Éduquer aux médias, certes, mais aux seuls médias validés par l’institution | Culture numérique
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L’ouverture n’est prévue qu’au printemps pour des débuts officiels à la rentrée 2016 mais, déjà, la presse ne bruisse que de ça ! La dernière chance pour faire lire la presse aux adolescents, s’interrogent les journalistes ? Notre ministre de l’Éducation nationale s’enflamme :
« Aujourd’hui, les élèves s’informent beaucoup via internet, mais souvent sans prêter attention à la source des informations qu’ils y trouvent. J’ai donc souhaité leur donner accès, par le biais du numérique, à des titres de presse qu’ils n’ont pas l’habitude de lire pour qu’ils en perçoivent la qualité et la diversité. »
Et d’ajouter, dans le même mouvement :
« [Ce kiosque] va ainsi contribuer à apprendre aux élèves à distinguer, d’une part, ce qui relève de contenus écrits par des journalistes professionnels et, d’autre part, ce qui relève moins de l’information que de l’opinion, parfois outrancière voire mensongère, qui est relayée sur les réseaux sociaux. »
Je vous avoue que les bras m’en tombent. Ces deux phrases véhiculent des clichés convenus qui témoignent d’une profonde méconnaissance des pratiques médiatiques des jeunes et de la manière dont ils accèdent à l’information et la partagent. Caractériser et généraliser ainsi ces pratiques n’est pas très sérieux et il n’y a pas un mot ci-dessus qui ne puisse être contredit par les faits ou pour le moins questionné. Ces prolégomènes sont, comment dire ? complètement déconnectés de la réalité. On les dirait soufflés par les responsables de la presse écrite d’information générale partenaires du projet, dont le puissant syndicat de la presse quotidienne nationale.
Le tampon institutionnel sur une presse qualifiée
Par ailleurs, on se demande quelle mouche a piqué la ministre et ses conseillers. Je passe sur cette insupportable mode des portails web — à quand un portail de portails ? — qui accentuent la centralisation du web et de l’Internet. C’est inutile, il y a bien longtemps que les jeunes, les élèves, ont appris à se servir d’un moteur de recherche, même si la méthode leur fait parfois défaut, et ils n’ont nul besoin d’être ainsi pris par la main. Mais comment oser, au moment où l’on travaille en classe et dans les centres de documentation et d’information sur les tous les médias, oui, tous, comment oser restreindre l’échantillon, je cite, à « une quinzaine de titres de la presse écrite quotidienne nationale et étrangère, sélectionnés par le ministère » ou, comme dit par ailleurs, à « une presse qualifiée ».
Qui sélectionne, qui valide, qui tamponne ? Qui ose faire ça ? Qui décide que Les Échos est une presse autorisée et qualifiée et que 20 Minutes ne l’est pas, non plus que les autres quotidiens gratuits, par exemple ? Qui a décidé qu’il n’était que de bonne information générale que sur le papier et que les journaux en ligne étaient exclus du panel ? Qui a décidé du choix des deux seuls journaux étrangers ? J’ai posé la question mais n’ai toujours pas reçu la réponse :
Bonjour @lirelactu_fr Je repose ma question : que signifie la phrase « une presse qualifiée » ? #spme2016
— Michel Guillou (@michelguillou) March 23, 2016
Même s’il est question d’ouvrir plus tard ce portail à la presse quotidienne régionale et aux hebdomadaires d’information générale, qui pouvait s’attendre à ça ? Qui pouvait croire que ne soit ainsi présentée aux collégiens et aux lycéens, dans un pays démocratique, qu’une presse sélectionnée, qualifiée, validée, tamponnée par l’institution ?
Il convient, a contrario, de travailler à la lecture et la compréhension critique et distanciée de l’information à laquelle accèdent vraiment les élèves, sur Facebook, Snapchat, Youtube ou ailleurs sur le web ou ses réseaux sociaux. De la même manière qu’il est vain de vouloir travailler à éduquer aux médias et à l’information en censurant massivement cette dernière (4) comme cela se pratique malheureusement sur les réseaux des établissements solaires, une information à laquelle accèdent pourtant les jeunes partout ailleurs qu’à l’école, il est tout aussi vain de vouloir « décrypter » ou déchiffrer quoi que ce soit dans le seul périmètre d’un échantillon restreint à une presse supposément qualifiée.
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