La plupart du temps, un texte n’est pas fait pour être lu à l’oral. Donc la question piégée qui consiste à demander « mais comme ça se lit votre truc ? » n’a même pas lieu d’être. Quand mes yeux voient imprimé le mot « tou⋅te⋅s », je ne le prononce pas à l’oral dans ma tête. Je le considère d’emblée comme signifiant « tout le monde, filles et garçons mélangé⋅e⋅s ».
À l’oral, il est souvent possible de prendre plus de temps et de dire « venez toutes et tous à notre manifestation ».
Le fait de modifier certaines formulations ne change pas la société comme ça en claquant dans les doigts, mais c’est un signe d’inclusion forte et explicite lorsqu’il est utilisé par des hommes à destinations des femmes (dans l’autre sens aussi mais c’est moins fort).
Cela signifie très explicitement : notre réunion est peut-être organisée par des hommes, mais nous appelons clairement tout le monde — oui y compris vous les femmes ! (ou ceux qui se considèrent comme femmes) — à venir participer aussi.
Pourquoi se priver d’être explicitement inclusif quand on est un homme qui invite « tout le monde » ?
Quand on sait le pourcentage de femmes dans plein de milieu, logiciel libre, réunions politiques, etc, et bien obligatoirement le fait de n’écrire qu’au masculin décrit effectivement la réalité du terrain.
À l’inverse, le fait de marquer explicitement des ajouts, des préfixes, destinées aux femmes, est donc un geste politique qui fait très concrètement bouger des choses dans les têtes de certaines femmes qui le lisent : elles se sentent invitées aussi de manière explicite (je répète ce mot inlassablement car c’est important), sans devoir réfléchir et se demander si oui ou non elles doivent se considérer comme invitées lorsque c’est masculin.
Car c’est aussi ça la culture pernicieuse et que n’ont jamais à subir les hommes, fussent-il pour l’égalité : se demander en permanence si on est légitime à participer à une action.
Un homme, qu’il lise « tous » ou « tou⋅te⋅s », par défaut se sentira toujours légitime pour venir et participer à une action. Ce n’est donc pas à des hommes qu’il faut demander l’avis si c’est bien ou pas d’utiliser ça. Ce sont aux femmes de dire si, lorsqu’elles lisent ces textes, elles se sentent « mieux invitées » qu’avant. Pour moi, l’avis d’un homme n’est pas pertinent sur ce sujet-là, car ce geste n’est pas destiné à l’aider lui.
Par ailleurs, le fait @ankh que TU considères que les féministes te considèrent comme un ennemi est assez révélateur de ton incompréhension du féminisme. Il faut quand même remarquer qu’à peu près aucune féministe n’a jamais dit ou écrit cela (ça doit arriver mais c’est très rare), alors qu’au contraire, ceux qui emploient le mot « ennemi » et font des assimilations à des logiques guerrières sont souvent des hommes ne comprenant pas le féminisme.
Les féministes ne considèrent pas les hommes comme des ennemis, mais en revanche elles considèrent presque toujours les hommes comme étant moins pertinents et moins légitimes lorsqu’ils parlent des problèmes des femmes. Cela n’a rien à voir avec être contre les hommes.