person:yves bonnardel

  • L’« intelligence des plantes » | Yves Bonnardel
    http://lmsi.net/L-intelligence-des-plantes

    Comment gérer la dissonance cognitive consistant à éprouver de l’empathie pour les animaux et à les manger, souvent après qu’ils ont été tués dans d’atroces souffrances ? Parmi les arguments couramment entendus, figure celui-ci, d’une mauvaise foi redoutable : « les plantes, elles aussi, souffrent ». Ce « cri de la carotte » est censé clouer le bec définitivement aux anti-spécistes. Yves Bonnardel s’attache, dans le texte qui suit, à réfuter cet argument. Source : Les mots sont importants

    • Certes, on découvre que les « comportements » des végétaux (et même des bactéries) sont beaucoup plus complexes qu’on ne l’imaginait. Cela ne nous donne aucune raison pour autant de penser qu’ils sont sentients, et a fortiori solidaires, aimants, ou que sais-je. L’évolution darwinienne a vu se mettre en place des processus biologiques qui entraînent une souplesse d’adaptation à des conditions très variées. De même que notre corps réalise à tout instant des prouesses sans que nous en ayons même conscience, de même les organismes végétaux « réagissent »-ils à leur environnement de manières qui peuvent être très sophistiquées. [...]
      Nous utilisons en permanence à tort des termes impliquant une « agentivité » pour décrire des processus. Ainsi parle-t-on aujourd’hui de l’intelligence, de la mémoire, de la communication ou des stratégies des systèmes (informatiques, par exemple) ou des plantes, etc. Cela revient à « décrire un thermostat comme « décidant » de chauffer la maison quand la température tombe en dessous d’un certain seuil. »

      Certes, il y a beaucoup de confusion dans l’emploi des termes pour qualifier les réactions et actions des êtres vivants, et surtout des plantes. Et surtout dans les ouvrages de Mancuso, où l’analogie entre l’être vivant et l’entreprise capitaliste et étonnamment très présente et encore plus étonnamment pas dénoncée par ceux qui prétendent l’avoir lu...

      Mais prétendre à leur propos que « L’évolution darwinienne a vu se mettre en place des processus biologiques qui entraînent une souplesse d’adaptation à des conditions très variées. » est tout simplement faux : en tant qu’êtres actifs et sensibles, les plantes ne font pas que « s’adapter », elles savent aussi tirer parti de leur environnement, le transformer, etc.

      La rhétorique de « l’adaptation » que ces anti-spécistes réservent aux plantes dénie aux êtres vivants les plus élémentaires le caractère de sujet à part entière. Elle vise rien de moins qu’a créer une frontière totalement arbitraire et purement artificielle entre « être sentients » qu’il ne faut pas toucher et « êtres non-sentients » que l’on peut massacrer à sa guise.

      Procédé rhétorique qui vise à évacuer le problème de fond : la mort fait partie de la vie , et les anti-spécistes s’inscrivent dans ce courant très progressiste et moderniste qui veut évacuer et mettre définitivement à distance la #mort dans les sociétés capitalistes et industrielles.

      Jacques Luzi, Au rendez-vous des mortels , 2019
      http://sniadecki.wordpress.com/2019/04/25/lalenteur-luzi

      Le livre traite avant tout du #transhumanisme, mais certains chapitres peuvent tout aussi bien s’appliquer à l’anti-spécisme et au militantisme végan.

      Un paradoxe me trouble : alors que le capitalisme est entrain de réaliser la #sixième_extinction des espèces à grande vitesse, les anti-spé ne se mobilisent pas contre ce processus en cours (je me trompe ?), mais contre l’abatage des animaux d’élevage pas du tout menacés d’extinction...

      @rezo @rastapopoulos

  • Mercredi ! L’école démocratique // 13.02.2019
    http://www.radiopanik.org/emissions/mercredi-/mercredi-lecole-democratique-13-02-2019-

    Au programme ce mercredi !

    L’école n’est pas obligatoire ! Gayane, accompagnée de Souen, sa maman, nous parle de l’école démocratique, bien différente de l’école classique. Comme promis dans l’émission, voici différents liens qui alimentent la réflexion de Souen sur l’éducation libre :

    Livres :

    Christiane Rochefort, Les enfants d’abord

    Jean-Pierre Lepri, « Éducation » authentique : Pourquoi ?

    Melissa Plavis, Apprendre par soi-même, avec les autres, dans le monde

    Catherine Baker, Pourquoi faudrait-il punir ?

    Alice Miller, C’est pour ton bien

    John Holt, Les apprentissages autonomes et Apprendre sans l’école

    Peter Grey, Libres pour apprendre

    Yves Bonnardel, La domination adulte

    Sites web :

    Association Leda : www.lesenfantsdabord.org

    Forum de familles pratiquants (...)

    #éducation #jeune_public #école_démocratique #éducation,jeune_public,école_démocratique
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/mercredi-/mercredi-lecole-democratique-13-02-2019-_06223__1.mp3

  • Onques ne vit si misérable engeance qui prohiba, interdit, défendit, cloua au pilori ! | Culture numérique
    https://www.culture-numerique.fr/?p=7653

    L’Assemblée nationale vient de voter, en deuxième lecture (62 voix pour, une seule contre !) , l’article additionnel au Code de l’éducation qui, de fait, interdit, sauf disposition dérogatoire au règlement intérieur, l’usage des téléphones mobiles et autres moyens de communication (tablettes, objets connectés…) dans les écoles et collèges de France. Rappelons que d’éventuelles dispositions dérogatoires au principe général d’interdiction sur les circonstances et lieux peuvent êtres votées par le Conseil d’administration, que le règlement intérieur dans sa globalité doit être validé par les proviseurs vie scolaire des directions académiques et que ces gens-là ont la réputation d’avoir l’œil sourcilleux…

    • Alors effectivement d’accord avec mes deux collègues précités, en revanche je ne peux m’empêcher de relever cette aimable contradiction : ne remarquez vous rien sur cette photo ?

      J’en avais vu une autre sur la palissade de l’assemble en travaux l’année dernière mais je ne parviens pas à remettre la main dessus et sur laquelle c’était encore plus flagrant, en fait ils et elles étaient toutes et tous sur Facebook et Twitter (et aucun ou aucune sur Seenthis, ce qui est uen bénédiction)

    • Tout cela est très ambivalent. Il est évident que ces outils sont utiles. Il est consternant de constater comme nous ne sommes pas dupes : leur utilisation réelle consiste essentiellement à faire des trucs qui détournent l’attention de l’instant présent.
      Mais je ne peux qu’être consterné par l’interdiction par la loi... quoique l’ouverture aux exceptions peut laisser présager qu’il sera possible aux équipes enseignantes d’intégrer ces outils dans un cadre plus à même d’éviter les usages délétères dont ils souhaitent se prémunir ?

    • Pour moi, #interdire est toujours la réponse des faibles et des incompétents. #Éduquer me semble bien plus efficace : ma fille a eu son premier ordinateur à 3 ans, mais on lui a appris à s’en servir et surtout à en comprendre les limites. Le portable est arrivé bien plus tard (après les camarades) et là aussi, avec toute une éducation sur les problèmes d’attention, de concentration, de dispersion, de distraction, incidences sur le sommeil et donc la mémorisation.
      Quand j’étais gosse, c’était la calculatrice toute simple qui était interdite. Ensuite, seulement celle qui faisait des graphiques… maintenant, ils en font des tonnes avec la calculatrice quasi-ordinateur avec verrouillage à la con.

      Plutôt que d’interdire les outils de notre temps, on ferait mieux d’éduquer non seulement à leur usage, mais aussi à travailler les aptitudes qui sont indispensables. Je crois voir que l’éducation à la concentration, aux techniques de mémorisation, aux processus cognitifs, c’est un peu au petit bonheur la chance. D’où l’appétence pour les prothèses.

      Je trouve ça con de se priver d’outils efficaces. Je trouve encore plus con qu’on n’apprenne pas à s’en servir avec efficience et à se prémunir des comportements addictifs. Comme toujours, on interdit un truc pour le rendre désirable et on en favorise ainsi les #mésusages.

    • Discussion ce WE avec une instit’ de maternelle. Ils vont installer les tableaux numériques cet été. En maternelle. La formation des instits aura lieu en novembre. D’ici là, les tableaux resteront éteints. Et ensuite... il faudra voir les cas d’usage. Personnellement, je ne vois pas. Mais chuis pas instit’. Il y a déjà tellement à faire sans écran à cet âge... Et... pour quoi faire ?
      Et puis il y a la formation des formateurs. Ils ont déjà tellement à enseigner, on leur demande en plus d’utiliser un outil mal conçu. J’ai eu ce souci dans tous les cours d’informatique depuis que je suis gamin : des profs à qui on demande d’être sachant sur une matière qui ne permet pas de l’être sans y avoir passé un temps qu’ils n’ont pas... ça donne des cours mal foutus avec des élèves qui voient bien que leur enseignant est mal à l’aise...

    • La semaine dernière j’ai offert un jeu de memory avec des cartes en bois pour les trois ans de ma petite-fille. Elle kiffe grave. Et elle trouve que Pépé-Phil déchire au memory.

      Cette année en classe d’anglais en quatrième d’Adèle-Zoé, l’enseignante a fait conduire un sondage à propos des usages connectés des unes et des autres, les élèves devaient répondre en anglais à un questionnaire en anglais à propos de leurs usages connectés, temps passé quotidiennement devant un écran de télévision, d’ordinateur, de téléphone, tablette, de console que sais-je, type d’activité, puis ensuite calculs de pourcentages et représentation des résultats toujours en anglais.

      La prof a ensuite emporté les résultats de cette enquête qu’elle conduisait uniquement, croyait-elle, à des fins pédagogiques (avec notamment le croisement des matières très en vogue à Decroly, d’où le calcul des pourcentages en anglais) lors d’un conseil de profs et ils et elles se sont regardées effarées, moins les élèves étaient connectés et consommateurs et consomatrices d’écran et plus forte était leur concentration en classe ou réputée telle dans les devoirs à la maison.

      Chaque année lors des réunions de parents d’élèves, il y a quelques parents pour réclamer à corps et à cri que les cahiers de texte et/ou toutes sortes d’autres organes de communication soient en ligne parce que pour elles et eux c’est plus facile à suivre sur leur téléphone et toutes les applications suggérées pour ce faire sont des trucs de google et autres et quand on argue en retour qu’on n’est pas super pressé (je parle pour moi) que des données concernant nos enfants entrent dans des silos de données, on passe pour un dangereux paranoïaque (et comme sa propre fille est réputée bonne élève, on voit bien comment certains et certaines soupçonnent que cette dernière ne doit pas rire tous les jours à force de méthodes coercitives et forcément paranoïaques, alors que ma méthode est simple, je ne regarde jamais dans le cahier de texte de mes enfants)

    • Ah tiens, c’est drôle, j’écoutais à l’instant l’interview radio de Yves Bonnardel à propos de son livre La domination adulte https://seenthis.net/messages/431121 où l’on parle de l’éducation à l’incompétence et du statut d’enfermement et de non-droits des enfants.
      Cette loi est censée résoudre un problème de désintérêt de l’école. Ce désintérêt patent se fait au profit de facebook et des textos qui sont addictifs ? Alors, suivons les recherches intelligentes sur le traitement des addictions, avec des lieux encadrés et dédiés pour accompagner les drogués, avec les drogués : des salles de shoot, des échanges de paroles, du respect pour les personnes.
      Sinon ce n’est qu’une façon de masquer le manque de remise en question du #dressage_scolaire en renforçant un peu plus l’exaspération des enfants et en les soumettant à un nouveau type d’humiliation.

  • Quand la domination adulte croise la domination patriarcale
    Des écrivaillons-éditocrates sur les chaines de la télévision publique peuvent bien régurgiter un Wittgenstein [1] mal assimilé – selon lequel on devrait taire les #violences_sexuelles parce qu’elles seraient après tout si ambigües, incommunicables ou irréductiblement singulières – cela sonne comme une mauvaise blague botulienne qui tout à la fois légitime le système dans lequel s’inscrivent les agresseurs, dilue les témoignages des femmes, réduit leur parole à un supposé sentimentalisme « victimaire » (on sait combien cet adjectif est une ruse de la raison dominante) et, en dernière instance, vise à défaire la possibilité d’une analyse et d’une solidarité féministes.

    Autrement dit, il s’agit ni plus ni moins de renvoyer les femmes qui ont subi des violences sexuelles à ce que Deleuze appelait « la manie du sale petit secret » – fond de commerce partagé de l’autofiction, de la psychanalyse, et de bien des fantasmes médiatiques. Le #viol n’est pourtant pas un « sale petit secret » incommunicable et il n’y a aucune raison d’exiger des femmes qui en sont victimes de le taire, ni de les réduire sarcastisquement, quand elles ont le courage d’en parler, au seul statut devenu péjoratif de victime.

    Dans l’affaire de Pontoise, la #domination_masculine croise la domination adulte et impose un silence doublement assourdissant à la victime, qualifiée tour à tour de « fille », de « fillette », voire de « pré-adolescente » « qui faisait plus que son âge ». L’homme de 28 ans ayant abusé d’une gamine de 11 ans avait lui-même deux enfants, dont un de 9 ans – on ne saura pas s’il fait plus ou moins que son âge. Un ##bon_père_de_famille.

    Comme l’écrit Yves Bonnardel, le statut social de l’enfant ne « consiste en rien de moins que l’imposition d’une famille, d’une école, et au-delà d’une éducation », autant d’institutions qui dépossèdent l’enfant de lui-même pour mieux lui imposer les normes de l’hétéronomie et consolider l’ordre social. Le bon père de famille de 28 ans ne voulait rien de moins qu’apprendre à la fillette de 11 ans à embrasser – une éducation à la galanterie, incluant fellation et pénétration.

    L’enfant ne s’appartient pas. L’enfant n’a pas de personnalité juridique, il a comme on dit « des tuteurs légaux ». Que ces tuteurs légaux ou d’autres adultes puissent abuser de lui et le brutaliser de mille manières est rendu possible par ce que Christine Delphy a qualifié de « vulnérabilité organisée » dans sa recension du livre de Bonnardel.

    L’argument de l’incommunicabilité est donc caduc ; si la vulnérabilité (des enfants, des femmes, des animaux) est organisée, non seulement on peut en parler, l’analyser, mais mieux encore : on peut la défaire.

    http://lmsi.net/Une-pre-adolescente-qui-faisait#nb1
    La domination adulte - présentation d’un livre d’Yves Bonnardel

    La domination adulte opprime profondément les jeunes. Les « enfants » sont aujourd’hui réputés particulièrement vulnérables et vivent sous l’emprise d’un statut de « mineur » qui, sous prétexte de protection, leur retire l’exercice des droits fondamentaux qui sont reconnus aux majeurs, aux « adultes ». Ce statut de mineur entérine en fait de nombreuses sujétions et partant, de nombreuses violences. La famille est ainsi l’institution sociale la plus criminogène qui soit, mais l’école est aussi un lieu privilégié d’exercice d’un ordre adulte oppressif. Ce livre rappelle les nombreuses luttes - habituellement passées sous silence - menées par des « mineurs » contre leur condition, contre les discriminations fondées sur l’âge et pour l’égalité politique. Leur donnant la parole, il questionne aussi bien les idées d’enfance et de protection que celle de minorité. C’est aussi la notion même d’éducation qui est ici interrogée. Il nous convie de façon inédite à un véritable voyage révolutionnaire au sein des rapports adultes/enfants, dont notre vision du monde ne sort pas indemne. De ce livre utile, ré-ouvrant un champ de réflexion trop longtemps refermé, voici la présentation par #Christine_Delphy.

    https://seenthis.net/messages/422216
    https://seenthis.net/messages/422441

  • ÉCOLOGISME ET TRANSHUMANISME
    Des connexions contre nature

    Ecologistes, végans et sympathisants de gauche prolifèrent au sein du mouvement transhumaniste. Après Le Monde, Le Nouvel Obs et Politis, Primevère, le plus grand salon écologiste français, invitait en 2016 un de ses représentants à s’exprimer. Didier Cœurnelle, vice-président de l’Association française transhumaniste, est élu Vert en Belgique. Il aurait eu les mots pour séduire les visiteurs de Primevère, avec une « vie en bonne santé beaucoup plus longue, solidaire, pacifique, heureuse et respectueuse de l’environnement, non pas malgré, mais grâce aux applications de la science. » (1) Il aura fallu les protestations d’opposants aux nécrotechnologies pour que le salon annule son invitation. (2) Les transhumanistes ne luttent pas contre les nuisances. Technophiles et « résilients », ils comptent sur l’ingénierie génétique, la chimie et les nanotechnologies pour adapter la nature humaine et animale à un milieu saccagé.

    Faut-il un État mondial inter-espèces pour lutter contre les dominations entre humains et animaux ? Voire entre animaux, avec des prédateurs devenus herbivores après modification génétique ? Même si leurs idées prêtent à rire, les transhumanistes ne sont pas des ahuris victimes d’une indigestion de mauvaise science-fiction. Ils sont écologistes et végans (c’est-à-dire refusant de consommer les produits issus des animaux), certes. Parfois même bouddhistes. Mais aussi philosophes, généticiens, informaticiens, sociologues ou start-uppers rétribués par Harvard, Oxford, la London school of economics ou Google. La plupart d’entre eux veulent le bien de la planète et de ses habitants, lutter contre les oppressions, tout en augmentant notre espérance de vie jusqu’à « la mort de la mort ».

    Les deux porte-paroles du mouvement transhumaniste francophone revendiquent leur militantisme « écolo ». Marc Roux a été adhérent de l’Alternative rouge et verte. Didier Coeurnelle est élu Vert de la commune de Molenbeek. Le co-fondateur de Humanity+, la principale association transhumaniste américaine, David Pearce, est un militant anti-spéciste et végan. L’Australien Peter Singer, philosophe et auteur du livre de référence des antispécistes La libération animale (1975), est lui-même transhumaniste et ancien candidat Vert en Australie. Quant à l’actuel directeur de Humanity+, James Hughes, en tant que bouddhiste, il ne ferait pas de mal à une mouche. Loin de l’image repoussoir de libertariens insensibles aux malheurs qui les entourent, les transhumanistes sont souvent des progressistes de gauche, écologistes et féministes, suivant la bonne conscience qui règne dans la Silicon Valley depuis le mouvement hippie des années 1960. En France, à l’avant-garde des partisans de la reproduction artificielle de l’humain (PMA-GPA) figurent les membres d’Europe-écologie les Verts.

    D’après Marc Roux et Didier Cœurnelle, auteurs de Technoprog (3), les transhumanistes seraient majoritairement de gauche, attachés à un système social et à une médecine redistributive, contre l’idée d’une humanité à deux vitesses après sélection génétique. Ils se trouvent même des points communs avec les « objecteurs de croissance ». (4) Fort bien. Laissons de côté les ultras, libertariens ou technogaïanistes, et intéressons-nous à ces transhumanistes sociaux-démocrates et soit-disant écolos. Ceux qui introduisent le loup transhumaniste dans la bergerie verte.

    BIENVEILLANCE AUGMENTÉE

    Aux origines des mouvements contestataires et écologistes américains que l’on qualifia un temps de New left, on trouve l’opposition à la guerre et à l’enrôlement forcé. Les années passant, le post-modernisme faisant son travail de dépolitisation, cette « non-violence » se reporta sur les rapports interpersonnels (on dit : les « micro-agressions ») pour accoucher de « safe spaces » que les lecteurs des Inrocks connaissent par cœur. Les transhumanistes, qui sont autant de leur époque qu’un centre LGBT de province, veulent eux aussi une planète plus safe, sans micro-agressions.
    Si les codes de bonne conduite ne suffisent pas, ils suggèrent le moral enhancement (l’amélioration morale) de l’humanité et des animaux (« non-humains », précise-t-on chez les post-modernes), soit « l’amélioration de la compassion, de la solidarité et de l’empathie » par des moyens génétiques ou médicaux. Comme la prise d’ocytocine par exemple, qui favoriserait les comportements solidaires. « Diminuer les souffrances, augmenter les plaisirs, cela fait partie de ce que nous souhaitons intensément pour nous-mêmes et, peut-être plus encore, pour les autres », clament les auteurs « de gauche » de Technoprog. Comment dire du mal de prêcheurs aussi sirupeux.

    Deux philosophes du « Moral enhancement » publiés par l’Oxford University Press assurent que « Notre connaissance de la biologie humaine - en particulier, de la génétique et de la neurobiologie - commence à nous permettre d’influer directement sur les bases biologiques ou physiologiques de la motivation humaine, soit par des médicaments ou par sélection génétique, soit en utilisant des dispositifs externes qui affectent le cerveau ou le processus d’apprentissage. » (5) Loin des élucubrations, ces projets deviennent chaque jour plus réalistes - notamment grâce aux avancées dans l’édition génomique du type CRISPR-CAS 9. Certains imaginent une humanité et une animalité génétiquement bienveillantes et heureuses. Le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo, directeur du département Neurologie de l’Institut Pasteur, ne vante-t-il pas l’optogénétique pour « former et effacer des souvenirs » et ainsi créer des humains « qui n’ont plus peur de la peur, ou qui garderaient un souvenir positif d’événements très négatifs » (6) ? On imagine les applications pour prévenir les suicides chez Foxconn et les traumas des soldats.

    Nous avons vu paraître il y a peu en France, sous le patronage de l’UFR de Philosophie de la Sorbonne et le regard approbateur des transhumanistes, le mouvement « Altruisme efficace » – traduction de l’effective altruism de Peter Singer promu par des philanthropes tels que Peter Thiel, fondateur de PayPal, Jaan Tallinn de Skype, ou encore Duston Moskowitz de Facebook. Leur souhait : une plus grande efficience des œuvres de charité sur la base du ratio « euro donné/quantité de ‘’bien’’ atteint ». La branche « Charity Science » de ce mouvement calculera, grâce aux outils du Big data, le bonheur ressenti. Un végan comme David Pearce, fondateur de Humanity+, promeut quant à lui le Paradise Engineering, soit l’ingénierie génétique et les nanotechnologies au profit du bonheur et de l’empathie envers les humains et les animaux. D’où leur enthousiasme pour le wireheading, la stimulation par électrodes des zones du cerveau dévolues au plaisir. Amis dépressifs, on vous prendra la tête.

    Au delà de la philanthropie typique du capitalisme anglo-saxon, émerge une sorte de bouddhisme augmenté, une pleine conscience et un éveil spirituel assurés par la pharmacie, l’ingénierie génétique et les technologies de communication. Le plus célèbre des bouddhistes français, Matthieu Ricard, lui-même docteur en génétique cellulaire, s’affiche aux côtés de transhumanistes comme Peter Singer et les Altruistes efficaces. Il est membre, au même titre que le Dalaï Lama, du Mind and Life Institute, un club de bouddhistes et de scientifiques pour qui l’accès à la pleine conscience par neurostimulation présente un grand espoir (la neuro-théologie). Le Dalaï Lama a donné sa « bénédiction » au projet « Avatar » du transhumaniste milliardaire russe Itskov dont l’objet est d’atteindre l’immortalité d’ici 2045. (7)

    Si la société va mal, ce serait donc par manque d’empathie. Voilà tout. De notre part ? De nos dirigeants ? On retrouve là les obsessions « safe » des post-modernes qui évacuent toute explication politique au profit du sirop psychologisant versé dans les cercles de bienveillance non-mixtes. Or, c’est se tromper sur la nature d’un système, qu’on l’appelle technicien, bureaucratique ou capitaliste, que d’ignorer le rôle d’intérêts objectifs, ceux des classes possédantes, des élus, des techniciens de l’administration. Leur machine bureaucratique fonctionne. Elle n’est pas le fait d’êtres sensibles qu’il faudrait moraliser, mais d’acteurs rationnels qu’il s’agit de renverser.

    UN ANTISPÉCISME TRÈS ARTIFICIEL

    « La nature, ça n’existe pas », nous répète l’importateur français des thèses antispécistes Yves Bonnardel. (8) Dès lors, pourquoi s’émouvoir qu’un steak in vitro puisse représenter l’avenir de notre alimentation ? Vous savez, ce steak élevé en laboratoire en 2013 à partir de cellules souches de bovin ? Ce steak à 250 000 dollars a été financé par le boss de Google, Serguey Brin, préoccupé par la souffrance animale. Il va falloir vous faire à l’idée, car les antispécistes et les écolos transhumanistes préparent votre pâtée quotidienne garantie sans domination humaine. Déjà, certains magasins bio proposent des substituts de repas complet sous forme de poudre à diluer, garantis bio, végans et sans OGM. Ils s’inspirent du premier substitut protéinique vegan appelé Soylent, en référence au film Soleil vert (Soylent green en anglais) dans lequel l’humanité superflue ingère des tablettes d’humains faute de nourriture. Le concepteur de ce substitut est informaticien. Rob Rhinehart prétend s’en nourrir à 80 %. « Résultat : il n’est pas allé à l’épicerie depuis des années. Il ne possède plus de frigo ni de vaisselle. Et il a transformé sa cuisine en bibliothèque. » (9) La composition chimico-informatique de son produit est en open source. Ce qui en fait un transhumaniste de gauche, contre la propriété privée, l’exploitation animale et la mal-nutrition du tiers-monde. Un autre transhumanisme est possible, vous dit-on.

    Pourquoi cette attention portée à la viande ? Un kilo de viande bovine requiert 10 kg de nourriture végétale. Les élevages consomment déjà 30 % des terres arables et rejettent 15 % des gaz à effet de serre. En 2050, nous serons 9 milliards d’omnivores humains et notre consommation de protéines aura doublé. Un vrai challenge pour ingénieurs, informaticiens, biologistes et business angels de la Silicon Valley. Même Bill Gates s’en émeut, qui investit dans la viande sans viande depuis 2013. En la matière, si l’on peut dire, les mayonnaises et les cookies végan de la Hampton Creek’s, basée à San Francisco, font recette. Le secret de leur mayonnaise sans œufs au goût de mayo ? Une intelligence artificielle supervisée par des biochimistes et l’ancien data scientist de Google, Dan Zigmond. Adieu Mamie Nova, les dimanches après-midis à faire des confitures et des pots pour l’hiver : le process culinaire du XXI° siècle s’obtient par modélisation informatique de milliards d’assemblages possibles de protéines végétales. C’est bien la peine de s’augmenter, d’améliorer son intelligence et de vaincre la mort si c’est pour bouffer de la pâtée techno-vegan le reste de son immortalité. Mais c’est le prix à payer pour survivre au désastre écologique.

    « Tout ce qui nous permet de trouver de bonnes alternatives, de bonnes techniques exemptes de cruauté, durables, saines et économiquement compétitives, nous fait faire un pas vers la fin de l’exploitation animale », affirmait Peter Singer, notre philosophe végan et transhumaniste, qui faisait la publicité de Hampton’s Creek lors de la dernière rencontre nationale de l’association L214 à la Cité des sciences et de l’industrie. L214, vous en avez entendu parler cette année, leurs vidéos d’abattoirs ont ému la France jusqu’au ministre de l’agriculture. En invitant Singer, ont-ils relevé le paradoxe dans lequel se trouvent les antispécistes et les mangeurs de protéines techno-végétales ? S’ils s’élèvent avec raison contre les conditions industrielles d’élevage et d’abattage, ils appuient la fuite en avant artificielle de l’agro-industrie. On est passé en quelques décennies de paysans éleveurs, aux petits soins pour leurs bêtes, à des consommateurs d’ersatz protéiniques cellophanés calculés par ordinateur. Quoi que divaguent les antispécistes, il n’y a pas à choisir entre un steak in vitro et l’abattage industriel brutal.

    On sait que les animaux et les humains sont doués de sensibilité. Pour les transhumanistes comme pour les antispécistes, héritiers de la cybernétique, la nature est un continuum entre vivant et inerte, entre l’homme, l’animal et la machine qui rendrait impossible toute distinction définitive entre eux. Qu’est-ce qui les unifie ? Ils seraient également sensibles. Selon Norbert Wiener, la cybernétique traite de « l’ensemble des problèmes ayant trait à la communication, au contrôle et à la mécanique statistique, aussi bien dans la machine que chez l’être vivant. » (Cybernetics, or Control and Communication in the Animal and the Machine, 1948). Les animaux sont des machines communicantes et inversement. Ainsi en est-il du petit chat, chez Wiener : « Je l’appelle et il lève la tête. Je lui ai envoyé un message qu’il a reçu au moyen de ses organes sensoriels et qu’il a traduit par une action. Le petit chat a faim et il miaule. Alors, c’est lui qui envoie un message. » Analogie abusive : sensibilité et communication n’équivalent pas à échange de données. Si pour les antispécistes les espèces n’existent pas, les animaux étant tous dotés de sensibilité, pour les cybernéticiens, « le fonctionnement de l’individu et celui de quelques machines très récentes de transmission, sont précisément parallèles. Dans ces deux cas, l’un des stades du cycle de fonctionnement est constitué par des récepteurs sensoriels. » Le tour est joué. Le miaulement du chat et la parole humaine équivalent au signal d’une machine électronique. Pour ces ingénieurs, animaux, humains et machines forment un tout reprogrammable.

    S’il n’y a pas de différence d’espèce entre une souris et un humain, comment comprendre cette volonté des Instituts américains de santé (10) de financer des greffes de cellules souches humaines sur des embryons d’animaux ? (11) Il ne s’agirait plus seulement de greffer des organes d’animaux à des humains comme on fait des boutures, mais de créer des chimères : par exemple, un cerveau humain dans un crâne de souris (soit l’inverse de Peter Singer). D’un point de vue théorique, que l’on soit antispéciste et/ou transhumaniste, rien ne l’empêche, puisque « la nature ça n’existe pas », et que nous sommes des animaux-machines également doués de « sensibilité ». On n’a cependant pas encore connaissance de projets de souris cherchant à se greffer des organes humains.

    S’AUGMENTER OU S’ADAPTER AUX NUISANCES ÉCOLOGIQUES

    La Silicon Valley soutient la candidature d’Hillary Clinton qui défend les intérêts des « techies ». Si les transhumanistes ne sont pas tous d’affreux individualistes libertariens, ils ne sont pas non plus de vulgaires climato-sceptiques insouciants des effets de notre mode de vie sur notre environnement et notre santé. C’est là que gît le piège transhumaniste pour les écologistes.

    Dès l’époque de la World Transhumanist Association, l’ancêtre de l’actuelle Humanity +, la question écologique se pose. Vivre 120 ou 150 ans, repousser les limites de la fertilité féminine par des techniques de procréation assistée, ne va-t-il pas faire exploser la population mondiale, pressurer les écosystèmes, accélérer le dérèglement climatique, provoquer des famines ? Les transhumanistes états-uniens s’en préoccupent et mobilisent, dès les années 2000, l’essayiste et romancier cyberpunk Bruce Sterling. En janvier 2000, Sterling livre un manifeste pour une nouvelle politique écologiste « Vert-Emeraude ». « Sterling défend plus de contrôles des capitaux transnationaux, le redéploiement des budgets militaires vers une politique de paix, le développement d’industries durables, l’augmentation du temps libre, la garantie d’un salaire socialisé, l’extension d’un système de santé public et la promotion de l’égalité de genres ». (12) On ne fait pas mieux à gauche. Anti-luddites au prétexte que la simplicité ne serait pas assez attrayante, ses propositions pour supplanter les vieilles industries polluantes du XX° sont : « des produits intensément glamour et écologiquement rationnels ; des objets entièrement nouveaux fabriqués avec de nouveaux matériaux ; le remplacement de la matérialité par l’information ; la création d’une nouvelle relation entre la cybernétique et la matière. » (13) Un manifeste que les transhumanistes n’auront pas de mal à s’approprier.

    À la question de la surpopulation (la « Bombe P », disait Ehrlich en 1968), les transhumanistes répètent « qu’avec l’extension de la durée de vie, nous nous sentirons beaucoup plus responsables des conséquences écologiques de nos comportements » (Humanity +). (14) Dit autrement par l’utilitariste Peter Singer, « Il est préférable d’avoir peu de gens mais qui vivent longtemps, car ceux qui sont nés savent ce dont la mort les prive, alors que ceux qui n’existent pas ne savent pas ce qu’ils ratent. » (15) Logique, non ? Du côté des « technoprogressistes » français, on argue que « là où les citoyens vivent plus longtemps, ils ont moins d’enfants ». Et donc le progrès technique accélérera la transition démographique. Ce ne sont là que des hypothèses que nous sommes sommés de valider. Mais, si nous devions vérifier la corrélation hasardeuse entre espérance de vie et responsabilité écologique, le XX° siècle les démentirait, tant l’augmentation de la durée de vie semble corrélée avec, entre autres exemples, la hausse des conflits (dont certains génocidaires), les catastrophes écologiques, ou la mise au point de bombes apocalyptiques.

    Pour combattre le réchauffement climatique, un certain Matthew Liao, professeur de philosophie de la New York University, accompagné d’Anders Sandberg et Rebecca Roach d’Oxford (donc, pas des tenanciers d’un obscur blog), ont de solides propositions transhumanistes. La plus simple serait pharmaceutique, comme la prise de pilules qui nous dégoûteraient de la viande ou augmenteraient notre empathie. Nous pourrions aussi, toujours grâce à la sélection et l’édition génomique de type CRISPR, augmenter nos pupilles de gènes de félins pour voir la nuit (et réduire ainsi nos installations lumineuses dévoreuses d’énergie), et baisser le poids et la taille de l’humanité : « Si vous réduisez la taille moyenne des Américains de 15 cm, vous réduisez la masse corporelle de 21 % pour les hommes et 25 % pour les femmes ». (16) Moins de masse corporelle, c’est moins de besoins énergétiques et nutritifs. On fait bien des cochons nains à destination des laboratoires pharmaceutiques. Pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? Parce que l’état de l’ingénierie génétique ne nous le permettait pas.

    Tout cela vous semble de la science-fiction ? Le Monde du 22 juin 2016 nous informe qu’il faut « se préparer à vivre loin de la Terre », ou en tout cas à survivre sur une planète invivable : « L’Agence spatiale européenne vient de faire le point sur les recherches concernant la vie en ‘’écosystème clos artificiel’’ et leurs applications terrestres. » Nos spationautes ne disent pas autre chose qu’un Marc Roux pour qui « Les transhumanistes n’hésitent pas à envisager de permettre à certains de leurs congénères d’adapter leur biologie à d’autres planètes ou même au milieu sidéral. Ne serait-il pas raisonnable de commencer en apprenant à nous adapter aux nouvelles conditions de vie dans notre propre maison ? » (17) Recyclage de l’eau, de l’air et des déchets. Transformation du CO2 en oxygène grâce à des algues nourries aux déjections, nitrification d’urines fraîches pour transformation en eau potable : tout cela ferait passer les poudres Soylent pour de la gastronomie. L’un des chercheurs développe déjà ce genre de toilettes – on dit « Systèmes de support de vie » – pour les pays pauvres chargés d’expérimenter nos futurs « habitats clos terrestres ». Ou comment la survie en milieu spatial nous offre un avant-dégoût de notre survie sur Terre.

    Mais revenons au paragraphe précédent : « Nous adapter aux nouvelles conditions de vie dans notre propre maison », dit le transhumaniste Marc Roux. Plutôt que d’écologie, ou même d’« augmentation » de nos capacités physiques et intellectuelles, M. Roux n’offre d’autre perspective à l’humanité que de « repousse[r] continuellement le spectre de sa disparition ». Tout est là. L’écologie transhumaniste est pétrie de cette idéologie de la « résilience » – un terme issu de la psychologie synonyme d’adaptation à la dégradation des conditions d’existence – qui prévaut aujourd’hui jusque dans les Conférences sur le climat. « Aucune idée n’est à écarter a priori si elle peut déboucher sur une meilleure adaptation des corps à leur environnement. […] Sur le court ou moyen terme, l’humain me paraît infiniment plus souple et malléable que la planète qui nous héberge. » Cette idée apparemment nouvelle n’est qu’une resucée de Norbert Wiener qui, déjà en 1950, nous confrontait à cette obligation : « Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement » (L’usage humain des êtres humains). (18) Il s’agit, dans la tradition du darwinisme social, de permettre la survie du mieux adapté. Crèvent les faibles et les inadaptés. D’où l’appel aux transformations génétiques. Voilà l’imposture. Derrière le volontarisme technique, c’est la soumission qui domine ; la dégradation de notre environnement est un fait inéluctable, auquel nous n’avons plus qu’à nous adapter.

    Ce transhumanisme paré de valeurs écologistes et démocrates conteste la vieille administration du désastre par les « bureaucraties vertes ». (19) Il ne se veut pas une écologie de la contrainte mais de l’augmentation. Ou plutôt, pour toute augmentation, de la mise à niveau de l’humanité à un environnement proprement inhumain. Soit parce qu’il nous surclasse – c’est la thèse de Ray Kurzweil, pionnier du transhumanisme pour qui l’intelligence artificielle nous oblige à augmenter nos capacités cognitives – soit parce qu’il est écologiquement invivable. Probablement les deux à la fois. Voilà toute leur ambition, une insulte aux fondateurs de l’écologie, les Ellul, Charbonneau, Illich.

    ADRESSE À CEUX QUI NE VEULENT PAS S’ADAPTER AUX NUISANCES MAIS LES SUPPRIMER

    En développant un discours à prétention écologiste, les transhumanistes souhaitent certainement désamorcer la critique et rallier l’opinion. Mais l’imposture demeure. Il existe un courant « écologiste » technicien. Le prodige du Club de Rome, avec son étude Halte à la croissance ? de 1972, n’est-il pas d’avoir modélisé le monde sur ordinateur, quelques mois avant que le NASA ne lance son premier satellite d’observation et de monitoring de la Terre ? (20) La fashionista américaine du transhumanisme Natasha Vita-More s’appuie sur la « seconde vague cybernétique » des années 50-70, qui rapprocha deux champs scientifiques jusque-là distincts, à savoir la biologie et les sciences cognitives. Sous les coups de zoologues et de biologistes fascinés par la cybernétique, la nature fut réduite à un « écosystème », les relations entre les êtres vivants et leur environnement, et jusqu’à leur physiologie, à des « systèmes de communication interconnectés ». « Notre environnement entier, et jusqu’à l’univers, est un écosystème indépendant mais unifié ; et nous, en tant que que formes de vie intégrées à ce système, sommes agents de notre propre système physiologique », nous dit Vita-More. Quand les « écologistes » lillois posaient les premières briques de la ville « intelligente », ils ne faisaient pas autre chose que de rationaliser l’écosystème métropolitain considéré comme une machine communicante. (21)

    Le projet transhumaniste est l’aboutissement de notre soumission à l’expertise technicienne. C’est un projet anti-humaniste, quoi qu’en dise Luc Ferry dans La révolution transhumaniste. (22) Quand l’essayiste nous assure que le transhumanisme est un « hyperhumanisme », il ment. Quand il affirme qu’il ne s’agit plus « de subir l’évolution naturelle, mais de la maîtriser et de la conduire par nous-mêmes », il évite de définir ce « nous-mêmes ». S’agit-il du peuple ? Ou des technocrates dirigeants, de sa propre caste d’ingénieurs des âmes et des corps ? Mais qu’attendre de l’auteur du Nouvel ordre écologique (1992), qui assimilait l’écologie au nazisme et à l’anti-humanisme.

    Dans la fable transhumaniste, l’humanité est composée non pas d’animaux politiques, mais d’animaux-machines. Cette fable réduit l’histoire au seul progrès technologique.
    Écologistes, si vous voulez supprimer les nuisances et non vous y adapter, vous devez rétablir l’histoire. Ne pas confondre progrès technologique et progrès social et humain. Il faut choisir, rester des humains d’origine animale ou devenir des inhumains d’avenir machinal.

    TomJo, octobre 2016
    hors-sol@herbesfolles.org

    --
    1 Programme du salon Primevère, 2016.
    2 « Le salon Primevère invite les transhumanistes », Pièces et main d’œuvre, 2016.
    3 éditions FYP, 2016.
    4 « Transhumanisme et décroissance », Marc Roux, 23 janvier 2015, transhumanistes.com.
    5 Julian Savulescu et Ingmar Persson. Philosophy Now, août-sept. 2016. Leur livre s’intitule Unfit for the Future : The Urgent Need for Moral Enhancement (Inapte pour le futur : l’urgence de la valorisation morale).
    6 Le Monde, 6 octobre 2014.
    7 Atlantico.fr, 31 juillet 2012.
    8 Usbek & Rica, juillet 2016.
    9 « Silicon Valley gets a taste for food », The Economist, 7 mars 2015.
    10 Centres de recherche dépendant du Ministère de santé américain.
    11 « N.I.H. May Fund Human-Animal Stem Cell Research », The New York Times, 4 août 2016.
    12 « Ecologists », Humanity +, non daté.
    13 viridiandesign.org/manifesto.html
    14 Idem
    15 « Should we live o 1 000 ? », Peter Singer, project-syndicate.org, 10 déc. 2012.
    16 Référence.
    17 « Transhumanisme et écologie », Marc Roux, 11 avril 2016, transhumanistes.com.
    18 Cité par Sarah Guillet dans « La colonisation des sciences sociales par le ‘sujet informationnel’ », revue L’Inventaire n°5, éditions La Lenteur, juillet 2016.
    19 Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, René Riesel et Jaime Semprun, Encyclopédie des nuisances, 2008. Dans son Manifeste, Bruce Sterling : « Il est peu probable que la plupart d’entre nous tolère de vivre dans un État du Rationnement du CO2. Cela signifierait que chaque activité humaine soit au préalable autorisée par des commissaires de l’énergie. »
    20 Le Monde, 25 juillet 2015.
    21 L’Enfer vert, TomJo, L’échappée, 2013.
    22 La Révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies, Luc Ferry, Plon, 2016.

  • Les députés votent en faveur de l’abolition de la violence corporelle faite aux enfants
    http://www.lemonde.fr/education/article/2016/07/02/les-deputes-votent-en-faveur-de-l-abolition-de-la-violence-faite-aux-enfants

    L’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de vendredi 1er à samedi 2 juillet un amendement au projet de loi égalité et citoyenneté visant à abolir la violence faite aux enfants.

    La définition de l’autorité parentale dans le code civil a été précisée : parmi les devoirs qui la composent figure « l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ». (...)

    « la règle posée est de nature exclusivement civile et ne s’accompagne d’aucune sanction pénale nouvelle à l’encontre des parents. Elle énonce un principe clair, qui a vocation à être répété aux pères et mères, et à imprégner leur comportement futur ».

    #enfance #violence

    • #wtf #foutage_de_gueule

      http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130122.OBS6160/mort-de-typhaine-deux-enfants-meurent-chaque-jour-de-maltraitan

      Avec l’association, nous constatons que deux enfants meurent chaque jour en France de faits de maltraitance . C’est énorme. Notre objectif est de renforcer la prévention, d’agir, parce que ça commence à devenir catastrophique en France.

      #france

      Nan, pis des lois qui « imprègnent les comportements futurs », mais NOOONN même les sacs plastiques sont mieux traités !

    • Avant, tu avais le droit de torgnoler tes mômes, maintenant c’est interdit par la loi. Dans tous les milieux, il restait un « ça peut pas faire de mal » ou « j’ai été élevé comme ça » ou « c’est juste une petite baffe »... maintenant la loi dit « c’est mal ! » (même si on se doutait bien que filer des baffes au nom de l’amour ça collait pas vraiment et que les sciences nous disaient bien que c’était très mauvais depuis longtemps). Y’a du mieux, je trouve.

    • Non Antony, personne n’a jamais eu aucun droit à recourir à la violence, même sous son propre toit.

      Pratiques judiciaires et administratives
      Les tribunaux face aux violences sur les enfants sous la Troisième République
      http://rhei.revues.org/35#tocto1n4

      12 Si les coups ont pu être considérés comme des châtiments corporels s’intégrant dans un système éducatif33, au XXe siècle les juges rompent avec cette vision des faits. Les gifles elles-mêmes ne sont plus tolérées au-delà d’une certaine vigueur. Désormais on poursuit les pères qui les distribuent systématiquement.

      Ce vote est une hypocrisie, la france traine des pieds pour agir (et pas seulement au niveau législatif) sur la violence envers les enfants, c’est bien parce que l’europe l’a tancé que les députés nous chient cette petite chose qui ne fait que reculer le moment où la mesure du carnage sera prise. Parce qu’avec 2 enfants morts des coups chaque jour en france, on peut imaginer combien subisse la #violence, les traumas à vie et le cycle transféré sur ses propres enfants ou ses contemporains.

  • Soyons nombreux/ses à nous retrouver le 19/03 à 18h au café Le Polder à Lille (métro Lezennes) pour une discussion autour du dernier ouvrage d’Yves Bonnardel, auteur et militant égalitariste !

    – La domination adulte opprime profondément les jeunes. Les « enfants » sont aujourd’hui réputés particulièrement vulnérables et vivent sous l’emprise d’un statut de « mineur » qui, sous prétexte de protection, leur retire l’exercice des droits fondamentaux qui sont reconnus aux majeurs, aux « adultes ». Ce statut de mineur entérine en fait de nombreuses sujétions et partant, de nombreuses violences. La famille est ainsi l’institution sociale la plus criminogène qui soit, mais l’école est aussi un lieu privilégié d’exercice d’un ordre adulte oppressif. Yves Bonnardel nous rappelle les nombreuses luttes - habituellement passées sous silence - menées par des « mineurs » contre leur condition, contre les discriminations fondées sur l’âge et pour l’égalité politique. Leur donnant la parole, il questionne aussi bien les idées d’enfance et de protection que celle de minorité. C’est aussi la notion même d’éducation qui est ici interrogée. Il nous convie de façon inédite à un véritable voyage révolutionnaire au sein des rapports adultes/enfants, dont notre vision du monde ne sort pas indemne.

    – Éditeur et essayiste, Yves Bonnardel travaille à des sujets aussi divers que l’esclavage des animaux, la domination masculine, l’institution de l’enfance, la discrimination nationale, le système pénal ou la Françafrique. Critique de l’idée de nature, partisan d’un véritable universalisme, il est persuadé que les mouvements progressistes ne peuvent continuer à faire l’économie d’une profonde remise en cause des dominations qui structurent nos sociétés.

    https://www.facebook.com/events/949389231816789/?active_tab=highlights

    #Lille #enfants #adultes #domination
    cc @aude_v @sandburg @tintin

  • Avant-propos à La #domination adulte, de Yves Bonnardel | Le blog de Christine Delphy
    https://delphysyllepse.wordpress.com/2015/09/18/avant-propos-a-la-domination-adulte-de-yves-bonnardel
    https://delphysyllepse.files.wordpress.com/2015/09/pic3a8ce-jointe-1.jpeg

    Dans toutes les sociétés connues, les #enfants sont les possessions de leurs « parents » – quelle que soit la façon dont ceux-ci sont désignés. Les dispositifs consacrés en Occident à la protection de l’enfance, quand on regarde de près leur action dans les cas de violence avérés, sont en réalité là pour réaffirmer le droit supérieur des parents. Les enfants, les jeunes de notre société, sont livrés, sans contrôle de la communauté, à l’#arbitraire d’un ou deux individus. On pense que les agressions sexuelles sur les enfants, qui sont en majorité le fait des parents – enfin, surtout des pères ou des oncles et grand-pères – sont dues aux particularités psychologiques des agresseurs. Mais ces agresseurs sont en réalité « Monsieur-tout-le-monde ». En fait ils sont dus à ce que les mineurs n’ont pas le droit de disposer d’eux-mêmes. On découvre maintenant que l’inceste est fréquent : mais il l’a toujours été. Simplement, avant, il existait un consensus pour ne pas en parler, pour faire comme si cela n’existait pas, alors qu’en fait, c’était tout simplement permis, à condition de ne pas le révéler. Si fréquent que Freud a renoncé à en parler, et en toute connaissance de cause, l’a maquillé en « fantasme » des victimes.

  • Avant-propos à La domination adulte, de Yves Bonnardel | Le blog de Christine Delphy
    https://delphysyllepse.wordpress.com/2015/09/18/avant-propos-a-la-domination-adulte-de-yves-bonnardel

    Dans toutes les sociétés connues, les enfants sont les possessions de leurs « parents » – quelle que soit la façon dont ceux-ci sont désignés. Les dispositifs consacrés en Occident à la protection de l’enfance, quand on regarde de près leur action dans les cas de violence avérés, sont en réalité là pour réaffirmer le droit supérieur des parents. Les enfants, les jeunes de notre société, sont livrés, sans contrôle de la communauté, à l’arbitraire d’un ou deux individus. On pense que les agressions sexuelles sur les enfants, qui sont en majorité le fait des parents – enfin, surtout des pères ou des oncles et grand-pères – sont dues aux particularités psychologiques des agresseurs. Mais ces agresseurs sont en réalité « Monsieur-tout-le-monde ». En fait ils sont dus à ce que les mineurs n’ont pas le droit de disposer d’eux-mêmes. On découvre maintenant que l’inceste est fréquent : mais il l’a toujours été. Simplement, avant, il existait un consensus pour ne pas en parler, pour faire comme si cela n’existait pas, alors qu’en fait, c’était tout simplement permis, à condition de ne pas le révéler. Si fréquent que Freud a renoncé à en parler, et en toute connaissance de cause, l’a maquillé en « fantasme » des victimes.

    Il en va de même des autres violences2. Récemment, quand une députée a proposé en France que les parents n’aient plus le droit de gifler ou de fesser leurs enfants, sa phrase a été accueillie dans l’Assemblée nationale par des éclats de rire. Or il est question d’actes qui sont des délits… quand ils sont commis par un adulte sur un autre adulte. L’idée que la même règle s’applique quand ils sont commis par un adulte sur un individu plus petit, plus faible, et dépendant : il y a bien de quoi s’esclaffer !

    #enfants #enfance #domination #adultes #agisme #patriarcat