marielle 🐱

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • sur les agriculteurs « intimidĂ©s ». Toujours les mĂȘmes mensonges pour criminaliser et justifier la rĂ©pression. DĂ©bunkage đŸ§¶

    ▻https://threadreaderapp.com/thread/1798061717869789355.html

    👉 PremiĂšrement, l’#A69 n’est pas massivement soutenue par la population locale, bien au contraire : elle s’y oppose franchement (61%) et demande l’organisation d’un rĂ©fĂ©rendum local (82%).
    L’#A69 ne sert pas le bien public ou Ă  « dĂ©senclaver » Castres, mais Ă  gĂ©nĂ©rer de juteux profit pour ses promoteurs (au premier rang @PierreFabre), avec l’aide de l’État et de la rĂ©gion - dont @CaroleDelga soutien infaillible de ce projet et qui n’a jamais dĂ©noncĂ© la rĂ©pression.
    Ces petits arrangements au sein de la bourgeoisie locale et conflits d’intĂ©rĂȘts ne passent pas inaperçus et ont fait l’objet de nombreuses enquĂȘtes journalistiques.
    👉 DeuxiĂšmement, les recours juridiques sont loin d’ĂȘtre purgĂ©s. Actuellement, on compte : des recours au fond dont le jugement est attendu pour fin 2024, 5 requĂȘtes administratives et 4 plaintes au pĂ©nal. Les promoteurs et l’État passent donc en force.
    👉 TroisiĂšmement, sur les saisies d’armes, il s’agit d’une technique fallacieuse employĂ©e systĂ©matiquement pour criminaliser les manifestants.
    Cela consiste à réaliser de trÚs nombreux contrÎles de véhicules, avec des réquisitions trÚs large sur une vaste zone et plusieurs jours avant la manif.
    Ainsi, le moindre outil (hachette, marteau), bidon d’essence, boule de pĂ©tanque trouvĂ© dans les vĂ©hicules des conducteurs non avertis de ses contrĂŽles sera comptabilisĂ© comme « arme par destination » et pris en photo par la prĂ©fecture afin de nourrir son rĂ©cit criminalisant.
    Exemple Ă  Sainte-Soline, en mars 2023 : 24 010 contrĂŽles de vĂ©hicules, pour 62 couteaux, 67 boules de pĂ©tanque, 13 haches, 5 matraques saisies entre le 18 et le 24/03, en zone rurale et sur plusieurs dĂ©partements.

    Si des agriculteurs sont bien « intimidĂ©s », c’est par la police qui les traquent et harcĂšlent ceux qui osent s’opposer aux expropriations, aux centaines d’ha bĂ©tonnĂ©s, aux exploitation coupĂ©es en deux, etc.

    Alors, face Ă  ce projet catastrophique et injuste, face aux intimidations du vilain Darmanin, ce weekend rejoignons massivement la mobilisation « Roue libre » et faisons que le Tarn se soulĂšve !

  • Christian Porta soumis Ă  un « interrogatoire politique » Ă  la gendarmerie : une intimidation grave
    ▻https://www.revolutionpermanente.fr/christian-porta-soumis-a-un-interrogatoire-politique-a-la-genda

    Une criminalisation de l’activitĂ© syndicale telle que le procureur de la RĂ©publique a mĂȘme dĂ» intervenir pour empĂȘcher la garde Ă  vue prĂ©vue pour le syndicaliste, transformĂ©e en audition libre pendant deux heures dans les locaux des forces de rĂ©pression. Une rĂ©pression dĂ©lirante qui vient prolonger l’offensive subie depuis fĂ©vrier par Christian Porta. Si la direction Ă©tait dĂ©jĂ  coutumiĂšre des mesures policiĂšres, n’hĂ©sitait pas Ă  intimider les travailleurs au sein de l’entreprise, appelant dans un tract les travailleurs solidaires de Christian Porta Ă  « se manifester pour discuter de leur sortie hors de l’entreprise dans les meilleurs dĂ©lais », et avait dĂ©jĂ  fait appel Ă  la gendarmerie pour empĂȘcher le syndicaliste, en fĂ©vrier, d’accĂ©der au site de l’usine pour remplir ses devoirs syndicaux, elle semble prĂȘte Ă  tout pour en finir avec le syndicaliste et sa section syndicale.

    Face Ă  cette atteinte grave aux libertĂ©s syndicales, le syndicaliste dĂ©nonce, Ă  la sortie de l’entretien, l’implication de la gendarmerie dans la campagne d’intimidation orchestrĂ©e par la direction d’InVivo et son DRH, SĂ©bastien Graff : « Aujourd’hui, la gendarmerie m’a dit qu’elle Ă©tait neutre. Mais c’est moi qui ait dĂ» donner mes empreintes, pas mon patron alors qu’il a Ă©tĂ© signalĂ© par la justice. C’est Ă  ma porte que vient la gendarmerie le matin pour me menacer de garde-Ă -vue alors qu’il n’y a aucun Ă©lĂ©ment matĂ©riel qui justifie cela. C’est ça la neutralitĂ© de la gendarmerie : alors mĂȘme que la justice dit que je dois ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ©, la gendarmerie est Ă  chaque fois derriĂšre la barriĂšre avec ma direction, elle prenait la carte d’identitĂ© des Ă©lus du personnels qui rentraient dans l’usine et bloquait les grĂ©vistes alors qu’elle ne l’a jamais fait avec la direction ».

    En rapport avec : ▻https://seenthis.net/messages/1056346

  • Les couleurs de la Palestine font leur retour Ă  l’AssemblĂ©e
    ▻https://contre-attaque.net/2024/06/04/les-couleurs-de-la-palestine-font-leur-retour-a-lassemblee
    ▻https://video.twimg.com/ext_tw_video/1797992831627190272/pu/vid/avc1/320x320/H3tzqAgX8wiViX5i.mp4?tag=12

    Un premier Ă©pisode, scandaleux, avait eu lieu il y a une semaine, le 28 mai. Alors qu’il Ă©tait question, lors de dĂ©bats parlementaires, des ventes d’armes de la France Ă  IsraĂ«l, pays mis en cause par la justice internationale dans le cadre d’une procĂ©dure pour gĂ©nocide, le dĂ©putĂ© Insoumis SĂ©bastien Delogu avait brandi un drapeau palestinien.

    Le dĂ©putĂ© de gauche avait immĂ©diatement reçu la plus haute sanction prĂ©vue par le rĂšglement de l’AssemblĂ©e : une exclusion temporaire durant 15 jours et le retrait de la moitiĂ© de l’indemnitĂ© parlementaire pendant deux mois. « Il s’est rendu coupable de provocation envers l’AssemblĂ©e nationale », avait estimĂ© YaĂ«l Braun-Pivet, prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e connue pour son « soutien inconditionnel » Ă  IsraĂ«l.

    Ce mardi 4 juin, les dĂ©putĂ©s insoumis ont imaginĂ© un pied de nez : venir habillĂ©s en tenues vertes, rouges et blanches, pour figurer les couleurs de la Palestine directement dans l’hĂ©micycle.

    Dans la foulĂ©e, la dĂ©putĂ©e Rachel Keke, qui est entrĂ©e en politique par le combat syndical hĂ©roĂŻque des femmes de chambre de l’hĂŽtel Ibis en 2019, a brandi le drapeau palestinien. Ce qui a Ă  nouveau mis hors d’elle YaĂ«l Braun-Pivet, qui a de nouveau administrĂ© la sanction la plus lourde Ă  la dĂ©putĂ©e. Une scĂšne ubuesque : le parti au pouvoir va-t-il exclure tous les Ă©lus qui critiquent le gĂ©nocide commis par IsraĂ«l ?

    Rappelons que le gouvernement Macron est celui qui a le plus piĂ©tinĂ© le pouvoir lĂ©gislatif : jamais autant de 49.3, mesure d’exception qui permet de se passer du vote du Parlement, n’avaient Ă©tĂ© utilisĂ©s sous la 5Ăšme RĂ©publique. Jamais autant de sanctions n’avaient visĂ© les dĂ©putĂ©s. Jamais le premier groupe d’opposition n’avait Ă©tĂ© autant puni et menacĂ©.

    À ce rythme lĂ , il ne restera bientĂŽt plus que les fascistes et les macronistes Ă  l’AssemblĂ©e
 qui ne forment en rĂ©alitĂ© qu’un seul et mĂȘme groupe, celui de la bourgeoisie radicalisĂ©e.

  • Les grĂšves se portent bien et marchent fort
    ▻https://www.frustrationmagazine.fr/greves

    On entend souvent dire que la grĂšve est un mode d’action dĂ©passĂ©, rĂ©servĂ© Ă  un temps ancien. Pourtant, ces derniĂšres annĂ©es, leur nombre a augmentĂ© en France. Ailleurs dans le monde, elles restent le moyen qui permet le mieux d’obtenir du progrĂšs social. Outil majeur de la lutte des classes, la grĂšve fonctionne : ce [
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    • Et Ă  raison, car les chiffres sont lĂ  : une Ă©tude du ministĂšre du travail basĂ©e sur l’annĂ©e 2020 nous informe que 62,8 % des entreprises ayant connu une grĂšve dans l’annĂ©e ont connu des nĂ©gociations fructueuses pour les salariĂ©s, contre seulement 12,7 % des entreprises qui n’ont pas connu de conflit social. L’annĂ©e suivante, en 2021, c’est encore davantage : 79,0 % des entreprises dĂ©clarant au moins une grĂšve ont mis en place des accords favorables aux salariĂ©s, contre seulement 16,6 % des entreprises n’ayant connu ni grĂšve ni une quelconque forme de conflit. Ces accords ont portĂ© principalement sur les salaires mais aussi sur les conditions de travail.

  • Une police du vĂȘtement contre la cause palestinienne - Contre Attaque
    â–șhttps://contre-attaque.net/2024/06/04/une-police-du-vetement-contre-la-cause-palestinienne

    À Lyon, le 31 mai, des policiers ont mis en place une traque aux symboles Ă©voquant la Palestine. Des agents ont d’abord verbalisĂ© une femme pour “participation Ă  une manifestation interdite” alors qu’elle Ă©tait seule mais qu’elle portait un keffieh sur les Ă©paules. Aucun rassemblement ou manifestation n’était alors en cours.

    Encore plus lunaire : dans la foulĂ©e, les agents ont isolĂ© une femme Ă  proximitĂ©, qui portait un pin’s en forme de pastĂšque. Les policiers ont considĂ©rĂ© cela comme “un signe distinctif de participation Ă  une manifestation interdite”. Les deux femmes ont reçu des amendes de 135 €. Pour avoir portĂ© un pins et un keffieh dans la rue donc.

    ▻https://contre-attaque.net/wp-content/uploads/2024/06/lyo-1.mp4

  • Quand le brevet sert la soupe au SNU
    ▻https://www.cafepedagogique.net/2024/06/03/quand-le-brevet-sert-la-soupe-au-snu

    On rappellera que l’EMC est un matiĂšre censĂ©e nourrir l’esprit critique. Aussi faut-il scruter de prĂšs le questionnement sur les documents pour comprendre le cheminement intellectuel demandĂ© Ă  l’élĂšve. Force est de constater que c’est assez simple ici puisqu’il s’agit de procĂ©der en deux temps :

    – S’assurer que l’élĂšve a bien saisi les informations des documents publicitaires

    – Lui demander de mobiliser ces informations pour faire la promotion du SNU auprùs de ses camarades.

    C’est simple, concis, et franc du collier.

    On nous rĂ©torquera sans doute que le gouvernement n’est nullement responsable de la confection des sujets, trop occupĂ© Ă  batailler pour faire accepter l’inique rĂ©forme des groupes de niveau/besoins/niveau. Et qu’il faut donc plutĂŽt pointer la responsabilitĂ© de collĂšgues et de l’Inspection. C’est sans doute vrai, et mĂȘme pire tant cela reflĂšte la toxicitĂ© d’une chaĂźne de loyautĂ© fabriquĂ©e sur la base d’une soumission aveugle Ă  l’autoritĂ© et d’autocensure face Ă  la possibilitĂ© – mĂȘme minime- de la critique.

    Il est donc permis de se demander comment enseigner l’esprit critique Ă  des Ă©lĂšves si l’on est soi-mĂȘme saisi d’effroi Ă  la simple idĂ©e d’introduire une pincĂ©e de nuances et un soupçon de distance dans l’analyse de documents. Ce n’était pourtant pas impossible Ă  faire comme le montre cette proposition de sujet alternatif Ă©laborĂ© par nos soins.

    • 4) Expliquez pourquoi toutes les activitĂ©s menĂ©es permettent de dĂ©velopper l’engagement citoyen.

      5) Vous souhaitez faire une prĂ©sentation en cours d’Enseignement Moral et Civique sur la DĂ©fense nationale. Expliquez Ă  vos camarades les conditions pour participer au SNU, les activitĂ©s proposĂ©es et les objectifs de ce sĂ©jour de cohĂ©sion.

    • Les parti pris sont de compagnie pour le deuxiĂšme sujet aussi, la, pour appeler l’évĂ©nement historique par son nom de propagande occidentale, « chute du mur de Berlin ».
      Les notions sur lesquelles on interroge les enfants et leur prĂ©sentation comme allant de soi n’incitent pas Ă  des rĂ©ponses nuancĂ©es et critiques mais Ă  des phrases qui recrachent les formules vides de sens apprises par coeur.
      « RDA rĂ©gime autoritaire », « libertĂ© retrouvĂ©e par les Allemands de l’Ouest », « consĂ©quences pour les Allemands », etc.
      Je n’entre pas dans le dĂ©tail de la question.

      #France #pédagogie #propagande

  • Pourquoi le patronat persĂ©cute de plus en plus les syndicalistes
    ▻https://www.frustrationmagazine.fr/syndicalistes-discrimination

    On s’étonne souvent de la faiblesse du taux de syndicalisation en France – environ de 8 % dans le secteur privĂ© et 18 % dans le public – en mettant ce faible engagement sur le compte du « repli individualiste » ou de « l’atomisation des collectifs de travail ». Ces deux idĂ©es reçues ne [
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    • (...) il y a une explication qui est nettement moins mise en avant, et qui dit pourtant beaucoup de l’époque autoritaire dans laquelle nous vivons : les discriminations, violences et intimidations judiciaires dont sont victimes les syndicalistes dans ce pays. Loin d’ĂȘtre un phĂ©nomĂšne isolĂ©, ces comportements anti-syndicaux sont devenus, de la part des directions d’entreprise, de vĂ©ritables stratĂ©gies, avec la bĂ©nĂ©diction de l’Etat, comme en tĂ©moigne le succĂšs du hashtag StopDictaturePatronale sur les rĂ©seaux sociaux.

  • Anti-Ă©colos, anti-syndicats, hors-la-loi : qui est SĂ©bastien Graff, le DRH en guerre contre la CGT ?
    ▻https://www.revolutionpermanente.fr/Anti-ecolos-anti-syndicats-hors-la-loi-qui-est-Sebastien-Graff-

    La rĂ©pression syndicale contre Christian Porta, dĂ©lĂ©guĂ© CGT Neuhauser-InVivo, est emblĂ©matique de la radicalisation du patronat. A la manƓuvre, SĂ©bastien Graff, ancien DRH de PSA Aulnay, qui a fait de la lutte contre le syndicaliste une affaire personnelle.

    DRH d’une sociĂ©tĂ© comptant plus de 14 000 salariĂ©s, SĂ©bastien Graff s’est pourtant prĂ©sentĂ© en personne Ă  l’audience du conseil des Prud’hommes qui se tenait le 10 mai dernier, et opposait Christian Porta, dĂ©lĂ©guĂ© CGT de Neuhauser, une filiale du groupe InVivo, Ă  sa direction. Un dirigeant de multinationale pour participer au procĂšs d’un syndicaliste ? Le symbole en dit long, surtout si on se rappelle que ce jour-lĂ , c’est un licenciement totalement illĂ©gal, prononcĂ© malgrĂ© le refus de l’inspection du travail, que le cadre supĂ©rieur Ă©tait venu dĂ©fendre.

    Assumant un rĂŽle de « DRH militant », SĂ©bastien Graff aime exposer la façon dont il perçoit son rĂŽle de DRH. Dans une interview vidĂ©o pour le mĂ©dia Circuits culture, il se dĂ©crit comme un coach, expliquant avoir retranscrit chez InVivo les valeurs du sport que seraient « le goĂ»t de l’effort, la solidaritĂ© et la victoire et le gout de la victoire et la recherche de la performance permanente ». Mais derriĂšre cette novlangue managĂ©riale, l’homme laisse transparaĂźtre un visage bien plus politique et brutal, n’hĂ©sitant pas Ă  user des pires mĂ©thodes pour tenter d’éliminer un syndicat combatif et affichant haut et fort ses opinions anti-Ă©colos.
    Un DRH trĂšs politique

    Depuis des mois, l’homme a fait de la lutte contre Christian Porta une affaire personnelle. Sur Twitter, le DRH se rĂ©pand en calomnies contre le syndicaliste, l’accusant ouvertement d’ĂȘtre « un auteur de harcĂšlement moral » et allant jusqu’à soutenir que « des gens n’en dorment plus, des personnes [
] n’osent Ă  peine tĂ©moigner de de cauchemar ». Des accusations que l’entreprise a tentĂ© de dĂ©montrer Ă  partir d’une enquĂȘte interne trĂšs orientĂ©e, qui n’aura convaincu ni la justice ni l’inspection du travail.

    Mais l’activisme du DRH sur les rĂ©seaux ne s’arrĂȘte pas lĂ . Sur X, le quinquagĂ©naire publie frĂ©nĂ©tiquement et fait part, sans ambages, de sa profonde dĂ©testation de la gauche. Ses tweets et retweets dessinent le monde de SĂ©bastien Graff, oĂč EnvoyĂ© spĂ©cial est une officine d’ultra-gauche, les parlementaires du groupe LFI sont assimilĂ©s Ă  des « grĂ©viste d’étudiants en sociologie Ă  Tolbiac » et « la gauche qui dĂ©fend la prĂ©sence des drag-queens et des ateliers de sensibilisation Ă  la cause trans » Ă  des fous.

    Son hostilitĂ© s’étend Ă©galement aux syndicats, particuliĂšrement la CGT, s’en prenant Ă  Sophie Binet la « rouge ». Outre les « gauchistes », SĂ©bastien Graff s’emploie Ă©galement Ă  dĂ©noncer avec une extrĂȘme virulence l’autre « peste » (selon ses termes) que sont les Ă©cologistes. Il fait preuve d’une vĂ©ritable obsession pour les parlementaires du groupe EELV et tout particuliĂšrement pour ses membres fĂ©minins. RĂ©pondant rĂ©guliĂšrement Ă  leurs publications, il n’hĂ©site pas Ă  traiter Marine Tondelier de « clown » ou Ă  s’insurger contre Sandrine Rousseau lorsque celle-ci ose dĂ©noncer les politiques natalistes. Cette campagne contre l’écologie politique menĂ©e par celui qui est Ă©galement en charge de la communication de la multinationale s’inscrit pleinement dans une stratĂ©gie de discrĂ©dit des voix qui s’élĂšvent contre le modĂšle productiviste et destructeur poursuivi par le gĂ©ant de l’agrobusiness qu’est Invivo, qui compte Ă  son actif deux procĂšs (et deux dĂ©faites) contre des organisations Ă©cologistes : Greenpeace et Extinction Rebellion.

    Entre deux invectives envers les militants Ă©cologistes et la gauche, SĂ©bastien Graff ne manque pas de relayer les discours de journalistes connus pour leurs positions trĂšs favorables Ă  l’industrie agroalimentaire et leur nĂ©gation des dangers des pesticides comme Emmanuelle Ducros, mise en cause pour avoir Ă©tĂ© rĂ©munĂ©rĂ©e par des lobbys de l’agroalimentaire ou GĂ©raldine Woessner, journaliste Ă©pinglĂ©e par deux fois par le Conseil de dĂ©ontologie des journalistes pour ces articles sur les pesticides et sur la manifestation brutalement rĂ©primĂ©e de Sainte-Soline. Alors que ces derniers jours cette derniĂšre a choquĂ© largement en expliquant Ă  Rima Hassan dans un tweet « il n’y a pas de journaliste palestinien. Vous collez un concept occidental sur une entitĂ© qui n’existe pas », SĂ©bastien Graff lui envoyait ce dimanche son soutien.

    Pas Ă©tonnant lorsque l’on sait que son hostilitĂ© envers la gauche le pousse mĂȘme Ă  retweeter les propos d’une figure de l’extrĂȘme-droite comme Charles Gave, Ă©conomiste ultra-libĂ©ral, violemment hostile Ă  la sĂ©curitĂ© sociale, et financeur en 2021 de la campagne prĂ©sidentielle de Éric Zemmour... Une attitude « sans limite », qui tĂ©moigne de l’impunitĂ© dont jouit le DRH, que ni la dĂ©cence ni la loi ne semblent arrĂȘter.
    La mise en Ɠuvre de la stratĂ©gie d’un patronat radicalisĂ©

    SĂ©bastien Graff doit avant tout sa place au sein de la multinationale Ă  la solide expĂ©rience de rĂ©pression et de dĂ©stabilisation des mobilisations des travailleurs et des syndicats. Avant mĂȘme la fin de ses Ă©tudes, il dĂ©cide de se faire la main auprĂšs du directeur gĂ©nĂ©ral des mines de potasse d’Alsace alors en charge de les fermer. Ce processus aboutira Ă  mettre plus de 1 000 mineurs au chĂŽmage. Lui, dans le portrait que lui dĂ©die la revue Personnel en fĂ©vrier 2018, se souvient avoir « beaucoup appris sur la nĂ©gociation salariale et la gestion des conflits ».

    AprĂšs ĂȘtre passĂ© par l’industrie pharmaceutique, il rejoint en 2001 le groupe PSA en tant que responsable des relations sociales de l’usine d’Aulnay-sous-Bois. En charge de l’unitĂ© de montage de l’usine, il a dĂ©jĂ  en ligne de mire les syndicats et en particulier la CGT. Comme se souvient Jean-Pierre Mercier, salariĂ© et dĂ©lĂ©guĂ© syndical CGT de l’usine, « six mois, un an avant les Ă©lections professionnelles, SĂ©bastien Graff s’appliquait Ă  faire le vide autour de la CGT. Toute personne qui s’en rapprochait pouvait se voir convoquer, mettre au placard, imposer des conditions de travail plus dures, refuser des augmentations de salaire, etc. »

    Le groupe PSA est aussi un lieu d’apprentissage de la « gestion de crise » pour SĂ©bastien Graff. En 2007, alors que des centaines de salariĂ©s font grĂšve pour obtenir des augmentations de salaire, SĂ©bastien Graff participe avec la direction du site au remplacement des grĂ©vistes par des intĂ©rimaires. PSA est alors condamnĂ© en justice pour cette pratique parfaitement illĂ©gale.

    AprĂšs 7 annĂ©es de bons et loyaux services, son action au sein du groupe PSA sera rĂ©compensĂ©e par une promotion qu’il refusera cependant pour rejoindre le groupe InVivo en 2008. En qualitĂ© de DRH monde, il s’illustre rapidement pour son action contre les syndicats. « Faut-il rappeler que vous avez, Ă  votre toute premiĂšre rĂ©union en tant que nouveau dirigeant, tentĂ© de licencier notre reprĂ©sentant CĂ©dric Grangeot, et que l’inspection du travail a dĂ©montĂ© vos mensonges grĂące Ă  l’enregistrement audio, menant ainsi Ă©galement Ă  sa rĂ©intĂ©gration ? » rappelait rĂ©cemment sur les rĂ©seaux sociaux le syndicat SUD Commerce Ile-de-France Ă  SĂ©bastien Graff.

    Une rĂ©fĂ©rence Ă  un cas de rĂ©pression syndicale typique du DRH, en de nombreux point similaire Ă  l’offensive contre Christian Porta. « Pendant la crise Covid, ce syndicaliste qui reprochait notamment Ă  la direction de faire travailler les salariĂ©s dans des conditions sanitaires inacceptables, avait Ă©tĂ© licenciĂ© sur la base d’accusations de propos agressifs en rĂ©union » raconte un syndicaliste de la CGT InVivo ayant suivi l’affaire. Un cas de rĂ©pression syndicale qui vaudra Ă  la multinationale d’ĂȘtre Ă©pinglĂ©e par l’inspection du travail et condamnĂ©e par le Conseil des prud’hommes de CrĂ©teil.
    RĂ©pression syndicale : des mĂ©thodes brutales et hors-la-loi contre la CGT

    C’est avec les mĂȘmes mĂ©thodes patronales bien rodĂ©es au cours de sa carriĂšre que SĂ©bastien Graff mĂšne dĂ©sormais son offensive contre la CGT Neuhauser en ciblant Christian Porta. Pour Ă©vincer le syndicaliste, l’entreprise n’hĂ©site pas Ă  monter un dossier pour « harcĂšlement » contre ce dernier, tout en intimidant par un courrier les salariĂ©s qui seraient solidaires du dĂ©lĂ©guĂ© CGT, dont l’organisation a rassemblĂ© 74% des voix aux derniĂšres Ă©lections professionnelles.

    Pour s’assurer d’écraser toute solidaritĂ©, la direction d’InVivo a mis son personnel sur le pied de guerre. « DĂšs le lendemain de ma mise Ă  pied, deux responsables RH de InVivo ont dĂ©barquĂ© soi-disant pour "apaiser le dialogue social". En rĂ©alitĂ©, ils sont les yeux et les oreilles de SĂ©bastien Graff, et participent Ă  crĂ©er un climat de peur, en Ă©voquant auprĂšs des salariĂ©s la menace de potentielles convocations » explique Christian Porta. RĂ©cemment, 4 salariĂ©s proches de la CGT ont d’ailleurs Ă©tĂ© mis Ă  pied pour des faits dĂ©risoires.

    Contrainte de laisser Christian Porta accĂ©der Ă  l’usine par une dĂ©cision de justice, la direction d’InVivo a dans le mĂȘme temps dĂ©cidĂ© de le fliquer. « Ils ont embauchĂ© un huissier Ă  500€ de l’heure pour ĂȘtre sur le site quasiment 24h/24 et me surveiller. Ça crĂ©e un climat anxiogĂšne, dans la salle de pause l’huissier me suit, l’objectif c’est de m’empĂȘcher de parler avec mes collĂšgues et surtout de s’organiser » raconte le dĂ©lĂ©guĂ© CGT de Neuhauser. De quoi crĂ©er un climat dĂ©sastreux dans l’entreprise. « De nombreux salariĂ©s dĂ©noncent un climat anxiogĂšne qui rappelle les moments de licenciement Ă©conomique que nous avons connu dans l’entreprise » raconte un militant de la CGT Neuhauser. Une pression qui s’accompagne de menaces ouvertes de « fermeture de l’usine », lĂ  encore totalement illĂ©gales.

    Des tentatives d’intimidations qui n’ont pas empĂȘchĂ© une large solidaritĂ© de s’exprimer avec le dĂ©lĂ©guĂ© CGT, avec des journĂ©es de grĂšve dĂšs le mois de fĂ©vrier dernier et, rĂ©cemment, des dĂ©brayages et grĂšves importantes contre l’offensive de l’entreprise. Pour Christian Porta, il s’agit d’une belle revanche. « SĂ©bastien Graff ne respecte rien. Pendant les NAO, il ne fournit aucun document, et fait tout pour avoir le contrĂŽle sur tout. Il m’a dĂ©jĂ  coupĂ© le micro en rĂ©union. Il a Ă©galement limitĂ© la possibilitĂ© d’utiliser l’intranet pour communiquer avec les salariĂ©s dĂšs qu’on a commencĂ© Ă  diffuser des articles dĂ©nonçant la rĂ©pression syndicale. MalgrĂ© cela, les travailleurs restent unis et se mobilisent massivement » conclut le syndicaliste.

    Depuis le 7 fĂ©vrier, les condamnations se multiplient face aux pratiques de InVivo : Neuhauser a Ă©tĂ© Ă©pinglĂ© deux fois par le Tribunal judiciaire de Sarreguemines, une fois par le Conseil des Prud’hommes de Forbach, sans compter le refus de licenciement de l’Inspection du travail. Le 30 mai dernier, fait rarissime, le Tribunal judiciaire de Sarreguemines a mĂȘme fait le choix de saisir le Procureur de la RĂ©publique aprĂšs avoir constatĂ© l’existence de multiples infractions pĂ©nales.

    Alors que SĂ©bastien Graff s’affranchit ouvertement des quelques principes qui protĂšgent encore le droit du travail malgrĂ© les rappels Ă  l’ordre rĂ©pĂ©tĂ©s des juridictions et de l’administration, son hyperactivitĂ© pour obtenir le licenciement de Christian Porta est rĂ©vĂ©latrice de la dĂ©termination d’InVivo Ă  Ă©radiquer une section syndicale combative. Une offensive qui vise Ă  mettre au pas les travailleurs, Ă  laquelle ils ont opposĂ© une rĂ©ponse ferme, en se mettant cette semaine en grĂšve pour la rĂ©intĂ©gration de Christian Porta.

    Une mobilisation exemplaire, avec laquelle la solidaritĂ© doit ĂȘtre la plus large, dans la continuitĂ© des nombreuses marques de soutien exprimĂ©es ces derniers mois devant le siĂšge de InVivo, devant le siĂšge de Neuhauser, au Port de Metz mais aussi dans les tribunes publiĂ©es par Basta ou Mediapart.

    Pour soutenir Chritian Porta et les Neuhauser, donnez Ă  la caisse de grĂšve !

  • À nouveau sur Lutte ouvriĂšre, la Palestine et la question nationale
    ▻https://revolutionpermanente.fr/A-nouveau-sur-Lutte-ouvriere-la-Palestine-et-la-question-nation

    AprĂšs une semaine de manifestations semi-spontanĂ©es en rĂ©action au massacre Ă  Rafah et des mobilisation massives en France ce 1er juin, la Palestine continue d’ĂȘtre au premier plan de la situation politique. Pourtant, si LO en fait mention, Ă  sa FĂȘte annuelle, dans sa presse, dans la campagne europĂ©enne, elle continue Ă  traiter cet enjeu en dehors de toute considĂ©ration pour la question de l’émancipation nationale, se privant ainsi d’articuler celle-ci Ă  une perspective rĂ©volutionnaire.

    Ces derniers mois, LO s’est emparĂ©e du sujet plus directement dans un article publiĂ© dans sa presse et intitulĂ© « L’extrĂȘme gauche, la question palestinienne et le Hamas », (▻https://mensuel.lutte-ouvriere.org/mensuel/article/2023-12-10-lextreme-gauche-la-question-palestinienne-et-le-h )et sa porte-parole, Nathalie Arthaud, est revenue sur cette question dans son intervention sur la situation internationale, lors du dernier jour de la FĂȘte annuelle, Ă  Presles, le 20 mai. Ces Ă©laborations et discours permettent de prĂ©ciser le dĂ©bat que nous avions entamĂ© en octobre dernier, alors que LO continue Ă  esquiver la question nationale et Ă  mettre sur le mĂȘme plan le Hamas et Netanyahou, la Palestine qui « n’existe pas » et l’État sioniste, en appelant Ă  une communion entre prolĂ©taires « de la mer au Jourdain », sans jamais poser la question de la rupture du monde du travail en IsraĂ«l vis-Ă -vis du sionisme comme Ă©tape prĂ©alable Ă  toute convergence.

    Le dĂ©veloppement de la mobilisation pour la Palestine Ă  Ă©chelle internationale, la spontanĂ©itĂ© et la puissance avec laquelle toute une gĂ©nĂ©ration est en train de s’approprier les drapeaux de la solidaritĂ© internationaliste de mĂȘme que le retour de flamme de la question nationale en Kanaky sont autant d’élĂ©ments qui nous obligent Ă  reprendre par Ă©crit le fil de ce dĂ©bat avec les camarades de LO.

    • La question nationale est traitĂ©e, mais pas celle de la mobilisation religieuse. Le Hamas est pourtant un mouvement fondamentalement islamo-nationaliste... (Je ne conseille pas les notices Wikipedia sur ce terme !)

    • Lutte OuvriĂšre :

      Le Hamas et la lutte nationale des Palestiniens

      Quand RP fustige notre slogan  : « â€… Contre l’impĂ©rialisme et ses manƓuvres, contre Netanyahou et le Hamas, prolĂ©taires de France, de Palestine, d’IsraĂ«l
 unissons-nous !  », sa critique vise en fait la seule expression « â€…contre le Hamas  ». Le Hamas administre la bande de Gaza depuis 2007. AprĂšs avoir remportĂ© en 2006 les Ă©lections face au Fatah discrĂ©ditĂ© par ses compromissions avec l’État d’IsraĂ«l, il l’avait mis en dĂ©route lors d’un affrontement sanglant. Le Hamas (Mouvement de la rĂ©sistance islamique) s’est donc imposĂ© sur le terrain du nationalisme bourgeois, mais il en est une version religieuse et rĂ©actionnaire. Il a d’abord tentĂ© de cantonner les femmes aux tĂąches domestiques, de leur imposer le port du hijab et l’interdiction de fumer en public, avant de reculer face aux rĂ©sistances. Et si un mouvement ouvrier communiste se dĂ©veloppe Ă  Gaza, il se heurtera Ă  une rĂ©pression comparable Ă  celle des dirigeants de l’Iran ou de l’Arabie saoudite, deux rĂ©gimes modĂšles pour cette branche palestinienne des FrĂšres musulmans qu’est le Hamas.

      Qualifier le Hamas de « â€…principale organisation de la rĂ©sistance  » palestinienne est un abus de langage, pour ne pas dire une escroquerie. Depuis dix-sept ans, il exerce sa dictature sur les 2,2 millions d’habitants de Gaza. Il dirige un petit appareil d’État, avec une administration, des impĂŽts, une milice, des prisons, et tout un appareil rĂ©pressif. Avant le 7 octobre, peut-ĂȘtre gardait-il un certain prestige aux yeux des Gazaouis  ; peut-ĂȘtre pas. Le Hamas n’organise pas d’élections. Bien des critiques le ciblent  : ses cadres, qui dĂ©fendent les privilĂšges de la bourgeoisie palestinienne, sont souvent corrompus et mieux lotis que le reste des habitants. Plusieurs mobilisations spontanĂ©es ont Ă©mergĂ© ces derniĂšres annĂ©es par le biais des rĂ©seaux sociaux, Ă  l’instar du mouvement Nous voulons vivre en 2019, pendant lesquelles des milliers de jeunes ont manifestĂ© contre les impĂŽts et la pauvretĂ©, avant d’ĂȘtre violemment rĂ©primĂ©s par le Hamas. Dans son affrontement avec IsraĂ«l, il ne cherche pas Ă  crĂ©er ou Ă  s’appuyer sur un mouvement de masse, il tĂąche d’étouffer toute rĂ©volte spontanĂ©e. Au printemps 2021, quand la jeunesse des quartiers occupĂ©s de JĂ©rusalem, de Cisjordanie et des camps de rĂ©fugiĂ©s s’est soulevĂ©e, le Hamas a cherchĂ© Ă  tirer parti de la situation pour s’imposer comme l’interlocuteur obligĂ© du pouvoir israĂ©lien. En tirant des roquettes vers IsraĂ«l, il a voulu montrer qu’il Ă©tait la seule organisation combattante. L’État d’IsraĂ«l ayant rĂ©pondu en bombardant Gaza, cet affrontement militaire a mis fin Ă  la rĂ©volte de la jeunesse.

      Si une partie des masses palestiniennes fait confiance au Hamas, lui en tout cas ne leur fait pas confiance. C’est, Ă©crit RP, « â€…sur le plan militaire, la principale organisation de la rĂ©sistance nationale  ». Mais le Hamas agit et dĂ©cide hors de tout contrĂŽle de la population palestinienne et des plus pauvres. Ses mĂ©thodes ne visent pas Ă  permettre aux rĂ©voltĂ©s de prendre conscience de leur force, de s’organiser et de faire un apprentissage politique. Il a constituĂ© une milice qui n’est pas contrĂŽlĂ©e par les travailleurs, qui mĂšne sa politique indĂ©pendamment de leurs intĂ©rĂȘts, et qui les somme ensuite de les soutenir face Ă  la rĂ©pression. L’attaque du 7 octobre a Ă©tĂ© lancĂ©e par sa direction hors de tout contrĂŽle et de toute discussion, imposant ses consĂ©quences aux Gazaouis qui, depuis, paient dans leur chair les bombardements et les massacres de l’armĂ©e israĂ©lienne.

      Les dirigeants du Hamas avaient Ă©videmment prĂ©vu la riposte sanglante d’IsraĂ«l. Elle ne contrarie pas forcĂ©ment sa stratĂ©gie, qui vise Ă  souder les Palestiniens (y compris ceux de Cisjordanie) derriĂšre lui, et qui creuse encore le fossĂ© de sang Ă©tabli par l’État d’IsraĂ«l entre les deux peuples. Comme l’explique cyniquement un de ses dirigeants Khalil al-Hayya  : « â€…L’objectif du Hamas n’est pas de diriger Gaza ni de lui apporter de l’eau, de l’électricitĂ© ou quoi que ce soit  » (New York Times, 8 novembre). Les Gazaouis sont une masse de manƓuvre pour les dirigeants du Hamas. Ceux-ci sont les protĂ©gĂ©s de l’émir du Qatar, un rĂ©gime dont les dignitaires prospĂšrent grĂące Ă  l’exploitation fĂ©roce de dizaines de milliers d’ouvriers, essentiellement immigrĂ©s. Le Hamas ne remet nullement en cause le capitalisme et la domination de la bourgeoisie, il les dĂ©fend. En canalisant Ă  son profit la rĂ©volte des jeunes Palestiniens vers l’affrontement militaire, il contribue Ă  sa façon au maintien de l’ordre social et, au fond, de l’ordre impĂ©rialiste. Il reprĂ©sente une Ă©niĂšme variante du nationalisme bourgeois, dans une version religieuse particuliĂšrement rĂ©actionnaire. Tout comme l’OLP impose sa loi en Cisjordanie, le Hamas est Ă  Gaza un gendarme qui impose sa loi Ă  la population en tentant de combattre celle d’IsraĂ«l, mais dans le cadre de l’ordre social existant.

      RP nous reproche de plaider pour l’unitĂ© des travailleurs palestiniens et des travailleurs juifs, une aspiration qui ignorerait la rĂ©alitĂ© et ne tiendrait pas compte du « â€…rĂ©gime d’apartheid qui caractĂ©rise IsraĂ«l  » (30 octobre). Dans un autre article, RP prĂŽne pourtant « â€…l’unitĂ© la plus profonde
 aussi avec les travailleurs d’IsraĂ«l disposĂ©s Ă  rompre avec le sionisme  »7. Allez comprendre


      Un apartheid existe en effet, notamment vis-Ă -vis des Gazaouis et des Palestiniens de Cisjordanie, mais l’article du 30 octobre semble ignorer les deux millions de Palestiniens vivant en IsraĂ«l, et qui travaillent souvent aux cĂŽtĂ©s d’IsraĂ©liens juifs et de dizaines de milliers d’immigrĂ©s en provenance d’autres pays. En fait, RP nous reproche de baser notre politique sur le terrain de la classe ouvriĂšre. RP invoque Marx, Engels, LĂ©nine et Trotsky
 en oubliant la boussole de tout leur combat  : « â€…ProlĂ©taires de tous les pays, unissons-nous  !  » RP nous reproche de « â€…[remplacer] discrĂštement la lutte de libĂ©ration nationale palestinienne [par] une lutte des “travailleurs” contre “les classes dominantes”  ». Mais nous ne le faisons pas discrĂštement, nous le revendiquons, alors qu’avec RP, la lutte des travailleurs disparaĂźt.

  • « Nous avons besoin des Éditions sociales, les Éditions sociales ont besoin de nous ! »
    ▻https://www.politis.fr/articles/2024/05/nous-avons-besoin-des-editions-sociales-les-editions-sociales-ont-besoin-de-

    TRIBUNE. Des universitaires et auteurs appellent Ă  soutenir financiĂšrement cette maison d’édition historique, associĂ©e Ă  La Dispute, qui a su prĂ©server son indĂ©pendance au milieu de grands groupes capitalistes.

    Comme d’autres espaces indĂ©pendants oĂč se construit une pensĂ©e critique, les Éditions sociales (ES) traversent actuellement une pĂ©riode difficile. Longtemps liĂ©es au Parti communiste français, les ES ont Ă©tĂ© l’un des Ă©diteurs politiques majeurs du XXe siĂšcle. Elles ont aussi bien diffusĂ© des outils de formation militante que l’Ɠuvre de Marx et d’Engels, la premiĂšre anthologie de textes de Gramsci en français, le travail de grands historiens marxistes, ou encore, avec une collection sans Ă©quivalent comme « les classiques du peuple », Ă  faire connaĂźtre Ă  un public large des Ɠuvres marquantes du patrimoine littĂ©raire et intellectuel.

    Depuis 2018, les ES ont renouvelé et élargi leur équipe éditoriale et redéployé leur activité.

    Une nouvelle vie a commencĂ© pour les ES Ă  la fin des annĂ©es 1990, aprĂšs de rudes batailles pour leur indĂ©pendance politique et leur autonomie Ă©conomique. La pensĂ©e de Marx et d’Engels sert toujours de boussole mais elle est dĂ©sormais travaillĂ©e sans exclusive thĂ©orique ou politique, et en rĂ©unissant diffĂ©rentes sensibilitĂ©s intellectuelles. Depuis 2018, les ES ont renouvelĂ© et Ă©largi leur Ă©quipe Ă©ditoriale et redĂ©ployĂ© leur activitĂ©. En lançant de nouvelles collections, comme la collection de petits livres de pĂ©dagogie « DĂ©couvrir » et en redynamisant d’ambitieux projets, tels que la GEME (Grande Édition Marx-Engels) qui vise Ă  publier l’ensemble des textes de Marx et d’Engels dans de nouvelles traductions Ă  partir de l’édition de rĂ©fĂ©rence allemande, les Éditions sociales visent Ă  transmettre une histoire et des expĂ©riences issues du mouvement ouvrier et Ă  ouvrir Ă  la diversitĂ© des dĂ©bats des marxismes contemporains.

    Pour nous qui sommes intĂ©ressĂ©â‹…es ou impliquĂ©â‹…es dans ces dĂ©bats, les ES sont un espace irremplaçable, un bien commun pour toutes celles et ceux qui veulent comprendre la marche du monde. Car il ne s’agit nullement de conserver un hĂ©ritage comme des antiquitĂ©s prĂ©cieuses dans un musĂ©e, mais, au contraire, de forger des outils pour penser au prĂ©sent le travail, les rapports de domination, l’écologie et les oppressions racistes ou sexistes, dans la perspective de leur dĂ©passement, donc de l’émancipation.

    C’est pourquoi nous appelons Ă  soutenir les Éditions sociales, en participant Ă  la campagne de dons et en faisant connaĂźtre le plus largement possible leur travail Ă©ditorial et leurs publications.

  • Condamnation d’Anasse Kazib : 2 ans aprĂšs, le procĂšs d’un ouvrier arabe candidat Ă  la prĂ©sidentielle
    Paul Morao | 31 mai | RP

    ▻https://www.revolutionpermanente.fr/Condamnation-d-Anasse-Kazib-2-ans-apres-le-proces-d-un-ouvrier-

    En novembre 2021, Aymeric Lompret imaginait dans une chronique sur France Inter les candidats de gauche Ă  la prĂ©sidentielle en pleine bagarre. « AprĂšs, la police arrive, ils embarquent personne sauf Anasse Kazib » blaguait alors l’humoriste. Quelques mois plus tard, Anasse Kazib Ă©tait convoquĂ© en pleine campagne au commissariat pour « organisation d’une manifestation non dĂ©clarĂ©e » suite Ă  des prises de parole devant la Sorbonne, oĂč des soutiens avaient convergĂ© en rĂ©ponse aux menaces de l’extrĂȘme-droite contre la confĂ©rence qui devait se tenir dans l’universitĂ©.

    Deux ans aprĂšs les faits, l’État a finalement dĂ©cidĂ© de poursuivre l’ancien candidat Ă  la prĂ©sidentielle pour cette dĂ©monstration de solidaritĂ©. Le procĂšs s’est tenu ce jeudi Ă  Paris dans le cadre d’un acharnement dĂ©lirant. Si la condamnation du cheminot Ă  1500€ d’amende a choquĂ© et suscitĂ© un large soutien, l’audience a cependant Ă©tĂ© peut-ĂȘtre plus violente encore que la dĂ©cision, dont le porte-parole de RP a fait appel.

    Ce jeudi, la procureure et la juge se sont en effet livrĂ©es Ă  un dĂ©ni total de l’offensive de l’extrĂȘme-droite subie par l’ancien candidat Ă  la prĂ©sidentielle, tout en affichant clairement leur mĂ©pris. Tout le long, l’audience aura ainsi visĂ© Ă  nier l’existence de la campagne des « Natifs », groupe issu de GĂ©nĂ©ration Identitaire, qui avait recouvert le quartier latin d’affiches « 0% français, 100% islamiste » avec le portrait d’Anasse Kazib et appelĂ© Ă  empĂȘcher la tenue de la confĂ©rence, menaçant de l’attaquer. (...)

  • JeVoteLobby - L’influence des lobbys en Europe avec l’extrĂȘme droite
    â–șhttps://jevotelobby.fr

    Que dĂ©fend rĂ©ellement le Rassemblement national Ă  Bruxelles ? À l’abri des regards des mĂ©dias français et du grand public, le parti d’extrĂȘme droite vote en faveur des intĂ©rĂȘts de certains lobbys industriels, Ă  l’encontre de ses prĂ©tendus
    engagements en faveur des classes sociales dĂ©favorisĂ©es. Illustration, en 10 histoires :

  • La gauche radicale sauf devant l’école de la Ve RĂ©publique ?
    ▻https://www.frustrationmagazine.fr/ecole-gauche

    Le rendez-vous avait Ă©tĂ© annoncĂ© en grande pompe sur les rĂ©seaux sociaux : Jean-Luc MĂ©lenchon allait participer au Zawa-show chez Dany et Raz. Assis sur des fauteuils dans le dĂ©cor kitch d’une Ă©mission de Stream, la conversation avait dĂ©marrĂ© tranquillement par des considĂ©rations philosophiques sur Camus, le sens de l’engagement et l’existentialisme, avant de dĂ©river [
]

  • Pourquoi l’« Europe sociale » n’a jamais vu le jour
    ▻https://www.contretemps.eu/europe-sociale-gauche-socialisme-mitterrand

    Alors qu’approchent les Ă©lections europĂ©ennes, les 8 et 9 juin prochain, la plupart des dirigeant·es europĂ©en·nes nous jouent une fois encore la sĂ©rĂ©nade de l’ « Europe sociale ». En France, on a vu aussi bien RaphaĂ«l Glucksmann (tĂȘte de liste du PS), ValĂ©rie Hayer (Renaissance) ou Marine Le Pen (FN/RN) nous faire la promesse, main sur le coeur, que s’ils·elles Ă©taient Ă©lu·es, cette vieille promesse deviendrait enfin rĂ©alitĂ©.

    Cette « Europe sociale » est pourtant Ă  l’exact opposĂ© de l’Europe capitaliste, bien rĂ©elle, que les classes dirigeantes du Vieux continent ont imposĂ©e aux peuples et aux travailleurs·ses depuis des dĂ©cennies. Elles l’ont fait y compris en s’asseyant sur le vote des populations (rĂ©fĂ©rendums sur le TraitĂ© constitutionnel europĂ©en en France et aux Pays-Bas en 2005) ou en imposant Ă  des gouvernements des politiques contraires Ă  celles pour lesquelles ils avaient Ă©tĂ© Ă©lus (cas de la GrĂšce en 2015).

    Dans cet article, l’historienne AurĂ©lie Dianara revient sur le projet d’ « Europe sociale », dĂ©veloppĂ© en particulier par les social-dĂ©mocraties europĂ©ennes dans les annĂ©es 1970, sur des bases nettement plus Ă  gauche que ce qu’avancent tous les dĂ©fenseurs actuels de l’ « Europe sociale ». Elle examine en outre les raisons pour lesquelles la CommunautĂ© Économique EuropĂ©enne (devenue plus tard Union europĂ©enne) s’est bĂątie sur l’abandon de ce projet

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    L’annĂ©e derniĂšre, en vue des prochaines Ă©lections europĂ©ennes, un groupe d’éminent.e.s intellectuel.les français.es de gauche, dont Thomas Piketty et Julia CagĂ©, ont publiĂ© un manifeste affirmant qu’une nouvelle dynamique politique avait Ă©mergĂ© en faveur d’une transformation sociale et Ă©cologique progressive de l’« Europe ». Les crises sanitaire, climatique et gĂ©opolitiques ont – selon les auteur.ices – forcĂ© l’Union europĂ©enne (UE) Ă  ouvrir des brĂšches dans ce que l’on appelle le « consensus de Maastricht ».

    Par exemple, le « pacte de stabilitĂ© et de croissance » (qui oblige les États membres Ă  se conformer aux « critĂšres de Maastricht », en particulier en termes de dĂ©ficit et d’endettement publics) a alors Ă©tĂ© suspendu, un mĂ©canisme de solidaritĂ© sans prĂ©cĂ©dent a Ă©tĂ© crĂ©Ă© sous la forme du paquet « Next Generation EU » de 750 milliards d’euros, soutenu par la crĂ©ation d’obligations de dette mutuelle, et un embryon de politique d’assurance sociale (SURE) a Ă©tĂ© mis en place.

    Ces mesures dĂ©montreraient que le fondement de la politique europĂ©enne depuis les annĂ©es 1990 – Ă  savoir que le carcan fiscal imposĂ© par les institutions europĂ©ennes n’est pas nĂ©gociable – n’est pas aussi solide que les dĂ©cideurs.euses politiques nous l’ont fait croire. Il serait donc essentiel, toujours selon les auteur.ices de ce manifeste, que les partis politiques et la sociĂ©tĂ© civile tirent parti de cette dynamique.

    Un tel argument semble Ă  bien des Ă©gards contre-intuitif. AprĂšs tout, il y a seulement neuf ans, la tentative de Syriza d’initier une telle transformation a Ă©tĂ© Ă©tranglĂ©e par les institutions europĂ©ennes. Les partis de gauche europĂ©ens n’ont globalement fait que stagner, voire reculer depuis lors aux quatre coins du continent, tandis que l’annĂ©e derniĂšre a vu des divisions majeures au sein des gauches, non seulement en GrĂšce, mais aussi en France, en Allemagne et en Espagne, ce qui aura trĂšs probablement un impact nĂ©gatif sur la fortune de la gauche lors des Ă©lections europĂ©ennes de juin prochain.

    À l’approche des Ă©lections du 9 juin, cependant, on entend Ă  nouveau les reprĂ©sentant.es des partis de gauche modĂ©rĂ©e nous parler de la construction d’une « Europe sociale ». Pourtant, contourner partiellement les rĂšgles en pĂ©riode d’exception est une chose, transformer fondamentalement l’UE en est une autre. AprĂšs tout, l’UE que nous connaissons aujourd’hui n’est apparue qu’aprĂšs la dĂ©faite de l’ « Europe sociale » – un projet global, partagĂ© par les partis socialistes et sociaux-dĂ©mocrates, d’une union d’économies fortement rĂ©glementĂ©es, planifiĂ©es, dĂ©mocratisĂ©es et soutenues par des États-sociaux forts.

    Cinquante ans plus tard, un retour sur ce chapitre oubliĂ© de l’histoire du socialisme europĂ©en peut nous aider Ă  informer – ou peut-ĂȘtre Ă  tempĂ©rer – nos propres ambitions politiques quant Ă  la construction d’une « Europe sociale ».
    Quand l’Europe sociale Ă©tait possible

    L’« Europe sociale » a Ă©tĂ© un slogan et une promesse du centre-gauche europĂ©en Ă  l’occasion de chaque Ă©lection europĂ©enne depuis 1979, Ă  tel point que depuis quelques annĂ©es, l’idĂ©e ressemble davantage Ă  une plaisanterie, souvent moquĂ©e comme un rĂȘve qui ne se matĂ©rialisera jamais, ou plus durement attaquĂ©e comme un « alibi » utilisĂ© pour masquer les rĂ©alitĂ©s d’une UE totalement nĂ©olibĂ©rale. Certains, comme le politologue français François Denord, vont jusqu’à qualifier l’« Europe sociale » d’oxymore, les plans d’intĂ©gration europĂ©enne ayant Ă©tĂ© conçus dĂšs le dĂ©part comme un projet Ă©conomique libĂ©ral et capitaliste, pilotĂ© par les États-Unis.[1]

    En effet, dĂšs les premiĂšres dĂ©cennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion des forces conservatrices, l’intĂ©gration europĂ©enne a Ă©tĂ© fortement axĂ©e sur la coopĂ©ration Ă©conomique et orientĂ©e vers le libĂ©ralisme Ă©conomique, au dĂ©triment des aspects sociaux. Les partis de gauche et les syndicats n’y ont jouĂ© qu’un rĂŽle marginal.[2]

    Mais il fut un temps, il y a un demi-siĂšcle, oĂč une « autre Europe » semblait possible. Le point culminant de l’« Europe sociale » en tant que projet politique a Ă©tĂ© atteint dans ce que l’on pourrait appeler les « longues annĂ©es 1970 », qui s’étendent grosso modo de la fin des annĂ©es 1960 au milieu des annĂ©es 1980. Au cours de ces annĂ©es, une partie des gauches – qui avaient auparavant Ă©tĂ© divisĂ©es et souvent hostiles aux plans d’unification de l’Europe occidentale – a tentĂ© d’imaginer et de promouvoir un projet alternatif d’unitĂ© europĂ©enne. Ce projet visait Ă  faire de l’« Europe » un instrument au service du progrĂšs social et des intĂ©rĂȘts de la classe ouvriĂšre, en commençant par les CommunautĂ©s europĂ©ennes (CE), le prĂ©curseur de l’UE.[3]

    ImaginĂ©e principalement par les socialistes et les sociaux-dĂ©mocrates europĂ©ens, cette Europe sociale aspirait Ă  utiliser les institutions europĂ©ennes pour rĂ©glementer, planifier et dĂ©mocratiser l’économie, harmoniser les rĂ©gimes sociaux et fiscaux, relever le niveau de vie et amĂ©liorer les conditions de travail, rĂ©duire le temps de travail, et, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, modifier l’équilibre des forces dans la sociĂ©tĂ© en faveur des travailleurs.euses. Elle intĂ©grait Ă©galement des prĂ©occupations environnementales, des propositions de dĂ©mocratisation des institutions europĂ©ennes et des aspirations Ă  rĂ©Ă©quilibrer l’ordre Ă©conomique international en faveur du « tiers- monde ».

    Le social-dĂ©mocrate nĂ©erlandais Sicco Mansholt, par exemple, longtemps commissaire europĂ©en Ă  l’agriculture puis prĂ©sident de la Commission europĂ©enne en 1972, Ă©tait un fervent partisan du projet. À l’époque, il n’a de cesse de rĂ©pĂ©ter qu’il faut un « second Marx », un « nouveau socialisme, moderne », organisĂ© au niveau europĂ©en, qui ne se contenterait pas de corriger les excĂšs du capitalisme, mais le dĂ©passerait. L’« Europe sociale » Ă©tait, en bref, une proposition pour une UE assez diffĂ©rente de celle que nous habitons aujourd’hui.

    À l’époque, les gauches europĂ©ennes avaient le vent en poupe. Les longues annĂ©es 1970 ont Ă©tĂ© une pĂ©riode d’intenses conflits sociaux en Europe, Ă  commencer par les rĂ©voltes de 1968, qui ont alors renforcĂ© les partis de la gauche radicale Ă  travers le continent, mais ont Ă©galement assurĂ© la fortune Ă©lectorale des forces plus modĂ©rĂ©es. Ces annĂ©es ont constituĂ© un Ăąge d’or de la social-dĂ©mocratie en Europe occidentale aprĂšs 1945 (certains diraient son Ă©tĂ© indien), au cours duquel les sociaux-dĂ©mocrates dirigeaient des gouvernements dans toute l’Europe et des leaders comme Olof Palme, Willy Brandt et Harold Wilson Ă©taient des figures de proue sur la scĂšne politique internationale.

    Dans le mĂȘme temps, de nouvelles perspectives semblaient s’ouvrir aux partis communistes d’Europe occidentale ; leurs succĂšs Ă©lectoraux, particuliĂšrement remarquables en France et en Italie, les poussaient Ă  rĂ©flĂ©chir sĂ©rieusement Ă  la maniĂšre d’exercer le pouvoir dans une dĂ©mocratie parlementaire. Les syndicats europĂ©ens connaissaient Ă©galement leur apogĂ©e depuis la guerre en termes de nombre et de combativitĂ©, et Ă©taient dĂ©sireux de traduire ces gains en rĂ©formes Ă  long terme.
    Imaginer une Europe des travailleurs·ses

    Au milieu des annĂ©es 1970, les institutions europĂ©ennes Ă©taient donc dominĂ©es par les reprĂ©sentants des partis de gauche et de centre-gauche, et une large alliance en faveur d’une Europe sociale Ă©tait – au moins en thĂ©orie – concevable. Les partis socialistes, les principaux syndicats et, dans une moindre mesure, les partis communistes commençaient Ă  renforcer considĂ©rablement leur coopĂ©ration transnationale afin de mieux influencer la politique europĂ©enne.[4]

    Des Ă©tapes importantes de cette europĂ©anisation ont Ă©tĂ© la crĂ©ation de la ConfĂ©dĂ©ration des partis socialistes de la CommunautĂ© europĂ©enne en 1974, prĂ©curseur de l’actuel Parti socialiste europĂ©en, ainsi que de la ConfĂ©dĂ©ration europĂ©enne des syndicats (CES) en 1973, qui rĂ©unissait des syndicats de tradition sociale-dĂ©mocrate, chrĂ©tienne-sociale et communiste et reprĂ©sentait environ 40 millions de travailleurs.euses.

    Le Chancelier allemand Willy Brandt prĂŽnait alors une « union sociale europĂ©enne », tandis que le nouveau Parti socialiste français dirigĂ© par François Mitterrand, en alliance avec les communistes depuis 1972, poussait Ă  une rĂ©forme radicale de « l’Europe du capital ». Les partis socialistes des CE ont adoptĂ© leur premier programme « Pour une Europe sociale » en avril 1973 Ă  Bonn.

    Dans les annĂ©es qui suivirent, ils ont Ă©laborĂ© un premier programme Ă©lectoral europĂ©en, assez radical. Les syndicats europĂ©ens ont Ă©galement formulĂ© Ă  la mĂȘme Ă©poque un programme dĂ©taillĂ© et combatif pour l’« Europe des travailleurs », qui proposait une alternative europĂ©enne aux solutions nĂ©olibĂ©rales, notamment un contrĂŽle accru du capital, une planification Ă©conomique dĂ©mocratique et un contrĂŽle des entreprises par les travailleurs.euses.

    Plusieurs propositions d’« Europe sociale » ont Ă©tĂ© inscrites Ă  l’ordre du jour des dĂ©cideurs.ses europĂ©en.nes au cours de ces annĂ©es. Les efforts des gauches europĂ©ennes ont Ă©tĂ© dĂ©terminants pour le premier Programme d’action sociale (PAS) adoptĂ© par les CE en 1974, qui a dĂ©bouchĂ© sur l’adoption d’un certain nombre de directives et de mesures europĂ©ennes.

    Celles-ci comprenaient le renforcement du Fonds social europĂ©en et la crĂ©ation d’agences europĂ©ennes pour la formation professionnelle et pour les conditions de vie et de travail. Mais les progrĂšs les plus marquĂ©s concernaient l’égalitĂ© entre les hommes et les femmes et la santĂ© et la sĂ©curitĂ© au travail, grĂące Ă  l’adoption d’une sĂ©rie de directives par le Conseil au cours de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1970.

    Bien que cela soit aujourd’hui largement oubliĂ©, la fin des annĂ©es 1970 et le dĂ©but des annĂ©es 1980 ont par ailleurs connu une mobilisation exceptionnelle des syndicats europĂ©ens. Deux campagnes ont Ă©tĂ© particuliĂšrement marquantes. Tout d’abord, la bataille pour une stratĂ©gie Ă©conomique alternative, orientĂ©e vers l’emploi, dans laquelle la gauche europĂ©enne avait alors dĂ©cidĂ© de mettre en avant une revendication en particulier : la rĂ©duction du temps de travail sans perte de salaire.

    D’autre part, la bataille pour la dĂ©mocratisation du travail et de l’économie, qui aboutit en 1980 Ă  la proposition d’une directive europĂ©enne pour les droits des travailleurs.euses Ă  l’information et Ă  la consultation dans les entreprises multinationales (la « directive Vredeling »).

    Cette proposition, qui portait le nom du commissaire aux affaires sociales Henk Vredeling, un social- dĂ©mocrate nĂ©erlandais, contenait des propositions qui auraient obligĂ© les entreprises multinationales Ă  informer et Ă  consulter les reprĂ©sentants des travailleurs.euses sur toutes les questions « susceptibles d’affecter substantiellement les intĂ©rĂȘts des travailleurs ». Elle aurait lĂ©galement obligĂ© toutes les entreprises employant plus de 99 salariĂ©s dans la CE, y compris les entreprises non europĂ©ennes, Ă  rendre des comptes aux travailleurs.euses de leurs filiales europĂ©ennes.

    La directive touchait au cƓur de l’immunitĂ© juridique de facto des multinationales, menaçait directement les prĂ©rogatives du capital transnational et provoqua une rĂ©action fĂ©roce de la part des organisations patronales, des milieux d’affaires internationaux et des forces conservatrices et libĂ©rales.
    La défaite

    Au dĂ©but des annĂ©es 1980, la vision de la gauche europĂ©enne pour l’Europe commence Ă  perdre du terrain face au centre-droit et au formules nĂ©olibĂ©rales. Entre 1979 et 1982, les partis conservateurs reviennent au pouvoir au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne de l’Ouest lorsque Margaret Thatcher, Ronald Reagan et Helmut Kohl sont Ă©lus. Il s’agissait en partie d’une rĂ©ponse Ă©lectorale au virage des partis sociaux-dĂ©mocrates vers des politiques d’austĂ©ritĂ© Ă  la suite de la crise Ă©conomique qui a suivi le choc pĂ©trolier de 1973.

    La mise en Ɠuvre du programme du MarchĂ© unique et de l’Union Ă©conomique et monĂ©taire dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1980 marque alors une libĂ©ralisation Ă©conomique et la mise en place de contraintes budgĂ©taires croissantes, qui mettent les États-sociaux nationaux sous pression. L’« Europe sociale » – ou, du moins, ce projet prĂ©cis d’Europe sociale soutenue par les gauches europĂ©ennes pendant prĂšs de deux dĂ©cennies – avait Ă©tĂ© mise en Ă©chec.

    Les raisons pour lesquelles la voie vers l’« Europe sociale » n’a pas Ă©tĂ© empruntĂ©e sont complexes. Certaines d’entre elles Ă©taient « exogĂšnes » Ă  la gauche elle-mĂȘme. Comme la popularitĂ© croissante des solutions « nĂ©olibĂ©rales » parmi les milieux d’affaires europĂ©ens (par exemple l’Union des industriels des pays de la CommunautĂ© europĂ©enne (UNICE), prĂ©curseur de l’actuelle « Business Europe ») et les partis conservateurs.

    Des facteurs structurels et institutionnels ont Ă©galement favorisĂ© une Europe orientĂ©e vers le marchĂ©. La plupart des questions de politique sociale et fiscale, telles que l’impĂŽt sur le revenu, Ă©taient (et restent encore) exclues des compĂ©tences des CE – ou, si elles ne le sont pas, font l’objet d’un vote unanime au sein du Conseil, ce qui rend les progrĂšs dans ce domaine presque impossibles.

    Le processus institutionnel particulier de prise de dĂ©cision de la CE/UE a Ă©galement rendu l’« intĂ©gration nĂ©gative » – c’est-Ă -dire la dĂ©rĂ©glementation et la libĂ©ralisation Ă©conomiques Ă  l’échelle de l’UE – plus facile que l’ « intĂ©gration positive ». En outre, les diffĂ©rences en matiĂšre de politique sociale entre les États membres de l’UE ont Ă©galement jouĂ© un rĂŽle : avec les Ă©largissements successifs de l’Europe, la variĂ©tĂ© de plus en plus complexe des modĂšles sociaux (systĂšme universel dans les pays scandinaves, modĂšle « chrĂ©tien-dĂ©mocrate » dans les pays continentaux comme la France et l’Allemagne, modĂšle libĂ©ral anglo-saxon relativement autarcique et modĂšle mĂ©diterranĂ©en avec des dĂ©penses plus faibles) a rendu l’harmonisation de plus en plus difficile.[5]

    NĂ©anmoins, des faits « endogĂšnes » Ă  la gauche europĂ©enne allaient finalement s’avĂ©rer dĂ©cisifs dans sa dĂ©faite. Les divisions internes au sein du camp social-dĂ©mocrate sur la politique europĂ©enne et les stratĂ©gies d’opposition au nĂ©olibĂ©ralisme Ă©taient profondes et ont eu des consĂ©quences trĂšs concrĂštes sur l’(in)capacitĂ© de la gauche Ă  prĂ©senter un front uni. Des divergences majeures sont apparues entre certains socialistes du « Sud », comme le Parti socialiste français – qui prĂŽnait Ă  l’époque l’autogestion, les nationalisations et la planification Ă©conomique du niveau local au niveau europĂ©en – et certains sociaux-dĂ©mocrates du « Nord », comme le SPD allemand, qui privilĂ©giait son modĂšle de codĂ©termination des entreprises et Ă©tait plus rĂ©ticent Ă  l’idĂ©e de parler de planification Ă©conomique.

    Mais il existait Ă©galement de nombreuses divisions internes au sein des partis sociaux-dĂ©mocrates, notamment entre les nouveaux courants de gauche du socialisme europĂ©en, soutenus par de jeunes militants de base, qui promouvaient des stratĂ©gies Ă©conomiques alternatives visant Ă  limiter l’entreprise privĂ©e, Ă  Ă©tendre le secteur public et les nationalisations et Ă  accroĂźtre le contrĂŽle du capital, et le courant mainstream de la social-dĂ©mocratie europĂ©enne qui prĂ©fĂ©rait une forme renforcĂ©e de capitalisme social keynĂ©sien, sans parler des courants plus Ă  droite, auxquels appartenaient Ă  la fois Helmut Schmidt, Ă  la tĂȘte du SPD depuis 1974 et James Callaghan, le leader du parti travailliste depuis 1976.

    Ces tensions sont restĂ©es constantes malgrĂ© les efforts dĂ©ployĂ©s pour accroĂźtre la coopĂ©ration entre les syndicats et les partis au niveau europĂ©en. Bien qu’il y ait eu une large unitĂ© sur des thĂšmes gĂ©nĂ©raux (tels que l’harmonisation sociale vers le haut et la rĂ©duction du temps de travail), des dĂ©saccords majeurs persistaient sur des questions institutionnelles importantes telles que les pouvoirs Ă  octroyer au Parlement europĂ©en (PE) ou la participation des travailleurs.euses Ă  la gestion des entreprises.

    En outre, les structures chargĂ©es d’assurer la coordination internationale et europĂ©enne des partis Ă©taient relativement faibles, manquant de ressources et restant essentiellement non contraignantes dans leurs dĂ©cisions. D’ailleurs, aprĂšs plusieurs annĂ©es de discussions laborieuses dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1970, les partis socialistes des CE ont fini par renoncer Ă  l’adoption d’un programme Ă©lectoral commun contraignant pour les premiĂšres Ă©lections europĂ©ennes.

    L’ambivalence du parti travailliste britannique Ă  l’égard des CE a Ă©galement fait obstacle Ă  l’avĂšnement d’une « Europe sociale ». La perspective de l’adhĂ©sion du Royaume-Uni avait reprĂ©sentĂ© l’un des principaux espoirs des socialistes europĂ©ens de pousser les CE vers la gauche au dĂ©but des annĂ©es 1970.

    Cependant, bien que des dirigeants de parti comme Harold Wilson soient devenus de plus en plus favorables au marchĂ© commun dĂšs le milieu des annĂ©es 1960, la dĂ©cision du parti de « boycotter » les institutions europĂ©ennes jusqu’au rĂ©fĂ©rendum de 1975, puis de s’abstenir de participer aux travaux sur le programme socialiste europĂ©en commun au cours des annĂ©es suivantes, a affaibli le front socialiste.[6]

    Il en va de mĂȘme pour le boycott des institutions europĂ©ennes par le Trades Union Congress (TUC), la principale confĂ©dĂ©ration syndicale britannique, bien que la ligne dure du mouvement syndical britannique Ă  l’égard du marchĂ© commun ait poussĂ© la CES Ă  adopter une position plus radicale et combative Ă  l’égard des institutions europĂ©ennes au cours de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1970. Le TUC et le parti travailliste, dont les flancs gauches Ă©taient particuliĂšrement hostiles aux CE, craignaient que la contribution financiĂšre du Royaume-Uni Ă  la CE ne gĂ©nĂšre un dĂ©ficit budgĂ©taire et ne donne au gouvernement un prĂ©texte pour appliquer des politiques d’austĂ©ritĂ©.

    Ils craignaient Ă©galement que le marchĂ© commun ne sape les relations commerciales avec les pays du Commonwealth et n’entrave le dĂ©veloppement des pays du Tiers-monde. Ils Ă©taient tous deux opposĂ©s Ă  la politique agricole commune (qu’ils considĂ©raient comme une charge insupportable pour un pays qui dĂ©pendait principalement des importations agricoles du Commonwealth), Ă  la future union Ă©conomique et monĂ©taire et Ă  la politique de concurrence de la CE, qui, selon eux, limitait la capacitĂ© des États Ă  intervenir dans l’économie et la sociĂ©tĂ©.

    Outre les divisions internes, une autre cause clĂ© de l’échec de l’ « Europe sociale » a Ă©tĂ© l’incapacitĂ© des gauches Ă  construire une coalition efficace au niveau europĂ©en. MĂȘme si tous s’accordaient Ă  dire qu’une large alliance Ă©tait nĂ©cessaire pour construire une « autre Europe », les positions des diffĂ©rents partis de la famille socialiste divergeaient sur la forme que celle-ci devrait prendre. Certains, comme les socialistes français, Ă©taient favorables Ă  une « Union de la gauche » au niveau europĂ©en avec les partis communistes – dont beaucoup adoptaient Ă  l’époque des stratĂ©gies dites « eurocommunistes » et une attitude rĂ©formiste envers les CE, Ă  commencer par le Parti communiste italien.

    D’autres sociaux-dĂ©mocrates prĂ©fĂ©raient se tourner vers la droite, vers les forces « dĂ©mocratiques et progressistes » au sein des familles de partis dĂ©mocrates-chrĂ©tiens et libĂ©raux. La direction du SPD, par exemple, s’opposait fermement Ă  toute collaboration avec les partis communistes. Ces tensions ont perdurĂ© tout au long de la dĂ©cennie et se sont rĂ©vĂ©lĂ©es ĂȘtre une faiblesse majeure lorsque l’offensive de la droite a vĂ©ritablement pris de l’ampleur.[7]
    L’offensive patronale et la faiblesse du mouvement social europĂ©en

    MĂȘme si les divisions au sein de la gauche europĂ©enne avaient Ă©tĂ© moindres, les promoteurs de l’ « Europe sociale » n’avaient pas les capacitĂ©s de lobbying nĂ©cessaires pour imposer leur programme au sein des institutions europĂ©ennes. Le lobby de la classe patronale en pleine effervescence, en revanche, s’est avĂ©rĂ© d’une efficacitĂ© dĂ©vastatrice.[8]

    Les dĂ©bats sur la directive Vredeling au Parlement europĂ©en ont Ă©tĂ© accompagnĂ©s de la campagne de lobbying la plus coĂ»teuse et la plus intensive de l’histoire du Parlement europĂ©en jusqu’alors. Les syndicats europĂ©ens et les partis sociaux-dĂ©mocrates, quant Ă  eux, se sont rĂ©vĂ©lĂ©s incapables de contrer l’offensive du capital europĂ©en, peu habituĂ©s qu’ils Ă©taient Ă  naviguer dans les couloirs du pouvoir transnational « multiniveau ».

    En effet, Ă  l’exception du gouvernement Brandt au dĂ©but des annĂ©es 1970, les gouvernements socialistes europĂ©ens n’ont pas rĂ©ussi Ă  faire avancer les propositions d’« Europe sociale » au sein du Conseil. Au cours de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1970, par exemple, les États membres des CE (y compris les gouvernements dirigĂ©s par les sociaux-dĂ©mocrates) ont abandonnĂ© leur engagement antĂ©rieur de rĂ©diger un deuxiĂšme PAS.

    Lorsque les socialistes sont arrivĂ©s au pouvoir en France en 1981 et ont remis l’ « Europe sociale » Ă  l’ordre du jour, la gauche avait perdu sa majoritĂ© au Conseil ; les idĂ©es de Mitterrand ont Ă©tĂ© poliment ignorĂ©es, y compris par Schmidt, qui n’avait jamais adhĂ©rĂ© Ă  l’ « union sociale » de son prĂ©dĂ©cesseur Brandt. La nĂ©cessitĂ© d’obtenir l’unanimitĂ© au sein du Conseil a certainement entravĂ© les progrĂšs vers une Europe de l’économie planifiĂ© et rĂ©gulĂ©e, et de la redistribution. Mais si les gouvernements allemand, britannique et français avaient dĂ©fendu avec dĂ©termination un agenda « social » Ă  la fin des annĂ©es 1970 et au dĂ©but des annĂ©es 1980, les choses auraient pu prendre une autre direction.

    Mais en derniĂšre analyse, l’une des principales raisons de la dĂ©faite de l’« Europe sociale » a Ă©tĂ© l’incapacitĂ© de la gauche europĂ©enne Ă  susciter une mobilisation transnationale « d’en bas » en faveur d’un changement radical au niveau europĂ©en. Une telle mobilisation aurait Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour renverser le rapport de force en faveur des travailleur.euses. Hormis un rassemblement symbolique sous la Tour Eiffel quelques jours avant les premiĂšres Ă©lections au PE, les partis socialistes europĂ©ens n’ont jamais envisagĂ© de mobiliser leurs militants et sympathisants en faveur de leur vision de l’avenir du continent.

    Tout au long des longues annĂ©es 1970, la politique europĂ©enne est restĂ©e l’affaire des chefs de parti et n’a constituĂ© qu’une prĂ©occupation marginale pour les membres des Ă©chelons moyens et infĂ©rieurs des partis socialistes. Les partis de gauche n’ont pas non plus rĂ©ussi Ă  intĂ©grer les nouveaux mouvements sociaux, tels que le mouvement antinuclĂ©aire en Allemagne ou les campagnes de dĂ©sarmement en plein essor, au moment oĂč ceux-ci semblaient reprĂ©senter l’avant-garde de la mobilisation progressiste sur le continent. CombinĂ©es au dĂ©clin progressif de l’organisation de la classe ouvriĂšre et Ă  la fragmentation du vote ouvrier Ă  partir des annĂ©es 1980, les perspectives de mobilisation populaire en faveur d’une Europe alternative s’éloignaient de plus en plus, tandis que l’Europe nĂ©olibĂ©rale devenait rapidement une rĂ©alitĂ©.

    Les choses Ă©taient un peu diffĂ©rentes sur le front syndical, oĂč des tentatives de construire un mouvement transnational de travailleurs.euses en faveur d’une « Europe sociale » ont bel et bien existĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1970 et au dĂ©but des annĂ©es 1980. La « JournĂ©e d’action europĂ©enne » et la « Semaine d’action europĂ©enne » organisĂ©es par la CES en 1978 et 1979, qui ont vu des millions de travailleurs.euses participer Ă  des initiatives diverses, Ă  des manifestations et Ă  des grĂšves, ont marquĂ© une phase d’activisme particuliĂšrement incisive dans l’histoire du syndicalisme europĂ©en.

    Cependant, une proposition des syndicats français et belges d’organiser une grĂšve coordonnĂ©e Ă  l’échelle europĂ©enne Ă  l’époque a Ă©tĂ© rejetĂ©e par une majoritĂ© du comitĂ© exĂ©cutif de la CES, et la plus grande confĂ©dĂ©ration syndicale des CE n’a pas su Ă©tablir de liens organiques avec les syndicats nationaux pour ces campagnes, ou Ă  mobiliser les travailleurs.euses en faveur de ses principaux objectifs politiques.[9]
    Pour une Europe socialiste

    L’échec des gauches europĂ©ennes Ă  construire une Europe « sociale » – ou plutĂŽt socialiste – au cours des longues annĂ©es 1970 est riche d’enseignements pour la pĂ©riode actuelle. D’une part, il suggĂšre la nĂ©cessitĂ© d’un certain degrĂ© de pessimisme quant Ă  la possibilitĂ© de transformer un jour l’UE en un instrument de progrĂšs social, dĂ©mocratique et Ă©cologique. Il convient de souligner qu’au cours des longues annĂ©es 1970, le rapport de force Ă©tait beaucoup plus favorable Ă  la gauche et au mouvement ouvrier que ce n’est le cas aujourd’hui, et que le cadre de la gouvernance socio-Ă©conomique europĂ©enne Ă©tait bien plus mallĂ©able.

    Avec vingt-sept États membres siĂ©geant au Conseil, un nĂ©olibĂ©ralisme plus profondĂ©ment ancrĂ© dans les traitĂ©s et les politiques europĂ©ennes que jamais, et un nombre croissant de gouvernements qui basculent Ă  droite et Ă  l’extrĂȘme droite, les tentatives de rĂ©imaginer une « Europe sociale » pour le XXIe siĂšcle ressemblent de plus en plus Ă  une chimĂšre. Si les crises rĂ©centes semblaient avoir ouvert de petites brĂšches dans le consensus de Maastricht, elles sont loin d’ĂȘtre suffisantes pour inverser la tendance.

    Pendant ce temps, les forces conservatrices et nĂ©olibĂ©rales sont dĂ©jĂ  occupĂ©es Ă  rĂ©affirmer l’austĂ©ritĂ©. Un exemple suffit Ă  l’affirmer : la nouvelle version du « pacte de stabilitĂ© » adoptĂ©e par le Parlement europĂ©en le 17 janvier 2024, qui, derriĂšre l’écran de fumĂ©e d’une « plus grande flexibilitĂ© », renforcera les possibles sanctions contre les pays dont la dette publique dĂ©passe 60% du PIB, renforcera la super-austĂ©ritĂ© permanente et fera obstacle Ă  tout investissement significatif de bifurcation Ă©cologique par l’État (sans parler de la rĂ©cente proposition du Conseil europĂ©en d’imposer 100 milliards de coupes dans les annĂ©es Ă  venir).[10]Ces dĂ©cisions n’ont pas tardĂ© Ă  se faire ressentir en France, avec la rĂ©cente annonce de 10+10 milliards d’« Ă©conomies » – c’est-Ă -dire de coupes budgĂ©taires – par Bruno Le Maire.

    En mĂȘme temps, l’histoire de la dĂ©faite de l’ « Europe sociale » devrait enjoindre celles et ceux qui, Ă  gauche, croient encore que l’UE peut ĂȘtre changĂ©e – ou peut-ĂȘtre supplantĂ©e par un autre type de coopĂ©ration europĂ©enne – Ă  travailler sans relĂąche pour surmonter leurs divisions internes et leurs faiblesses stratĂ©giques.

    On peut admettre – bien que cela soit plutĂŽt discutable – que certain.es pensent qu’il y a des raisons d’ĂȘtre optimiste aujourd’hui, car les partis sociaux-dĂ©mocrates, les verts et la gauche radicale, les syndicats et la sociĂ©tĂ© civile sont relativement mieux organisĂ©s au niveau europĂ©en qu’ils ne l’étaient autrefois, les citoyen.nes sont plus attentifs Ă  la politique europĂ©enne et, Ă  la faveur de la crise climatique, les citoyen.nes sont poussĂ©es Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă  se mobiliser au plan transnational.

    Cependant, pour faire Ă©voluer le projet europĂ©en dans une direction radicalement diffĂ©rente, les gauches devraient construire une alliance vĂ©ritablement transnationale clairement opposĂ©e aux versions nĂ©olibĂ©rales et conservatrices de l’ « Europe », se mettre d’accord sur un programme commun pour une Europe sociale, Ă©cologiste, dĂ©mocratique et transfĂ©ministe orientĂ©e vers les intĂ©rĂȘts des travailleurs.ses et des classes populaires, et lancer une offensive politique et sociale basĂ©e sur une mobilisation populaire de masse.

    Toute autre stratĂ©gie, comme l’ont appris Ă  leurs dĂ©pens les gauches des annĂ©es 1970, est de l’ordre du wishfull thinking et restera vouĂ©e Ă  l’échec.

    *

    AurĂ©lie Dianara est chercheuse post-doctorale en histoire sociale et politique europĂ©enne basĂ©e Ă  Paris, militante de Potere al Popolo en Italie et membre de l’équipe Ă©ditoriale de Contretemps. Elle est l’autrice de Social Europe, The Road Not Taken. The Left and European integration in the Long 1970s (Oxford University Press, 2022), dont nous avons publiĂ© un compte-rendu.

    NB : Une version lĂ©gĂšrement diffĂ©rente de cet article est parue dans la version papier de Jacobin Germany en mars 2024.

    • En plus concis, j’écoute LSD sur Mendela et un de ses compagnons de route raconte que Mendela arrive au pouvoir avec un gros programme social et Ă©conomique fondĂ© sur la nationalisation des ressources et la redistribution des richesses, va faire un tour Ă  Davos comme tous les chefs d’État et revient en disant que son programme ne va pas ĂȘtre possible et se met Ă  faire la mĂȘme politique que tout le monde.

  • « Vivre en arsenic » : un rĂ©cit littĂ©raire et poĂ©tique pour tĂ©moigner de la pollution de la mine d’or de Salsigne
    ▻https://www.sciencesetavenir.fr/decouvrir/livre-vivre-en-arsenic-un-recit-litteraire-et-poetique-pour-temoign


    20 ans aprĂšs la fermeture de la plus grande mine d’or d’Europe et d’arsenic pour le monde, Claire Dutrait se penche sur la contamination laissĂ©e par les extractions miniĂšres dans Vivre en arsenic : Ă©copoĂ©tique d’une vallĂ©e empoisonnĂ©e, livre paru en avril aux Ă©ditions Actes sud. Un texte qui dĂ©sarçonne et nous raconte ce que cela fait de vivre sur un territoire polluĂ©.

    "Vivre en arsenic : Ă©copoĂ©tique d’une vallĂ©e empoisonnĂ©e" n’est ni une enquĂȘte journalistique, ni un roman documentaire et encore moins un pamphlet militant. Claire Dutrait aborde cette catastrophe environnementale avec un texte littĂ©raire qui visite la poĂ©sie puis se mĂ©tamorphose en collecte de donnĂ©es historiques, de dĂ©tails techniques touchant aux procĂ©dĂ©s industriels de transformation des matiĂšres extraites ou encore en recueil de tĂ©moignages.

    La vallĂ©e dont il est question dans le titre, c’est la vallĂ©e de l’Orbiel, un affluent de l’Aude au nord de Carcassonne, que Claire Dutrait frĂ©quente depuis l’enfance. Difficile de "faire sentir ce que font les pollutions", surtout que rien dans ce cadre idyllique n’indique aux touristes de passage la dangerositĂ© d’une plage ou d’une colline oĂč ont Ă©tĂ© stockĂ©es des tonnes de dĂ©chets arsĂ©niĂ©s. Le patrimoine historique cathare a droit Ă  plus de publicitĂ©, remarque l’auteure.

    Pour traduire le danger qui couve dans ce paysage de carte postale, Claire Dutrait use d’artifices littĂ©raires qui dĂ©sarçonnent mais frappent avec justesse notre imaginaire et notre sensibilitĂ© : images, allĂ©gories et mĂ©taphores sont construites pour dĂ©crire et faire ressentir par touches. "Les catastrophes se conçoivent mal, et il va falloir s’accrocher Ă  des bouts de phrases, des restes, des images, des reprĂ©sentations".

    Pour que nous entendions la catastrophe, l’auteure fait le parallĂšle Ă©tonnant entre la vallĂ©e de l’Orbiel et la romanesque Emma Bovary, le personnage en quĂȘte d’idĂ©al de Gustave Flaubert. La premiĂšre, nature malmenĂ©e et la seconde, Ă  la fois femme mal-aimĂ©e et mĂšre insensible sont vouĂ©es Ă  la tragĂ©die oĂč "l’arsenic joue le rĂŽle de rĂ©vĂ©lateur d’une toxicitĂ©" [Emma Bovary se suicide en ingurgitant de l’arsenic, NDLR].
    Sentir l’indicible, sentir la pollution

    Une fraction des dĂ©chets des mines - appelĂ©s « haldes » - a Ă©tĂ© rĂ©exploitĂ©e chaque fois que de nouvelles techniques ou de nouveaux besoins ont Ă©mergĂ© : ce sera le cas des scories laissĂ©es par les Gallo-Romains rĂ©utilisĂ©es Ă  la Belle Ă©poque, le vitriol fabriquĂ© Ă  partir des fumĂ©es toxiques de dioxyde de soufre, du bismuth rĂ©cupĂ©rĂ© comme co-produit.

    Jusqu’à l’exploitation des rejets de flottation contenant des rĂ©sidus d’or oubliĂ©s par cyanuration se terminant en fiasco quand les cours de l’or s’effondrent avec la chute de l’Union soviĂ©tique.

    Pourtant, malgrĂ© ces logiques d’exploitation maximale, ce ne sera jamais assez pour faire disparaĂźtre les 14 millions de tonnes de dĂ©chets entassĂ©s. Le rĂ©cit de Dutrait tourne autour de cette notion de « restes ». "L’extractivisme, c’est comme lorsqu’on pose une division (
). Une division a Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e entre les matiĂšres de la vallĂ©e – et la vallĂ©e de l’Orbiel, (
) c’est l’un de ces restes, c’est le reste du reste du reste, c’est le monde qui reste au fond de l’opĂ©ration de division".

  • KoinĂš : aprĂšs la catastrophe, aprĂšs la rĂ©volution, comment refermer les blessures ?
    ▻https://www.revolutionpermanente.fr/Koine-apres-la-catastrophe-apres-la-revolution-comment-refermer

    Paru aux Ă©ditions La Volte, ce petit roman Ă©voque l’ambiance mĂ©lancolique d’un monde post-apocalyptique oĂč la rĂ©volution socialiste a mis fin au capitalisme. Un combo rarement vu et rĂ©ussi.

    La rĂ©volution a eu lieu, et le capitalisme a Ă©tĂ© renversĂ©. VoilĂ  quinze ans que, suite Ă  une catastrophe climatique, les pauvres ont mis fin Ă  l’exploitation et Ă  la propriĂ©tĂ© privĂ©e. Alors que les ocĂ©ans ont montĂ© de plusieurs centaines de mĂštres, pendant que les riches tentaient Ă  tout prix de sauver leurs biens et leurs monuments, ces derniers furent simplement expropriĂ©s. Quinze ans aprĂšs, KoinĂš , le nouveau roman de MĂ©lanie Fievet, prĂ©sente quatre personnages, tous rĂ©unis dans la Ville, un des vestiges les plus poussiĂ©reux de l’ancienne sociĂ©tĂ©, en marge des plateaux oĂč la nouvelle sociĂ©tĂ© s’est construite. On y trouve, Elpy, une travailleuse solitaire et traumatisĂ©e, Aliocha, geek qui ne trouve aucune place pour lui dans ce nouveau monde, Soran, ancien dirigeant rĂ©volutionnaire qui a perdu prise et Bob Blaine, le rĂ©ceptionniste mutique d’une pension oĂč Ă©chouent ces Ăąmes en peine. Autour d’eux, le ChƓur, qui est Ă  la fois la voix de la collectivitĂ©, son chant, sa dĂ©mocratie, ses dĂ©bats et son histoire.

    De la catastrophe naĂźt le communisme

    La premiĂšre surprise du roman se trouve dĂšs l’exposĂ© de cette nouvelle sociĂ©tĂ©. MĂȘme si le roman n’en a pas l’air, nous sommes bien dans un univers post-apocalyptique : les ocĂ©ans sont montĂ©s si haut que l’humanitĂ© survit sur les plateaux des grandes chaĂźnes de montagnes, sans savoir s’il reste d’autre survivants. Les saisons se sont totalement dĂ©rĂ©glĂ©es et la catastrophe n’a pu que tuer des centaines de millions voir des milliards d’ĂȘtres humains et autant d’espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales. Mais lĂ  oĂč le roman prend le contre-pied des univers post-apocalyptiques, c’est que de cette catastrophe, une sociĂ©tĂ© nouvelle, souhaitable et Ă©galitaire est nĂ©e. Les grandes Ɠuvres de science fiction post-apo nous ont pourtant habituĂ©s Ă  voir la catastrophe comme la fin de toute civilisation : des hordes de motards dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s de Mad Max aux zombies de Je suis une LĂ©gende, en passant par le monde confinĂ© dans un train de Snowpiercer, dans l’imaginaire collectif, la catastrophe mondiale, fusse-t-elle nuclĂ©aire, sanitaire, ou Ă©cologique, ne peut dĂ©boucher que sur un recul extraordinaire de la civilisation. Un tel recul qu’y renaĂźt les famines, l’esclavage et les seigneurs de guerre.

    MĂ©lanie Fievet propose une autre approche du post-apo : aux trĂ©fonds de la catastrophe, ce sont ceux qui l’ont causĂ© qui sont renversĂ©s. « Les journĂ©es s’agitaient. Averses, tempĂȘtes, canicules et gelĂ©es, parfois d’un bord Ă  l’autre e la mĂȘme rue, ou dans la mĂȘme heure. Les mangroves se noyĂšrent les premiĂšres, les pinĂšdes, les palmeraies. Puis on vit Ă©clore des palĂ©tuviers, des roses et des sambacs sur les hauteurs du Cause, sur les remparts de leur coffre-fort. Plus tard, on appela ce moment la floraison des possibles. Le temps Ă©tait venu pour nous de faire Ă©clore sa plus fabuleuse fleur : la rĂ©volution. » Comme quoi, mĂȘme quand l’humanitĂ© est au bord gouffre, There is an alternative.

    Cette approche, loin d’ĂȘtre saugrenue, est, dans un sens, rĂ©aliste. Depuis les premiers dĂ©buts du capitalisme, nombre de rĂ©volutions qui ont tentĂ© de l’abolir sont nĂ©es dans ces moments de crise aiguĂ«s, Ă  commencer par la Commune et la RĂ©volution Russe, filles des guerre franco-prussiennes et de la PremiĂšre guerre mondiale et de leurs atrocitĂ©s. Tout comme les grandes crises Ă©conomiques peuvent crĂ©er des situations oĂč les antagonismes de classes explosent en rĂ©voltes et rĂ©volutions, la crise climatique crĂ©era sĂ»rement, Ă  court ou moyen terme, de telles situations. Et alors que riches sauveront ce qu’ils pourront et tenteront de s’exiler sur les derniĂšres terres viables, le seul avenir possible ne sera pas la rĂ©signation. Cette leçon est riche, tant aujourd’hui il semble plus simple d’imaginer la fin de l’humanitĂ©, par une guerre mondiale ou une crise climatique, que la fin du capitalisme qui les cause et les entretient.

    AprÚs la libération des chaßnes, la libération des ùmes

    Quinze annĂ©es aprĂšs la rĂ©volution, les choses ont changĂ© Ă  une vitesse inimaginable : « LibertĂ©, dignitĂ©, justice, l’aisance pour tous », telle est la promesse de KoinĂš [traduire : la Commune], cette nouvelle sociĂ©tĂ© libĂ©rĂ©e de l’exploitation. Chacun y travaille quatre heures par jour, puis peut se consacrer Ă  ce qu’il veut : « aux sciences, Ă  l’art, Ă  l’exploration, au langage, aux exercices du corps, au jeu, Ă  l’infinie constellation du gĂ©nie humain ». Chacun peut s’exprimer et apporter au ChƓur, chant collectif aux infinies variations, ses notes, ses tons, ses rythmes et ses mĂ©lodies. La langue s’est transformĂ©e, comme les relations sociales. Mais malgrĂ© la libĂ©ration matĂ©rielle subsiste les blessures et les blessĂ©s. « Pourquoi, dans un monde utopique, est-ce qu’on choisit quand mĂȘme de se suicider ? » se demande Elpy, qui n’a pas su se remettre du dĂ©part de sa sƓur.

    « Bien sĂ»r que nous sommes traversĂ©s par les lignes du doute, du dĂ©saccord, du dĂ©sespoir parfois. L’utopie que nous avons bĂątie n’a pas aboli pour toujours le chagrin, la violence et le vertige. Elle n’a pas garanti le bonheur universel et sans faille.

    Il y a de l’or et de la lumiĂšre, pourtant, Ă  fondre dans ses fĂȘlures », y rĂ©pond le ChƓur.

    LĂ  encore, MĂ©lanie Fievet sort des caricatures et propose un autre monde. Oui, la rĂ©volution devra Ă©craser ceux qui lancent des armĂ©es contre elle et cherchent Ă  la dĂ©truire, Ă  la ruiner. Mais que faire des insatisfaits ? Que faire des nostalgiques de l’ancien monde, de ceux qui n’arrivent pas Ă  s’épanouir dans le collectif mais qui ne s’arment pas pour le dĂ©truire ? Que faire de ceux, trop traumatisĂ©s par le capitalisme et ses horreurs, que mĂȘme une sociĂ©tĂ© tournĂ©e vers leur rĂ©mission est insuffisante ? Ce sont ces personnages que l’on suit dans le roman.

    Mais quel or fondre dans ces blessures ? Tout d’abord, Ă  dĂ©faut de soigner, accepter. Aider, psychologiquement. Admettre que certains ne pourront pas travailler, mĂȘme ses quatre heures quotidiennes, mĂȘme pour des tĂąches adaptĂ©es : Ă  chacun selon ses besoins. Proposer un endroit oĂč vivre, malgrĂ© tout. Laisser les gens errer quand ils en ont besoin et les recueillir quand ils y sont prĂȘts. Telle est la rĂ©alitĂ© de KoinĂš : non pas le bonheur automatique, mais une sociĂ©tĂ© Ă  construire oĂč certains traumatismes et angoisses survivront Ă  la mise en place d’une Ă©conomie oĂč personne ne manquera de rien. Une sociĂ©tĂ© qui nous met en garde : si la rĂ©volution libĂ©rera des milliards de personnes de leurs chaĂźnes et de leur misĂšre, il restera des plaies bĂ©antes qu’il faudra panser.

    Sous les pavés le spleen

    MalgrĂ© ce monde post-apocalyptique et les Ăąmes en peine que suit le roman, celui-ci est tout sauf un drame. Le style particulier de MĂ©lanie Fievet et cette langue nouvelle que chante le ChƓur et qu’écrit le Texte, une sorte de rĂ©seau social oĂč s’écrit une littĂ©rature collective, oĂč chacun complĂšte d’une phrase une symphonie entamĂ©e par d’autres Ă©crivains, ne nous emmĂšne ni dans la tristesse ni dans l’angoisse que peuvent vivre Elpy, Soran ou Aliocha. Et c’est peut-ĂȘtre la plus grande rĂ©ussite de KoinĂš : nous emmener cahin-caha suivre ces esprits brisĂ©s oĂč chacun pourra surement se reconnaĂźtre Ă  un moment donnĂ©. Au fil de la lecture, une forme de nostalgie duveteuse entoure le lecteur. MalgrĂ© les Ă©vĂšnements, on aimerait se reposer, pour un jour, une semaine, dans la pension oĂč se trouvent les personnages, pour se couper du monde. Dans ce sens, KoinĂš ressemble beaucoup Ă  l’anime Cowboy Bebop, qui suivait des chasseurs de prime en errance, Ă©chouant Ă  cicatriser les blessures de leur passĂ©, mais sans jamais s’effondrer. La bande-son jazz de l’anime peut presque rĂ©sonner dans les rues de la Ville de MĂ©lanie Fievet, pour ceux qui voudraient l’entendre.

    KoinĂš , MĂ©lanie Fievet, 120 pages, Editions la Volte, 9€

  • Deux poids deux mesures Ă  l’AssemblĂ©eLe salut nazi moins grave qu’un drapeau palestinien ?
    ▻https://www.off-investigation.fr/div-classtitre2deux-poids-deux-mesures-a-lassemblee-divle-salut-na

    La sanction dont a Ă©copĂ© le dĂ©putĂ© LFI des Bouches du RhĂŽne SĂ©bastien Delogu aprĂšs avoir brandi Ă  l’AssemblĂ©e nationale un drapeau palestinien se rĂ©vĂšle beaucoup plus sĂ©vĂšre que le simple rappel Ă  l’ordre qu’avait reçu, en 2022, un dĂ©putĂ© macroniste qui avait exĂ©cutĂ© un salut nazi
Lire la suite : Deux poids deux mesures Ă  l’AssemblĂ©eLe salut nazi moins grave qu’un drapeau palestinien ?

    #Actu

  • La mort sans importance d’un enfant palestinien - Sylvain Cypel
    ▻https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/la-mort-sans-importance-d-un-enfant-palestinien,7369

    Comment un simple accident de bus se termine en catastrophe pour la famille Salama et la mort du fils, brĂ»lĂ© vif ? Journaliste amĂ©ricain, Nathan Thrall raconte le drame et ses consĂ©quences pour les parents et les habitants de leur village, mĂȘlant l’histoire singuliĂšre de ce jeune garçon, et la grande histoire du peuple palestinien. Un rĂ©cit Ă©poustouflant de l’apartheid au quotidien. PassĂ© sous silence par les mĂ©dias français.

  • ImpunitĂ© d’IsraĂ«l, complicitĂ©s de la France
    Orint XXI - Alain Gresh - Sarra Grira
    ▻https://orientxxi.info/magazine/impunite-d-israel-complicites-de-la-france,7377

    Trop peu, trop tard. On ne peut qualifier autrement la pudibonderie des mots d’Emmanuel Macron face Ă  la guerre gĂ©nocidaire qui se poursuit dans la bande de Gaza. Il Ăąnonne d’abord un vƓu pieux, qui sonne bien trop faux : « Il faut que les opĂ©rations israĂ©liennes cessent Ă  Rafah. » Mais contrairement Ă  ce que le prĂ©sident français affirme laconiquement, ce n’est pas aujourd’hui mais depuis plusieurs mois qu’il n’y a plus de zone sĂ»re pour les Palestiniens.

    Qui se souvient que le prĂ©sident Emmanuel Macron avait dĂ©clarĂ© que Rafah constituait « une ligne rouge » ?

    Ce dernier a fait mine, depuis l’Allemagne, de tenir ses positions, sur lesquels pourtant il n’a cessĂ© de reculer Ă  chaque nouvelle violation de la part d’IsraĂ«l. Droit dans ses bottes, il a rappelĂ© « le droit d’IsraĂ«l Ă  se dĂ©fendre » — comme si le droit international pouvait concevoir que l’on puisse se dĂ©fendre contre ceux qu’on occupe — ; mais, surtout, il dĂ©signe un seul coupable : « Le Hamas est responsable de cette situation ». La chutzpah israĂ©lienne s’exporte aussi en Hexagone. (...)

  • « Si j’étais un riche industriel et que je voulais utiliser mon argent Ă  des fins politiques, je n’irais pas vers l’extrĂȘme droite (il y a dĂ©jĂ  BollorĂ©), les macronistes (ils sont pourvus) ou LR (des losers). Je financerais la fausse gauche et j’essaierai de torpiller les projets de gauche radicale en encourageant les initiatives personnelles ou scissionnistes. » Bruno Amable

    Olivier Legrain, le millionnaire dans l’ombre de François Ruffin et de la gauche

    Ancien industriel, Olivier Legrain a fait fortune avant de devenir psychothérapeute sur le tard et désormais millionnaire au service de la [fausse] gauche.

    Politique. Ses dĂźners secrets avec les frondeurs de LFI et quelques huiles socialistes, Ă©colos ou communistes, ses dons, son rĂ©seau
 L’ancien industriel devenu psy veut sauver la gauche avant 2027. EnquĂȘte.

    Un quartier parisien anonyme. Une rue d’un calme alcyonien. Un restaurant comme un autre, pas vraiment cossu ni marmiteux non plus. Une arriĂšre-salle fermĂ©e d’un rideau Ă©pais, loin des regards curieux et des oreilles qui traĂźnent. Une table, dix convives. Les « frondeurs » insoumis François Ruffin, ClĂ©mentine Autain et Alexis CorbiĂšre, les socialistes Boris Vallaud et Johanna Rolland, les Ă©cologistes Eric Piolle et Cyrielle Chatelain, et les communistes Elsa Faucillon et SĂ©bastien Jumel. Entre deux coups de fourchette, la bande litote « du chemin de la gauche vers 2027 ». Tous ont fait vƓu de silence au sujet de ces agapes secrĂštes qui se tiennent depuis un peu moins d’un an. Assis au bout, il y a l’hĂŽte de ces dĂźners oĂč chacun paie sa part de l’addition. Olivier Legrain, amphitryon longiligne et grisonnant, souriant et 71 ans. A cet Ăąge, on a eu « plusieurs vies », raconte cet ancien industriel qui a fait fortune avant de devenir psychothĂ©rapeute sur le tard et dĂ©sormais millionnaire au service de la gauche.

    Sa premiĂšre vie fut communiste. Son polytechnicien de pĂšre le pensait gaulliste, comme lui, mais les discours rĂ©volutionnaires qui retentissent dans la cour du lycĂ©e Buffon dans le XVe arrondissement parisien en 1968 le captivent. Sa deuxiĂšme vie de patron a occupĂ© les trois quarts de son existence, d’abord chez le chimiste RhĂŽne-Poulenc, puis Lafarge et sa filiale Materis, spĂ©cialiste des matĂ©riaux de construction et de peinture qu’il extirpe du giron du cimentier français en 2000. « C’est comme cela qu’il est devenu riche », retrace un de ses compagnons de route. « Multimillionnaire », corrige-t-il aussitĂŽt, sourire un peu honteux : « Je n’aime pas trop parler de mon argent » Si Olivier Legrain fait si bien son beurre, c’est qu’il est devenu maĂźtre Ăšs LBO (leverage buy-out). Une opĂ©ration financiĂšre aussi juteuse que risquĂ©e oĂč l’on fait appel Ă  un fonds d’investissement pour racheter l’entreprise Ă  grands coups de dettes. Une pratique que la gauche conspue mais qui fait la renommĂ©e de Legrain qui prĂ©side mĂȘme un lobby pro LBO, le TrĂšfle...

    ▻https://www.lexpress.fr/politique/olivier-legrain-le-millionnaire-dans-lombre-de-francois-ruffin-et-de-la-gau

    • “Il fait partie de ces gens qui s’inquiĂštent de l’avenir politique”

      Materis en sort d’abord grandi avec ses 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et ses 10 000 salariĂ©s, avant de prendre de plein fouet la crise de 2007. Les dettes s’envolent, incontrĂŽlables, et la boĂźte est vendue Ă  la dĂ©coupe huit ans plus tard. Legrain a alors 62 ans, bien assez jeune pour entamer une troisiĂšme vie en tant que psy, et assez riche pour une quatriĂšme comme mĂ©cĂšne. Il donne vie Ă  Riace en 2020, un fonds de dotation qui vient en aide aux rĂ©fugiĂ©s dans lequel il injecte 3 millions d’euros sonnants et trĂ©buchants, au secours de l’hebdomadaire de gauche antilibĂ©ral et Ă©cologiste Politis, propose quelques Ă©cus Ă  Regards, autre journal de gauche, et se bat encore aujourd’hui pour une "maison des mĂ©dias libres" Ă  Paris et que s’y installent ces journaux-lĂ  mais aussi Mediapart, Basta, Alternatives Ă©conomiques et la revue Esprit. En 2022, il signe un chĂšque de 400 000 euros Ă  la Primaire populaire, ce processus de militants de gauche censĂ© dĂ©signer un candidat commun lors la derniĂšre Ă©lection prĂ©sidentielle et qui a virĂ© au fiasco.

      "Si vous voulez que ça fonctionne, évitez de les appeler primaires"
      Mille vies, c’est autant de contradictions, sauf chez Olivier Legrain. Dans l’univers aussi feutrĂ© que fĂ©roce du patronat, oĂč l’on ne bavarde pas de politiques, de gauche ou de droite, on le qualifie "d’atypique", sinon parfois "d’hĂ©tĂ©rodoxe". "Olivier a des convictions politiques et philosophiques ancrĂ©es Ă  gauche et qu’il n’a jamais cachĂ©es", croque son ami de trente ans Jean-Pierre Clamadieu, le prĂ©sident du conseil d’administration d’Engie. Un autre de ses compĂšres, grand industriel, encore : "Il fait partie de ces gens qui s’inquiĂštent de l’avenir politique. C’est sincĂšre, mais il se fait beaucoup d’illusions." La politique, Legrain la regarde avec autant d’espoir que de dĂ©solation. "Il n’a aucune ambition politique mais il est un infatigable militant de l’union des gauches. Il essaie de faire en sorte que les gens se parlent, et c’est dĂ©jĂ  beaucoup", le dĂ©fend l’ancien prĂ©sident du Conseil national du numĂ©rique BenoĂźt Thieulin qui fut de l’aventure SĂ©golĂšne Royal 2007 et François Hollande 2012.

      Dans les dĂźners clandestins qu’il organise avec la "bande des neuf", Olivier Legrain parle peu, Ă©coute et interroge Ă  la maniĂšre d’un maĂŻeuticien. François Ruffin et son copain SĂ©bastien Jumel, Boris Vallaud et Johanna Rolland, Éric Piolle et Cyrielle Chatelain, Elsa Faucillon, ClĂ©mentine Autain et Alexis CorbiĂšre, ces dĂ©putĂ©s ou maires de grandes villes, personnalitĂ©s de gauches Ă©lus, qu’ont-ils de si spĂ©cial Ă  ses yeux ? "Chacun sait que personne ne peut gagner seul, chacun est animĂ© par ce dĂ©sir d’union", se contente d’avouer un invitĂ©. La tablĂ©e compte trois aspirants candidats - Autain, Ruffin et Vallaud - qui participeraient volontiers Ă  une primaire de la gauche. On gamberge sur les conditions de rĂ©ussite d’un tel processus alors que Jean-Luc MĂ©lenchon et sa France insoumise s’y refusent catĂ©goriquement. Le sujet a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© un soir avec le professeur de science politique RĂ©mi Lefebvre, spĂ©cialiste des primaires. "Si vous voulez que ça fonctionne, il faut dĂ©jĂ  commencer par Ă©viter de les appeler primaires", a recommandĂ© l’universitaire.

      Une compĂ©tition, mais avec quels moyens ? Combien de votants ? Quelques centaines de milliers ou des millions comme celle du PS en 2011 ? François Ruffin et ClĂ©mentine Autain ont prĂ©venu qu’ils ne se lanceront pas dans un petit bain avec seulement 400 000 inscrits comme lors de la primaire populaire en 2022. Le mode de dĂ©signation doit ĂȘtre une rampe de lancement pour celui qui en sort vainqueur. Est-ce pour cela que François Ruffin n’est guĂšre emballĂ© par l’idĂ©e d’un conseil des sages Ă©voquĂ© par les socialistes ? Les sondages, dont il est en tĂȘte Ă  gauche, lui vont bien. Les frondeurs insoumis doutent. Ont-ils fait tout ce chemin avec MĂ©lenchon et aujourd’hui contre lui pour se retrouver derriĂšre un socialiste ?

      "J’ai besoin de vos sous"
      Les neuf bavardent du programme commun de la gauche. Un moment oĂč les discussions frottent le plus. Legrain ose s’immiscer un peu plus avec sa casquette d’ancien patron. "Il faut un programme sĂ©rieux, qui boucle financiĂšrement", rĂ©pĂšte-t-il, faisant se lever les sourcils communistes et insoumis. Devant L’Express, l’intĂ©ressĂ© se modĂšre : "On doit imaginer un projet crĂ©dible mais qui doit ĂȘtre quelque chose de plus radical que le quinquennat de François Hollande." MĂ©lenchon, au centre des conversations aussi. Personne autour de la table n’est dupe sur la volontĂ© du chef insoumis de rempiler pour une quatriĂšme candidature Ă  la prĂ©sidentielle. Legrain considĂšre qu’il faut lui trouver une alternative, d’autres disent qu’il faut le mettre sur la touche, et l’édile de Grenoble Eric Piolle s’agace, rĂ©clame que l’on arrĂȘte de dire "qu’il faut faire sans MĂ©lenchon". "Il sera lĂ  d’une maniĂšre ou d’une autre."

      “La gauche doit aussi avoir des puissants qui portent son programme”

      Il y en a un qui a Ă©tĂ© plus Ă©tonnĂ© que les autres de se retrouver Ă  la table d’Olivier Legrain. François Ruffin, cĂ©lĂšbre pour sa critique acerbe du patronat, a d’abord hĂ©sitĂ©, s’interrogeant sur les motivations du multimillionnaire. Les deux hommes ont d’abord dĂ» s’apprivoiser, l’argent a fait le reste. Quand le dĂ©putĂ© insoumis de la Somme a lancĂ© un appel aux dons sur sa chaĂźne Youtube en mars 2023, clamant "J’ai besoin de vous, j’ai besoin de vos sous [
] pour franchir une Ă©tape", Legrain n’hĂ©site pas. "J’ai, Ă  un moment donnĂ©, aidĂ© François Ruffin, ClĂ©mentine Autain et Éric Piolle", confirme-t-il sans en dire plus sur le montant d’un chĂšque qui n’a pas excĂ©dĂ© les 7 500 euros, plafond fixĂ© par la loi. "On n’est pas aux Etats-Unis
 Ce n’est pas l’argent que je vais donner qui va aider les candidats", relativise le CrĂ©sus de gauche. Ruffin et Autain n’en diraient pas tant. Ils savent qu’à La France insoumise, le coffre-fort est bien gardĂ©, et que Jean-Luc MĂ©lenchon - cet Ă©cureuil "qui ne paie jamais un cafĂ©", disent ses amis - ne donnera pas si facilement les 8 millions d’euros de financement public rĂ©coltĂ©s annuellement depuis les derniĂšres lĂ©gislatives. L’argent ne fait pas le bonheur mais en politique, il aide Ă  s’émanciper. "François cherche son trĂ©sor de guerre, une libertĂ© financiĂšre pour ne pas ĂȘtre trop dĂ©pendant des formations politiques", explique un ancien de Fakir, le journal fondĂ© par Ruffin.

      Un riche carnet d’adresses
      Si Olivier Legrain ne rĂšgle jamais l’addition, c’est qu’il a bien d’autres choses Ă  offrir que son portefeuille. "La gauche doit aussi avoir des puissants qui portent son programme", a-t-il confiĂ© Ă  un visiteur. Il se permet quelques conseils sur la maniĂšre de parler aux dirigeants sans effrayer ni se renier. François Ruffin a bien appris la leçon et a tentĂ© de la mettre en application le 7 septembre 2023, dans un hĂŽtel particulier du chic VIIIe arrondissement de Paris mis Ă  disposition d’Ethic, l’organisation patronale dirigĂ©e par Sophie de Menthon. Face Ă  lui, une quarantaine d’entrepreneurs qu’il bouscule autant qu’il tente d’appĂąter : "Demain nous aurons Ă  faire le pays ensemble, je suis curieux de voir ce qui se passe dans la France d’en haut." Legrain met Ă  disposition son riche carnet d’adresses. On y retrouve foule de dirigeants, des gloires de l’industrie française d’hier et d’aujourd’hui, ses amis Jean-Pierre Clamadieu, Henri Seydoux (Parrot) et BenoĂźt Bazin (Saint-Gobain). A l’un d’eux, il a murmurĂ© en dĂ©but d’annĂ©e : "Ce serait bien que tu rencontres François Ruffin mais c’est encore trop tĂŽt. Il n’a pas encore mĂ»ri son discours."

      Dans le troquet de Neuilly-sur-Seine oĂč il nous reçoit, Ă  deux pas de chez lui, Olivier Legrain, tantĂŽt sourit, tantĂŽt grimace. Le prochain dĂźner prĂ©vu avec les neuf huiles de la gauche a Ă©tĂ© annulĂ©. Certains se sont fĂąchĂ©s en apprenant l’enquĂȘte de L’Express, et craignent les reprĂ©sailles de Jean-Luc MĂ©lenchon et de ses gardes rouges, toujours plus brutales dans les mots contre ses frondeurs. La violence de la politique, le psy millionnaire ne l’a jamais comprise, dĂ©muni devant les banderilles que s’envoient sans cesse insoumis, socialistes, Ă©cologistes et communistes. Le fondateur de Mediapart Edwy Plenel, qui compte parmi ses amis, l’avait pourtant prĂ©venu : "ArrĂȘte de vouloir sauver toute la misĂšre du monde, tu ne peux pas."

    • apparemment, il ne vient pas Ă  l’esprit d’un Bruno Amable qu’un riche industriel essaie d’éviter un Ă©niĂšme duel Macron vs_Le Pen, pardon Attal _vs Bardella avec, pour la gauche radicale - l’unique, la vraie, estampillĂ©e par lui, un quatriĂšme Ă©chec de l’ancien ministre de Jospin Ă  parvenir au deuxiĂšme tour qui verrouille toute Ă©mergence Ă  gauche.

    • « On en parle pas assez mais Alma Dufour, quelle reine !
      Regardez ses interventions, vous voyez qu’on est loin du politicien cynique et calculateur. On a une dĂ©putĂ©e qui nous ressemble et qui est habitĂ© par les causes qu’elle mĂšne, elle fait ça par conviction. Et ça fait du bien. »
      ▻https://video.twimg.com/ext_tw_video/1795624635544858624/pu/vid/avc1/320x568/03jBIZG-b5Eo2SL5.mp4?tag=12


      Roi et Reine. 👑 đŸ‡”đŸ‡ž

    • Qui est Meyer Habib, qualifiĂ© de “porc” par un dĂ©putĂ© FI ?
      ▻https://www.frustrationmagazine.fr/meyer-habib-porc-fi

      Depuis les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, le dĂ©putĂ© de droite franco-israĂ©lien Meyer Habib s’est rendu trĂšs visible, Ă©tant rĂ©guliĂšrement invitĂ© dans les mĂ©dias. Il s’est aussi distinguĂ© par ses prises Ă  partie brutales et insultantes des soutiens au peuple palestinien, et pour sa tendance presque gaguesque Ă  traiter tous les gens avec qui il n’est pas d’accord “d’antisĂ©mites”. En 2023, Le Monde le dĂ©crivait ainsi : “absolument sans gĂȘne, il Ă©ructe, insulte, menace en toute impunitĂ©”.
      Cela a Ă©tĂ© le cas rĂ©cemment lorsqu’il est venu hurler devant les camĂ©ras alors que le dĂ©putĂ© France Insoumise David Guiraud tentait de rĂ©pondre aux journalistes dans les couloirs de l’AssemblĂ©e. Il s’est alors fait copieusement traitĂ© de “porc”. Il faut dire que Meyer Habib n’est pas n’importe quel dĂ©putĂ© : c’est un trĂšs proche de Benjamin Netanyahu, premier ministre d’IsraĂ«l, accusĂ© par le procureur de la Cour PĂ©nale Internationale de crimes contre l’humanitĂ© et de crimes de guerres, qui concentre l’essentiel de son Ă©nergie Ă  organiser le soutien français Ă  l’Etat d’IsraĂ«l, y compris dans ses pires excĂšs.
      Portrait.

    • Le moment du drapeau palestinien

      C’est d’abord une image. C’est si peu de chose qu’un bout d’étoffe ! SĂ©bastien Delogu, dĂ©putĂ© insoumis de Marseille, est debout, sa grande taille dĂ©ployĂ©e, il tient le drapeau palestinien. C’est un geste symbolique, bien sĂ»r. Mais les symboles portent toujours une force singuliĂšre, englobante, surplombante. L’immense hĂ©micycle est soudain tout entier absorbĂ© dans ces pauvres centimĂštres carrĂ©s colorĂ©s. Alors le cadre explose. Le gĂ©nocide hurle sa dĂ©tresse. Les insoumis sont debout et crient leur soutien Ă  la rĂ©sistance. Rien ne les reprĂ©sente mieux Ă  cet instant que cet homme, l’un des leurs, eux-mĂȘmes en grand, dans ces minutes prĂ©cieuses. Alma Dufour a dit les mots dans sa question au ministre, SĂ©bastien a montrĂ© le chemin. Les vocifĂ©rations haineuses Ă©clatent sur les bancs de droite jusqu’aux confins de l’extrĂȘme droite de l’hĂ©micycle. C’est le monde tel qu’il est, la France comme elle est, pris un instant sous la lumiĂšre crue du symbole Ă©clairant les profondeurs de chacun.

      Et puis il y a le visage convulsĂ© de haine de la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e. Elle explose de rage, les yeux exorbitĂ©s, vocifĂ©rant. Quelque chose est dĂ©bondĂ© chez elle. Bien sĂ»r, elle est indigne de sa fonction. Aux yeux du monde, la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e française, dĂ©jĂ  vue en treillis militaire Ă  Tel Aviv, se montre en pleine crise de nerfs devant le drapeau palestinien. Devant ce qu’elle ne supporte pas elle ne sait pas rĂ©agir autrement qu’à l’extrĂȘme : frapper au maximum de ses forces et de son pouvoir, sans retenue ni mesure. Elle aura sanctionnĂ© davantage de dĂ©putĂ©s en trois ans que tous ses prĂ©dĂ©cesseurs depuis le dĂ©but de la cinquiĂšme RĂ©publique. Elle ressort le fouet.

      Elle invente des rĂšgles pour couvrir sa violence. Seul le drapeau français aurait sa place dans l’assemblĂ©e, dit-elle. Comme si on ne se souvenait pas du drapeau ukrainien installĂ© dans l’hĂ©micycle du SĂ©nat, ni de son prĂ©sident, monsieur Larcher, qui s’en vantait « en signe de solidaritĂ© ». Comme si tous ces gens n’étaient pas dĂ©jĂ  venus dans l’hĂ©micycle avec des pins IsraĂ«l. Sa rĂ©action n’est donc pas une rĂ©action normale, conforme au rĂšglement. Alors est-ce juste une haine partisane, Ă  la Meyer Habib ? Je ne crois pas. Je crois que, littĂ©ralement, elle ne veut pas voir ce drapeau. À cause de ce qu’il signifie Ă  cet instant oĂč il est brandi, seul et dĂ©sarmĂ©. Ce drapeau montre tant de choses invisibles sans lui. Il donne Ă  voir les visages du gĂ©nocide. Ceux que l’on a vus dans ces vidĂ©os venues de la scĂšne de crime. Et cette prĂ©sidente redevient un ĂȘtre humain terrorisĂ© par les consĂ©quences de ses propres actes. Elle ne veut pas le voir. Sa rĂ©action, c’est comme si elle s’était vue soudain dans un miroir, installĂ©e sur un tas de cadavres, dans la boue des camps de rĂ©fugiĂ©s.

      Ce n’est pas le drapeau qu’elle voit. C’est elle-mĂȘme, en complice d’un crime. Elle s’est vue dans le camp du mal absolu. Celui dont, pour les gĂ©nĂ©rations Ă  venir, elle restera l’image de la complicitĂ© la plus veule. Elle est la France indigne qui regarde ailleurs quand le gĂ©nocide est sous ses yeux. C’est pourquoi elle ne se contrĂŽle plus, comme le montrent les images. Car c’est bien un gĂ©nocide, dit le drapeau !

      Netanyahu a bombardĂ© soixante fois depuis que la cour de justice internationale lui a demandĂ© d’arrĂȘter immĂ©diatement tout action militaire Ă  Rafah. Il va encore bombarder. Encore et encore. Ce n’est pas un incident de guerre. C’est dĂ©libĂ©rĂ©. Des meurtres nĂ©cessaires Ă  ses yeux pour pouvoir se rĂ©approprier et coloniser chaque mĂštre de terrain. Ni incident, ni hasard. Un gĂ©nocide planifiĂ© mĂ©thodiquement. Et menĂ© de façon Ă  prouver que rien ni personne ne peut rien contre ses auteurs.

      C’est ce qu’avait annoncĂ© Meyer Habib, quand il rĂ©pĂ©tait l’air radieux dans l’hĂ©micycle Ă  l’énoncĂ© de la liste des crimes de son ami trĂšs cher Netanyahu qu’égrenait le dĂ©putĂ© insoumis LĂ©aument : « Et ce n’est pas fini ! Ce n’est pas fini ! ». La honte et le dĂ©shonneur marchent Ă  ses cĂŽtĂ©s. Ce n’est pas fini. Netanyahu va encore tuer et tuer. Il a fait de son pays le paria des nations pour des millions d’ĂȘtres humains sans a priori. Il fait de tous ceux qui ont un pouvoir d’agir, et qui ne font rien, ses complices connus de tous. Il suffit de les nommer et de les montrer du doigt, sans en faire davantage, pour qu’on les voit comme ils sont, avec le visage de l’inhumanitĂ© au-delĂ  de la frontiĂšre du mal.

      Madame la PrĂ©sidente est la complice de Netanyahu. Il aura suffi d’un drapeau brandi pour que cela se sache d’un bout Ă  l’autre du pays et de l’Europe. Juste un bout d’étoffe tenu Ă  bout de bras. Il se passe un gĂ©nocide et elle trouve que brandir le drapeau des victimes pour le dĂ©noncer doit ĂȘtre puni par la sanction la plus sĂ©vĂšre. Elle est le mauvais cĂŽtĂ© de l’histoire.

      Au fil des semaines, le Palestinien est devenu la figure de l’opprimĂ© quel qu’il soit. Du mĂ©prisĂ© par les puissants, de celui dont l’humanitĂ© est niĂ©e au point qu’on puisse trouver acceptable de l’éliminer. Au fil des semaines et du gĂ©nocide, ce drapeau, aprĂšs celui de Nelson Mandela au temps de l’apartheid, est devenu un message universel de fraternitĂ© humaine. Maintenue contre vents et marĂ©es, contre l’insulte et les brimades, contre les convocations, les gardes Ă  vue et les interdictions.

      Voici Delogu debout et sur ses Ă©paules tous ceux qu’on ne verrait pas sans ses grands bras qui tiennent ce drapeau en hauteur au-dessus de la mĂȘlĂ©e. Comme un oiseau sorti de cage qui vole au vent libre. Merci SĂ©bastien.

      ▻https://melenchon.fr/2024/05/29/le-moment-du-drapeau-palestinien

    • Meyer Habib  : dĂ©putĂ© français ou porte-parole de Benyamin Netanyahou  ?
      ▻https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/secrets-d-info-du-samedi-16-octobre-2021-4971548

      #Meyer_Habib est Ă  la fois dĂ©putĂ© français et intime de l’ex-Premier ministre israĂ©lien Benyamin Netanyahou. Cette proximitĂ© lui a longtemps permis de jouer un rĂŽle diplomatique “ambigu”. Notre enquĂȘte (2021) rĂ©vĂšle qu’il est aussi actionnaire de sociĂ©tĂ©s non dĂ©clarĂ©es en France.

  • Du nouveau dans « FAF, la newsletter qui dĂ©crypte l’extrĂȘme-droite » chez Street Press :

    Le lieutenant radical de Bardella
    ▻https://4ngsg.r.sp1-brevo.net/mk/mr/sh/1t6AVsd2XFnIGLq4LA3YFmcN4GHZ7y/-ms9ZRPxPCbW

    Une gĂ©nĂ©ration persuadĂ©e qu’elle va gouverner

    Ils ont en commun l’assurance de leurs 20 ans et l’obsession de l’identitĂ© nationale. DerriĂšre Jordan Bardella et Marion MarĂ©chal une gĂ©nĂ©ration de jeunes loups monte. Ils sont au RN, comme Pierre-Romain Thionnet oĂč Ă  ReconquĂȘte comme Stanislas Rigault, nos deux portraits de la semaine. Certains mĂȘme militent chez les RĂ©publicains Ă  l’image de Guilhem Carayon, responsable des jeunes LR ou privilĂ©gient le journalisme comme Erik TegnĂ©r, fondateur de Livre Noir. Tous se connaissent et jusqu’au bout de la nuit, dans les bars de la capitale, ils picolent, dansent et refont le monde, racontent Marylou Magal et Nicolas Massol dans l’excellent livre, L’extrĂȘme droite, nouvelle gĂ©nĂ©ration (DenoĂ«l). Ils partagent des amitiĂ©s mais surtout une certitude : la victoire les attend au bout du chemin. Ensemble, ils gouverneront.

    Mathieu Molard

    Co-red’ chef

    • Eh ouais, ya pas que des vieux chez les fachos, loin LOIN de là
 Plein de jeunes, de gamers, d’internetos, de twitcheurs, de loleurs, etc.

      Ce qui est bizarre car il me semble que plein d’études relativement sĂ©rieuses montraient que les jeunes Ă©taient en moyenne moins racistes, moins homophobes que les dĂ©cennies prĂ©cĂ©dentes. Alors quoi ?

    • Je sais pas pour le racisme ni l’homophobie mais pour le sexisme les enquĂȘte sur les jeunes montrent une aggravation du problĂšme.
      ▻https://www.francebleu.fr/infos/societe/le-sexisme-persiste-chez-les-moins-de-35-ans-selon-le-haut-conseil-a-l-eg

      Un homme sur cinq de moins de 35 ans considĂšre normal de gagner mieux sa vie qu’une femme Ă  poste Ă©gal. C’est l’un des rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s ce lundi par le Haut Conseil Ă  l’ÉgalitĂ© entre les femmes et les hommes dans sa sixiĂšme Ă©tude annuelle sur le sexisme en France.

      Selon le HCE, les stĂ©rĂ©otypes persistent, y compris chez les jeunes. Ils progressent mĂȘme chez les femmes de moins de 35 ans. Le Haut Conseil rappelle ainsi que l’assignation de la gent fĂ©minine Ă  la sphĂšre domestique et au rĂŽle maternel gagne du terrain. 34% des jeunes femmes pensent « qu’il est normal qu’elles arrĂȘtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants ». Une opinion en hausse de 7 points dans cette catĂ©gorie d’ñge, par apport Ă  l’an dernier. Le HCE observe un « retour aux valeurs traditionnelles », autant chez les hommes que chez les femmes.

    • ...pour un site sensĂ© promouvoir la libertĂ© de la presse et le respect de la vie privĂ©e des internautes, ils ne sont quand mĂȘme pas gĂ©niaux chez Street-press d’imposer pour la lecture de leurs newsletter des URLs sur un domaine ...-brevo.net cad chez Brevo (ex Sendinblue) fournisseur privĂ© d’outils de mailing qui fait un tracking fĂ©roce des abonnĂ©s et des connexions ! :-(

    • A droite, l’ambition de Guilhem Carayon, radical patron des jeunes LR
      ▻https://www.liberation.fr/politique/a-droite-lambition-de-guilhem-carayon-radical-patron-des-jeunes-lr-202405

      Le prĂ©sident des cadets des RĂ©publicains est neuviĂšme sur la liste du parti pour les europĂ©ennes. S’il a redynamisĂ© son organisation, ses appĂ©tits et ses frĂ©quentations d’extrĂȘme droite dĂ©frisent au sein de l’appareil.

      Victor Boiteau de LibĂ© :
      Tout comme Stanislas Rigault, Guilhem Carayon est passĂ© par l’Institut de formation politique. Une Ă©cole privĂ©e parisienne formant une gĂ©nĂ©ration de militants de droite radicale.
      S. Rigault : « Nous finirons par travailler ensemble, pour gagner ensemble »

    • « L’extrĂȘme droite, nouvelle gĂ©nĂ©ration » : enquĂȘte sur un Ă©cosystĂšme en plein essor
      ▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/08/l-extreme-droite-nouvelle-generation-enquete-sur-un-ecosysteme-en-plein-esso

      Marylou Magal et Nicolas Massol offrent une plongĂ©e dans le microcosme de l’extrĂȘme droite par le prisme de sa jeunesse
      Par Abel Mestre

      Livre. C’est l’histoire d’un petit monde extrĂ©miste oĂč tout le monde se connaĂźt. Ceux qui en font partie sont jeunes – aucun ne dĂ©passe la quarantaine –, partagent les mĂȘmes rĂ©fĂ©rences culturelles, trinquent ensemble dans des bistrots chics du centre de Paris et affichent le mĂȘme objectif : prendre le pouvoir.
      Ils ont un autre point commun : le rejet de l’islam et de l’immigration. Pourtant, tous ne cotisent pas au mĂȘme endroit. Certains, comme Jordan Bardella, ont choisi de rester dans la « vieille maison » de l’extrĂȘme droite française, le Rassemblement national (#RN), nĂ© en 1972 sous le nom de Front national. D’autres, tels Sarah Knafo et Stanislas Rigault, ont choisi de suivre Eric Zemmour pour la prĂ©sidentielle de 2022.

      Deux spĂ©cialistes de l’extrĂȘme droite, Marylou Magal, journaliste Ă  L’Express, et Nicolas Massol, qui officie Ă  LibĂ©ration, offrent une plongĂ©e passionnante dans ce microcosme. Le choix des deux auteurs est de raconter l’extrĂȘme droite par le prisme de sa jeunesse qui prĂ©sente bien, malgrĂ© un discours radical, xĂ©nophobe et islamophobe. Celle-lĂ  mĂȘme dont raffolent les chaĂźnes d’information en continu, notamment l’équipe droitiĂšre du Figarovox, les ex-journalistes de Valeurs actuelles aujourd’hui Ă  la tĂȘte du Journal du dimanche, les identitaires, les rĂ©acs, les thurifĂ©raires d’Eric Zemmour


      Imposer ses thĂšmes

      Sont laissĂ©s de cĂŽtĂ© les activistes violents et les idĂ©ologues plus anciens (que l’on croise incidemment malgrĂ© tout au long de l’enquĂȘte). Les deux journalistes sont plus Ă  l’aise pour raconter ceux de leur Ăąge. Ces derniers ont appris de leurs aĂźnĂ©s la leçon d’Antonio Gramsci, philosophe marxiste italien, qui posait que toute victoire politique passait, au prĂ©alable, par une victoire culturelle. En clair : gagner les Ă©lections suppose de gagner d’abord les esprits en imposant ses thĂšmes.
      Les auteurs remontent le fil idĂ©ologique et politique de cette gĂ©nĂ©ration qui a fait ses premiĂšres armes il y a une dizaine d’annĂ©es, au moment de l’opposition au mariage pour tous. Ces manifestations permirent la rupture des digues entre une partie de la droite et de l’extrĂȘme droite et la naissance d’un dialogue hors des appareils partisans traditionnels.

      Mais le vĂ©ritable centre nĂ©vralgique de ce petit milieu Ă©tait un appartement du Quartier latin, sorte de « salon brun » oĂč les jeunes pousses extrĂ©mistes fomentaient leur stratĂ©gie. La maĂźtresse des lieux Ă©tait Sarah Knafo. En troisiĂšme position sur la liste de Marion MarĂ©chal aux Ă©lections europĂ©ennes de juin, elle est d’ailleurs la figure centrale du livre.

      Personnage qui se veut balzacien, Knafo est une ambitieuse au parcours acadĂ©mique rare dans cette famille politique (Sciences Po et ENA, magistrate Ă  la Cour des comptes). C’est elle, le cerveau de ce groupe hĂ©tĂ©roclite. Elle a patiemment construit sa stratĂ©gie, parlant Ă  tout le monde, y compris Ă  la #gauche_souverainiste, jetant des ponts entre des milieux qui, normalement, n’auraient pas dĂ» se rencontrer. En comparaison, Jordan Bardella, jeune prĂ©sident du RN qui caracole en tĂȘte des sondages, paraĂźt bien falot. Ce qui n’est pas forcĂ©ment un handicap en politique.

      « L’ExtrĂȘme Droite, nouvelle gĂ©nĂ©ration. EnquĂȘte au cƓur de la jeunesse identitaire », de Marylou Magal et Nicolas Massol, DenoĂ«l, 272 pages, 19 euros

    • Cette jeunesse qui votera pour Jordan Bardella et le RN aux Ă©lections europĂ©ennes [c’est 10% des jeunes]
      ▻https://www.lemonde.fr/campus/article/2024/05/28/on-a-l-impression-que-jordan-bardella-nous-comprend-mieux-cette-jeunesse-sed

      A 28 ans, celui qui a remplacĂ© Marine Le Pen Ă  la tĂȘte de la formation d’#extrĂȘme_droite en 2022 a rĂ©ussi Ă  toucher les cƓurs et les esprits d’une partie de la #jeunesse, pourtant largement dĂ©fiante envers la politique. Selon la derniĂšre enquĂȘte Ipsos pour Le Monde, menĂ©e du 19 au 24 avril, environ un tiers des 18-24 ans (32 %) certains d’aller voter le 9 juin auraient l’intention de glisser dans l’urne un bulletin « #Jordan_Bardella », la mĂȘme proportion que pour la population Ă©lectorale gĂ©nĂ©rale. Les jeunes, qui opposaient traditionnellement une forte rĂ©sistance aux idĂ©es de l’extrĂȘme droite, ne constituent donc plus une exception.

      Des chiffres qu’il faut par ailleurs remettre en perspective, souligne Anne Muxel, directrice de recherche au Cevipof (CNRS-Sciences Po) : « Ces intentions concernent ceux qui vont aller voter. Or, l’#abstention est trĂšs forte : seuls trois jeunes sur dix vont se rendre aux urnes. Toute la jeunesse ne vote pas pour le RN ! Mais le fait que Jordan Bardella soit placĂ© en tĂȘte est significatif. »

      ▻https://justpaste.it/7mlb8
      Lire aussi Jordan Bardella, les dessous d’une « politique TikTok »
      â–șhttps://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/10/jordan-bardella-les-dessous-d-une-politique-tik-tok_6215810_823448.html

    • Entre droite et extrĂȘme droite, les jeunes militants prĂŽnent l’union libre [10 mars 2023]
      ▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/10/entre-droite-radicale-et-extreme-droite-les-jeunes-militants-pronent-l-union

      En affichant publiquement leurs points de convergence, les leaders des mouvements de jeunesse de LR, du RN et de ReconquĂȘte ! officialisent le partage d’angoisses « civilisationnelles » et servent le discours zemmourien d’union des droites.

      ▻https://justpaste.it/cqzls

      #droite_plurielle

  • Confrontation - Melenchon.fr
    ▻https://melenchon.fr/2024/05/28/confrontation

    (...)
    « Il y aura confrontation », le mot est dit. Pas « il y aura discussion ». Il y aura « confrontation ». Certes ce choix Ă©tait fait depuis le refus de l’union aux sĂ©natoriales puis aux europĂ©ennes. Et pour mieux dire, c’était fait depuis le moratoire sur l’entente avec LFI dĂ©cidĂ© par le PS sans cause formulĂ©e et sans dĂ©lai fixĂ©. C’était Ă  l’occasion des rĂ©voltes urbaines. Le choix de Glucksmann comme tĂȘte de liste confirmait cette ligne. Car il a toujours affirmĂ© son opposition Ă  la NUPES. Le PS l’a choisi comme tĂȘte de liste pour cela mĂȘme. À prĂ©sent, la stratĂ©gie a Ă©tĂ© annoncĂ©e : la confrontation avec LFI. Un seuil est franchi et assumĂ©.
    (...)

    J’ai des Ă©changes avec des amis, IRL ou sur les rĂ©seaux. Ils me font part de leurs analyses politiques. Leur rejet de LFI, parce que LFI serait violent et mĂ©diocre, bĂȘte et mĂ©chant. Que sais-je encore. Ce sont des gens en gĂ©nĂ©ral qui votent plutĂŽt Ă  gauche. Mais en fait, aujourd’hui, ils n’imaginent plus voter pour quiconque. Et Ă  part dire qu’il n’y a personne Ă  gauche qui tienne des propos au niveau de l’époque, ce qui est dĂ©jĂ  pas mal comme jugement, finalement, ils te citent les potins sur le passĂ© de dealer de tel LFI, et que c’est grave, ou le rejet de la façon de s’exprimer de telle autre LFI. Et qu’aprĂšs, ça te parle de renouvellement avec l’arrivĂ©e de Gluksmann dans le paysage... Ces changements de castings fonctionnent Ă  chaque fois apparemment.

    Bref, ça faisait (trĂšs) longtemps que je n’étais pas allĂ© lire MĂ©lenchon. Et encore une fois, je dois confirmer qu’il n’y en a pas beaucoup d’autres avec une Ă©criture et un discours qui ne tiennent aussi droits, Ă mtha.

    (j’ai pris une citation au pif)

    • Oui, pareil chez nous : les mĂ©dias de masses & les membres du gouvernements s’emploient maintenant depuis des annĂ©es Ă  salir et dĂ©zinguer le seul parti de gauche un peu dangereux pour la bourgeoisie accrochĂ©e Ă  ses privilĂšges comme une moule Ă  son rocher.

      Et voir des gens qui se disent gauchistes reproduire stupidement les éléments de langages dictés par les bourgeois, ça me désole au-delà de toute expression.

      Il y a des choses Ă  reprocher aux LFI, comme leur gestion Ă  chier du covid ou des problĂšmes fĂ©ministes (Gestion de Quatennens = nous chier dessus), mais ça reste la formation la plus cohĂ©rente du point de vue de son attachement Ă  la dĂ©mocratie, Ă  un projet politique de GAUCHE, Ă  une vision du monde consistante (surtout grĂące Ă  la puissance d’analyse de MĂ©lenchon).

      Ceux qui chient sur MĂ©lenchon ne l’ont jamais lu, jamais Ă©coutĂ©. Faut dire que ça prend du temps, parce que le gars sait dĂ©rouler une pensĂ©e et ça ne se fait par en 3 slogans d’école de commerce.

    • A Lyon, ce sont les Ă©colos qui tiennent la mairie et la mĂ©tropole (Ă©quivalent du conseil gĂ©nĂ©ral, mais pour Lyon).

      Autant te dire que les bourgeois qui se disent plutît progressistes l’ont mauvaise.

      Le ramassage des restes de cuisine ? C’est comme faire pipi sous la douche, ça ne sert Ă  rien, ça prend de la place n’importe oĂč dans les rues (les boites prĂ©vues Ă  cet effet), et ça pue c’est horrible, y sont nuls.

      La construction des voies vĂ©lo, et la rĂ©duction de la place de la voiture ? C’est horrible, ça crĂ©e des bouchons horribles, ça empĂȘche de rouler, ça oblige Ă  faire des dĂ©tours, c’est fait sans concertation, y sont nuls.

      En fait, Ă  Lyon, les bourgeois en ont marre de ces lubies des Ă©colo-fascistes. Y sont nuls.

      Et je suis bien d’accord. Vivement Wauquiez, sa surveillance vidĂ©o gĂ©nĂ©ralisĂ©e, son retour de la voiture partout, ses aphorismes crĂ©tins et fascisants quotidiens et Ă©videmment, les banquets sur fonds publics pour les plus mĂ©ritants d’entre nous. On mĂ©rite tous un clone de Ciotti au pouvoir.

    • DĂ©sormais la division est une ligne politique pour le PS. Elle s’enracine dans des options opposĂ©es prises par chacun. RaphaĂ«l Glucksmann les a assumĂ©es frontalement. Mais elles se sont aussi aggravĂ©es du fait de ses engagements sur la scĂšne internationale. Ainsi le PS de Glucksmann est-il devenu plus que jamais alignĂ© sur les États-Unis. Il est dĂ©sormais partisan de la guerre sans fin en Ukraine, incluant l’envoi de troupes au sol comme le propose Macron. Et mĂȘme soutenant l’idĂ©e de tirs ukrainiens avec le matĂ©riel français vers l’intĂ©rieur du territoire russe. Il soutient Ă©galement l’affrontement avec la Chine voulu par les USA. Et surtout, il a pris l’option d’une forme d’accompagnement de la propagande de Netanyahu. Il n’a jamais quittĂ© la ligne des argumentaires de ce gouvernement dans les mĂ©dias français. Il s’est calĂ©, mot par mot, comme sur autant de lignes de crĂȘtes successives, Ă  tenir contre la rĂ©alitĂ© et les crimes que cela visait Ă  invisibiliser. Certes, progressivement, c’est devenu Ă  prĂ©sent plus circonspect. Les hĂ©sitants devant les massacres ont commencĂ© Ă  quitter le navire. Mais c’est toujours aussi complaisant, du fait de la durĂ©e et de l’intensitĂ© du massacre Ă  Gaza. Et Glucksmann refuse toujours de nommer le gĂ©nocide par son nom ou bien d’assumer les dĂ©cisions de la Cour internationale de Justice et de la Cour pĂ©nale internationale.

      LFI, Ă  l’occasion de son AssemblĂ©e reprĂ©sentative, au mois de dĂ©cembre dernier, avait voulu tirer la conclusion de la situation qui se mettait en place. Mais il fallait aussi prĂ©voir un retour possible du PS dans l’union, si ses adhĂ©rents avaient pu rejeter la nouvelle ligne. Il ne peut plus en ĂȘtre question. DĂ©sormais, la « confrontation » est assumĂ©e ouvertement. Cela a le mĂ©rite de la clartĂ©. Inutile donc de se bercer d’illusions. Car le propos de Glucksmann vise bien le programme autant que ma personne, qu’il cite sans cesse pour me stigmatiser. Laurent Joffrin, le mentor Ă  vie de LibĂ©ration et son ancien patron a prĂ©venu : ne seront acceptĂ©s que les insoumis qui abjurent le combat de leur raison d’ĂȘtre. Il dĂ©clare que mĂȘme les insoumis « Ă  visage humain » (sic) n’ont rien Ă  faire dans le nouvel attelage sans qu’ils se repentent et me dĂ©noncent. Ruth Elkrief ne cachait pas sa satisfaction en citant ces lignes dĂ©goutantes de sectarisme dans l’émission de LCI. Mais c’est bien de cette rupture sur le fond dont Glucksmann se porte « garant ». C’est donc l’union populaire comme alliance d’organisations politiques autour du programme de la NUPES que Glucksmann enterre dans cette campagne.

      Pour autant, on ne peut renoncer Ă  l’unitĂ© du peuple. Elle est la condition de la formation d’une nouvelle majoritĂ©. Sa cohĂ©sion se confond avec celle de la nation elle-mĂȘme. Mais il est Ă©vident qu’il faut en rĂ©aliser les conditions. Disons que, dĂ©sormais, compte tenu des positions annoncĂ©es par Glucksmann, l’union politique avec un PS revenu Ă  ses dĂ©mons droitiers serait un obstacle Ă  l’unitĂ© populaire. En effet, cette unitĂ© est impossible sur un programme en recul face aux questions essentielles de la vie sociale du grand nombre. Comme sur les retraites par exemple. Elle est tout aussi impossible sans combattre clairement l’islamophobie qui est le principal vecteur du racisme de masse diffusĂ© par l’extrĂȘme droite pour diviser le peuple.

      L’union et l’unitĂ© ce n’est pas pareil. L’une peut conduire Ă  l’autre. Mais elles peuvent aussi se bloquer mutuellement. Mais, faute d’union politique, comment construire l’unitĂ© ? Par le programme d’abord. C’est-Ă -dire en proposant la satisfaction des revendications de la vie courante en premier lieu. Cela sans concessions. Exemple : la retraite Ă  60 ans. La sortie du marchĂ© europĂ©en de l’électricitĂ©. Ensuite, en donnant au programme un point d’appui unitaire fort et entraĂźnant. En tous cas, puisque Glucksmann ne veut pas, il faut de toute façon ouvrir un autre chemin. Le plus simple. Le plus direct. Le plus immĂ©diat : unir tous ceux qui le veulent, sĂ©ance tenante. Qu’il s’agisse de personnes ou d’organisations. Tout de suite. L’union par la base, sur le programme dĂ©jĂ  convenu comme « programme partagĂ© » de la NUPES. Le faire, c’est lui donner aussitĂŽt un point d’appui essentiel et dynamisant. Pendant les fanfaronnades du PS ressuscitĂ© de cette façon : avancer, construire. Rassembler Ă  la base les catĂ©gories en souffrance de vie, de dignitĂ©, de futur diffĂ©rent.