Preuves habituellement récusées
Ces photos de qualité souvent médiocre, pour la reconnaissance formelle des visages en tout cas, n’étayent qu’une présomption de corpulence similaire, une similitude de vêtements et encore.
« Ces photos sans origine, sans fichier source, ne seraient pas acceptées dans une procédure habituelle », ajoute Me Stéphane Vallée, soulignant le manque manifeste de ce que les juristes appellent la « loyauté de la preuve » prévu par le code de procédure pénale, ce qui ne permet pas une défense équitable.
Mercredi 16 juillet, Grégoire comparait sur la foi de photos mais cette fois, le doute sur l’origine est censé avoir été levé par un rapport d’expert judiciaire demandée par la juge. « Une expertise extrêmement sérieuse, dit le procureur. Elle a coûté 4 500 euros et comporte 45 pages ! ».
Le problème, c’est qu’une bonne partie de ces pages ne fait que décrire ce que montrent les images, donne des éléments d’interprétation repiquées de fiches wikipedia - et surtout, il manque l’essentiel, « l’horodatage ou time code, cette incrustation dans la mémoire de tout fichier numérique, qui donne le jour et l’heure de la prise de vue », relève Me Hugo Levy, avocat de la défense.
Il s’interroge aussi sur la qualité de cet « expert en traitement des images » qui utilise des recoupements d’identification par le relevé des circonvolutions des lobes d’oreilles, « une technique qui ne se pratique plus dans la police depuis les années 1920 ».
Quand le journal Ouest-France donne des photos à la police
Du travail de l’expert, on n’obtient que les sources, deux vidéos publiées sur internet et donc libres d’accès, des clichés policiers et, plus étonnant, des photos fournies par la rédaction de Ouest-France, sans qu’on ne trouve trace ni de réquisition, ni de procès verbal de réception de ces photos non publiées par le quotidien.
L’absence de trace de l’arrivée de ces pièces dans un dossier à charge, pour un avocat, est une question rédhibitoire. « C’est un des principes fondamentaux du droit pénal. Tout acte de police judiciaire doit figurer au dossier. C’est le seul moyen de s’assurer de la légalité des enquêtes et de l’absence d’arbitraire », ajoute à l’audience son confrère Hugo Levy.
Mais d’une photo à l’autre, l’individu dont l’expert assure formellement que c’est la même et seule personne, passe de vêtements noirs à un pull gris, porte des casquettes différentes alors que la longueur des cheveux diffère… Le procureur réclamait un an ferme, la juge l’a condamné à dix-huit mois dont six avec sursis.