Après avoir quitté la côte américaine, une partie de l’eau transportée par le #Gulf_Stream (de l’ordre de 20 %) circule, en surface, vers le nord, puis traverse le bassin d’ouest en est vers 50°N. Ensuite elle rejoint soit les mers d’Irminger et du Labrador qui entourent la pointe Sud du Groenland, soit encore plus au nord les côtes norvégiennes.
La chaleur transportée est transférée dans l’atmosphère, surtout en hiver, ce qui rend l’eau en surface plus lourde. C’est pourquoi dans ce parcours, elle a tendance à “couler” en profondeur où elle alimente les courants profonds qui s’orientent en moyenne vers le sud.
Dans l’ensemble, cette circulation occupe tout l’#océan_Atlantique, et s’oriente vers le nord proche de la surface et vers le sud en profondeur, ce qui décrit une boucle de retournement, d’où la dénomination française de circulation de retournement (et en anglais #AMOC pour Atlantic Meridional Overturning Circulation).
Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que cette circulation n’est pas un seul courant, mais une moyenne, une construction mathématique qui regroupe, fusionne plusieurs courants différents dans tout l’Atlantique Nord, dont le Gulf Stream. Sa définition ne s’arrête pas à l’équateur : on la calcule aussi dans l’hémisphère sud et dans tous les autres bassins.
Comment connaît-on ces phénomènes et comment les étudie-t-on ?
Comment observe-t-on le Gulf Stream ?
Le Gulf Stream, courant océanique bien connu des marins depuis le XVIème siècle et dont la température chaude est mesurée dès le XVIIIème par Benjamin Franklin, est observé régulièrement par des navires océanographiques depuis bientôt un siècle. On mesure son intensité en continu grâce à un câble sous-marin entre la Floride et les Bahamas depuis les années 1980. On l’observe par satellite depuis les années 1990. La situation n’a rien de comparable pour la circulation de retournement…
Comment observe-t-on la circulation de retournement ?
Depuis 2004, un ensemble d’instruments océanographiques sont disposés le long d’une ligne imaginaire qui relie la côte Est des États-Unis à l’Afrique à la latitude 26°N, de la surface jusqu’au fond de l’océan. Cette section océanographique permet de mesurer en continu l’intensité de la circulation de retournement.
Parce que ces observations directes restent peu nombreuses, les océanographes ont beaucoup recours aux modèles numériques pour étudier la circulation de retournement et ses impacts. Ces outils, basés sur la mécanique des fluides, les mathématiques et les sciences du calcul intensif, permettent de réaliser des expériences virtuelles pour tester des hypothèses (quel serait l’impact sur le climat en Europe d’un arrêt de la circulation de retournement ?) et tenter de reproduire les océans actuels, passés et futurs.
Enfin, les paléo-océanographes essaient de reconstruire les fluctuations de la circulation de retournement en utilisant des mesures indirectes de son intensité, estimées à partir de divers prélèvements sédimentaires terrestres et marins.
Historiquement, on pensait que la circulation de retournement était entraînée presque exclusivement par les contrastes, liés à la température et la salinité (d’où la dénomination de circulation “thermohaline”). On sait maintenant que d’autres processus physiques l’influencent, comme le vent et le mélange océanique.
On sait aussi, notamment grâce aux modèles numériques et aux mesures directes récentes, qu’elle fluctue beaucoup d’un mois sur l’autre, d’un an sur l’autre, d’une décennie sur l’autre, d’un siècle sur l’autre… et que ces fluctuations peuvent être déclenchées par de nombreux processus différents (parmi lesquels la fonte du Groenland, mais pas que…).
L’un des courants marins les plus complexes au monde
Le Gulf Stream est également lui-même un des courants marins les plus complexes au monde car sous influence de multiples processus. La circulation de retournement hérite de cette complexité. Mais en tant que construction mathématique qui fusionne plusieurs courants marins dont le Gulf Stream, elle est aussi influencée par d’autres processus océaniques.
On entend parfois que la circulation de retournement n’existe pas car les mesures RAPID à 26°N ne correspondent pas à celles prises plus au sud ou plus au nord. Ces différences, au contraire, illustrent bien que la circulation de retournement n’est pas un simple tapis roulant qui connecte l’océan Atlantique du sud au nord, comme des représentations simplifiées de l’océan ont pu le laisser à penser.