• Timothée Parrique : « La décroissance est incompatible avec le capitalisme »
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    « Vouloir la sobriété tout en maintenant l’activité économique, c’est l’équivalent de vouloir freiner tout en maintenant le pied sur l’accélérateur. Cette croyance que l’on pourrait produire plus et polluer moins est une fake news. »

    • Ce qui est compatible avec le capitalisme, c’est la sous-production, des pénuries chroniques pour la majorité de la population mondiale, la misère généralisée, des besoins vitaux à peine satisfaits, et une production aberrante de biens luxueux et inutiles pour une minorité de possédants parasites. Ce qui est compatible avec les rapports sociaux capitalistes, c’est d’un côté cet océan de pauvreté et cette part croissante de l’humanité non-solvable, et de l’autre un cloaque de richesses toxiques.

      Dire que le capitalisme produit trop est une fake news. ce système irrationnel produit en revanche des profits pour une minorité de prédateurs qui pourrissent les corps et les esprits de l’humanité et qui pourrissent son environnement

      C’est juste de dire que "la décroissance est incompatible avec le capitalisme", mais il est faut de faire de la décroissance l’enjeu principale de notre monde. Débarrassée du capitalisme, donc débarrassée de la loi du capital & de la propriété des moyens de production, la société produira plus et mieux – rationnellement. Plus en quantité (c’est nécessaire pour satisfaire les besoins de 10 milliards d’êtres humains), et en polluant enfin aussi peu que possible (car les producteurs auront enfin loisirs d’appliquer les solutions qui s’imposent).

      En attendant, la décroissance ne sera jamais un autre nom possible pour « sortie du capitalisme ».

    • Ce n’est qu’à partir de là que l’humanité, débarrassée de ses parasites, pourra commencer à se poser consciemment le problème de la production et de la consommation. Décider ce qui devra croître et décroître. Apprendre, comme disait Marx encore, à « administrer [la terre] en bons pères de famille, afin de transmettre aux générations futures un bien amélioré ». Car ce n’est qu’alors qu’elle aura et le pouvoir, et les moyens culturels de le faire consciemment. La règle qui régira la société socialiste sera, en matière de production : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. » Les besoins seront définis démocratiquement, cette définition donnera naissance à des plans de production, et cette planification permettra une production maîtrisée qui mettra fin pour toujours au gâchis et au gaspillage du capitalisme. Qu’est-ce qui croîtra et qu’est-ce qui décroîtra, dans cette société ? Il est évidemment difficile de le dire aujourd’hui au-delà du fait qu’une humanité consciente apprendra certainement à se limiter si cela est nécessaire, regardera avec mépris les avions privés et les yacht géants des milliardaires d’hier...

      On peut cependant déjà avoir quelques idées : dès que l’homme sera débarrassé des oppositions de classe, dès qu’il n’y aura plus un seul exploiteur à menacer et à vaincre, la première production qui disparaîtra sera naturellement celle des armes.

      Dès que l’économie sera rationnalisée et planifiée, de formidables économies de papier - et donc de bois ! - seront faites grâce à la disparition progressive d’abord des milliards de prospectus et d’affiches publicitaires, puis tout simplement des billets de banque et des chèques. Et ce ne sont que quelques exemples - mais nous sommes convaincus que l’humanité fera preuve, en la matière, de beaucoup d’imagination.

      Oui, dans une telle société, l’homme aura pour la première fois la possibilité d’avoir la maîtrise totale sur la nature et sur ses destinées. Et tant pis pour ceux qui pensent que c’est vouloir prendre la place de dieu : nous ne croyons pas en dieu.

      L’homme soumettra la nature à sa volonté, mais cela ne veut pas dire qu’il la négligera - car il aura alors pleinement conscience qu’il a besoin de la protéger, parce qu’il en est partie intégrante. Trotsky écrivait à ce sujet en 1925 : « Les idéalistes nigauds peuvent dire que tout cela finira par manquer d’agrément... c’est pourquoi ce sont des nigauds. Pensent-ils que tout le globe terrestre sera tiré au cordeau, que les forêts seront transformées en parcs et en jardins ? Il restera des fourrés et des forêts, des faisans et des tigres, là où l’homme leur dira de rester. » Et il poursuit : « Le mode de vie communiste ne croîtra pas aveuglément, à la façon des récifs de corail dans la mer. Il sera édifié consciemment. Il sera contrôlé par la pensée critique. Il sera dirigé et rectifié. L’homme, qui saura déplacer les rivières et les montagnes, qui apprendra à construire des palais du peuple (...) au fond de l’Atlantique, donnera à son existence la richesse, la couleur, la tension dramatique, le dynamisme le plus élevé. »

      Oui, camarades, nous avons confiance dans cet avenir-là pour l’humanité. Nous sommes tous témoins de l’extraordinaire accélération du progrès scientifique et technique, du fait que si l’homme a mis des centaines de milliers d’années pour inventer le feu et la pierre taillée, il ne lui a fallu que deux siècles à peine pour passer de la machine à vapeur au génie génétique et aux nanotechnologies. Il est certain qu’utilisé par le capitalisme, ce progrès peut engendrer le pire. Mais utilisé par une humanité consciente, il peut tout simplement permettre de changer la face de l’humanité. Aux décroissants qui ne proposent à l’humanité que de revenir à la société préindustrielle et de renoncer aux fruits du progrès, nous répondons avec Trotsky : « L’inconnaissable n’existe pas pour la science. Nous comprendrons tout ! Nous apprendrons tout ! Nous reconstruirons tout ! »

      Ces perspectives semblent peut-être bien éloignées de la situation que nous vivons en ce moment. Il faudra pourtant continuer de les défendre contre vents et marées, parce qu’elles seules sont à la hauteur de l’humanité et de tout ce qu’elle a été capable de réaliser de meilleur tout au long de son histoire.

      https://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/la-decroissance-une-doctrine-qui-8991#lo-sommaire-5.20