marielle 🐱

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • « La gauche devrait arrĂȘter de se focaliser sur la prise du pouvoir par les urnes »
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    AprĂšs quatre annĂ©es de macronisme, un an de pandĂ©mie, et une banalisation des diatribes autoritaires ou d’extrĂȘme droite, notre dĂ©mocratie est bien malade. Le chercheur en science politique Samuel Hayat imagine des remĂšdes de guĂ©rison.

    Le caractĂšre oligarchique du rĂ©gime, c’est-Ă -dire l’unitĂ© fondamentale des gouvernants malgrĂ© la mise en scĂšne de leurs divisions, se voit moins quand on a l’illusion d’une concurrence entre partis ayant des projets politiques diffĂ©rents. DĂ©sormais, du fait de l’affaiblissement de toutes les forces d’opposition et de la situation sanitaire, il rĂšgne en surface une sorte d’unanimitĂ©, qui rend visible le fait oligarchique. C’est d’autant plus frappant qu’avec cette crise, le pouvoir n’a jamais Ă©tĂ© autant en reprĂ©sentation. La parole gouvernementale est omniprĂ©sente dans les mĂ©dias. Nous avons passĂ© une annĂ©e suspendus Ă  la parole du Prince, qui joue l’épidĂ©miologiste en chef. S’ajoute Ă  cela l’intensitĂ© du mĂ©pris que le pouvoir a pour la sociĂ©tĂ©, quand elle rĂ©siste Ă  ses projets – je pense mĂȘme qu’il y a une mise en scĂšne de ce mĂ©pris. Cette mĂ©thode de gestion extrĂȘmement brutale peut susciter de l’abattement et de la sidĂ©ration. C’est par exemple ce qui domine aujourd’hui dans l’enseignement supĂ©rieur et la recherche, depuis le mouvement assez fort des universitaires contre les rĂ©formes imposĂ©es l’annĂ©e derniĂšre. Ce sont des mĂ©tiers qui, par leur caractĂšre plutĂŽt bourgeois, avaient l’habitude d’ĂȘtre pris en considĂ©ration par le pouvoir. Cette fois, le pouvoir n’en a eu strictement rien Ă  faire : il a passĂ© ses rĂ©formes en utilisant l’urgence sanitaire, et en faisant fi de la contestation...

    ... Ce que nous avons tous et toutes en commun dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, ce sont des droits. Ces droits sont plus ou moins respectĂ©s ou rĂ©alisĂ©s selon les personnes, et leur situation de classe, de genre, de race. Prendre parti c’est donc s’organiser entre personnes pour que ces droits deviennent vĂ©ritablement effectifs. Cela peut prendre de nombreuses formes : se rassembler en tant que travailleurs pour un revenu dĂ©cent, entre habitants d’un mĂȘme type de quartiers pour une politique de la ville plus Ă©galitaire, s’associer entre femmes pour organiser la lutte contre des violences sexuelles et sexistes... Ces personnes vivent des situations qui ne sont pas forcĂ©ment communes Ă  toute la sociĂ©tĂ©. Ce qui est commun, c’est l’horizon gĂ©nĂ©ral de la rĂ©alisation de ces droits.

    Il faut faire accepter cela aux pouvoirs, politiques, Ă©conomiques ou mĂ©diatiques, car dĂšs que des gens se rassemblent, ces pouvoirs crient au sĂ©paratisme ! C’est un paradoxe extraordinaire quand on sait que cette idĂ©e de sĂ©paration est Ă  la base de la puissance du mouvement ouvrier : Ă  la fin du 19Ăšme siĂšcle, des pamphlets appelaient les ouvriers Ă  s’organiser de maniĂšre sĂ©parĂ©e du reste de la sociĂ©tĂ©, en particulier de la bourgeoisie. Aujourd’hui c’est quelque chose qu’on veut rendre illĂ©gal.

    Comment analysez-vous dans ce contexte, les rĂ©centes tribunes de gĂ©nĂ©raux en retraite, l’activisme de certains syndicats policiers d’extrĂȘme droite et les propos de ceux, Ă  droite, qui laissent planer la menace d’une guerre civile ?

    DĂšs que des gens s’organisent pour que leurs droits soient reconnus, des forces rĂ©actionnaires s’organisent pour nier ces droits, pour prĂ©senter ces revendications comme un danger pour l’ordre social. Il faut bien voir que nier les droits de certains, c’est maintenir les privilĂšges pour d’autres. Tout le problĂšme est que ces poussĂ©es rĂ©actionnaires peuvent agrĂ©ger beaucoup de monde, tous ceux qui pensent, Ă  tort ou Ă  raison, avoir quelque chose Ă  perdre aux transformations qui rĂ©sultent nĂ©cessairement d’une extension de leurs droits Ă  des groupes qui en Ă©taient jusque lĂ  exclus, officiellement ou non. D’oĂč l’importance, pour les dominĂ©s, de faire front contre ces forces.