• Après Sainte-Soline, repenser la lutte
    https://reporterre.net/Apres-Sainte-Soline-repenser-la-lutte

    Le message de Sainte-Soline est limpide : le pouvoir est prêt à tuer pour défendre son modèle mortifère. Une violence étatique dont le mouvement social doit tenir compte pour ne pas se laisser enfermer dans la confrontation.

    La manifestation qui s’est déroulée à Sainte-Soline ce week-end marque un tournant dans l’histoire du mouvement climatique. Elle atteste que l’écologie génère le conflit, et non le consensus. Jusqu’à récemment, beaucoup pensaient que la passivité des dirigeants à l’endroit du réchauffement climatique était le reflet de leur ignorance. Si on les alertait avec suffisamment de force, si on les aidait à « prendre conscience », si on comblait leur ignorance supposée, la lumière leur viendrait et ils « agiraient » pour éviter la catastrophe.

    Le déchaînement de violence à Sainte-Soline fait tomber les illusions. Les gouvernants savent très bien que les bassines ne répondront pas aux sécheresses à venir. Ils savent très bien que le dossier scientifique supposé les légitimer est hautement douteux. Ils savent très bien que plusieurs de ces projets sont illégaux, comme l’a rappelé Stéphane Foucart.

    Ils le savent, mais ils ont choisi d’imposer les mégabassines pour maintenir à tout prix l’agriculture industrielle, aux effets sanitaires, climatiques et humains désastreux.

    Clarification

    De même, en ce qui concerne le climat, ils savent très bien qu’une politique vigoureuse d’économies d’énergie serait la priorité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, que construire des autoroutes est un contresens absolu, que laisser se développer l’artificialisation des sols dégrade rapidement la biodiversité et altère la résilience au réchauffement à venir. Et ainsi de suite. Ils savent, mais ils continuent à détruire. Pour préserver sans scrupules un système gouverné par l’objectif de créer du profit et d’accumuler du capital financier, quelles qu’en soient les conséquences écologiques — donc humaines.

    La surdité du gouvernement, qui ne sait répondre que par des doigts d’honneur — brandis à l’Assemblée nationale par le ministre de la Justice — et des moyens de police démesurés n’est donc pas pathologique : elle est sa réponse à la montée de l’inquiétude que génère la situation écologique et de la révolte que nourrit l’évidence du mépris et des inégalités. Elle exprime la radicalité du capitalisme, fermement décidé à maintenir son fonctionnement face à toutes les possibilités d’alternatives.

    Le masque tombe, le champ politique s’est clarifié, il met face à face le technocapitalisme, ou technosolutionnisme, et l’écologie redistributive. Et toutes celles et ceux qui comprennent la gravité de la situation actuelle comprennent aussi que la solution ne peut passer par un consensus paisible, mais par des conflits assumés : sortir du système destructeur impose de faire reculer de puissants intérêts...

    https://twitter.com/KEMPFHERVE/status/1640365163223154688