Je pense qu’il y a nécessité à remonter à la source. Ce sentiment arrive souvent à des enfants des classes populaires qui ont pris l’ascenseur social, par exemple.
Il y a aussi à regarder les processus de dévalorisation et de survalorisation. Souvent, les gens qui ont été « poussés » ne se sentent pas à la hauteur des trop fortes espérances placées en eux. Ou alors, il s’agit d’un processus particulièrement fin de sabotage pour désobéir à une injonction de réussir par procuration dans une vie qu’on n’a donc pas choisie. Ou alors, c’est l’impossibilité de l’extirper de l’ombre du commandeur.
En gros, interroger tes relations familiales et les intentions des uns et des autres.
J’ai croisé pas mal de filles, par exemple, très tirées vers le bas par leur mère. Rivalité, mais pas seulement : il y a des jugements péremptoires qu’on se prend dans les gencives étant gosse « tu es trop conne pour faire quelque chose de ta vie » ou « Moi, je n’ai pas eu la chance de faire les études que je méritais » (peut-être bien parce que tu es née et que tu m’a gâché la vie...) et qui finissent par se graver au fer rouge dans ta mémoire, à même être constitutives de ta personnalité.
Le psy est juste un regard extérieur qui t’aide à remettre tout cela sur le tapis pour arriver ensuite à trier et évacuer le nuisible. C’est d’ailleurs pour cela que les entourages ne raffolent pas de ce genre de démarches, parce qu’il y a de sales petites choses qui remontent forcément à la surface.
Sinon, tu as le contexte, comme le choix d’une filière peu accueillante pour les filles où chaque moment, profs et étudiants te font bien sentir que tu n’es pas « à ta place ».
Il y a aussi notre société hyper hiérarchisée (tout en prétendant le contraire) et de plus en plus obsédée par la compétition et le néodarwinisme social. Cette course constante à l’excellence et à l’échalote est, pour moi, le meilleur fournisseur officiel de clients à psy et anxiolytiques. C’est Highlander tous les jours : « il ne peut y en avoir qu’un », ce qui amènent tous les autres à penser qu’ils ne sont pas à la hauteur de la tâche. Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a que 3 places au concours que les trois cents autres sont des bras cassés.
Donc je vois 2 angles d’attaque simultanés :
1. une action à effet immédiat comme te le conseillaient d’autres sur le fameux fil interminable qui consiste à programmer ton travail en mode systématique. L’hygiène de l’assassin, en quelques sorte : tu règles ta journée au métronome. Telle heure, lever, déjeuner (ha ouais, tu déjeunes pas ? Et ben tu vas te forcer : hydratation et sucres lents) et paf, une tomate de travail (d’après les minuteurs de cuisine en forme de tomate) : 25 minutes à écrire, même des trucs nuls et mal branlés, même des notes et du désordre, produire à toute force, jusqu’à ding final. Tu ne dois pas juger de ce que tu fais. On s’en fout des fautes et tout. Ensuite, une plage de repos de 10 min avec ding à la fin et paf, re 25 minutes.
Pourquoi 25 minutes : parce que c’est le temps où tu peux être concentrée à fond sans trop d’efforts, efficace et tout. Ensuite, tu dois relâcher l’attention. Et 25 minutes c’est à la fois pas énorme et beaucoup.
Tu places tes premières 25 minutes en premier après déjeuner. Ensuite, tu prends 10 minutes pour tes mails ou te doucher et paf, tu reprends.
C’est le premier niveau. Tu crées une routine de travail un peu abrutissante dans le mode bourrin : tu produis et c’est tout. À toi de programmer les taches intellectuelles et les taches mécaniques en fonction de ton horloge interne. Pour ma part, j’écris très bien le matin, je tri les papiers ou je fais les comptes l’après-midi et je peux avoir une phase créatrice intense et bordélique en fin de soirée. Faut donc apprendre à faire avec ce qu’on a.
2. l’introspection au long terme pour dénouer l’origine de ton sentiment d’illégitimité et lui faire la peau. Processus long, douloureux et incertain qui nécessite donc la mise en place des routines de travail bourrines pour t’éviter d’attendre 20 ans que tu ailles mieux.
3. Ne pas hésiter à utiliser la méthode Coué améliorée qui consiste donc à se raconter au quotidien comme on aimerait être : « Oui, je suis capable de faire ce boulot », « oui, je ne suis pas plus nulle qu’une autre », « oui, je mérite cette place ou cette récompense », etc.
Je sais, ça fait gourou du markéting, mais c’est assez efficace comme processus de blocage immédiat des pensées négatives et auto-dénigrentes. Limite, tu te tapes le buste en gueulant « Je peux le faire » avant de lancer une tomate.
Et plisse ton visage en forme de sourire. C’est ridicule, je sais, mais je sais aussi que le fait de simuler un sourire libère tout de même une certaine quantité d’endorphine dans le corps. Donc, tu prends !
Voilà, voilà.