Il n’y aura pas de paix dans cette région par des traités […] Mon but est d’exterminer complètement les Sioux si j’en ai le pouvoir et même si cela nécessite de mener campagne durant toute l’année prochaine. Détruisez tout ce qui leur appartient et chassez-les dans les plaines, à moins que, comme je le suggère, vous puissiez les capturer. Ils doivent être traités comme des fous ou des bêtes sauvages et en aucun cas comme des personnes avec lesquelles des traités ou des compromis peuvent être conclus.
lettre du général John Pope à Henry Sibley, le 28 septembre 1862
▻https://www.usdakotawar.org/history/aftermath
citée dans…
Nommer ce qui s’est passé cet été de 1862 est aujourd’hui complexe. Le XXe siècle avait imposé deux termes quasi synonymes : « outbreak » et « uprising », que l’on peut traduire par « révolte » ou « soulèvement » en leur accolant en général le terme de « Sioux ». D’autres solutions avaient des difficultés à émerger, telle la « Minnesota Indian War of 1862 ». Mais en 2012, en même temps que les États-Unis dans leur ensemble commémoraient la guerre de Sécession, le Minnesota devait revenir sur son histoire propre. La grande exposition organisée à la Minnesota Historical Society s’intitulait « The US-Dakota War of 1862 ». Il s’agit désormais de penser deux adversaires à part égale et de ne pas globaliser en « Sioux » ce qui ne concerne qu’une partie d’entre eux. Mais l’appellation est à double tranchant car elle occulte la dissymétrie du conflit : ce n’est pas une guerre entre égaux qui commence en 1861-1862 mais bien un soulèvement d’opprimés dans un contexte colonial. Et la nommer « Dakota War » comme ce fut le cas très récemment, ne change rien à l’affaire : Gary Clayton Anderson refuse, dans un ouvrage majeur, le terme d’« outbreak » puisque, dit-il, il s’agissait « d’un conflit sanglant qui s’est transformé en guerre totale ». Mais celle-ci n’a duré que six semaines, et encore les morts se comptent-ils surtout dans les quatre à cinq premières semaines. Ce n’est pas nier l’importance de l’événement que de revenir à l’idée d’un soulèvement mais bien mettre l’accent sur l’agentivité des Dakotas qui se révoltent contre le processus colonial comme sur la brièveté de l’affaire et la violence de la répression.
in Nouvelle histoire de l’Ouest. Canada, États-Unis, Mexique, (fin XVIIe-début XXe), Soazig Villerbu, Passés/Composés, 2023
Passés / Composés
▻https://passes-composes.com/book/383
Le grand récit de l’Ouest américain recèle sa part de mythe, forgé par un discours nationaliste et une culture western diffusée massivement par le cinéma et la bande dessinée. L’Ouest y est synonyme de ruées vers l’or, de pionniers héroïques, d’affrontements entre cowboys et Indiens, d’étendues désertiques à conquérir. Sans s’y soustraire, Soazig Villerbu corrige la légende et propose, avec détails et nuances, une nouvelle histoire de l’Ouest.
Quand commence cette histoire, à la fin du XVIIIe siècle, l’Ouest est avant tout une frontière, un espace de projets et de projections, où individus et société se construisent quand les corps politiques y envisagent leur avenir, où l’échec n’est jamais loin et où la réussite peut se révéler partielle ou éphémère. Il n’y avait rien, dans les annés 1770, qui annonçait comme inévitable l’histoire des cent-cinquante années suivantes, il n’y eut pas une trajectoire linéaire de cet espace partagé entre empires coloniaux et puissances indiennes, rien qui laissait présager les trois États-nations (Canada, États-Unis et Mexique) qui, au début du XXe siècle, apparaissent nettement dessinés sur les cartes du continent. Il y est donc question de rencontres, de conflits et de faux départs, d’Indiens, de métis et de colons, de chasse au bison, de pêche au saumon et de commerce de fourrures, de transcontinentaux, de parcs nationaux et de réserves, mais aussi de déplacements de populations, d’épidémies et de génocide culturel. Autant d’histoires, de légendes et de parcours qui font la richesse de ce Far West.