Un nouveau volet s’ouvre dans le dossier des Antilles empoisonnées au chlordécone. Les députés ont adopté en première lecture, le 29 février, une proposition de loi reconnaissant symboliquement la « responsabilité » de l’État, et visant à indemniser les victimes.
Le chlordécone est un insecticide très toxique, qui a été utilisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, alors que ce produit avait été qualifié de « cancérogène possible » dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé. Faisant fi de ces alertes, la France ne l’a interdit qu’en 1990. Il a même été utilisé en Guadeloupe et en Martinique jusqu’en 1993, à cause de dérogations signées par les ministres de l’Agriculture de l’époque.
La proposition de loi reconnaissant la responsabilité de l’État, portée par le député de Guadeloupe Elie Califer, a été votée à l’unanimité des 101 votants. Les députés de la majorité se sont abstenus. Le texte va désormais être transmis au Sénat.
Toxique pour le système nerveux, reproductif et hormonal
La responsabilité pénale de l’État avait précédemment été discutée devant le tribunal. Après de nombreuses années de bataille judiciaire, le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Paris avait finalement signé une ordonnance de non-lieu, le 2 janvier. Il avait certes reconnu un « scandale sanitaire », mais avait estimé qu’il était trop difficile de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés ».
En 2019, une expertise pesticides et santé de l’Inserm a conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition de la population au chlordécone et le risque d’apparition d’un cancer de la prostate. Reconnue comme perturbateur endocrinien, la molécule est aussi toxique pour le système nerveux, reproductif, hormonal et le fonctionnement de plusieurs organes. D’après une étude de Santé publique France, plus de 90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais adultes sont aujourd’hui contaminés au chlordécone.