« Prisonnier dans le corps d’un homme de 90 ans » : ce Rennais atteint d’un covid long raconte son calvaire - Rennes

/prisonnier-dans-le-corps-d-un-homme-de-

  • À Rennes, le cri d’alerte des malades du covid long - À Rennes, le défi des malades du Covid long - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/ille-et-vilaine/rennes/a-rennes-le-cri-d-alerte-des-malades-du-covid-long-27-04-2023-13326371.


    Épuisement, douleurs articulaires, brouillard cérébral… Plusieurs mois après leur infection à la covid, des millions de Français souffrent d’un « covid long ». À Rennes, un collectif s’est créé pour sensibiliser sur le sujet.
    (Archives Lionel Le Saux/Le Télégramme)

    À Rennes, un collectif de malades du covid long tire la sonnette d’alarme et dénonce le flou administratif qui entoure leur situation.

    Ils s’appellent Émilie, Laurent, Élise, Kristell… Ils sont plusieurs dizaines à habiter à Rennes ou ses environs. Âgés de 25 à 50 ans, ils ont pour point commun de ne plus réussir à « vivre normalement » depuis qu’ils ont contracté la covid. Épuisement, douleurs thoraciques, perte de mémoire… Leurs symptômes sont divers et variés et leur « pourrissent le quotidien ».

    En France, deux millions de personnes souffriraient également à différents degrés de symptômes persistants post-covid selon Santé Publique France. Malheureusement, la réponse médicale est encore loin d’être adaptée. En dépit des nombreuses études en cours, il n’existe toujours pas de véritable traitement. Pour les personnes les plus touchées, il est possible « d’apprendre à vivre avec » en suivant des rééducations adaptées - sur le plan physique et/ou cognitif - dans des unités spécialisées comme au CHU de Rennes.

    Naissance d’un collectif
    C’est d’ailleurs dans les murs du centre hospitalier de Pontchaillou que s’est formé le collectif Covid long 35 qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine de membres. « Des patients qui étaient suivis au sein de l’unité avaient imprimé un tract avec leurs coordonnées dans le but d’échanger avec d’autres malades », se souvient Laurent, 53 ans, souffrant de covid long depuis 2021. « Un petit noyau s’est ensuite créé et a fondé ce collectif ».

    La possibilité d’échanger entre personnes qui vivent la même « galère » redonne le sourire à certains. « J’avais vraiment besoin de rencontrer des gens souffrant également de covid long pour pouvoir en parler », confie Émilie, une autre membre du collectif. « Au début, je me sentais très isolée vis-à-vis de cette maladie que mes proches ne comprenaient pas forcément. Car on peut aller bien un moment, et le suivant, on peut se retrouver dans l’incapacité de faire un effort physique. Au sein du collectif, on échange beaucoup, et c’est vraiment important ».

    Cafés rencontres
    Pour se « rebooster », les membres du collectif Covid long 35 se retrouvent chaque mois à plusieurs dizaines dans un café près de la gare de Rennes. « On partage nos anecdotes, nos coups de moins bien, on se donne des astuces de vie, ça fait du bien », raconte Laurent. « Parfois, il y a beaucoup de détresse chez certains donc on se serre les coudes. On est tous dans le même bateau ».

    La plupart des membres du collectif ne peuvent plus travailler aujourd’hui à cause de leur état de santé. C’est notamment le cas d’Émilie, conseillère bancaire de 41 ans. « Je suis tout le temps épuisée. J’ai des douleurs articulaires et musculaires mais surtout de grosses difficultés de concentration. Parfois, je n’arrive même plus à lire. Au final, j’ai été licenciée de mon entreprise car je n’ai pas pu reprendre le travail. Ça engendre une certaine précarité. On ne peut pas subir cela simplement parce qu’on est malade ».

    Sentiment d’abandon
    C’est pourtant une triste réalité. Face au flou administratif qui entoure cette maladie, les patients atteints de covid long ne perçoivent pas forcément d’aides financières. « C’est quasiment impossible de faire reconnaître notre maladie en affection longue durée », déplore Émilie. « Certains y arrivent mais c’est très aléatoire, on ne comprend pas comment c’est attribué. Ça veut surtout dire qu’on doit batailler au niveau administratif en plus de la maladie. On ne nous entend pas… On a besoin d’aide ».

    « On se bat pour la reconnaissance de notre maladie, mais aussi pour que les médecins soient mieux informés sur les symptômes du covid long », poursuit Laurent. « Quand on ne nous envoie pas vers les bonnes institutions, ça peut devenir de la maltraitance médicale ». Aujourd’hui, les membres du collectif Covid long 35 ne veulent plus « être invisibilisés ». En portant haut ce message, ils gardent espoir de faire rapidement évoluer la situation.

    Pour contacter le collectif : covidlong.breizh@gmail.com

    • « Prisonnier dans le corps d’un homme de 90 ans » : ce Rennais atteint d’un covid long raconte son calvaire - Rennes - Le Télégramme
      https://www.letelegramme.fr/ille-et-vilaine/rennes/prisonnier-dans-le-corps-d-un-homme-de-90-ans-ce-rennais-atteint-d-un-c


      Âgé de 53 ans, Laurent souffre de covid long depuis bientôt deux ans. Il est constamment épuisé et ne peut plus travailler.
      (Le Télégramme/Quentin Ruaux)

      Atteint d’un covid long depuis mai 2021, Laurent raconte son calvaire au quotidien. Souffrant d’épuisement, il ne peut plus vivre normalement.

      « J’ai fait la sieste avant de vous recevoir sinon ça n’aurait pas été possible de discuter ». À 53 ans, Laurent vit dans son appartement du centre de Rennes « comme un vieillard » selon ses termes. Depuis qu’il a attrapé la covid en avril 2021, sa vie n’a plus jamais été la même.

      Pourtant rien ne laissait présager que ce cadre de la fonction publique, extrêmement dynamique et sans antécédents médicaux, puisse développer de tels symptômes prolongés du virus. « À l’époque, j’ai eu de la fièvre pendant quelques jours, mais rien de bien méchant. Je pensais reprendre rapidement du tonus, mais ça ne s’est pas passé comme je l’imaginais ».

      Covid long
      Lors des semaines qui suivent son infection, il ressent une fatigue de plus en plus préoccupante. « J’étais tout le temps épuisé, je n’avais plus de force. J’étais essoufflé quand je marchais. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’ai prévenu mon médecin traitant et on a fait une batterie d’examens, mais on ne m’a rien trouvé ». Pourtant, son état continue de se dégrader.

      En octobre 2021, il est forcé d’arrêter de travailler. « À cette période, je ne pouvais pratiquement plus bouger. Je faisais des vertiges quand je me levais. Je souffrais aussi de douleurs thoraciques et j’avais mal aux jambes comme si j’avais fait un marathon… alors que je ne bougeais pas de chez moi. Je ne pouvais même plus passer l’aspirateur ».

      Épuisement et brouillard cognitif
      Au-delà de son épuisement, Laurent ressent aussi une sensation de brouillard cognitif. « Je balbutiais, je bégayais, c’était impossible de trouver les mots. J’ai aussi connu des problèmes de mémoire. J’arrivais dans une pièce et je ne savais plus pourquoi j’étais là. Une fois, je me suis retrouvé avec ma brosse à dents dans la main sans savoir quoi en faire ».

      Après plusieurs mois, Laurent finit par mettre des termes précis sur ses maux : le covid long. Qualifiés comme tels par l‘Organisation mondiale de la santé, ces syndromes persistants du covid toucheraient plus de deux millions de personnes en France. Renseigné sur le sujet et sur la création, à Rennes, d’une toute nouvelle unité spécialisée dans la prise en charge de patients atteints de covid long, Laurent retourne voir son médecin. « Mon profil cochait tous les critères donc on a fait une demande pour que je puisse intégrer cet endroit ».

      Apprendre à vivre avec
      Au sein de l’unité expérimentale du CHU de Rennes créée en septembre 2021, le cinquantenaire à la recherche d’un remède à ses maux déchante rapidement. « La médecin de l’unité m’a tout de suite prévenu que je n’allais pas guérir à proprement parler, que je ne serai plus jamais comme avant, mais que je pouvais apprendre à vivre avec. C’était très difficile à entendre ».

      Passé cette annonce, la rééducation - auprès de neuropsychologues, d’orthophonistes, d’ergothérapeutes et de spécialistes en activités physiques adaptées - se passe bien. « On m’a appris à déceler les symptômes de l’épuisement qui arrive. Ça peut être les yeux qui piquent, ou tout simplement le moment ou je ne comprends plus ce que je suis en train de lire. On m’a fait faire du coloriage en art-thérapie, ça m’a aidé ».

      Antidépresseurs
      Pour Laurent, la suite s’apparente un peu à des montages russes. Déterminé à reprendre son travail au rectorat de Rennes, il doit de nouveau s’arrêter après avoir fait un malaise. « La fatigue était de retour et se faisait de plus en plus forte. J’ai essayé de travailler à distance mais ça n’a pas fonctionné non plus. C’était très dur. J’ai commencé à voir une psychologue tous les mois. J’avais peur pour la suite, pour ma vie de couple. J’ai commencé à prendre des antidépresseurs ».

      La reconnaissance de sa maladie est aussi un véritable parcours du combattant. « Ça a été une longue bataille pour que mon covid long soit reconnu en affection longue durée. J’ai dû faire un recours après plusieurs refus. On ne coche pas toujours toutes les cases. Certains médecins peuvent même nous faire douter de la réalité de notre maladie ».

      Isolement social
      Après un deuxième passage par l’unité covid long du CHU de Rennes, Laurent tente de se ménager encore plus en limitant tout effort physique. Fin 2022, il quitte son travail et retourne dans son administration d’origine. Mais après trois mois à mi-temps, il doit de nouveau s’arrêter et le vit comme un échec. « Je suis descendu extrêmement bas ».

      « Aujourd’hui, je me sens prisonnier dans le corps d’un homme de 90 ans ». Ses journées sont rythmées par plusieurs siestes. « J’ai l’impression de ne faire que dormir… et pourtant, je ne récupère pas beaucoup. Mes problèmes de concentration et de mémoire sont toujours là. Je ne peux plus conduire. Des fois, on me parle et je ne comprends même pas. Le covid long peut vraiment rendre con. Il y a quelques mois, j’ai fait l’effort de sortir voir des amis dans un bar. Je suis resté seulement une heure dans un environnement un peu bruyant mais je l’ai payé avec des migraines terribles pendant les 24 h suivantes. Du coup, j’hésite à le refaire. Ça crée de l’isolement social ».

      Une épreuve pour les proches
      Pour ses proches, sa condition est aussi très difficile à accepter. « C’est dur pour mon épouse qui voit bien que je ne suis plus le mari qu’elle avait choisi. Aujourd’hui, elle doit me tirer et me porter au quotidien. Mes enfants aussi font comme ils peuvent, mais c’est beaucoup de souffrance ».

      Alors que cela fera bientôt deux ans qu’il vit « un calvaire » avec ce covid long, Laurent ne se décourage pas pour autant. « J’essaye de le prendre avec philosophie. C’est une remise en question de sa vie car on doit renoncer à plein de choses. Je garde encore espoir que la recherche avance pour trouver des remèdes. Il y a plein d’études en cours. Je sais que je ne serai plus comme avant. Est-ce que je vais pouvoir retravailler un jour ? Toute ma vie, mes activités devront désormais être compatibles avec ma maladie ».