À propos de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle, d’Erik Olin Wright. Laurent Jeanpierre : « Former un engrenage socialiste »
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(...) Laurent Jeanpierre n’est pas le porte-parole de Wright, il s’avance toutefois comme l’un de ses introducteurs dans le champ francophone. Il publie et signe ainsi la postface de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle , dans la collection qu’il dirige aux éditions La Découverte. En prolongeant sa pensée, Jeanpierre invite à réinvestir la notion matricielle de « socialisme » en vue d’en finir avec la domination capitaliste. Le socialisme comme lieu de cohabitation, fût-elle houleuse, et de combinaison des trois courants historiques de l’émancipation : le communisme, l’anarchisme et la social-démocratie originelle.
« Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Cette célèbre phrase de Samuel Beckett résume, dites-vous, un certain état d’esprit de la gauche radicale. Erik Olin Wright n’y adhérait pas. Qu’est-ce qui l’en distingue ?
Si j’ai employé cette phrase dans le commentaire que j’ai proposé en postface de son ouvrage, c’est en effet parce que les élaborations de Wright depuis 20 ans tranchent avec une constellation mentale ou affective qui me semble pesante dans la gauche anticapitaliste — et qui s’est, donc, parfois manifestée en empruntant à Cap au Pire de Samuel Beckett. Cette méditation sur l’échec est effectivement apparue ces dernières années sous diverses plumes, pourtant assez éloignées idéologiquement les unes des autres : aussi bien, par exemple, chez Slavoj Žižek qu’autour du Comité invisible. Wright ne part pas de ce fond commun partagé de la « mélancolie de gauche », qui entrave bien souvent, même si elle a aussi sa puissance, la possibilité d’une réflexion stratégique au sujet des conditions actuelles et réelles, et non pas idéales ou passées, d’un dépassement bénéfique du capitalisme.