Les attaques contre les Juifs dans les villages éloignés, dans les trains et les autobus sont souvent le fait d’unités nationalistes, qui n’ont pas capitulé après la dissolution de l’AK (Armée de l’intérieur)2 en janvier 1945, et qui combattent les « ennemis de la Pologne ». Mais les paysans tuent aussi pour ne pas avoir à rendre les maisons qu’ils avaient volées, ou par crainte d’être inquiétés pour les dénonciations qu’ils avaient commises. En mai 1945 est promulguée une loi qui abroge tous les contrats de propriété passés entre des tiers et les autorités d’occupation, et qui prévoit que toute propriété abandonnée du fait de la guerre sera rendue.
Au-delà des meurtres individuels, le premier pogrom a lieu à Cracovie en août 1945 : attaques de synagogues, de centres communautaires et d’appartements, assassinats. Dans toute la région, qui accueille des Juifs d’autres lieux, les exactions se multiplient. Elles s’étendent à toute la Pologne. C’est dans ce contexte que le bruit court au début de 1946 que des dizaines de milliers de Juifs vont rentrer d’URSS. Ces retours s’opèrent à partir du printemps 1946, sur ordre de Staline, contre l’avis de Gomulka, vice-premier ministre polonais. La décision est prise de diriger ces Juifs vers les provinces de l’Ouest, récupérées ou prises sur l’Allemagne en 1945, en particulier vers la Silésie et la Poméranie. Ces régions sont peu peuplées car désertées par les Allemands, qui ont pris la fuite ou bien en ont été chassés par les Polonais. Aux yeux du gouvernement polonais, cela a un autre avantage : les Juifs ne reviendront ainsi pas dans leurs villages d’origine. En juillet 1946, ils sont 150 000 à être revenus. La Communauté juive en Pologne a quadruplé, et atteint 200 000 à 250 000 personnes. En dehors des régions de l’Ouest, beaucoup s’installent à Lodz, moins détruite que d’autres villes comme Varsovie, et où un grand centre de rapatriement fonctionne : à Lodz se trouvent 17 000 rescapés des camps, 1 500 anciens partisans, 2 000 rescapés des forêts et du ghetto, et 10 000 réfugiés d’URSS.
Les assassinats dans les trains se répandent.