques menus autres plaisirs, et nous aurons un parfait accompagnement pour la LPPR.

      La ministre demandant leur avis aux président·es — enfin, précisément aux « présidents » et « directeurs » masculins parmi cet ensemble — pourquoi ne pas participer à cette consultation sur la simplification générale. Quelques pistes dans le désordre, pour remplir le formulaire ci-dessous et l’envoyer à l’adresse électronique dédiée :

      suppression du Crédit Impôt Recherche
      suppression du Bulletin officiel et du Journal officiel, avantageusement remplacés par Kombini, CNews et BFMTV06/05/2020
      suppression du poste de ministre

      https://academia.hypotheses.org/24300

  • Une critique lucide de l’économie de marché, datant de 1950 : Karl William Kapp, Social Costs of Private Enterprise.
    L’économiste d’origine allemande dénonce avant l’heure la dérive libérale de l’économie de marché qui privatise les profits et mutualise les coûts et ne peut se maintenir qu’au prix de coûts sociaux et environnementaux (encore) invisibles.

    J’y pense à cause de la crise sanitaire actuelle provoquée par la gestion des risques au niveau national selon les principes de l’idéologie néo-libérale.

    Ici, une recension de 1987 de Wolfgang Krüger, de l’ouvrage paru en 1976 en allemand (Soziale Kosten der Marktwirtschaft) :

    Le marché et ses péchés. Prémonitions d’un économiste politique oublié : la destruction de l’environnement remet en cause les fondements théoriques de notre système économique

    [...]
    Im Mittelpunkt des Buches steht die Marktwirtschaft. Kapp hält ihren theoretischen Ansatz für verfehlt und ihre praktischen Auswirkungen, die von ihr verursachten „Sozialkosten“, für katastrophal.

    Auch wer dieser gnadenlosen Abkanzelung der Marktwirtschaft in ihrer Härte zu folgen nicht bereit ist, wird dieses Buch zumindest nicht ohne erneutes Nachdenken über Segen und Unsegen der Marktwirtschaft aus der Hand legen. Kapps kritische Auseinandersetzung mit den Problemen einer vornehmlich durch den Markt gesteuerten Wirtschaft ist auch noch heute, wo der Modeschrei nach mehr Markt als Ausweg aus allen möglichen ökonomischen Kalamitäten die Bedenken gemäßigter Wirtschaftswissenschaftler so laut übertönt, von höchster Aktualität.

    Nicht minder aktuell ist allerdings auch die bei der Lektüre dieses Bandes wieder sichtbar werdende Schwierigkeit, dem Markt eine praktikable Alternative entgegenzustellen. Bei Kapp jedenfalls ist eine solche Alternative allenfalls in nebulösen Konturen erkennbar. Und auch die heutige Opposition in der Ökonomie hat es ja bisher nicht geschafft, einen überzeugenden Neuansatz zu entwickeln.

    Die Grenzen der Marktwirtschaft sieht Kapp darin, daß nach diesem Konzept die Ökonomie als ein in sich geschlossener Bereich behandelt wird, der nach dem Gesetz von Angebot und Nachfrage zum Gleichgewicht findet. Denn „ökonomische Prozesse“, so Kapp, „finden nicht in geschlossenen, sondern in grundsätzlich offenen Systemen statt“. Sie sind „Teil eines sehr viel umfassenderen politischen und institutionellen Systems, aus dem sie wichtige Impulse beziehen und das sie auf vielfältige Weise beeinflussen“.

    Die klassischen Ökonomen, Adam Smith und seine Nachfolger, schreibt Kapp, „konnten noch mit einiger Berechtigung behaupten, daß ökonomische Prozesse als eine mehr oder weniger autonome Veranstaltung verstanden werden können, waren doch zu ihrer Zeit Luft, Wasser, Boden und andere Ressourcen gewissermaßen freie Güter. Dies erlaubte ihnen, fälschlicherweise davon überzeugt zu sein, daß individuelles rationales Handeln bei freier Konkurrenz nur positive gesellschaftliche Auswirkungen hat. Dieser Glaube hat sich als eine Illusion erwiesen ... Wir benötigen einen neuen Ansatz, der es uns ermöglicht, die dynamischen Wechselbeziehungen zwischen der Wirtschaft und dem globalen Netz der sie umgebenden sozialen und natürlichen Systeme zu erfassen“.

    Diese von Kapp in immer wieder anderen Formulierungen entwickelte These von der unauflöslichen „Interdependenz ökonomischer, sozialer und natürlicher Systeme“ ist das Fundament, auf dem er seine Kritik der Marktwirtschaft aufbaut. Da die Marktwirtschaft – nach dem Gesetz, nach dem sie angetreten ist – diese Interdependenz weitmöglichst ignoriere, hätten sich seit ihrer Praktizierung zwischen diesen Bereichen „gravierende Unvereinbarkeiten entwickelt, die nicht nur den ökonomischen Prozeß selbst, sondern auch seine gesellschaftliche Reproduktion und das menschliche Wohlbefinden und Überleben bedrohen“.

    Kapps Abqualifizierung der Marktwirtschaft läßt sich so zusammenfassen: Die privatwirtschaftlich sanktionierte Maximierung des Einkommens im freien Spiel der Kräfte begünstigt diejenigen, die ohne Rücksicht auf die Folgen nur den eigenen ökonomischen Erfolg erstreben und geht zu Lasten anderer Marktteilnehmer, insbesondere der Masseneinkommen. Sie schädigt die Gesellschaft und ist – das ist Kapps Hauptvorwurf an die Adresse der Marktwirtschaft – die gewichtigste Ursache für die Zerstörung der Umwelt.

    [...]

    https://www.zeit.de/1987/48/der-markt-und-seine-suenden

    #économie_de_marché #libéralisme_économique #coûts_sociaux #externalités #économie_éco-sociale #alternatives_écomiques #écologie #Karl_William_Kapp

  • Des #experts #CNRS pour les #entreprises

    Pour faciliter les relations entre le monde économique et le CNRS, l’organisme de recherche propose désormais un nouveau #service : #Trouver_un_expert (https://trouverunexpert.cnrs.fr). Explications avec Edith Wilmart, directrice de CNRS Formation Entreprises.

    La Direction des relations avec les entreprises (DRE) du CNRS a lancé au début de l’année un nouveau service, Trouver un expert1, dont vous êtes la responsable. À qui s’adresse-t-il et dans quel but ?

    Edith Wilmart : Il s’agit d’un service destiné aux entreprises (#Start-up, #PME, #grands_groupes), aux services de l’État (#douane, #gendarmerie, #police, #hôpitaux) et aux #collectivités_territoriales. Notre mission est l’identification d’un #expert ou d’une experte correspondant à leurs besoins au sein des 1 100 #laboratoires du CNRS et de ses partenaires. Relevant de la DRE, Trouver un Expert est géré par une équipe composée de scientifiques qui travaillent pour et avec les demandeurs, futurs #partenaires potentiels du CNRS.

    Ce service a connu un véritable succès lors de sa présentation sur des #salons_professionnels tels que #Cosmetic_360 et #Textival et nous nous attendons à plusieurs centaines de demandes cette année. En à peine quelques semaines, nous avons déjà reçu des dizaines de requêtes émanant d’entreprises, que nous avons toutes traitées avec succès. À titre d’exemple, nous avons orienté une PME dans le secteur des cosmétiques vers un laboratoire qui maîtrise parfaitement les oxydes métalliques et leurs impacts sur la santé, ou encore une grande entreprise dans le secteur des dispositifs médicaux vers un chercheur travaillant sur la place du sport dans la société. Nos actions permettront la création de plus d’interactions, notamment avec les PME et les #ETI.

    Comment cela se passe-t-il concrètement ?

    E. W : Les entreprises, services de l’État et collectivités déposent simplement leur demande sur le site internet via un formulaire (https://trouverunexpert.cnrs.fr/faire-une-demande). L’équipe Trouver un expert l’étudie en toute #discrétion, en s’appuyant sur des outils et sur des réseaux internes, dont les chargés de #valorisation des instituts et des délégations du CNRS. Notre équipe de scientifiques est à même de traduire les demandes des entreprises envers les chercheurs et de les affiner si besoin. En moyenne, au bout d’une quinzaine de jours, l’expert ou l’experte identifié et le demandeur sont mis en relation. Si c’est un succès, notre équipe oriente le #tandem ainsi constitué vers la structure de #contractualisation dédiée. Ensemble, ils conviennent du mode d’interaction nécessaire pour mener à bien le projet, via un contrat de #consultance, une #prestation_de_service_intellectuelle ou technique, un #contrat_de_collaboration ou encore une #formation.

    D’où est venue l’idée de créer Trouver un expert ?

    E. W : « Comment fait-on pour travailler avec le CNRS ? » C’est une question qui revient souvent sur les salons de la part des entreprises innovantes. Mais difficile pour elles de s’y retrouver lorsque l’on sait que le CNRS représente 1 100 laboratoires qui couvrent l’ensemble des disciplines scientifiques. Nous apportons une #plus-value, par rapport à un service essentiellement basé sur un moteur de recherche, qui réside dans le traitement au cas par cas des demandes, de manière rapide et efficace. Grâce à la pertinence de l’expert identifié, l’assurance de ses motivations et disponibilités, Trouver un expert propose un service « sur mesure » !

    http://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-experts-cnrs-pour-les-entreprises

    #recherche #mise_en_relation #service_gratuit #gratuité #économie #marchandisation #université #R&D #savoirs #connaissance #France

    #néo-libéralisme

  • La fin du #néo-libéralisme et la renaissance de l’#histoire by Joseph E. Stiglitz - Project Syndicate
    https://www.project-syndicate.org/commentary/end-of-neoliberalism-unfettered-markets-fail-by-joseph-e-stiglitz-2019-11/french

    La forme de #mondialisation prescrite par le #néolibéralisme a laissé les personnes et des sociétés entières dans l’incapacité de prendre en main une bonne part de leur propre destinée, comme l’a expliqué si clairement Dani Rodrik de l’université Harvard et comme je l’affirme dans mes récents ouvrages, Gobalization and Its Discontents Revisited [non encore traduit] et Peuple, pouvoir et profits. Les conséquences de la libéralisation des marchés de capitaux furent particulièrement odieuses : dès lors qu’un candidat à la présidence d’un marché émergent perdait les faveurs de #Wall_Street, les #banques retiraient leur argent du pays. Les électeurs étaient alors placés devant un choix cornélien : céder à Wall Street ou faire face à une grave crise financière.

    On disait aux citoyens ordinaires, même dans les pays riches : « Vous ne pouvez pas mettre en place les #politiques que vous voulez – qu’il s’agisse de protection sociale, de salaires décents, d’impôt progressif ou de système financier correctement régulé – parce que le pays perdra sa compétitivité, que les emplois disparaîtront et que vous souffrirez. »

    Dans les pays riches comme dans les pays pauvres, les élites promettaient que les politiques néolibérales allaient conduire à une croissance économique plus rapide et que les profits allaient ruisseler, de sorte que tout le monde, même les plus pauvres, allait devenir plus riche. Pour y parvenir, il fallait toutefois accepter des salaires plus bas pour les travailleurs et les réductions d’importants services publics pour tous les citoyens.

    Les élites proclamaient que leurs promesses étaient fondées sur des modèles économiques scientifiques et sur des « recherches prouvées ». Eh bien, quarante ans plus tard, les chiffres sont là : la croissance a ralenti, et les fruits de cette croissance sont allés massivement vers l’infime minorité des plus riches. Tandis que les salaires stagnaient et que la Bourse s’envolait, les revenus et le patrimoine s’entassaient bien plus qu’ils ne ruisselaient.

    #dictature

  • Tortura e migrazioni

    As a social relationship of submission whose scope goes beyond those directly affected, torture is still an ongoing practice, widespread everywhere, and this is also due to several processes typical of the neo-liberal era – starting from the policies aimed at the security armoring of society. The essay, which examines the causes and dimensions of torture, inhuman and degrading treatment of migrants, shows how this global phenomenon today has a close link with the worsening conditions of migration, the global war on immigrants, the tightening of migration policies, the stigmatization of immigrants, the rise of institutional racism, the illegalization of migrations, all elements that favor the production of contexts, environments and situations permeable to torture.

    https://edizionicafoscari.unive.it/it/edizioni4/libri/978-88-6969-359-5/tortura-e-migrazioni
    #torture #migrations #livre #néo-libéralisme #sécurité #traitements_inhumains_et_dégradants #guerre_aux_migrants #stigmatisation #racisme #racisme_institutionnel #racisme_d'Etat #illégalisation_des_migrants #Fabio_Perocco

  • Le Classement De Shanghai. L’université Marchandisée
    Livre de #Hugo_Harari-Kermadec

    « Le classement de Shanghai mesure mal la qualité de l’enseignement supérieur…  » « Ce n’est pas aux étudiants d’évaluer les enseignants…  », « Les universitaires n’aiment pas qu’on les évalue… », etc. Seraient-ils corporatistes, recroquevillés sur leurs supposés privilèges ? Et pourquoi les dirigeants et les gestionnaires de l’Université tiennent-ils tellement à donner des notes et à classer (les chercheurs, les enseignants, les laboratoires, les universités...) ? Une vielle habitude d’enseignants ?

    Hugo Harari-Kermadec montre que l’enjeu principal de cette mise en nombre est de préparer la marchandisation de l’Université. Pour produire du Capital humain et s’insérer dans l’#économie_de_la_connaissance, l’Université devrait se transformer en profondeur, et le travail des universitaires devrait changer, coûte que coûte, de forme. Si les #classements et les autres dispositifs de mise en nombre sont aussi importants, c’est parce qu’ils jouent un rôle essentiel pour faire du service public d’enseignement supérieur un nouveau secteur marchand producteur de valeur économique et de profits.

    En saisissant un secteur en cours de marchandisation, Hugo Harari-Kermadec révèle un processus qui s’étend bien au-delà de l’Université, de l’hôpital aux tâches domestiques, des compteurs linky aux bigdata. Il donne une nouvelle légitimité aux résistances face à la mise en nombre et invite à retourner l’arme de la quantification comme instrument d’émancipation.

    http://www.editionsbdl.com/images/files/books/692.96b35a52.png?ts=1574839015
    http://www.editionsbdl.com/fr/books/le-classement-de-shanghai.-luniversit-marchandise/760
    #livre #université #marchandisation #classement_de_Shanghai #profit #valeur_économique #quantification #université_néo-libérale #néo-libéralisme #néolibéralisme #index #Shanghai

  • The Guardian view on university strikes: a battle for the soul of the campus

    The market model in higher education has created an intellectual precariat who are right to fight back.

    https://i.guim.co.uk/img/media/df26bbee42d6d108c24bbfa5e2e7f11f645a1511/0_20_3000_1800/master/3000.jpg?width=620&quality=85&auto=format&fit=max&s=7e84391bcc6ef8f2cc69da

    In his classic work The Idea of a University, the recently canonised St John Henry Newman described the core goal of higher education as “the cultivation of the intellect, as an end which may reasonably be pursued for its own sake”. Most of the lecturers who began just over a week of strike action on Monday will have entered academia hoping to play their part in that noble enterprise. Instead they find themselves in the vanguard of perhaps the most concerted and widespread wave of industrial action that our university campuses have known.

    In February and March last year, staff at 65 universities voted to strike over changes to their pensions, which could have seen many lose considerable sums in retirement. That ongoing dispute is part of the explanation why lecturers are back on the picket line. But this year they are also protesting in large numbers at stagnating pay, insecure contracts, and an ever-growing workload driven by often unachievable targets. An argument that began on the arcane territory of pensions investment has morphed into a full-blown challenge to a marketisation process that has, over the last decade, transformed university life for those who study in it and those who teach in it.

    From 2010 onwards, student tuition fees, introduced by Labour in 1998, became the chosen vehicle for an ideological revolution on campus. Tripling the cap to £9,000, David Cameron’s coalition government launched the era of the student consumer, tasked with shopping around for the best education deal. Universities, faced with huge cuts in funding from Westminster, responded accordingly by diverting huge resources into marketing and upmarket student accommodation. An architecture of competition was built, as limits on student numbers were lifted, pitting institutions against each other via a new bureaucracy of audits, assessments and satisfaction surveys.

    The new emphasis on student experience was overdue and welcome; it gave undergraduates power and voice. But the perverse consequences of the marketisation process have become familiar. Huge levels of student debt built up, to be paid back at exorbitant interest rates by either the student or the taxpayer; a new breed of vice-chancellor emerged, aping the language and drawing the salary of a business CEO, and attended by a court of financial managers and marketing experts. There was a huge diversion of resources to sometimes risky investment in real estate.

    In this brave new world, the almost forgotten fall-guys have been the academics whose job it is to deliver “the product”. According to research by the University and College Union, average academic pay has fallen by 17% in real terms since 2009, as investment priorities have been diverted elsewhere. An intellectual precariat has come of age, made up of millennials who stumble from year to year on temporary contracts, often part-time, wondering where the next teaching gig is coming from. The drive to keep student numbers buoyant has led to relentless micro-management of academic performance, much of it driven by questionable assumptions such as those of the teaching excellence framework, which a recent study found constructed “excellence” as the development of employability in students.

    The world of our universities has become anxious, tense and, for many, chronically insecure. A YouGov poll found that four out of 10 academics had considered leaving the sector as a result of health pressures. In a sector intended to promote the life of the mind, this does not seem to be a good way to do business. So far these strikes have received an encouraging level of support from students, some of whom have reportedly been warned by university authorities to stay away from picket lines. Overturning the wrong-headed priorities of our universities would certainly have the support of St John Henry Newman.

    https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/nov/25/the-guardian-view-on-university-strikes-a-battle-for-the-soul-of-the-ca

    #grève #UK #Angleterre #université #précarité #travail #retraite #néolibéralisme #néo-libéralisme #taxes_universitaires #compétition #marchandisation

  • À hauteur de taudis
    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2019/11/13/hauteur-taudis-desmond

    C’est qu’aux États-Unis les loyers ne sont pas plus accessibles dans les ghettos et ce n’est pas nouveau. « Quand les taudis ont commencé à apparaître à New York au milieu du XIXe siècle, le loyer des pires taudis était de 30 % supérieur à celui que l’on payait dans les beaux quartiers. Dans les années 1920-1930, les loyers des logements délabrés dans les ghettos noirs de Milwaukee et de Philadelphie dépassaient ceux des meilleurs logements dans les quartiers blancs. » Peu à peu, sans que cela soit au centre de l’enquête, s’établit une compréhension des conséquences de la politique américaine du logement : la dérégulation totale du marché locatif par le lobby immobilier, jamais démentie depuis Reagan ; la destruction méthodique des aides sociales par des coupes budgétaires ou par des « contreparties » de travail forcé pour les bénéficiaires ; l’indigence des systèmes d’inspection sanitaire, de justice, de police, d’éducation, de santé, qui place chaque acteur dans une impuissance totale, etc. Les personnes rencontrées par Matthew Desmond lui fournissent la matière (sur)vivante d’un tableau atroce, qui donne chair aux réformes néolibérales des dernières décennies – malgré la prudence de l’auteur qui se refuse à conclure formellement sur la possibilité de généraliser les résultats de l’enquête.

  • La précarité tue, le capitalisme tue, le macronisme tue, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 15 novembre 2019)
    https://blog.mondediplo.net/la-precarite-tue-le-capitalisme-tue-le-macronisme

    Il y a longtemps déjà, Les nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat avait recueilli le témoignage d’un épidémiologiste britannique qui montrait que la différence d’espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres de Glasgow était de… 28 ans. Ce qui au passage mettait ces plus pauvres huit ans en dessous de l’espérance de vie en Inde. Que la précarité tue, c’est donc l’une des propriétés du néolibéralisme les plus sûrement établies. La tragique nouveauté avec l’immolation d’Anas, c’est que des responsables sont désignés par la victime même. Et que ce sont les bons. Sarkozy-Hollande-Macron, c’est-à-dire la continuité indifférenciée des fausses alternances, surdéterminée par les contraintes financières et concurrentielles imposées par la franchise régionale de la mondialisation néolibérale : l’Union européenne. C’est sans doute là le petit dérapage imprévu : quand la violence sociale extrême se répand partout, elle finit par frapper des gens dont le discours sur leur propre malheur n’est plus seulement un pur bloc de souffrance, mais accède à l’analyse de ses causes.

    #capitalisme #néo-libéralisme

    • A propos de Bernard de Mandeville (Source : wikipédia) :

      Arrière petit-fils de Michel de Mandeville, huguenot normand émigré aux Pays-Bas vers 1595, Mandeville étudie la philosophie et la médecine à l’université de Leyde et devient docteur en médecine en 1691, et s’installe en 1693 en Angleterre pour le reste de sa vie.

      Il est connu principalement pour son poème La Fable des abeilles, publié une première fois en 1705 sous le titre The Grumbling Hive, or Knaves Turn’d Honest et réédité et commenté en 1714-1723 sous le titre Fable of the Bees : or, Private Vices, Publick Benefits.

      Il soutient l’idée que le vice, qui conduit à la recherche de richesses et de puissance, produit involontairement de la vertu parce qu’en libérant les appétits, il apporte une opulence supposée ruisseler (hé oui) du haut en bas de la société. Aussi, Mandeville estime que la guerre, le vol, la prostitution, l’alcool et les drogues, la cupidité, etc., contribuent finalement « à l’avantage de la société civile » : « Soyez aussi avide, égoïste, dépensier pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens ».

      Sa philosophie a notamment influencé l’économiste Adam Smith.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fable_des_abeilles

      Et pour celles et ceux qui auraient le courage et/ou le temps de se plonger là-dedans :

      https://journals.openedition.org/ress/843#tocto1n1

      Dans les textes rassemblés dans la Fable des abeilles, Bernard Mandeville a proposé une théorie de l’évolution culturelle en s’inspirant des selfish systems of morals du xviie siècle (La Rochefoucauld, Esprit, Nicole, Bayle…). Il y explique que les gens poussés par les « plus méchants » ont mis sur pied une superstructure morale et juridique qui, en les poussant à collaborer entre eux, a créé et fait progresser la civilisation. Cet article vise d’abord à explorer spécifiquement le rôle joué par les « pires des hommes ». Mandeville a proposé pour ce faire une ingénieuse argumentation théorique à partir de l’idée selon laquelle la plupart des mandatés et mandataires ne cessent pas de chercher à se berner les uns les autres du fait de l’existence entre eux d’asymétries informationnelles.

      #néo-libéralisme #idéologie

  • La bombe néolibérale explose au Chili | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/311019/la-bombe-neoliberale-explose-au-chili

    Ce qui se passe au Chili n’est pas une crise, mais une véritable multicrise qui touche toutes les dimensions de la vie. Une solution politique à cette question n’est pas crédible, car la classe politique fait partie du problème et non de la solution. La société civile est lasse de la culture des satrapes. Les événements, jour après jour, n’arrêtent pas. L’espoir est de construire un Chili solidaire, loin des divisions du néolibéralisme. Le combat continue !

    #chili #Sebastian-Pinera #révolte #libéralisme #néo-libéralisme

  • « ILS NOUS ONT TANT VOLÉ QU’ILS NOUS ONT MÊME DÉROBÉ NOTRE PEUR » : INSURRECTION POPULAIRE AU CHILI 21 octobre 2019

    Le #Chili vit depuis quelques jours un soulèvement insurrectionnel d’une ampleur inédite. Partie de l’augmentation des prix du ticket de métro, la #révolte s’est rapidement généralisée, prenant pour cible le système dans son ensemble – dans un pays qui, depuis le coup d’État mené par Pinochet en 1973, est un laboratoire du #néo-libéralisme le plus féroce et où les inégalités sont parmi les plus fortes au monde. Alors que le gouvernement de droite à décrété l’#État_d’_urgence et instauré un #couvre-feu, alors que les militaires patrouillent dans les rues pour la première fois depuis la fin de la #dictature en 1990, nous avons mené un entretien avec l’un de nos correspondants au Chili pour faire le point sur la situation. Il nous explique les enjeux de l’explosion sociale en cours, sa composition, ses méthodes de lutte et sa résonance avec les soulèvements parallèles en #Amérique_du_Sud.

    L’élément déclencheur du soulèvement, c’est la lutte contre l’augmentation du prix du métro à Santiago. Un journaliste de l’Agence France Presse, toujours aussi fin limier, vient de découvrir que le métro de Santiago du Chili était le plus étendu de toute l’Amérique latine, et que la capitale était surpolluée par les embouteillages. Il serait plus judicieux de dire que ce mouvement, initié par des étudiants, des précaires et des lycéens, est typique de la situation analysée par l’#opéraïsme italien à travers le concept d’#ouvrier_social. Dans une époque où c’est la ville entière qui est devenue une #usine, et donc où c’est l’ensemble de l’espace social urbain qui participe à la production de valeur, il est tout à fait logique que le prix du métro devienne un enjeu radical des luttes. Si l’on pense aux mouvements de ces derniers années en Amérique du Sud, on peut faire la comparaison avec les luttes de 2013 à São Paulo, revendiquant la gratuité du bus dans cette ville. Un peu comme au Brésil, le mouvement a commencé avec un groupe militant indépendant des partis et syndicats ouvriers, et s’est répandu de la capitale aux autres grandes villes de tout le pays. Le plus surprenant, c’est la rapidité de l’extension du mouvement dans le cas chilien. Vendredi, il a pris Santiago. Samedi, il s’est déployé dans toutes les grandes villes du pays, du Nord jusqu’au Sud. (...) Ces formes de luttes contemporaines, où c’est la métropole elle-même qui devient un enjeu politique, sont de plus en plus présentes au Chili depuis ces dernières années. Ce n’est certes pas la première tentative de politisation du « #droit_à_la_ville » qui se passe au Chili, que ce soit à Santiago ou ailleurs. D’autres luttes antérieures ont déjà eu lieu, avec des résultats relatifs. De même, les pratiques émeutières ne sont pas nouvelles ici. Et il faut rappeler le courage des militantes féministes face à la répression policière, que ce soit lors du mouvement féministe de 2018, ou même lors de la marche du 8 Mars de cette année. S’il y a une explosion sociale d’une telle ampleur cette fois-ci, je crois que l’une des raisons se trouve dans les nouvelles formes de luttes, beaucoup plus offensives, qui ont été développées dès le premier jour à #Santiago.

    https://acta.zone/ils-nous-ont-tant-vole-quils-nous-ont-meme-derobe-notre-peur-insurrection-pop

  • Une plongée boursière d’une journée de 48 % ! Une crise financière majeure en Argentine est en train de se produire en ce moment même
    https://www.crashdebug.fr/international/16381-une-plongee-boursiere-d-une-journee-de-48-une-crise-financiere-maje

    Un bureau de change à Buenos Aires, lundi. Les dollars qui, vendredi encore, valaient 45 pesos ont culminé ce jour-là

    à 60. Photo Federico Rotter. NurPhoto

    Nous assistons à un effondrement financier complet et complet en Argentine, et beaucoup craignent que la panique ne commence à s’étendre ailleurs. Quand on s’endette beaucoup trop et qu’on continue à dévaluer sa monnaie, ce genre de chose va inévitablement se produire, et c’est pourquoi je critique sans cesse la voie sur laquelle les États-Unis se trouvent actuellement. Si nous ne faisons pas marche arrière, nous finirons comme eux. Lundi, nous avons assisté à la deuxième plus importante baisse boursière d’une journée que nous ayons connue dans le monde depuis 1950. C’est difficile à croire, mais l’indice boursier (...)

    #En_vedette #Actualités_internationales #Actualités_Internationales

  • La France en marche EP40 épilogue du Homardgate, le grand Téléshopping du 14 juillet _ Studio Crapulax *

    https://www.youtube.com/watch?v=DlJzgoioRIA

    Pour feter les 2 ans de notre chaine, notre antenne revient sur le merveilleux défilé du 14 juillet qui aura permis à notre glorieux monarque de mesurer son imbattable popularité tout en ventant la collection 2019 de l’industrie française de l’armement pour nos richissimes clients étrangers ! Dans cet épisode nous revenons également sur le destin tragique d’un bienfaiteur de l’humanité : François de Rugy, nouvelle victime du populisme galopant !

    Gloire à Maman Brigitte et à la main invisible !
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    Voulez-vous en savoir + ?
    L’ordo libéralisme vous interesse ? « Simple comme l’Europe » est un programme à visionner en famille pour mieux comprendre les enjeux de l’Union Européenne pour les nuls !
    https://www.youtube.com/watch?v=HytVgI6rXkE

    Cinéma : L’attaque des bots Russophiles - un thriller palpitant :
    https://www.youtube.com/watch?v=AW6HIs_5MXI

    Chanson française : venez twister avec le Fringant Gaétan Thomas et son succès au hit parade de la Start-up Nation « Si j’avais un barbouze » !
    https://www.youtube.com/watch?v=ki2DdroIG-Q

    #France #enMarche #néo-libéralisme #ordo-libéralisme #françois_de_rugy #Homard #injustice #populisme #oùeststeve #violences_policières #emmanuel_macron