Merci de ce long commentaire !
On est en effet en pleine guerre de propagande et les thuriféraires qui, conscient ou pas, apportent leurs brandons sur le tas de fagots et qui se mettront à l’abri quand l’incendie éclatera me font vomir.
J’espère encore que ça n’éclatera pas, mais l’horizon est bien bouché.
Pour la propagande, j’ai des références similaires aux vôtres. • mon père, très proche, sur la fin de sa vie de la théologie de la libération et d’opposants aux dictatures sud-américaines, était resté profondément marqué par le siège de l’Alcazar. Dans sa campagne, la vision du monde extérieur était transmise par l’église catholique ; j’imagine qu’il a dû se rêver en défenseur de la foi contre les épouvantables athées…
• ma tante a vécu à New-York les touts débuts de l’ONU dans l’immédiat après-guerre et à rapporté de son séjour et de sa confrontation avec le racisme et le maccarthysme une haine pour tout ce qui est états-unien dont l’intensité contribue à maintenir son énergie vitale…
En 1939, l’Union soviétique a bougé en Pologne.
Pour y protéger les populations ukrainienne et biélorusse persécutées par les polonais… On sait la place qu’occupe cet épisode dans la conscience polonaise (Katyn), on connait (un peu) l’occupation des pays baltes l’année d’après, on ne parle quasiment jamais de celle-là ni du ménage qui y a été fait, en particulier juste avant l’évacuation en juin 1941.
Je ne crois pas que ce soit un hasard si les régions les plus anti-russes d’aujourd’hui correspondent assez précisément à ces zones ainsi « protégées ». Contrairement à la Pologne où la demande de reconnaissance des massacres a été un de ses premiers actes lorsqu’elle a récupéré sa souveraineté, il n’y a rien eu de tel pour cette région.
C’est aussi cela qui s’exprime quand les jeunes gens qui défilent sous l’écusson de la division SS Galicie qualifient de Héros de la liberté les hommes de cette époque. Les options étaient limitées entre le marteau nazi et l’enclume soviétique. La victoire soviétique a verrouillé tout cela dans le noir et blanc en nazifiant toute opposition anti-soviétique. La disparition du couvercle qui bouclait cette marmite n’a pas changé grand chose, les apparatchiks qui se sont succédés étant plus préoccupés par l’état de leurs affaires.
Ça a bougé un peu quand, avec la montée des tensions et l’exacerbation des luttes de clan, les politiques ont commencé à remuer ce passé. Qu’on songe à l’aller et retour sur le statut de Bandera, proclamé héros de l’Ukraine en janvier 2010 par Iouchtchenko avant d’en être déchu un an plus tard par Ianoukovitch. (cf. ▻http://seenthis.net/messages/231525 avec quelques liens)
De l’autre côté du Dniepr, on se souvient plutôt de Vatoutine, défenseur de Stalingrad, mort des suites d’une blessure dans une embuscade de l’UPA (branche militaire de l’OUN Bandériste)
Cf. le policier de Donetsk cité par @azrael3fr ▻http://seenthis.net/messages/246298
À Lviv, la police a les mêmes convictions que le peuple. C’est leur peuple. Ils sont comme leur peuple. Et nous, nous sommes comme notre peuple à nous. Ici, au Donbass, nous n’avons rien de commun avec Lviv – la seule chose qui nous unisse encore, c’est le pays. C’est bien Vatoutine qui a libéré ma ville, n’est-ce pas ? [général soviétique, combattant de la Seconde Guerre mondiale, ndlr]. Et six mois plus tard, il était assassiné par les soldats de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne. Là-bas, à Lviv, leurs héros, ce sont ces soldats de l’Armée insurrectionnelle ; mais pour moi, c’est Vatoutine, le héros. Cet homme qui commandait l’Armée rouge et qui a libéré ma ville des fascistes. Que voulez-vous que nous ayons en commun avec les gens de Lviv ? Nous avons une histoire et une culture différentes. D’ailleurs, en réalité, le Donbass n’a pas de culture.
Je ne me souviens plus où j’ai vu la version occidentale de cette mémoire, où l’inscription sur la statue de Vatoutine avait été complétée par un graffiti : De la part de l’Ukraine à Vatoutine trois balles.