Dès le début du procès, les avocats du général Rios Montt ont multiplié les incidents et les manoeuvres dilatoires. Le patronat, les anciens officiers et plusieurs médias influents ont organisé la contre-offensive, niant qu’un génocide ait eu lieu au Guatemala lors du « conflit armé » entre les militaires et la guérilla communiste. Le président du Guatemala, le général Otto Pérez Molina, a défendu la même position.
Commandant une garnison dans la province du Quiché pendant la guerre civile, il a été accusé de violations des droits de l’homme par un témoin, un ancien militaire, lors du procès. La comparution d’un autre témoin, le journaliste américain Allan Nairn, a été annulée au dernier moment. Selon ce reporter, qui a couvert le conflit guatémaltèque dans les années 1980, la responsabilité de Rios Montt dans les massacres d’Indiens Mayas n’est pas la seule engagée.
Politique de terre brûlée
Allan Nairn ne cachait pas qu’il allait mettre en cause le président Pérez Molina et le soutien des diplomates américains et de la CIA à la politique de terre brûlée du général Rios Montt. Engagé dans une guerre secrète contre le Nicaragua sandiniste, le président Ronald Reagan appuyait le général Rios Montt, qu’il considérait comme « un homme d’une grande intégrité, totalement dévoué à la démocratie » ! Loin de dénoncer les massacres commis par l’armée guatémaltèque, Elliot Abrams, le responsable des droits de l’homme au département d’Etat, vantait le bilan de Rios Montt.
En Haïti, les avocats de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier ont souligné les ambiguïtés de la communauté internationale. Pourquoi « Bébé Doc » n’a-t-il pas été poursuivi en France pour les crimes contre l’humanité qui lui sont reprochés ? De sa fuite en février 1986 à son retour en Haïti, en janvier 2011, il a vécu vingt-cinq ans en exil en France, sans être inquiété. Face aux témoignages des victimes qui ont décrit les tortures, les assassinats et les disparitions, les défenseurs de l’ancien dictateur ont ressorti les rapports du département d’Etat américain faisant état de « progrès » à la fin des années 1970.
Aux côtés d’Amnesty International et de Human Rights Watch, la haut-commissaire des Nations unies pour les droits humains, Navi Pillay, a insisté pour que Jean-Claude Duvalier soit jugé pour crimes contre l’humanité et non pas seulement pour corruption et détournement de fonds, comme l’avait décidé un juge d’instruction. Au même moment, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, déclarait irrecevables les plaintes déposées contre l’organisation pour l’introduction du choléra en Haïti. Deux poids, deux mesures en matière d’impunité, entendait-on en Haïti, où l’épidémie a fait plus de 8 100 morts depuis 2010. Selon plusieurs études scientifiques, le choléra a été introduit en Haïti par des casques bleus népalais.
Le courage des victimes pour mettre fin à l’impunité se heurte au manque de volonté politique du président haïtien Michel Martelly, prêt à passer l’éponge au nom de la « réconciliation nationale ». Au Guatemala comme en Haïti, les plaignants ne veulent pas de dédommagement. Juste dire ce qui a été « afin que ça ne se reproduise plus ».