Mangez les riches, ou la lutte des classes dans lâassiette et lâ#alimentation
â»https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/he-les-pauvres-vous-pouvez-pas-apprendre-a-preparer-un-curry-vege-au-lieu-de-vo
N. B. : La prĂ©somption dâincompĂ©tence des pauvres est omniprĂ©sente : ils sont accusĂ©s de ne pas savoir gĂ©rer leur budget et dâĂȘtre dĂ©pourvus de connaissances diĂ©tĂ©tiques. Ămerge alors la notion de « bon pauvre » : celui qui ne fume pas, fait du jogging autour de sa barre dâimmeuble, ne sâachĂšte pas dâĂ©cran plat avec son allocation de rentrĂ©e scolaire, et mange des carottes et du thon en conserve. LâidĂ©e implicitement colportĂ©e, câest que nous ferions mieux quâeux : regarder le prix au kilo, acheter en gros etc. Cela est particuliĂšrement visible depuis lâinflation, qui conduit la classe politique Ă venir « richesplainer » (ndlr : donner une explication avec condescendance Ă une personne pauvre) en plateau comment aider les gens Ă acheter, Ă manger. Rares sont ceux Ă dĂ©fendre la revalorisation des salaires et des prestations sociales ; la plupart des politiques plĂ©biscitent les chĂšques alimentaires (Ă lâinstar des fameux food stamps amĂ©ricains) permettant de se procurer uniquement de la nourriture. Aux Ătats-Unis, le mĂ©pris de classe va encore plus loin. En 2015, le sĂ©nateur amĂ©ricain rĂ©publicain Arthur Delaney sâoffusquait de voir des pauvres « se payer des filets de bĆuf et des pattes de crabe », et suggĂ©rait dâexclure cookies, chips, jus de fruits, sodas, steaks, coquillages et crustacĂ©s de lâĂ©ligibilitĂ© aux coupons. En plus dâĂȘtre punitive, cette ambition propage plusieurs idĂ©es : la nourriture ne serait que fonctionnelle, une somme de nutriments absorbĂ©s, et non un rituel culturel, gourmand et traditionnel ; tout le monde devrait manger la mĂȘme chose et sâastreindre Ă la mĂȘme ambition morale de se nourrir sainement.